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     4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...

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    AuteurMessage
    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyLun 10 Jan - 18:09
    Cathy O'Connor

      Une nouvelle piqûre d’anesthésie pour une nouvelle existence.

      Cette journée là était une journée particulière. Un vampire lui avait dit un jour que n’importe quel humain, pourvu qu’il soit doté d’intelligence, était capable de venir à bout d’un fils de Caïn. Depuis lors, elle comptait appliquer ce concept à la lettre. Parce que si Cathy n’était pas naturellement combative, elle n’en abhorrait pas moins la quasi-totalité des représentants de la race caïnite. Sa condition d’objet avait fini par ne plus beaucoup l‘atteindre, certes, il ne faut surtout pas en conclure qu’elle comptait plier l’échine devant ses bourreaux. Peut être préférait elle l’anesthésie à la lutte, il n’empêche que la simple idée de perdre la seule dignité qui lui restait au profit de quelque soumission ne l’avait même jamais effleurée. Ne pas tirer le diable par la queue d’accord, lui offrir son cœur sur un plateau d’argent, certainement pas! Le prochain vampire qui s’attaquerait à elle en subirait les conséquences

      Elle quitta donc le manoir tôt dans l’après midi, afin d’armer ses projets de défense comme il se devait. Vêtue de la tenue la plus confortable qu’elle ait pu dénicher, un sac contenant la dague que le même vampire lui avait gracieusement léguée et quelques flacons de parfum vide, elle se rendit en ville. Sa première halte fut consacrée à la dague. Après quelques moments d’errance, elle trouva enfin ce qu’elle cherchait : un magasin d’armes et de pièces en tout genre, qui servirait parfaitement la première phase de l’opération. Elle y pénétra donc dans le bâtiment, se rendit directement en caisse et présenta la dague, exigeant que l’on y grave un crucifix sur toute la longueur, de chaque côté de la lame, si possible dans la journée. Le vendeur, un jeune homme visiblement parfaitement inexpérimenté, parut s’en étonner, mais ne fit aucun commentaire et se contenta de lui assurer que le travail serait effectué en fin d’après midi.

      Satisfaite, quoique comme toujours un peu sceptique, elle lui servit son plus beau sourire et sortit, espérant que son charme aiderait l’accélération du processus. Après quoi elle prit le temps de trouver un commerce de vieilleries en tout genre, dans lequel elle dénicha un coffre de relativement petite taille, munie d’une clé qui servirait d’avantage à la rassurer qu’à empêcher la découverte des objets compromettants qu’elle s’apprêtait à introduire au manoir. Manoir vers lequel elle se dirigea ensuite en attendant de se voir fournir son premier moyen de défense.
      Une fois retournée à ses appartement, elle consacra le reste son après midi à la recherche d’une planque convenable. Débrouillarde et suffisamment manuelle pour ce genre de tâche, elle finit par extraire une latte du plancher luxueux qu’elle foulait tous les jours et vérifia que la profondeur pourrait contenir ses nouvelles acquisitions. Une fois ceci fait, elle refit le chemin en sens inverse, et entra dans la boutique d‘armes. Sa montre indiquait dix huit heure trente. Si ce jeune imbécile avait effectivement succombé à son sourire, il ne devrait pas y avoir de problème.

      Lorsqu’elle se présenta à lui, à nouveau parée du sourire le plus charmant qu’elle ait encore en réserve après des mois de froideur perpétuelle, il lui présenta l’arme parfaitement taillée, qu’il daigna même ranger dans un petit coffre de velours avant de le lui tendre, un air qui se voulait certainement séduisant sur le visage. D’une voix mielleuse, il s’enquit du rôle que pourrait bien avoir cet objet singulier. Elle fut tentée de lui répondre que si il tenait réellement à être démuni de ses entrailles et pendu par les tripes jusqu’à ce que mort s’en suive, il pouvait toujours poursuivre son petit numéro, mais elle se retint et, magnanime, se contenta de répondre d’une voix tranchante.
      « J’ai l’intention de me faire pousser la barbe et de monter un groupe de heavy métal, que j’appellerai les Bloody Vampires et par le biais duquel je répandrai le chaos sur ce monde. »

