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     39 - Bad trip.

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    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 39 - Bad trip.   39 - Bad trip. EmptyDim 9 Jan - 16:59
    Fosse commune.

    Il guette d'un oeil mort ce vide face à lui. Sous ses pieds, le béton file droit puis se dérobe à la vue, plonge dans un fossé trop carré. Un train passe à toute allure, désordonnant sa chevelure sombre, qui camoufle un regard noir. Comme s'il en avait honte.
    Non. Il n'y a pas de raison d'avoir honte de ce qu'il vient de faire.
    Le bruit trop violent de la ferraille se répand dans l'air, et retombe en pluie grossière autour de lui.

    Il recrache négligemment en direction du ciel des volutes de fumée qu'il ingurgite sans jamais s'en lasser. C'est tout juste si ses joues sont crispées. La seule source de nervosité qui subsiste en lui vient de cette bête au pelage noir qui gît, à quelques mètres. Derrière des barreaux.
    Lui-même n'ira pas loin, il est crucifié d'une main à une grille de fer forgé, seul, au milieu de la nuit d'ouate noire, face à un vieux bâtiment désaffecté, sur le quai d'embarcation d'une gare abandonnée.
    La situation a du charme.

    C'est mal que d'en être arrivé là.
    Mal, mal, mal.
    C'est tellement jouissif que d'avoir mal.

    Un regard vers le bas, vers ses côtes brisées sous sa chemise blanche, et ces éclaboussures de rouge qui entachent l'innocence de cette couleur trop pure. Il peut s'estimer heureux, il a échappé à bien pire. S'en sortir avec seulement des côtes cassées relevaient du miracle ...
    Ca fait mal. Si mal qu'il ne peut s'empêcher de grimacer, de temps en temps, en sentant la trace des crocs imprégnée en lui.

    " Foutu clebs. "

    Je me doutais bien qu'elle était au moins aussi violente que Toi.
    Est-ce qu'à elle aussi, tu lui as raconté comme j'étais mauvais, vil, pervers ... A quel point j'étais un égoïste personnage ? Si l'on considère la violence avec laquelle ta chose au nom imprononçable a tenté de me sauter à la gorge, ça ne m'étonnerait pas.

    " T'en fais donc pas, ton maître ne va pas tarder à venir te chercher. "



    Retour en arrière. Arrêt sur image.
    Une ombre frêle enfonce une porte et se retrouve nez à nez avec un monstre canin bien plus imposant que ne l'est sa maigre silhouette. Silhouette qui se terre aussitôt, se dérobe, rejoint le sol, et se défile sous sa forme féline. Course-poursuite inévitable. Ca avait été simple, si simple. Trop simple. Oh, bien entendu, il n'a pas agi seul, il n'aurait pas osé violer Son domicile et en porter l'entière responsabilité, il était bien trop lâche pour ça.

    Il a détalé comme jamais il n'avait détalé dans toute sa misérable existence, le cabot à ses trousses, avec une distance entre eux deux qui ne cessait de s'effilocher au fil des secondes. Il n'a pas souvenir d'avoir déjà ressenti une pareille panique s'emparer brusquement de lui, une panique mêlée de regrets, de honte quant à ce qu'il avait eu l'audace d'entreprendre. Entrer chez Lui par effraction alors qu'Il était sorti. Narguer l'autre être immortel qui y résidait pour la contraindre à quitter les lieux.
    Durant leur folle course, il s'est demandé de nombreuses fois ce qu'il l'avait réellement pris de faire ça.
    La réponse paraît évidente.

    L'autre attendait au dehors. Il va sans dire que toutes les silhouettes s'étaient effacées dans les couloirs que les deux bêtes avaient traversés, tombant comme des quilles et s'éradiquant du paysage en une infime poignée de secondes. Cette chienne, à ses yeux, elle avait quelque chose d'affreux, d'inhumain. Rien d'affectueux, sans compter qu'il n'avait pas eu le loisir de distinguer cette merveilleuse lueur de vie et de joie toute animale qui scintillait habituellement dans les pupilles des êtres à quatre pattes.
    Lorsqu'ils sont parvenus au jardin, la grosse et méchante bête a rattrapé la petite et innocente boule de poils rousse. La collision fut brutale.
    Heureusement que l'autre était là.

    Ce serait injuste de dire que c'est l'autre qui a fait tout le sale boulot. L'idée, elle ne vient pas de l'autre, tout d'abord. L'autre n'a absolument rien à y gagner qu'à kidnapper un clébard et à l'emmener loin de son propriétaire. L'intérêt, pour lui, résidait ailleurs.
    Le plus jeune immortel aurait honte de dévoiler comment il s'y est pris pour appâter son aîné, et l'entraîner dans ce plan morbide.
    Bad trip.

    Enfin. Maintenant, tout ce qu'il a pu faire pour en arriver là, c'est sans importance.

    L'autre, bien plus vieux que lui, avait décidé de prendre le volant. Il avait comme qui dirait une petite idée de l'endroit où leur course pourrait s'achever. Mine de rien, ça l'amuse de participer à ce jeu qui lui demeure pourtant bien incompréhensible. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, dans la tête de son cadet qui vient de recouvrir forme humaine et de s'installer sur le siège passager, après s'être assuré que la bête était tranquillisée. C'est pas tant que ça l'intéresse de découvrir quoi, mais il doit avouer que la chose l'intrigue.

    - Eh, mec, tire pas cette tronche. C'tait ton idée, nan ? Tss, t'es tout d'même un sacré phénomène. Avoue au moins qu'on a passé un bon moment, tous les deux.

    Haussement de sourcils évocateur, que le plus jeune n'a même pas besoin d'apercevoir pour sentir ce regard gras imprégné en lui. Le prix à payer, faute de moyens financiers. C'était soit ça, soit revendre son piano ou le violon de Jowan ...
    Des doigts glacés s'emparent de son menton pour tourner vivement son visage vers celui du conducteur.

    - Eh. T'es mignonne, alors fais-moi un beau sourire, t'es tout d'même plus agréable à r'garder comme ça.

    Comment pourrait-il sourire ... alors qu'il est en train de trahir celui pour qui il se serait scindé en deux ? Celui pour lequel il s'est déjà déchiré tant de fois ...
    Les joues prises dans un étau, il lui répond d'un ton aussi chaleureux qu'un radiateur à l'abandon.

    " Tu ferais mieux de regarder la route. "

    On sait ce que ça donne quand on n'y prête pas attention ...



    Et maintenant ?
    Et maintenant, rien. Le cruel silence du quai bondé de fantômes. Un souffle mortuaire qui s'engouffre dans ses cheveux. L'écho, au loin, d'un concert qui se déroule en ville, sur une place. Ca lui semble être du jazz. Mihaïl aurait adoré. Pourquoi ne pas avoir choisi de l'emmener à un concert de jazz, plutôt que de l'appâter comme un vulgaire brochet, dans un lieu exempt de la moindre trace de civilisation ... ?

    La bête somnole dans sa prison de fer. Ca le tue de penser que cette foutue bestiole compte plus aux yeux de son ancien protégé que lui-même. C'est pour elle qu'il viendra. Si seulement il daigne effectuer le déplacement.
    Est-ce que ça vaut vraiment la peine d'attendre ici toute la nuit ? A-t-il seulement ... envie de le voir ?
    Oui. Et pour en avoir la certitude, et s'empêcher de réellement se poser la question, il a demandé à son aîné, avant que ce dernier ne parte, de le condamner à ne pas quitter la gare avant le lever du soleil.
    L'autre a haussé les épaules et levé les yeux au ciel. Désespérant, a-t-il dû se dire, un peu trop fort peut-être. Au final, ce n'était pas ses affaires, alors il a usé de ces dons d'immortel, a tordu les barreaux d'une grille sans effort, et lui a crucifié la main à même le sol.

    Même pas mal.
    C'est tellement bon.

    Tellement bon de Lui rendre la monnaie de sa pièce. Vrai, s'il a agi d'une manière si abjecte, c'était uniquement par rancune. Pour lui faire comprendre ce que ça fait que de rentrer, et de se retrouver seul. Seul face au silence. Sans aucune présence autre que la sienne propre dans un appartement vide de sens. Avec toutes ces anciennes disputes qui jonchent le parquet.
    Il a mal.

    Non, en fait, ce n'est pas pour ça qu'il a agi de la sorte.
    C'est juste dans l'espoir de Le revoir.

    Qu'Il vienne chercher son foutu clebs et ainsi, il pourra L'observer un temps, à peine, quelques secondes. Juste quelques secondes. Serait-ce trop te demander ? Serait-ce trop te demander que de me laisser poser les yeux sur toi, une dernière fois ? Tu m'as dit ... que l'on ne se reverrait jamais. Ta lettre ment. Ta lettre ne peut pas dire la vérité. Juste une fois. S'il te plaît. Pour une fois. Me faire plaisir. Une dernière fois.

    Sa figure fond dangereusement en une expression douloureuse. Il tente vainement de se dégager, de partir, peut-être n'est-il pas encore trop tard ... Mais sa main bloque, son bras coince, son corps ne peut se déplacer. Prisonnier de ses propres caprices qu'il peine à assumer.
    Tu veux que je te dise ce que j'en fait de ta lettre ? Je l'ai brûlée. Déchirée. Détruite, éradiquée ! Elle n'existe plus ! Elle n'aurait jamais dû exister.
    C'était me détruire une fois encore que de me l'envoyer.

    La nuit est belle.
    Noire, silencieuse. Somptueuse.
    Derrière lui, bien loin derrière la grille, il y a une balançoire.
    Noire. Silencieuse.
    ... Grinçante.

    Des barreaux dans son dos. Des barreaux de l'autre côté des voies ferrées. Des barreaux, entre lui et l'animal. Des barreaux tout autour de la bête.
    Des barreaux, des barreaux, des traits continus et infinis. Même l'horizon semble vouloir l'enfermer dans un monde qui n'est pas fait pour lui.

    Juste, pour te revoir. Pour être fier de Toi. Fier de ce que je t'ai fait. De ce que nous avons fait, ensemble. Fier d'être ton Sire. Fier de partager ton sang. Ton âme. Juste, pour ne pas laisser cette chose en moi s'éteindre, cette chose qui fait que tu vivras éternellement, quelque part en moi. Enfoui. Ca diminue jour après jour. Tous ces jours que tu as passé en Russie, à nous fuir, ça a recouvert de neige et de glace cette chose que je croyais indestructible.
    Juste pour m'évertuer à croire que je ne me suis pas anéanti pour rien, cette nuit-là, lorsque tu m'as demandé ... de mettre fin à tes jours.

    Juste, pour te revoir. Une dernière fois. Mon Infant.
    Mon Enfant.