      D’un coup d’œil, elle s’aperçut que l’homme qui discutait avec un vendeur juste à côté d’elle, muni d’une barbe, de cheveux longs et d’un air particulièrement sombre, aurait été tout à fait du genre à monter un groupe appelé les Bloody Vampires. Observation qui manqua de la faire éclater de rire, mais elle se contenta de lui adresser un sourire calme, avant de quitter le magasin pour la suite des opérations. Suite qui s’avèrerait autrement plus laborieuse.

      Elle avait repéré depuis quelques jours une église abandonnée en retrait de la ville, dans laquelle elle comptait bien compléter ses moyens de défense. Le trajet pour y parvenir lui prit deux heures, et le soleil se couchait lorsqu’elle fracassa la porte condamnée et fragilisée par le temps pour pénétrer dans l’enceinte du lieu saint. Dès qu’elle fut à l’intérieur, une odeur de poussière et de chair morte obstrua ses narines, manquant de lui faire tourner de l’œil. L’église était baignée d’ombre, malgré les trous béants qui avaient remplacé tous les vitraux fracassés par une force surhumaine, et il lui fallut un certain temps pour s’habituer à l’obscurité ambiante. Un froid glacial et irréel s’infiltra par chaque interstice de ses vêtements, parcourut sa peau et déclancha en elle des frissons qui lui firent amèrement regretter de ne pas avoir pris de veste. Mais elle prit son courage à deux mains, ignora la petite voix qui lui criait de se carapater en vitesse et progressa d’un pas prudent dans l’allée principale, son sac fermement collé contre elle. Ce lieu était un véritable champs de ruines. Tous les bancs de prière avaient été fracassés les uns contre les autres, des morceaux de bois et de verre crissaient sous chacun de ses pas. Elle ramassa ceux qui s’apparentaient le plus à des pieux et les fourra dans son sac, puis se rendit jusqu’au confessionnal qu’une bataille acharnée avait transformée en amas de ruine. Un frisson d’horreur lui glaça l’âme lorsqu’elle aperçut les restes d’un corps ancré à la cloison qui autrefois séparait le pêcheur de son confesseur, et qui s’élevait encore au milieu des décombres. S’entendant déglutir avec peine, elle s’approcha encore, et contempla le squelette , vêtu des restes d’une robe de prêtre, cloué tel le Christ sur la croix.

      Malgré son horreur et les battements assourdissants de son cœur, elle ne tarda pas à remarquer le chapelet de métal que la main du martyr tenait encore au creux de la paume. Elle retint son envie de vomir, saisit le collier de perles et l’arracha d’un coup sec. Quelques débris d’os volèrent en éclat tandis qu’elle observait d’un œil interrogateur la clé de métal qui pendait aux côtés de la croix du chapelet. Ses sourcils se froncèrent. Que pouvait bien ouvrir cette clé?
      Un peu plus loin, le visage de Jésus, arraché de sa croix et écrasé au sol, sembla la toiser d’un œil profond de sévérité et d’amertume. Les sourcils de Cathy se froncèrent, alors qu’en elle s’insinuait l’empreinte désagréable de la culpabilité des pêcheurs.

      - Ne me regarde pas comme ça, marmonna-t-elle. Je n’ai pas l’intention de finir comme toi.

      Un bruit sec et diffus parvint à ses oreille, faisant bondir son cœur d’un affolement sans nom. Elle fouilla dans son sac, extirpa l’arme et se retourna vivement. Rien. Ses yeux se portèrent sur le trou béant qui remplaçait l’immense vitrail de la façade murale. Le soleil était couché.