    _________________

    ~ Don't be afraid, you're already dead ~



    Mihaïl Egonov
    Vampire


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    NATIONALITÉ: Russe
    MÉTIER: Luthier-ébéniste, violoncelliste
    Sujet: Re: Bad trip [Mihaïl] Jeu 16 Sep - 22:31

    --------------------------------------------------------------------------------

    Peu de clients, ce soir. Loïc O'Mahan, l'irlandais de pure souche installé depuis vingt ans à Northwood, en profite pour faire ses comptes. Penché sur le contenu de sa caisse avec un carnet et une calculatrice, le patron du bar le plus mal famé du quartier grince devant des chiffres peu satisfaisants. Il faut dire que le mobilier en prend un coup à chaque bagarre. Il n'aurait certainement pas dû nommer son établissement le Western Bar. Certains semblent s'y croire.
    Accoudé au comptoir, le dos voûté, un homme vêtu d'un long manteau de cuir contemple sa vodka. De temps en temps, il boit. Son visage est à demi-caché par un feutre noir. O'Mahan l'observe du coin de l'oeil. Il ne l'a jamais vu dans son bar. Un peu maigre, assez grand, il lui fait penser à un cow-boy. Sa face disgrâcieuse, qu'il peine à cacher derrière son col, se remarque de loin. Le pauvre n'a pas vraiment été gâté par la vie : de longues cicatrices lui barrent le visage, et son nez aurait la côte en tant que perchoir chez les charognards à plumes. On aurait voulu faire plus laid, on n'aurait pas pu.
    Son regard se perd dans le reflet des bouteilles qui lui font face sur l'étagère.
    O'Mahan n'a pas mis de miroir en face. Il faut dire que sa clientèle "normale" pourrait être choquée de ne pas y voir le reflet du barman et de certains autres clients.

    Alors qu'il jette un nouveau coup d'oeil en direction du balafré, il le voit déposer sur le comptoir une liasse de billets. Pourtant la vodka n'est pas si chère. Avec l'argent, un papier avec un numéro de téléphone.
    Le client relève la tête et croise le regard du patron. Deux yeux bleus scintillent au milieu du champ de bataille de son visage, où s'affrontent mèches de cheveux blondes et cicatrices profondes.

    - On raconte que tu sais tout ce qui se passe et que tu connais tout le monde, ici, dit enfin l'homme d'une voix assez grave. On dit vrai ?
    - On ne te raconte pas d'histoires, mon p'tit père... Michael Farges, tu rôdes dans les rues depuis une semaine, fouinant dans les bars, chez les putes à vampires, dans les hôtels les plus glauques de Northwood... Tu ne passes pas inaperçu, mec, avec toutes les questions que tu poses.
    - Tu sais ce que je cherche ?
    - Tu veux que je t'aide à le trouver ?

    Ils échangent un sourire. Léger. Le client trempe ses lèvres dans sa vodka et en engloutit une bonne gorgée. Revigorante. On pourrait le croire adepte de ces lieux pitoyables mais pourtant il hait ce genre d'endroits auxquels le brouillard extérieur n'a rien à envier. On distingue à peine les visages derrières les volutes de fumée. Les attitudes y sont généralement agressives et malsaines, et puis c'est pas comme si les chaises étaient confortables...

    - Il s'appelle Leonid Yasha. Je veux savoir où et quand il débarquera ici avec son clan, si ce n'est déjà fait. Si tu entends dire quelque chose, contactes-moi.

    Le boss compte les billets. Puis grimace.

    - Hum ça va pas suffir, mon gars. Ca vaut pas ton précieux renseignement.

    Michael Farges dessine une moue désabrobatrice sur ses lèvres fines. Ses recherches commencent à lui coûter cher. Au bout d'un court silence, il s'apprête à reprendre l'argent. Lorsque soudain, le patron abbat sa main sur son bras. Doucement, il se penche vers lui, et parle un peu moins fort.

    - Attends voir... On peut négocier, petit. T'as pas une tronche sympathique mais je te trouve intéressant, ça fait plusieurs nuits que je t'observe fouiller le secteur à la recherche de ton gaillard... Qu'est-ce que tu sais faire ?
    - Fabriquer des instruments de musique... Jouer du violoncelle...
    - Okay, Michael. Reviens me voir demain soir avec ton crin-crin. Ici y'a pas un super public, souvent des bastons, mon dernier groupe s'est fait défigurer par des tessons de bouteille, mais je continue à penser que la musique peut adoucir les moeurs. Si t'es bon, je te prends pour les deux semaines qui viennent. Marché conclu ?
    - Ravi de faire affaire avec toi.


    Michael Farges. Ce n'est pas son vrai nom. Oh que non. Cela ne représente qu'une part plus ou moins légale de son existence. Il n'existe plus qu'à travers sa carte d'identité, pour l'administration humaine. Il existe aux yeux de l'éternité pour si peu de gens. Cette carte, d'ici quelques années, il devra la jeter. Plus crédible. La jeunesse figée dans le temps ? Oh non, ça n'existe pas, bien sûr. Pas officiellement.
    Le jeune vampire a fini sa vodka et quitté le bar de O'Mahan. Son long manteau de cuir noir rasant les pavés humides et crasseux, il fait claquer ses chaussures en un rythme imperturbable, le long des ruelles faiblement éclairées. La nuit est tellement noire qu'elle semble vouloir engloutir tout le décor, lampadaires inclus. Mais cela ne dérange aucunement Michael.
    Il déambule dans ces rues qu'il commence à connaître, pour les arpenter chaque soir. Un concert de jazz se joue en plein air, au milieu d'une place éclairée de spots. Quelques dizaines de personnes s'y sont rassemblées pour apprécier la musique. Le néonate s'égare parmi eux, sans pouvoir s'en empêcher. Dans une poche, quatre de ses doigts tapotent sur le cuir, imitant les mouvements de la main d'un contrebassiste.
    Ca le démange, il n'y peut rien.
    Huit mois. Huit mois qu'il n'a pas joué.
    Huit mois qu'il n'a pas assisté, en toute sérénité, à ce genre de concert, en bonne compagnie.

    J'aimais tellement ces moments-là, avec Toi... Aujourd'hui, plus rien n'a la même saveur qu'hier.

    Il ne L'a même pas aperçu une seule fois depuis son retour. Il n'a même pas osé Lui rendre visite. Que Lui aurait-il dit ? "Bonsoir, je ne t'aime plus, on s'est quittés, mais j'étais dans le coin alors je me disais que ça pourrait être sympa de se retrouver, malgré tout, en bons vieux copains".
    Après tout, comme dit dans sa lettre, il n'était pas censé revenir...
    Michael doute qu'Il aie envie de le revoir après qu'il ait tué leur histoire. Alors il évite de remuer le couteau dans la plaie, il joue au lâche, et remplace un problème par un autre.
    Tant qu'à pouvoir choisir... Autant prendre celui qu'il lui semble plus facile de résoudre. Tuer un chef de clan de deux cent ans son ainé, prenant le risque de s'attirer la vengeance de tout le dit clan, est d'après lui plus aisé que d'entretenir une relation de rêve avec son Alter Ego. A vrai dire... il n'a plus d'espoir.
    Ca le rendait dingue. Il a pété les plombs. S'est suicidé.
    Il laisse tomber.

    Le concert n'a que très peu d'intérêt à ses yeux, à présent. Le balafré s'éloigne, semant ses regrets un à un derrière lui.
    Il rejoint sa chambre d'hôtel en montant un escalier étroit dans une demeure étroite. Sa chambre est des plus déprimantes et minuscules, il doit enjamber le lit pour accéder à la salle de bains.
    C'est à peine s'il a défait son bagage en rentrant de Russie. Son frère est venu lui apporter quelques affaires en attendant que la situation s'améliore.
    Même s'il n'avait pas le projet fou de s'en prendre à un Ancien... il reste quand même en danger de mort.

    Michael s'écroule sur son lit. C'est dans ces moments-là, où il sent véritablement peser la solitude sur ses épaules, qu'il ne peut s'empêcher de penser à sa famille, à Edwin, à ses amis qu'il ne peut pas revoir pour le moment. Et puis à sa petite nièce, qui n'a que quelques mois. C'est bien la première fois qu'un bébé le perturbe autant. Qu'il se dit qu'il en aimerait un...
    Trop tard, mon vieux, trop tard. T'es game over. Pas de descendance. Fallait réfléchir avant.
    Le téléphone portable vibre dans sa poche, l'extirpant de ses songes mélancoliques. Un coup de pouce et le clapet s'ouvre. Quelques mots de russe troublent le silence pensant.

    - Bonsoir Youri... Non, toujours rien, mais... quoi ?... Le néonate se redresse brusquement. Mais qu'est-ce qui s'est passé ?! Attends, bouges pas, j'arrive !

    Il enfile à nouveau son manteau et ses chaussures, et ferme la porte à clé derrière lui avant de dévaler les marches de l'escalier.
    Un peu plus tard, il passe les grilles du manoir, se faufile dans les couloirs, et gagne son appartement. Pendant sa longue absence, son cadet est régulièrement venu s'occuper de sa chienne et arroser sa minable et indéfinissable plante verte sur le balcon.
    Il pousse la porte et le découvre vautré sur une chaise près de la fenêtre ouverte, une cigarette aux lèvres.
    Youri se retourne et fronce les sourcils. Qui est donc ce blond à l'apparence bizarre qui ose s'introduire ici sans frapper ?

    - Ho là, t'es qui, toi ?
    - Stresses pas, c'est moi.
    - T'as une sale gueule, frangin.
    - Je ne tiens pas à ce qu'on me reconnaisse, je suis censé être à des milliers de kilomètres d'ici. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ?
    - Bah voilà, j'ai entendu aboyer Zdravka dans les couloirs, j'ai pas réussi à la rattraper. Elle poursuivait un p'tit con de chat qui l'avait sûrement taquinée. Tu la connais, elle est comme toi, elle part au quart de tour. Quand je suis venu jusqu'à chez toi j'ai remarqué que la porte était grande ouverte, y'avait déjà un humain dedans qui essayait de te piquer des trucs... Il tire une taffe, puis expire. Je dis bien essayer parce que tout ton bordel, sérieux, ça vaut pas trois roupies, mec. J'ai gentiment foutu le mortel dehors - ouais enfin, je l'ai un p'tit peu mordu - et... Mimi, tu m'écoutes ?

    Michael s'est égaré près de la porte d'entrée, une main contre l'encadrement. Ses paupières abaissées, il semble se concentrer sur quelque chose.
    Une odeur. Une sensation. Une douleur, là, au creux du ventre, qu'il n'avait pas ressentie depuis... Huit mois.

    - Ce n'est pas lui qui a forcé la porte... Ca, j'en suis sûr et certain.

    Youri hausse un sourcil interrogateur. Mais sa question silencieuse ne trouvera pas de réponse pour l'instant, car déjà son grand frère disparait dans le couloir, sans rien ajouter.


    Un quart d'heure plus tard s'éteint le chaleureux ronronnement de la moto, sur le parking d'une vieille gare désafectée. Cela fait des années que le train ne s'arrête plus à Northwood, mais quelques kilomètres plus loin dans la ville d'à côté.
    Michael retire son casque ainsi que ses gants.
    Edwin... Il sent la présence d'Edwin, non loin de là. Comme une évidence, ce qui lui tord le ventre lui a montré le chemin de son complément d'âme.

    De l'intérieur de son manteau, il sort une petite bouteille métallique. Il en avale le contenu cul sec. Et quelques secondes à peine suffisent à la mixture pour lui faire retrouver son apparence normale. C'est un autre élixir, qu'il a toujours sur lui et qu'il a payé une fortune, qui lui permet de modifier son apparence physique et de perturber son aura, le temps d'une douzaine d'heures. Il doit se déplacer incognito s'il veut pouvoir prendre Leonid par surprise. Aux dernières nouvelles, ce dernier est censé avoir tué le néonate au beau milieu de la taïga, deux semaines plus tôt. Il ne fait aucun doute qu'il tentera à nouveau de le supprimer s'il le retrouve.

    Michael Farges, au faciès disgrâcieux, redevient donc Mihaïl Egonov, avec son visage de marbre, ses traits slaves et sa longue chevelure noire indisciplinée. Il range la bouteille dans sa veste et s'avance en direction de l'entrée de la gare. Il perçoit deux autres présences mais ne saurait distinguer l'une d'entre elles... S'il a reconnu la puissante aura de Zdravka, en revanche la troisième ne lui dit absolument rien.
    Qu'est-ce que signifie toute cette mise en scène ? Il ne comprend rien.
    Il ralentit le pas en apercevant cet inconnu, adossé à la tôle ondulée. L'homme lève la tête en l'apercevant. Un sourire sur ses lèvres. Peu engageant. Il se redresse, se rapproche. Méfiant, Mihaïl est sur ses gardes.
    Deux mains fermes se referment sur ses épaules.

    - Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous me voulez ? s'énerve déjà le néonate. Lâchez-moi !
    - Ou bien quoi ? Tu vas me faire du mal ? Oooh une jolie petite minette comme toi, laisse-moi donc frémir de peur ! J'ai compris votre trip, à tous les deux, vous aimez vous faire du mal, hein. Ben tu vas être servi deux fois.

    Une main froide se glisse sous son pull. Le russe tente vivement de s'écarter. Brutalement, il se retrouve plaqué contre le mur. Il se débat de toutes ses forces, sentant remonter en lui une vague de sensations terribles et de souvenirs qu'il n'a jamais pu effacer. C'est le traumatisme qui le fait rejeter aussi violemment l'Ancien qui tente d'abuser de lui.
    Jamais plus... Jamais plus on ne lui fera subir un tel traitement. Il préfèrerait cent fois se jeter sous le soleil. L'Ancien se montre entreprenant et s'attèle à lui défaire sa ceinture. En tentant de le repousser, Mihaïl se retient de gémir. Il en a tellement peur. Un cri d'effroi lui arrache les cordes vocales sous la forme du prénom d'Edwin. Qu'est-ce que ce monstre a bien pu faire de lui ?! Et si... Non ! Il l'aurait su ! S'il l'avait tué, il ne sentirait plus sa présence à quelques dizaines de mètres de là... Juste à côté... Mais pourquoi ne vient-il pas l'aider ?!

    - S'il a fait ça pour toi c'est que tu devais valoir le coup ! Ton pote ne m'a pas suffi, viens par là mon mignon, ajoute l'inconnu en se serrant contre lui.

    Le simple fait de penser à ce geste lui fait mal, mais il est bien obligé de se défendre. Coup bas, peut-être, mais généralement ça fonctionne. Mihaïl s'apprête à lancer son genou dans l'entrejambe de son agresseur mais ce dernier, plus vif qu'il ne le pensait, lui attrape la jambe. C'est peine perdue de penser qu'il peut se mesurer à un vampire aussi âgé. Si seulement Zdravka était là, elle n'en ferait qu'une bouchée !
    Les deux vampires échouent sur le sol. Dans la lutte, l'ainé déchire le col de son vêtement. Mihaïl commence à hurler, espérant que son Sire, ou que n'importe qui vienne à son secours. L'Ancien le chevauche et le ceinture d'un bras, plaquant fermement une main sur sa bouche, l'immobilisant face contre le béton.

    - Si t'arrêtes pas de gueuler, je vous tue tous les deux !

    Mais le jeune homme semble ne rien entendre et ne se résigne pas. Paniqué, il ne peut s'empêcher de gesticuler, ce qui semble attiser le désir de l'agresseur. Tandis que ce dernier jouit de la terreur de sa proie, entre deux tentatives pour lui mordre les doigts Mihaïl pense à Leonid. S'il y a bien quelque chose qu'il lui doit, c'est son enseignement un peu rude.
    Il tente de se calmer et cesse de lutter, ce qui semble perturber son aîné. Profitant de sa surprise, il se retourne brusquement et lui enfonce deux doigts dans l'oeil gauche.
    Tu payeras pour lui, enfoiré.

    Peu importe l'âge, l'altération d'un sens perturbe n'importe qui. Mihaïl en profite pour se glisser hors de ses bras et se relever. Il se précipite à vive allure dans les locaux déserts de la gare. Il se doute que l'Ancien sera furieux et qu'il ne manquera pas de le lui faire payer.
    Lorsqu'il atteint les quais, il se retrouve face à son Sire, de l'autre côté des paires de rails, à côté de Zdravka. Tous deux sont prisonniers.

    Et là... Il s'immobilise. Il ne s'attendait pas à un tel choc en croisant à nouveau Son regard.
    Inconsciemment, il a posé la main sur son ventre. Ca lui fait tellement mal, là, d'un coup. Comme un monstre aux crocs acérés lui rongeant les entrailles.
    Et non, il ne L'a pas oublié. Il n'a jamais pu L'oublier. Il vivra avec une part de Lui durant l'éternité. C'en est presque terrifiant de devoir cohabiter avec une autre âme, une bête, dans son propre corps. Cette sensation qu'il n'est pas libre, et qu'il Lui appartient pour toujours, il l'épprouvera à jamais.
    Jusqu'à ce que l'un d'entre eux disparaisse...

    Au-delà de Ses blessures physiques, il pourrait presque sentir Ses blessures intérieures, comme si elles s'inscrivaient doucement en lui-même. C'est une osmose dont il ne veut plus... Du moins, il pense ne plus en vouloir. Tout est fini entre eux, il tente de s'en persuader. Mais en fait... il n'y croit même plus. Il est enchaîné à cet homme, pris dans les mêmes racines que Lui.
    Et même la plus grand distance entre eux ne suffisait pas à faire cesser de gronder ce monstre qui grandissait en Mihaïl, probablement en Edwin aussi.

    Des bruits de pas précipités. L'Ancien, qui a repris ses esprits, est entré dans la gare et le cherche.
    La lueur des phares d'un train brille à l'extrémité des quais. Mihaïl saute entre les rails et les traverse jusqu'à arriver de l'autre côté. Il tente de réfléchir intelligemment, et surtout vite. En priorité, se débarrasser de cet encombrant vampire. Il saisit une espèce de barre solide entreposée dans un tas de ferrailles et l'abat violemment sur le cadenas de la cage de Zdravka.
    Entretemps, l'Ancien arrive, mais se voit retardé par le passage du train. Il faut faire vite. Plus que vite.
    Le cadenas cède enfin. L'ainé s'élance sur l'autre quai au moment où le cadenas cède. La porte de la cage s'ouvre. Un ordre est donné en russe, et la chienne se jette férocement sur l'agresseur.
    La lutte est sanglante. L'homme hurle en la sentant lui arracher des lambeaux de peau, des morceaux de membres. C'est un spectacle peu ragoûtant.

    Nettement soulagé par l'intervention de sa protectrice, Mihaïl se retourne vers Edwin.
    Il pourrait Le libérer. Oui... Il pourrait...
    Mais quelque chose, son instinct sans doute, lui retient les pieds au sol, sur la ligne blanche du quai. Il hésite. Il se remet les idées en ordre.
    Il se rappelle les mots de l'Ancien, alors qu'ils en étaient venus aux mains... "Se faire du mal" ? "Il a fait ça pour toi" ?
    Ses blessures... Il n'en est que sûr, ce sont celles d'un animal. D'un énorme animal. De son animal.
    On ne peut plus calme et silencieux, Mihaïl Le regarde droit dans les yeux. Son Masque de pierre a recouvert son visage, mais à l'intérieur... Il se brise. Il se sent profondément trahi. Détesté. Il a compris. Ou presque.
    Pourquoi ?! Mais pourquoi lui infliger ça ?!

    Le russe détourne lentement le visage vers Zdravka. La chienne déchiquette le vampire qui ne cesse de hurler. Il pourrait l'achever, lui aussi. Oui, il pourrait.
    Il s'asseoit par terre, face aux lumières qui longent le quai jusqu'à l'infini. Sans un regard supplémentaire vers qui que ce soit. Il soupire, regarde le sang sur ses doigts.

    - Me demande pas de te trancher la main, cette fois...

    Sa bête lui fait terriblement mal. Il a envie de vomir.
    Un soubresaut, puis un second, un troisième. Son estomac le brûle, et tout ça pour rien, puisqu'il n'a rien à rendre.
    Il se retient au sol pour ne pas s'écrouler. Juste le temps de quelques secondes, pour reprendre ses esprits. Esprits qui n'ont encore pas saisi qu'il était mort, et que le malaise n'avait aucune raison d'être.
    Il s'allonge un instant, se vautre en plein milieu du quai, ses grandes jambes maigres comme disloquées sur le béton. Il a mal au corps. Mais ça ne vient que de sa tête.

    - J'imagine... que c'est de ma faute, tout ça. Pourquoi t'en prendre à ma chienne ? Ca t'aurait épargné des morsures de t'en prendre à ton nouveau-né. Ca ne déchiquette pas son parent, un nouveau-né.

    En principe.
    J'ai tellement vu d'horreurs que je ne suis plus très sûr de mes principes.

    - Tu m'en veux à ce point ?

    Je te rappelle que Tu es parti le premier. Je t'ai peut-être laissé sans amour mais Toi tu m'as laissé sans repères. Un prêté pour un rendu, tu me diras.
    Je le méritais sans doute...

    J'avais pas le droit d'être mort.

    _________________

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    Edwin Vanelsin



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    Sujet: Re: Bad trip [Mihaïl] Jeu 23 Sep - 21:10

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    Ton égocentrisme te tuera.
    C'est audacieux, comme première phrase. Mais tu sais, si tout ça ne te plaît pas, rien ni personne ne t'empêche de continuer.

    Finalement, je pense que je vais te laisser crever seul dans cette fosse.

    Pourquoi. Toi. Toi toujours. Toi encore. Toi maintenant. Je sais que tu es arrivé. Il faut dire, que tu n'es pas très discret. Qui est donc ce Sire de substitution que tu t'es accaparé ? Quel beau travail il a fait, tu es encore pire que moi. L'Ancien ne fera qu'une bouchée de toi.
    Ca tombe bien. C'est exactement ce que j'avais prévu. Que tu fasses du bruit. Qu'il te voit. Qu'il te coince. Souhaites-tu que je poursuive ? Je sais parfaitement ce qu'il te fera, s'il te met la main dessus. Et je savais, qu'il te mettrait la main dessus.
    Penses-tu réellement ... qu'il n'avait que ça à foutre, de t'attendre de son plein gré ?
    Sur le plan qui l'intéresse, mon pauvre Mihaïl, je crois hélas être bien plus en mesure que toi de satisfaire ce salaud. Serait-ce t'offusquer que de te cracher au visage que je joue mieux au prostitué que toi ?

    Sérieusement ... tu n'as quand même pas cru que ta petite personne l'intéressait ...



    - Eh, explique-moi un truc. Pourquoi tu le butes pas, s'il t'emmerde tant que ça ? Tu sais, lui piquer son clebs, ça va juste lui faire les pieds, mais ça va rien arranger. Donne-lui donc une bonne leçon ! Sois pas mauviette, fais-lui comprendre qui est le patron. C'tout d'même grâce à toi qu'il vivra pour toujours. Si c'était moi son Sire, j'estime qu'il me devrait un minimum de reconnaissance.

    Certes.
    Le cadet hoche tout juste la tête. L'aîné a tapé juste, mais tout ça, c'est au-dessus de ses forces. Il ne peut pas concevoir de soumettre Mihaïl à quelque volonté que ce soit. Et certainement pas à la sienne. Il sait trop ce que ça fait que d'être plié sous la contrainte, et victime des caprices et de l'égoïsme d'un autre ... Ca vous entrave, ça vous aliène, ça vous ampute de votre humanité. Aussi distant que puisse être Mihaïl, jamais il ne se comportera de la sorte avec lui. Jamais. D'ailleurs, à la réflexion, c'était peut-être déjà trop osé que de s'introduire chez lui, et de se permettre de lui subtiliser ce monstre.
    Monstre, oui. Il ne considérera jamais cette bête comme un animal commun. Intuition féline ?

    Les mots ont du mal à s'ordonner dans sa bouche. Il faut dire qu'à l'étage supérieur, dans sa tête, c'est déjà le capharnaüm. Et pourtant, certains aveux honteux commencent à se formuler, entre ses lèvres. Parce qu'il le faut, et que ça ne peut plus durer ainsi. L'aîné a raison. C'est grâce à son Sire, si Mihaïl s'est vu octroyé tant d'avantages, tant de magie, tant de nouveautés !
    Un peu de poigne, que diable.

    - T'es quand même pas une tafiole à part entière ?
    - Fermes ta gueule.
    - Oho, mais regardez-moi ça ! Dis donc, c'est un sujet sensible, ce p'tit père. Faut que t'y remédies. T'as déjà pas super bonne réputation, mais alors si en plus ça s'ébruite que tu te fais mener par le bout du nez par un néonate, t'es fini, mec. Ils vont faire qu'une bouchée de toi. Les rebuts des fils de Caïn, on les éradique, et faudra pas compter sur moi pour protéger tes jolies miches.

    Ce serait peut-être pas si mal, qu'on me tue enfin pour de bon ... Qui en aurait quelque chose à foutre, tu vois bien que même Lui se débrouille parfaitement sans moi ...

    - Bon. Comme t'es gentille, et du genre convaincante quand tu veux bien, je peux peut-être te proposer de faire le sale boulot à ta place.

    ... Le sale boulot ?
    Ses prunelles violacées entrent en conflit avec le regard si dur de l'autre. Il ne comprend que trop bien ce que cette proposition signifie. Il a déjà des tas d'images qui défilent sous les yeux. Il hésite. Mais l'autre semble vouloir éradiquer ses doutes.

    - Il se doutera pas que l'idée vient de toi. Mais j'te jure sur ma propre tête que j'vais lui faire passer un moment qu'il risque pas d'oublier de sitôt. J'vais pas y aller dans la dentelle, crois-moi. C'est ça que tu veux, nan ? Qu'il paye, qu'il en bave ? Eh ben puisque t'as pas les couilles de le faire, je t'offre la possibilité de me charger de son cas à ta place. Mais j'te préviens. J'fais rien gratuitement.

    Immobilité parfaite. Pas une brise de rictus, pas une effluve de réaction ne perturbe le visage du cadet. Ce serait trop simple. Et tellement inhumain. Laisser Mihaïl à cet être qui ne sera rassasié qu'après lui avoir épuisé corps et âme ... Qu'après ... l'avoir détruit une fois de plus, et lui avoir laissé en souvenir de jolis cauchemars qui solderont ses prochaines décennies.
    Et pourtant il ne bronche pas. Demeure impassible. C'est comme s'il avait déjà dit oui.
    Pourtant, jamais le mot ne sortira tel quel de sa bouche.
    Mais son regard meurtri le trahit.

    - T'es pas obligé d'me le dire. J'comprends. Je m'en charge, okay ? Tires pas cette tronche, il saura pas que ça vient d'toi, j't'ai dit. Toute manière, j'ai bien envie de voir ce qu'il donne, ton p'tit protégé, et voir si ça vaut vraiment le coup que tu te décarcasses autant pour lui. Tu veux mon avis ? Trouves-toi un autre Infant, un qui te sera dévoué, pas comme lui. Et lui, laisse-le crever. T'en connaîtras d'autres. Ca m'fait mal au cul d'dire ça, mais tu mérites mieux mec, crois-moi.

    Un peu de douceur dans ce monde de brutes.
    Peut-être que ça aura convaincu le plus jeune à franchir le pas, et à vendre le corps et l'âme de son Infant.

    - Je suppose qu'il est pas très fut-fut et qu'il passera par l'entrée principale ?
    " Probablement. "

    Silence de mort. Le cadet fait preuve d'encore trop de retenue, comme s'il faisait semblant d'hésiter encore. C'est mal. C'est pire que mal. C'est répugnant. Ca ne devrait même pas exister, des pensées pareilles. Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi va-t-il si loin ? Pourquoi détruire ce qu'il cherche à reconquérir ? Peut-être ... parce qu'il a réellement perdu espoir de le reconquérir. Et qu'il n'est plus que rancune, méchanceté, et amertume.
    Comme si.

    " Il sera en moto, habillé en couleurs sombres. Noir probablement. Aussi jovial qu'une pierre tombale. Tu pourras pas le louper. Et te fais pas de bile, il a reçu aucun enseignement. Il se défend très mal. "
    - C'est quand même pas un fils de ... quoi ? Tu veux que je le baise jusqu'à lui en faire exploser les côtes mais tu t'offusques quand j'veux l'insulter ? Faut t'faire soigner mec.

    Le menton frais retrouve sa place entre les doigts glacés.

    - Demain, même heure, chez moi. Et ne sois pas en retard, sinon je me ferai une joie d'inviter d'autres de tes fréquentations pour te remplacer. Tout se paye.

    La lâcheté aussi.
    Surtout la lâcheté.



    Face à face immuable.
    Ca sert à rien de me regarder comme ça, Mihaïl. C'est à toi de gérer cette situation. Pourquoi t'aiderais-je ? Tu m'as tant craché à la figure. Tu as fui à l'autre bout du monde, dénigrant mon aide, ma tendresse, tout ce que je t'ai toujours promis. Vois l'être inhumain que tu es devenu. Profiteur, profiteur. Remember ? Ca t'arrange que je soie là parce que tu es dans une situation critique. Mais ne compte pas sur moi pour jouer les héros.
    Si tu crèves cette nuit, je refuse d'en être responsable.

    Tout ça, ça manque de crédibilité.
    Toutefois, la vérité réside dans le fait qu'il est parfaitement immobile. Il fume négligemment, hors de ce monde, de toute cette violence qui se fracasse sur sa tête. Il n'en a que faire. Il n'est pas acteur de cette comédie-là. Même pas spectateur. Rien. Ensemble vide. Un maigre sourire se dessine sur ses lèvres, ourlées d'une certaine fierté. Pas tant vis à vis de lui-même, non. Mais vis à vis de son Infant.
    Tout s'est déroulé comme il l'avait espéré. Il a bien fait de parier sur Sa tête.
    Alors ça ne le surprend pas que de se retrouver face à face avec lui, et ce lot de questions attendues.
    Tu es encore loin d'être à même de comprendre ... le dévouement d'un Sire, pour son Infant. Et son appartenance à son dernier, quoi qu'il advienne.

    C'était un hasard que l'aîné se soit trouvé là, patientant à l'entrée de la gare, alors qu'il aurait mille autres choses à faire. C'était un hasard que le cadenas ait cédé si facilement. Un hasard qu'eusse traîné une barre de fer pour le forcer. Un hasard, que Zdravka ait atterri dans ce décor.
    Et que je soie là, superviseur de toute cette supercherie.
    N'est-ce pas que ça sent le coup fourré ?

    Leçon numéro un. Chasser ses fantômes, éradiquer ses cauchemars.


    Un sourire, sur ses lèvres. Sincère. Comme s'il aurait osé lui demander de lui trancher la main. Comme s'il aurait osé lui demander quoi que ce soit. Il a compris que ce temps-là est révolu. Qu'il n'a jamais été en mesure d'exiger quoi que ce soit de Lui, malgré certaines circonstances. C'était on ne peut plus normal que de se détruire pour Lui donner la mort. N'est-ce pas ?
    N'attends rien des relations humaines, et ne donnes pas dans l'espoir de recevoir en retour, disait une sage voyageuse.

    Et puis, il se met à rire, sans pouvoir le contrôler. Ce n'est même pas un rire nerveux, c'est un réel ... amusement face à la situation, et aux prétentions de son Infant. Lui qui se croit si indépendant, suffisamment grand pour pouvoir évoluer seul dans ce monde de brutes. Lui qui se persuade que réellement, un Sire, c'est l'équivalent du néant, et qu'une fois qu'on en a tiré profit pour accéder à l'immortalité, on peut le faire devenir déchet et le jeter au loin.
    Quels défis résident donc dans la simplicité ?

    " Ca fait tellement longtemps que l'on n'a pas ri ensemble. "

    Une cruelle réalité, énoncée avec un sérieux qui s'est de nouveau soudainement accaparé son faciès. Rien de ce qui les entoure ne l'atteint. La chienne dévore le corps qui a trop vécu. Les trains hurlent au loin. La balançoire grince. Son aimé le fusille du regard.
    Et lui, ça le fait sourire. Le temps où il en aurait pleuré en se protégeant le visage est révolu.

    C'est tellement adorable que Mihaïl ne comprenne pas.
    Peut-être n'y a-t-il pas grand chose à comprendre. Du moins, pas aux yeux d'un débutant qui n'en fait qu'à sa tête, et pense que c'est encore possible d'effacer son passé par simple caprice.
    Et après tout, chacun sa vie.

    " Parce que peut-être que tu m'aurais accueilli à bras ouverts si j'avais repris contact avec toi comme le font le commun des mortels ? Je ne me suis pas seulement enfui à Londres pour le plaisir de m'enfuir loin de toi. Je me suis résigné à agir avec la violence des mots et des gestes, que tu sembles tant préférer à la tendresse que je t'ai trop souvent proposée. "

    Comprends-moi. Anouchavan m'a élevé dans la violence. Il ne le faisait pas exprès, certes. Mais la douleur était là. Etais-je fou au point de vouloir renouveler l'expérience avec Toi ?
    Mais puisque mon utopie ne te correspondait pas, j'ai dû ... m'adapter à tes désirs.

    Je vois que ça te fait mal que de te savoir lié à moi pour l'éternité, quoi que tu fasses. Ca donne envie de vomir, pas vrai ? Tu te sens souillé, n'est-ce pas ? Je m'en veux. Je préférerais tant que tu vives cela, avec joie ... Comme une femme enceinte ... Que tu sois ... consentant, à l'élément étranger que je représente, et qui s'impose à toi, à ton corps, à ton âme, à ton éternité ...
    Mais ... n'est-ce pas toi qui a choisi qu'il en soit ainsi ?

    " C'est à moi que j'en veux. Je m'en veux de ne pas avoir été présent dès le début. De ne pas avoir été heureux pour toi, et de ne t'avoir offert que de la déception à l'égard de ce que nous avions fait. Alors ... j'ai essayé de rattraper le tir, à ma façon. "

    Leçon numéro un.
    Peut-être n'aurait-il pas dû s'imposer de la sorte à Lui. N'est-ce pas ce qu'il a fait, au final ? A s'acharner à travailler à Son bonheur, et à lui façonner un avenir le plus chatoyant possible ...
    Ce n'est pas pour Lui faire du mal qu'il a demandé à l'Ancien de L'attendre et de lui faire payer Son absence. C'est parce qu'il savait qu'Il lutterait suffisamment pour venir à bout de cette enflure.
    Chasser ses fantômes, éradiquer ses cauchemars.
    Et ça, tout ça, tu l'as fait toi-même. Mihaïl.

    " Je ne veux pas que tu deviennes comme moi. Je veux que tu sois fort. Il faut que tu sois fort. Faire fi de ces horreurs que l'on t'a imposées par le passé. Je t'ai donné la possibilité d'être un homme nouveau, Mihaïl. Ne te gâches pas l'existence à cause de pourritures dans son genre. Dans le genre de François. "

    Un signe de tête vers la dépouille. Vers François. Tu vois, ce n'était pas si compliqué que ça. Et s'il le faut, je te l'amènerai encore, ton François. Et te le ferai assassiner, encore et encore, jusqu'à ce que tu en sois débarrassé pour de bon.
    Je suis, et ne serai plus que ton humble et dévoué serviteur. Mais bordel, éradique-moi ce visage de pierre et tâches d'être heureux ...

    Mais le semblant de sourire qu'il tâchait de maintenir jusque là s'effrite. Tout ça c'est un peu trop pour lui, et alors qu'il était engourdi dans une virtualité cotonneuse, il lui semble soudainement s'écraser dans un monde trop dur pour lui, trop méchant avec lui, qui ne lui plaît que trop peu.
    Bienvenu dans la réalité.
    Avec son lot de questions immuables qui le taraudent déjà, alors qu'il jette un regard précipité et inquiet vers la carcasse, de laquelle s'échappe toujours des hurlements à en glacer le sang. Il sait qu'ils ne cesseront pas.

    " A quoi est-ce que cela sert de m'avoir choisi si tu n'as pas besoin de moi, Mihaïl ? A quoi est-ce que cela sert de me persuader d'affronter ce qui m'effraie le plus au monde si c'est pour me remplacer, Mihaïl ? A quoi est-ce que cela sert de me donner l'espoir que si je le fais, nous serons ensemble pour l'éternité, si c'est pour laisser crever ton amour pour moi et me haïr, Mihaïl ... Pourquoi me choisir moi, pour ensuite me conforter dans l'idée que je suis, et ne serais jamais qu'un rebut, qu'un incapable, un stérile ? Stérile, stérile de Toi. On m'interdit d'être ton Sire. Qui se cache donc derrière ce "on", Mihaïl ? "

    Je parie que c'est Toi. Il faudra songer à m'expliquer pourquoi.
    Mais dans le fond, moi ou un autre, c'est bien la même chose, tant que c'est issu d'un choix venant de Toi. Je me décarcasserai pendant l'éternité s'il le faut, pour t'aider à combattre ces saletés qui te jonchent ... et moi avec, si j'en fais partie ...

    Pourquoi ne sait-il pas se taire, et éviter de Lui poser toutes ces questions auxquelles Il n'a pas à répondre ?

    " Je me sens tellement sale, et tellement stupide ... "

    Toutes ces nuits, où j'ai dû ... le satisfaire, pour qu'il plonge et m'accompagne, pour qu'il ne se méfie pas de Toi ... Ce serait mentir que d'affirmer que j'avais tout planifié depuis le début. Mais au fil du temps, de ces mois passés loin de Toi, il m'a semblé qu'il était de mon devoir de faire quelque chose. Peut-être que je sers à ça ? Peut-être que ça sert à ça un Sire ? Je voulais juste que ton sourire fleurisse en moi. Mais de sentir que même si tu t'endurcissais physiquement, tu restais ce petit garçon fragile que l'on agresse dans ses rêves, que l'on viole, que l'on dépouille de toute intimité ... ça me faisait mal, à distance. Tu ne voudras peut-être pas l'admettre, mais je sais que Tu es ce petit garçon.

    Je l'ai été aussi.
    Je le suis toujours.

    Une main sûre d'elle glisse dans la poche de son jean, et en ressort un briquet qu'il lui tend, yeux dans les yeux. Pas vraiment de la même manière qu'il le lui a tendu la dernière fois, en compagnie d'un pieu et d'eau bénite. Cette fois c'est plus qu'une arme qu'il lui tend. C'est un choix. Une promesse d'avenir plus joyeuse à saisir. Une possibilité d'enfin réduire en cendres ces horreurs qui Le terrorisent depuis trop longtemps.
    Rien qu'une possibilité. Peut-être qu'Il estimera qu'il n'y aucun défi à la simplicité, lui aussi.

    Mets le feu à celui que tu veux.
    A lui. A moi. A nous deux. A rien.
    A ta main, peut-être.


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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 39 - Bad trip.   39 - Bad trip. EmptyDim 9 Jan - 17:00
    Il combat les monstres, et face à Lui, se dérobe. Mihaïl a perdu son armure.

    Hier, Son regard lui crachait dessus, avant qu'Il ne l'abandonne. Et aujourd'hui, Il vient lui reprocher de L'avoir oublié.
    L'Infant ignore s'il doit en rire ou en pleurer. Tout se bouscule, s'énerve, s'insulte et s'entretue dans la scène de crime un brin glauque qu'est sa cervelle. A défaut d'avoir l'audace de clamer son innocence, l'inculpé pourrait compter sur les circonstances atténuantes, mais jamais aucun jury ne lui accordera le bénéfice du doute : il est catalogué comme un monstre.
    Avait-Il vraiment besoin de toute cette mise en scène et de le traiter comme un gamin, tout ça pour lui faire comprendre qu'il est un être déplorable ?
    Tu te fatigues pour rien, Edwin, je le savais déjà...

    Tout ça semble amuser son Sire. Il séquestre sa chienne et lui envoie un Ancien pour le violer, histoire de rigoler un bon coup. Ah ah.
    Si Mihaïl parvenait à desserrer les dents, son rire n'aurait pas la même couleur que le Sien. Des pensées d'une extraordinaire violence viennent frapper son crâne, le sommant de Le détruire pendant qu'Il est entravé. Ce serait si simple. Un mot de sa part, et Zdravka goûte à un plus jeune cru.
    Il a l'avantage, et pourtant... Il ne s'en servira pas. Il n'en est pas digne. Pas capable.
    Pas foutu de se croire lui-même, quand il a envie d'en finir.

    - Ah ouais... Qu'est-ce qu'on se marre, grince-t-il entre ses canines acérées.

    C'est comme si une main griffue raclait la surface de son coeur à chaque mouvement. Lorsqu'il ose Le regarder à nouveau, il voit s'incruster un sourire sur Ses lèvres. Et il détourne encore le visage. Il déteste les sourires. Les rires. Il déteste tout ce qui rappelle à son esprit plusieurs mois de torture. François souriait, lui aussi, devant la détresse de son prisonnier. Riait quand il lui faisait du mal. Trouvait le bonheur dans sa douleur. Mihaïl déteste le bonheur. Mihaïl déteste François. Mihaïl déteste qu'on se fiche de sa pauvre gueule. Qu'on le traite comme une vulgaire marionnette. Et le pire, peut-être, qu'on lui rappelle qu'il n'est qu'un enfant dans une cour de grands.

    Tu t'es enfui, ce sont bien les bons mots...
    Ne t'étonnes donc pas de mon comportement.

    Alter Ego... Parfois il pense que ce n'est qu'une illusion, qu'ils se sont jetés de la poussière d'étoile dans les yeux pour ne pas se rendre compte qu'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Parfois aussi, cette expression prend tout son sens. Surtout quand il L'entends grogner dans son ventre. Il n'avait même pas besoin de parler. Là, entre ses entrailles, Il lui répète chaque jour depuis huit mois qu'il est un monstre, et qu'être un cadavre ambulant c'est dégoûtant. Il lui ressasse sans cesse qu'il aurait dû crever à l'hôpital, pour qu'Il puisse conserver un chaud souvenir de son protégé. Et moi, Edwin, qu'est-ce que j'aurais conservé, une fois dans ma tombe ?
    Il L'a haï, Lui aussi, quand Il est parti. Il L'a haï d'avoir osé penser le laisser mourir. Qui fut l'égoïste dans tout ça ? Celui qui voulait uniquement d'un être vivant ou celui qui voulait survivre par amour ?
    Si Mihaïl ne Lui avait pas demandé de le sauver, Edwin ne l'aurait pas fait. Son amour, à ce moment-là, le jeune russe se demande où il était. Sans doute avait-Il les yeux rivés sur son coeur qui battait. Et uniquement son coeur qui battait. D'après Mihaïl c'est plutôt un cas de conscience qui l'a arraché à son sort tragique.
    Tu voulais me laisser mourir. Tu voulais me laisser mourir. Tu voulais me laisser mourir.
    Tu voulais me...

    Je te déteste.
    Je voudrais avorter de Toi.

    Peu crédible, tout ça.
    Perdu entre la rancoeur qu'il épprouve pour son Autre et celle qu'il a pour lui-même, Mihaïl n'est plus qu'un sentiment de haine. Le monde dans lequel il évolue n'est constitué que d'horreurs, de mauvaises intentions et de sentiments peu honorables. Il se contente juste de rejoindre les bords du moule pour ne pas se faire bouffer. Et le moindre affront qu'on lui fait se transforme en une bête noire qui le hante des mois entiers. Voilà pourquoi cette chose qui évolue en son sein lui fait horreur. Il se sent comme une femme qu'on aurait rejetée après l'avoir mise enceinte. S'il ne se sent pas grosse, en revanche il se sent grignotté par leur rejeton. Et il ne sait même pas quoi en faire. Il ne sait pas à quoi ça sert, on ne lui a rien dit. On ne lui a pas appris à l'apprécier.

    Savoir qu'Edwin regrette un peu son comportement le guérit un peu de son mal et de sa colère. C'est encore bien loin d'éradiquer sa déception.

    - Tu veux que je sois fort... Ouais... Mon père m'a dit ça un peu avant de m'abandonner, tu sais, dit Mihaïl avant même qu'Edwin n'ait terminé sa tirade.

    Ne me prends pas pour un enfant... Je ne suis pas Ton enfant.
    Des paroles en l'air, faciles. Il n'y a aucune phrase au monde qui ne soit plus révoltante à ses yeux, quand elle n'achève aucun enseignement. Cependant, alors qu'il s'efforce d'écouter la suite de Son discours, quelque chose lui échappe. Il ne comprend pas. François ?
    Il Le regarde lui désigner les restes en lambeaux que Zdravka continue de mâcher avec gourmandise. Le vampire est toujours vivant, et tant que ses cordes vocales demeurent intactes, il continue de hurler. Douce mélopée aux oreilles de l'éternelle victime qui, un long moment, demeure stupéfait devant le corps déchiqueté.
    François ? C'était François ?
    Il ne comprend pas.
    Il n'a pas éprouvé autant de plaisir à le tuer qu'à tuer François. Celui-là lui a fait si peu en comparaison de son Cauchemar.
    Et il ne se sent pas l'âme d'un guerrier vengeur.

    Cependant, malgré les apparences, il reconnait la valeur de l'intention. Le goût de la trahison, peu à peu, s'estompe.
    Mihaïl n'est plus en colère. Il se laisse abattre par le coup de grâce, Edwin est un fin tireur. Et les reproches pleuvent, la rancoeur de son Autre l'empoisonne.
    Il va finir par croire que tout est à jeter chez lui.
    Nerveusement, il effleure sa gorge, entre les lambeaux de son col déchiré par l'Ancien. Toujours assis, ou plutôt affalé sur le béton, fixant tour à tour Edwin, l'horizon, et le cadavre dont se nourrit sa chienne.

    Aurais-je réellement dû ne pas Te supplier pour ma survie ?
    C'est que j'y tenais, pourtant, à passer l'éternité avec Toi. Avant que Tu ne me rabaisses au statut d'un cadavre n'ayant plus vraiment d'intérêt pour Toi.
    Le détail qui tue. On n'imagine pas décevoir, juste en étant froid.

    Désespérant.
    Il ne lui répond pas. Qu'aurait-il à répondre à cela ?
    Qu'il n'a tout simplement pas envie que qui que ce soit, et surtout pas Lui, se coltine un déchet pour l'éternité, un pauvre type qui picole ou se suicide dès qu'on a le dos tourné. Qui n'est même pas foutu, par exemple, de veiller sur ses frères et de rendre heureuse sa mère. Qui n'a que trop bien sa place dans ce monde de brutes, contrairement à ce qu'Edwin semble penser.
    Qui le décevrait à la moindre occasion. Qui ne sera jamais digne d'avoir pour guide un être aussi bon.

    Le briquet atterrit dans sa main.
    Il frotte son doigt contre la molette. La flamme danse devant ses yeux humides, interrompant subitement le flot de ses pensées pathétiques.
    Il joue avec le feu. Avec leurs vies. Non à vrai dire, ce n'est pas exact. C'est le feu qui joue avec lui.
    Il perd le contrôle. Comme s'il l'avait déjà eu !
    La flamme force ses doigts à se rapprocher de son torse. Un pull en laine, ça brûle bien ? Une longue chevelure. La peau du visage. Les yeux... Pour enfin ne plus Le voir... Et faire flamber sa Bête, c'est possible ? Bien faire cramer ce qu'il Lui a dérobé.
    Ou bien... Oserait-il Lui mettre le feu ? Pour mettre fin à leurs souffrances communes. Il s'immolerait ensuite, pour finir le travail.
    Il radote. Cela ressemble à un rêve, à de nombreuses reprises imaginé.
    La flamme danse. Diabolique. Tangue dangeureusement vers son corps. Tentatrice. Elle ricane, le rend fou.
    Un sanglot, surgi des profondeurs de son âme, que le masque le plus solide ne pourrait retenir. Il pleure du sang. Le briquet échoue par terre, la maudite flamme évaporée.
    Il ne saurait prononcer le moindre mot. Il chiale comme il n'a jamais chialé. Il est une peine perdue.

    Chute libre.
    N'est-il pas humain de perdre pieds ?
    Et même d'être encore en train de tomber ?

    Edwin devait savoir quelle serait sa réaction. A quoi joue-t-il ? Tient-il vraiment à se persuader que sa création est toujours une pauvre mauviette ?
    Sous ses larmes, Mihaïl bouillonne d'une rage peu commune, qu'il a grand peine à refouler. Il n'a pas envie de choisir, il donne raison à celui qui le prend pour un petit garçon. Tout ce qu'il veut, c'est s'enrouler dans une couette, ou dans les bras de quelqu'un. Il ne veut plus tuer personne. Il ne veut plus jouer au fou. Il n'est qu'un homme ordinaire, il est toujours humain. Car si son âme sanglote c'est bien la preuve qu'elle est toujours là.
    Il n'a plus envie de penser. Il veut que tout cela cesse. Il veut tout faire flamber.

    Mihaïl essuye sa figure dans les manches de sa veste. Il se penche pour attraper le briquet, et se relève. Il allume la lumière. L'éteint. Allume, éteint, allume, éteint. Tout en avançant à grands pas décidés vers son Alter Ego, une lueur impitoyable dans les yeux. Allume. Eteint. Allume. Eteint.
    La lui balance dans la main. Eteinte. Il ne dit toujours rien.

    Rassemblant ses forces, il s'attèle à arracher le barreau de la grille qui retient Edwin prisonnier de son coup monté.
    Lorsqu'il était mortel, ce barreau aurait à peine tremblé.
    Au bout de quelques efforts, il parvient à arracher la ferraille du sol et à décoincer la main de son Autre. Entretemps, Zdravka s'est lassée de son dîner. Elle l'abandonne, gémissant, sur le quai ensanglanté. A moins qu'on lui arrache la tête, il ne mourra pas. Il continuera de souffrir, démembré, incapable de se relever pour se nourrir, ni même de remuer le moindre orteil sans hurler.
    Son sort importe si peu.
    La queue frétillante, la chienne se rue en joie dans les jambes de son maître, lui lèchant la main pour qu'il lui caresse la tête. Finalement, elle parvient à le faire légèrement sourire. Sourire qu'il adresse à Edwin, sincère.
    C'est le calme après la tempête. Après tout, il en fallait bien une.

    - Pourquoi ? Je n'ai pas de réponses à te donner. Je ne les possède pas. A quoi bon se déchirer...

    Je t'ai fait mal une fois de trop. Je suis prêt à cesser les hostilités. Je ne te considère pas comme une plaie parmi tant d'autres, bien au contraire... Je crois qu'au fond, tu es bien le seul sur qui je puisse compter, et le seul qui mérite bien qu'on le lui rende. Pardonne-moi de n'en avoir conscience que trop rarement...

    Il n'a pas envie de s'étendre en longs discours. Il n'a ni envie de partir, ni de rester. Il n'a envie de rien. Autant en profiter pour acquiescer aux envies d'autrui. Pour une fois qu'il les prendra en compte.
    Mihaïl tend sa main à Edwin pour l'aider à se relever.

    - J'ai un nouveau François aux trousses, te fatigues pas à m'en envoyer d'autres, va. Où est-ce que tu l'as dégoté, celui-là ? Il était un peu débile, quand même... Il a pas dû être difficile à convaincre.

    Qu'Il ait accepté sa main ou non, le russe s'éloigne un peu, pour contempler le décor de rêve dans lequel son Sire a orchestré leurs chaleureuses retrouvailles. Il se rapproche de la dépouille de l'Ancien qui le fusille du regard. Pas la moindre expression de dégoût ou de pitié sur le visage de pierre du russe. Il le laissera agoniser ici. Ca manque cruellement d'humanité, mais il assume.
    Toutefois décidé à créer des ondes positives, pour une fois, le néonate se retourne à demi vers l'homme qui semble décidé à s'accrocher à lui pour l'éternité. Mihaïl reste persuadé que c'est un mauvais choix, mais après tout, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis.

    - Au fait, la prochaine fois... je te fais flamber, ajoute-t-il en lui adressant un sourire un peu malicieux.

    On ne se refait pas.
    Pour s'assurer de sa présence, il tâte dans la poche de son manteau la fiole qui le transforme en Michael Farges, prêt à s'en servir s'ils doivent quitter cet endroit.

    - On va boire un coup, comme des gens normaux ? Désolé, j'ai épuisé le stock de grandes tirades pathétiques... Mais si t'en veux, je réapprovisionne, y'a qu'à demander.


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    Edwin Vanelsin



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    Sujet: Re: Bad trip [Mihaïl] Jeu 28 Oct - 23:34

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    Je voulais te laisser crever. Je voulais te laisser crever. Je voulais te... laisser rejoindre le paradis, s'il existe. Plutôt que de rester dans ce dépotoir, des déchets plein la gorge. Enfin, puisque tel était ton désir... Je ne pouvais tout bonnement pas te forcer comme Il a pu le faire.
    Eh, dis... C'est qui, Il ?

    Mettre le feu aux chromosomes et tout foutre en l'air. Absolument tout. Devenir un déchet parmi les autres. C'est pire qu'une ordure, un déchet. Et puer le cadavre pour le reste de l'éternité. Empester la cendre. Se répandre dans l'atmosphère. Pour être ici et là-bas à la fois. Duplication.
    Tu imagines, si tu nous faisais flamber tous les deux, et que nos cendres se mêlaient tout de même, sans jamais pouvoir se dissocier ? Ce serait drôle. Oh toi, ça ne te ferait sûrement pas rire, tu es devenu si terne. Citerne. Et où est-il donc, ton engagement d'être heureux ? N'était-ce pas le deal de départ ? La mort oui, mais avec le sourire en prime.
    Je me suis fait arnaquer, je crois.

    Ou alors le tour de passe-passe était habile. Le magicien a du talent, le voilà qui s'improvise jongleur et crache-feu à la fois ! L'aîné le regarde, désabusé. Il a cette impression douloureuse de ne plus le reconnaître. C'est aussi à cela qu'il a travaillé durant son exil. Avorter. Il a déjà réussi à le faire partiellement, il a déjà réussi à enlever un morceau de lui. Accoucher d'un mort-né, ce n'était pas exactement ce qu'il lui fallait pour être heureux. Alors il a agi comme il estimait juste de le faire. Il a rogné ce lien qui existe entre eux, dont il n'est pas tout à fait sûr de vouloir non plus.
    Plier, mais ne pas rompre.
    C'est robuste, ces choses-là, pire que le chient-dent. On ne s'en débarrasse pas si facilement.

    Parce qu'à le voir hésiter de la sorte, et à sentir le sanglot lui étouffer la gorge, il ne peut se voiler les yeux davantage. Le reconnaître est un bien faible mot. C'est tout Lui. Lui et ses craintes, Lui et ses préoccupations, Lui et ses désirs morbides qu'il ne parviendra peut-être jamais à accomplir. Lui et son visage parfois si dur et si crispé. Lui et ses larmes. Ca lui fait peine à voir, ces larmes. Il Lui a encore fait du mal, alors qu'il croyait bien faire. Avec ses méthodes brusques et violentes. Mais si ni la délicatesse ni la dureté ne Lui conviennent, alors que veut-Il ... ?

    Sa main se crispe dans un geste soudain, alors que la flamme se rapproche dangereusement de lui sans qu'il n'ait eu le temps d'anticiper ce mouvement, de prévoir cette possibilité. Il y a quelques secondes il n'y aurait pas cru. A présent le feu danse devant ses yeux, en furtives apparitions, et il a ce réflexe stupide et humain de tenter de s'éloigner de la source de tant de craintes. Il a peur du feu, il paraît que c'est racial. Les quelques mètres qui les séparent encore mais qui s'amenuisent dangereusement lui suffisent bien pour sentir la chaleur du diable lui lécher le visage et lui croquer un morceau de joue. Oserait-Il ? Le doute s'installe en son sein, là, au creux de lui. Il a peur de Mihaïl, encore plus que du feu. C'est peut-être aussi pour ça qu'il aurait souhaité Le préserver en vie, car Il est plus effrayant depuis qu'Il en a été privé.

    Son dos est d'ores et déjà greffé au grillage lorsque l'objet générateur de tant d'angoisse valdingue et atterrit sur sa peau éteinte.
    Et voilà. On est condamné à assumer notre rôle de déchet parmi les déchets, tous les deux. Happy end. J'ai hâte de savoir si on va se marier et faire beaucoup d'enfants.

    Et lui ? Et si lui, ça le déchire justement de ne pas obtenir ces réponses ? Il aurait tant de choses à Lui dire, tant à rétorquer, pour obtenir une miette de réponse, une justification, quelque chose, n'importe quoi, qui puisse le rassurer, l'aider à reprendre confiance, à se dire qu'il n'est pas si mauvais qu'il ne se plaît parfois à le croire dans ses plus mauvaises phases... Mais rien. Il voudrait Lui dire combien ses débuts à lui ont été difficiles, combien ils l'ont rendu stérile d'infanter. Il ne voulait pas, il savait que ça se passerait forcément mal, comme ça s'était passé entre lui et Anouchavan... La fatalité de la violence le suit partout. Et puis, aussi...

    Et puis, la dernière chose que Ma... -man m'a dit, lors de notre dernière dispute, tu sais ce que c'est ? Tu sais ce qu'elle a osé me balancer en pleine face ?
    Elle a dit, elle m'a dit... que... que j'aurais jamais d'enfant. Parce qu'il serait malheureux avec moi.
    Le pire, c'est que je commence à croire qu'elle avait pas tout à fait tort.
    Pourquoi me comparer à ton père, puisque tu n'es pas mon Enfant ?

    Il se met à trembler sans pouvoir le contenir lorsque l'on braque sur lui la pire des armes. Sa main. Il planque les siennes derrière son dos, il ne veut pas Le toucher... Huit mois qu'il est mort, huit mois qu'il n'a pas posé la main sur Lui. Il redoute ce moment. Il n'est qu'un foutu lâche. N'a-t-il pas le droit de Le préférer vivant ? Quand Il était vivant à ses côtés, c'était un moyen pour lui d'oublier que lui-même était déjà mort depuis trop longtemps. Entendre Son palpitant battre, ça l'aidait à oublier ses propres cavités trop silencieuses.
    A présent, le corps de Mihaïl n'est plus qu'un sinistre écho du sien. Vide de sens.

    Ses actes aussi sont vides de sens.
    Lorsque s'écrasent violemment dans sa figure, les faits. François demeure invincible. Son espoir s'effrite, il ne pourra jamais Lui enseigner quoi que ce soit. Rien, nada. Il est si faible qu'il est à la limite de Le supplier à genoux, pour pouvoir au moins essayer, ne serait-ce qu'une fois, pour avoir le droit de Le garder un peu auprès de lui avant qu'il ne parte à nouveau, ou ne se fasse tuer... par quelqu'un d'autre.
    Même si la chose est annoncée avec le sourire, dans le fond, ça ne le surprend même pas que Mihaïl s'engage à lui mettre le feu pour de bon, la prochaine fois.

    Il n'a envie de répondre à strictement aucune phrase. Ce qui lui sert de bouche n'est pas en état de fonctionner, altéré par ces vibrations qui annoncent des larmes abondantes. Le sanglot est là, et c'est encore pire que de le refouler et que de tenter de le garde entre les joues, ça lui déforme tout le visage et lui donne un air encore plus ridicule que s'il l'avait laissé s'exprimer. Et lorsque sa mâchoire s'écarte enfin, c'est pour laisser échapper quelque chose qui n'a rien d'humain, un son inqualifiable, mais qui pourtant ne laisse planer aucun doute sur sa décision.

    " Non. "

    Non, il n'a pas envie d'aller boire un coup. Il ne veut pas jouer aux gens normaux.

    " Pas tout de suite. "

    La rancune de Mihaïl semble avoir fondu de manière inexplicable. L'aîné reste méfiant, la confiance a du mal à s'imposer comme seul vecteur entre eux, et le facteur Mihaïl n'a rien à voir dans cette équation-là.
    Il faudra pourtant bien passer outre ces foutues craintes qui jonchent son corps depuis trop longtemps.

    Il s'approche doucement. Il veut essayer quelque chose avant de céder à ses caprices. Et puis, pourquoi aller dans un lieu où ils ne pourront pas être que tous les deux ? Il ne comprendra jamais cette logique-là, mais faible et peu imposant comme il l'est, il préfère s'y plier que d'oser émettre une objection et froisser son protégé. Il le force à reculer jusqu'à le presser dans l'étau, entre le grillage et lui-même, sans jamais poser la main sur lui. Pour L'empêcher de fuir. Tu as fui aussi. Comme moi. On fuit tous quelque chose. Quelque chose, quelqu'un. La maladie. La mort. C'est humain, je crois. Ses doigts se tordent dans son dos, ses yeux bordés de larmes fixent le sanglot éclaté sur le visage de Mihaïl. Ca lui fait mal dans le fond du ventre. Il ne veut plus avoir mal à cet endroit, jamais, mais il sait qu'il est le seul responsable de ces maux-là. Il ne veut pas que ça se mette à pourrir en lui.

    Sa main s'écarte de son corps, hésitante, s'élève avec une lenteur indécente, et se pose sur la joue de Mihaïl. L'autre s'installe de l'autre côté, de manière symétrique, et ses pouces roulent sur Sa peau froide. Son épiderme entame d'apprendre à redécouvrir ce contact, et à envisager de l'apprécier... Après tout, ce ne doit pas être si différent que ça. C'est juste froid. Il tressaille. Il n'aime pas ça, mais il faut passer outre. Lui prouver que le froid, le silence, tout ça ce n'est rien, Lui prouver qu'il est plus fort que ça et qu'il n'est pas écoeuré.

    Ses mains parcourent, avides, son visage de haut en bas. Il tire des traits sur son front, gribouille sur ses joues, suit la lignée de sa barbe et enfouit les doigts dans ses cheveux. Ce n'est pas différent, non. C'est la même peau, la même personne. C'est toujours son protégé, les canines en plus et la vie en moins. Il sourit, enfin : il est rassuré. Ce n'était pas si difficile que ça que de Le toucher à nouveau. Il aimerait Le prendre dans ses bras aussi, mais il doute de bénéficier de Son accord. Et il pourrait aussi... oui, ça, il pourrait... Ses mains se faufilent sur sa nuque et il attire Son visage vers le sien, guette ses lèvres. Elles seront froides mais ce n'est pas grave, il s'est déjà fait à l'idée... Elles auront le même goût, le même aspect, ce ne sera pas différent, non... Il est à deux doigts de les prendre entre les siennes, et il se ravise au dernier moment. Illusion. Ce n'est pas les tiennes que je veux. C'est les Siennes.

    " Si j'étais resté, aurais-tu réellement accepté de passer l'éternité avec moi ? "

    Mihaïl ne répondra probablement pas, et là n'est pas l'important. La question avait besoin de se libérer de ses chaînes et de s'égosiller hors de lui. A présent il est plus tranquille. Il délaisse son visage, et ses doigts encore tremblants se nouent un court instant aux Siens. Eux non plus n'ont pas changé. Ce sont toujours ces mêmes mains de violoncelliste, avec la corne au bout des doigts et les os que l'on sent un peu trop. Ces mêmes mains d'homme qu'il a désirées trop longtemps. Il lui sourit de bon coeur, il a finalement évincé sa rancune lui aussi. Il veut juste passer un peu de temps avec Lui, et il est prêt à faire tous les efforts du monde pour ça.

    " Emmène-moi donc où bon te chante, qu'on aille jouer aux gens normaux. "

    Ses mains se rangent dans ses poches, il L'a trop touché. Plus que la froideur, c'est Sa réaction qu'il redoute à présent. Avait-il le droit de se permettre ? Qu'importe, il est ragaillardi, plus rien n'existe autour de lui, l'Ancien peut bien crever, son monstre noir peut bien les suivre, la gare peut bien flamber en un morbide feu d'artifices, tout ça lui est égal. Il a retrouvé son protégé. Le même que celui qu'il a abandonné, ou presque, Mihaïl n'est pas de ces êtres statiques, qui stagnent, en attendant sagement votre retour.

    " Je ne regretterai jamais de t'avoir fait renaître Mihaïl, tant que tu me prouves que tu as gagné au change. "

    Un sourire, sincère, ça fait trop longtemps qu'il n'a plus eu ces syllabes en bouche et il les prononce toujours de travers, avec cet accent british inadapté à la forme des lettres slaves.

    " Et... Apprends-moi à prononcer ton foutu prénom correctement. "

    Lis entre les lignes.
    Apprends-moi à aimer être mort.

    _________________

    ~ Don't be afraid, you're already dead ~



    Mihaïl Egonov
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    Sujet: Re: Bad trip [Mihaïl] Mar 4 Jan - 21:48

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    Ambiance.


    La foule, neutre. Indifférente. Mihaïl a besoin de foule. D'un lieu où leurs tourments se verraient étreints, comprimés, où l'expression de leurs délires n'aurait pas libre cours. Canalisation. Un torrent d'ordures et d'insolite. De temps à autre, un regard, vers l'un ou l'autre inconnu. T'as des emmerdes ? On s'en fout, mais bienvenue au club. Cela nous fait un point commun. Fosse commune. La foule, où les ombres semblent toutes les mêmes. Une masse d'individualistes, qui s'épient entre eux. La foule étouffe la foule quand Mihaïl, lui, respire. La foule lui pompe ses énergies néfastes. Il évacue ses problèmes en frôlant l'un ou l'autre, foulant les pavés, presque tremblant. Il est un malaise ambulant.
    Edwin est dans son dos. Lui seul le reconnait, car son dos est toujours le même, malgré les quelques mèches claires qui valsent sur sa nuque. Pour ceux qui rencontrent son visage, Michael Farges est à plaindre. Mon Dieu, quelle sacrée balafre. Comment oser sortir avec une dégaine pareille ?
    Et pourtant, il l'affectionne, ce visage. Un masque, un vrai, enfin. Celui qui n'intéresse personne au-delà de quelques secondes de curiosité. Un visage torturé, barré de cheveux hirsutes d'une blondeur innocente. Le sortilège ne le transforme pas au hasard. Cette longue cicatrice, il l'a toujours eue à l'intérieure. Michael Farges, c'est la part de lui-même qu'il ne déteste pas.

    Ces yeux dans son dos, ça le dérange. La présence d'Edwin le dérange, et pourtant il se sent incapable, à ce moment précis, de tenter de le semer. Ses pensées s'entremêlent, tandis que le poids de la culpabilité et de la déception lui fracassent les omoplates. Le cuir ne protège pas des brûlures intérieures.
    Son aura est complètement brouillée. Suffisamment pour que son Alter Ego s'y trompe ? Peut-être ne voit-il plus qu'un étranger. Pourtant, Mihaïl se sent lui-même, enfin. Le camouflage lui va mieux que la triste vérité. Michael Farges est un personnage solide qui n'a aucune faiblesse, pas même celle de l'affection. Et s'il oubliait jusqu'à la moindre cellule de Mihaïl Egonov ? Tout deviendrait alors si simple, si facile.
    Michael repère à l'angle de la rue le bar qu'il préfère. Discret, sans tapage, peu fréquenté. Un brin glauque, juste ce qu'il faut pour qu'il puisse se glisser dans l'obscurité, les doigts autour d'un verre. Il accélère le pas, s'en rapproche.
    Finalement, Mihaïl jette un coup d'oeil derrière lui, pour s'assurer que son Autre est toujours là. Leurs regards se croisent. C'est à peine si le masque s'exprime. Mais ses yeux aussi sont toujours les mêmes. Et ses yeux tremblent.
    Les faiblesses rappliquent à grands pas. Michael baisse la tête. Mihaïl se referme.



    Je me sens comme pris au piège ... Tu me mets face à ce que je redoute le plus, je crois.
    Ta main.
    Il a reculé jusqu'à frôler le grillage. Pas moyen de s'échapper. Edwin et ses larmes se rapprochent sensiblement, c'est presque comme il pouvait sentir leur goût salé sans sa bouche.
    Il tressaille quand Il le touche.
    Ne me fais pas croire que je ne te dégoûte pas ... Après tout, je te connais. Je crois. Le silence absolu dans nos poitrines, et la peau morte, ça te répugne. On ne change pas du jour au lendemain. Je crois.
    Edwin le touche beaucoup trop. Mihaïl est à deux doigts d'exploser, de le repousser. Et pourtant, il demeure statique, bien que très mal à l'aise. Il appréhende la vague de tourments qui s'apprête à lui ravager le crâne, comme d'habitude. Il supportait ce contact, auparavant, lorsqu'entre eux tout semblait indiquer qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Aujourd'hui, et ce depuis huit mois, il en doute. Il repousse l'évidence parce qu'il ne l'accepte plus. Il ne veut plus d'une relation fusionnelle et dévastatrice, et préfère qu'ils se préservent l'un de l'autre. Mais comme son Sire semble déterminé à reprendre le contact, il ne se braque plus. Il attend de voir. Il lui doit bien ça ...

    Dans Ses gestes, il sent qu'Il le reconnait. L'amour rend aveugle, sans doute a-t-Il préféré laisser Ses doigts décider pour Ses yeux. Qui sait.
    Il va craquer. Il ne veut plus qu'on le touche. Ou plutôt qu'Il le touche, car le russe est passé dans bien des bras ces derniers temps. Les Siens lui font peur. Les Siens l'ont aimé. Les Siens le connaissent, savent tout de ses faiblesses.
    Par pitié ... Ne m'embrasse pas. Sinon je disparais dans l'instant.

    A sa question, il met du temps à répondre. Il ne sait pourquoi, il se doute qu'Edwin ne croira pas un mot de la vérité. Pour une fois dans sa vie, il n'a pas pensé qu'à lui. Pour une fois dans sa vie, il a aimé assez pour trouver la volonté d'exister. A ce moment-là, oui, il avait décidé de passer l'éternité à ses côtés.
    Finalement, il ne répondra pas. Plus tard, peut-être, quand il saura vraiment où il en est.
    C'est à dire, très certainement, jamais.

    « Si j'ai gagné au change ? Oui, je crois ... mais nous n'avons pas la même définition du gain » , avoue-t-il enfin.

    Il a gagné la liberté d'être oublié.




    Ils sont sortis, suivis de Zdravka. Ont enfourché la moto, puis se sont retrouvés dans le centre ville de Northwood. La chienne les a suivis.
    Mihaïl relève la tête. Il ouvre la porte du bar à Edwin, le laissant entrer en premier. Ils se dirigent dans un coin un peu isolé. La serveuse un peu vulgaire, très courtement vêtue, se rapproche de leur table. Entretemps, Zdravka s'est faufilée en dessous, vautrée sur les chaussures de son maître. Elle semble avoir oublié sa rancune à l'égard d'Edwin. Etonnament, son comportement dépend beaucoup de celui de Mihaïl.

    « Bonsoir Mick, ça fait quelques soirs qu'on t'a pas vu ici ... Tu fréquentes pas un autre bar, dis-moi ? »

    Michael lève les yeux vers la fille. Il la connait très peu, et pourtant, c'est incroyable tout ce qu'il a pu lui confier, sans jamais être précis, lorsqu'il était complètement cuit.

    « Je ne vais quand même pas passer toutes mes soirées ici, Nikki. »

    Nikki se retient d'ajouter une réflexion sur son passe-temps favori après la musique. Que ce soit pour piccoler ou jouer du violon, d'ordinaire il vient ici presque toutes les nuits.
    Elle mâchouille son chewing-gum en observant Edwin.

    « C'est qui ce charmant monsieur ?
    - C'est ... » Il ne sait trop comment définir leur relation, désormais. Il échange un regard avec son Autre. Finalement, un léger sourire s'affiche sur son visage torturé. « C'est un parent. »

    Ils ont commandé. Michael a pris un whisky. Mais Mihaïl fuit le verre du regard. Il ne veut pas qu'Il sache ce qu'il est devenu, il ne veut pas lui parler de ses problèmes, et de ce réconfort qui lui réchauffe la poitrine à chaque gorgée. A vrai dire, s'il n'ose rien dire, c'est parce qu'il veut qu'Il soit fier de lui. Il a la sensation d'être descendu si bas dans Son estime qu'il étouffe au fond de Ses chaussettes ...
    Le sibérien est nerveux. Il caresse son verre du bout des doigts, comme si c'était la dernière fois qu'il en touchait un.

    « Hum je ... Je ne sais pas par où commencer. Je t'ai tellement déçu que je ne sais plus quoi dire pour que tu ne me prennes pas pour un ... un ... »

    ... Déchet ? Raté ?
    Il ne finira pas sa phrase.

    Huit mois... Et je fonce déjà droit dans le mur. C'est l'impasse, j'ai des emmerdes grosses comme des semi-remorques, et d'ici quelques jours, ou quelques semaines, je vais peut-être me faire buter par un connard de quatre siècles et toute sa clique d'Anciens qui ont pris ma famille en otage. Et sinon, toi, ça va ?

    Il cesse de se lamenter sur son sort. Edwin a raison, son égocentrisme le tuera sans doute.
    Et Lui ? Qu'est-Il devenu ? Il s'en passe, des choses, en huit mois. Peut-être a-t-Il refait sa vie ? Il en doute, mais l'on ne sait jamais ...
    Il y a toujours comme cet espèce d'étrange et dérangeante alchimie entre eux. Mihaïl s'est jeté de la poudre aux yeux. Il n'a jamais cessé de l'aimer. Il a menti à tout le monde, à commencer par lui-même.
    Il ne lui dira pas la vérité. C'est trop tard, son sort est déjà scellé. Il n'a plus le temps. Il n'a plus le droit. Il sait qu'il mourra bientôt de la main de Leonid Yasha. A quoi bon causer davantage de mal qu'il n'y en a ?
    Et s'il foutait tout en l'air ? Et s'il sortait de cet endroit, pour ne plus jamais revenir ? Et si ... s'il sortait une bonne fois pour toutes de la vie d'Edwin ?
    Il ne sait plus ce qu'il veut. Il sent venir la colère, cette douleur qui le ronge. Cette raison de vivre qui se cramponne à son palpitant écorché. Une larme reste bloquée au coin de son oeil, troublant sa vue. Avant de finir par s'écouler le long de sa balafre.

    Pourquoi a-t-il fallu qu'il L'aime ?
    Ce n'était pas prévu.



    T'apprendre ... Je n'ai rien à t'apprendre. Je ne sais même plus qui je suis. Je déteste qui je suis. Je hais la moindre syllabe de ce prénom, et pourtant, quand Tu le prononces, je le trouve parfait ...
    Jamais Tu ne l'a écorché.

    Il a pris son visage dans ses mains calleuses. Leurs regards se sont noyés l'un dans l'autre, humides, lourds de sentiments. C'est comme si plus rien n'avait d'importance.
    Ce coeur mort se taira. Cinq minutes ou bien durant l'éternité, qui sait. Mais ce coeur mort n'oubliera pas. Par pulsions son organe lui envoit des images réconfortantes où se dessine le paradis qu'il refuse de désirer.
    Il voit Edwin dans ses bras. Sent ses lèvres sur sa peau. Se souvient du goût de la sienne. Il se voit l'aimer et le chérir, comme il ne l'a jamais fait pour personne. Il voit le rêve d'un couple heureux, simplement ravi de son quotidien, non ravagé par une passion trop forte.
    Des sourires. Des rires. Une joie simple, faite de petits riens qui scintillent.

    INFÂME TORTURE ! Si tu savais comme le bonheur m'effraie ...
    Mes cauchemars me manquent.

    Il retire ses mains. Il efface tout cela de son coeur, de son crâne, de son regard. Il appelle à lui son compagnon canin. Il est temps de quitter cette gare où il ne remettra pas les pieds de sitôt.




    Mihaïl a fini par devenir complètement noir à l'intérieur. La moisissure répandue ne l'a pas rendu odieux et cruel, comme tant d'immortels. Mais son numéro d'équilibriste a fini par le faire chuter du côté sombre.
    Il ignore encore ce que dissimule l'obscurité. Mais il n'imagine rien de bon. Il se doute qu'il baigne dans une machination sinistre depuis de nombreuses années. Tout ceci a un but, une explication, qu'il ne connaitra peut-être jamais, mais il est sans nul doute le maître de ce jeu. Sa mort ne fut que l'avancée d'un pion sur l'échiquier de son existence. Youri fut un pion. Edwin, François, Ayana, Leonid, furent et sont toujours des pions. Cases blanches. La famille, la passion. Quelques romances. La bonne démesure. Cases noires. Perte de l'espoir, résignation, douleur, déception. La mauvaise démesure, celle qui vous entraine vers le fond. Dans les méandres de son crâne, le Roi assassine ses barrières et devient Fou, voguant à contre courant dans les cases les plus sombres.
    Il n'y a plus de place pour les sentiments. Il n'a pas le droit. Il a orchestré son propre meurtre, et Edwin Vanelsin en devient l'élément perturbateur.
    Voilà pourquoi pourquoi il n'a pas su répondre à sa question. Il est cher à son coeur, beaucoup plus qu'il ne l'aurait souhaité ... Mais si c'était à refaire, il n'aurait pas promis de passer l'éternité à ses côtés. Il n'en est pas capable, et sa volonté n'a plus de pouvoir dans ce complot.
    Auto-destruction. Tout est déjà programmé. On ne revient pas en arrière. Il achèvera la création de cette putain de symphonie mortuaire.

    Le compte à rebours a commencé.

    Il explose de l'intérieur. Ses yeux se ferment pour ne rien laisser paraître, mais ce masque n'est pas si solide pour contenir la tornade de son esprit. Tout se dévaste. Il n'est plus que spectateur, et ne comprend plus ses propres rouages.
    Un enfant qui pleure en silence. Sans cris, sans bruit, sans larmes. Il n'est rien de plus qu'un môme, fragile, qui se brise à répétitions. Et il ne changera jamais.
    Il relève le regard, dépose ses mains sur la table.

    « Je ... je ne peux pas, Edwin. Je ne suis pas prêt » ment-il, quand ses yeux Le supplient de l'aider à s'en sortir. Je dois m'en aller. »

    Pour l'amour du ciel ... Ne me laisse pas partir.
    Ne me laisse pas Mourir ...



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