      Désormais animée d’un sentiment d’angoisse profonde, elle reprit sa marche. Apparemment, ce lieu avait été pris d’assaut par des vampires enragés, preuve que la divine puissance exerçait encore quelque peur au sein de leur cœur mort. En poursuivant son chemin, elle vit le crucifix, couvert des traces de brûlure que les vampires avaient laissées en l’arrachant. Le mur derrière l’autel avait été gravé de quelques inscriptions menaçantes, d’avantage reflet d’un réel effroi que d’un contrôle de la situation. « Ici s’arrête Son règne. Ici commence le Mal ». Un tel cliché que Cathy ne put réfréner un sourire, malgré l’horreur qui continuait de faire trembler ses muscles.
      Elle compta trois autres corps, tous mis en scène de la même manière grotesque que le premier. Au fond de la salle, elle dénicha enfin un bénitier, dont l’eau stagnante avait été recouverte de vase. C’est d’un geste dégoûté qu’elle retira toutes les algues qui flottaient au dessus de l’eau, plongea ses flacons et les remplit jusqu’à raz bord, se jurant de penser à les filtrer dès son retour au manoir.

      Ce fut en levant le regard que ses prunelles distinguèrent une irrégularité dans les lattes qui constituaient le plafond de la nef centrale. Plissant les yeux, elle crut apercevoir les contours d’une trappe. Son cœur fit un bond. Chouette, un trésor caché!!! Hum…
      Dénichant un banc qui tenait encore à peu près debout, elle le ramena sous sa nouvelle trouvaille, grimpa prudemment dessus et poussa les planches de toutes forces. Rien à faire. Coincé. Elle s’explosa la vue à tenter de discerner un mécanisme, et put enfin voir une petite serrure au devant de la trappe. Serait il possible que…? D’un geste fébrile, elle fouilla dans son sac, en sortit la clé que le prêtre tenait en main et l’inséra dans la serrure. Un déclic. Elle poussa de nouveau les planches, qui s’élevèrent dans un nuage de poussière.

      Suffocante, elle profita de sa fine musculature, bâtie par les années de danse obscène pour se hisser dans l’interstice créé. Une petite prière s’éleva à l’adresse de je ne sais quelle force, afin qu’elle soit exempte de toute rencontre avec le Roi ce soir. Si il la trouvait dans cet état là, avec ce qu’elle avait fabriqué tout cet après midi là, il allait l’étriper.
      Elle se retrouva dans la pièce qui contenait les cloches que les prêtres avaient autrefois fait sonner. La clarté des lieux, garantie par la nouvelle absence de vitrail au nord de la pièce, lui permit de distinguer un énorme coffre juste en dessous de la plus grosse cloche. Elle allait s’en emparer quand un nouveau bruit perça le silence, bien plus fort que le précédent. Affolée, elle serra la main autour de son arme, s’agenouilla et rampa calmement vers le trou par lequel elle était montée. Son cœur battait si fort qu’elle peinait à entendre les pas pourtant distinct d’une personne en dessous d’elle. Seigneur… un vampire? Avec la chance qui la caractérisait, c’était forcément un vampire… Une masse de cheveux blonds soyeux apparut dans le trou. Sans hésiter, elle fondit sur leur propriétaire, tombant de tout son poids sur lui pour le faire basculer. Avant de lui laisser le temps de réfléchir, elle bondit sur son corps allongé et plaça sa lame tranchante contre sa carotide.

      Agenouillée au dessus du corps masculin qui lui faisait face, son regard glacé ne laissant rien transparaître de l'emballement qui rendait son coeur totalement fou, elle augmenta légèrement la pression de la lame. S'agit pas qu'il se croit autorisé à bouger non plus. D'un geste lent, elle plaqua la gravure de croix qui ornait la dague sur la chair de son cou. Rien... Dommage. Elle aurait adoré imposer sa marque sur la peau d'un vampire; Celui là n'était qu'un Homme.

      - Je peux savoir ce que vous fabriquez dans un endroit pareil en pleine nuit? murmura t'elle d'une voix semblable à de l'acier liquide.

      Il pouvait bien entendu lui retourner la question. Mais elle était présente avant lui, et ne lui donnait donc pas la désagréable impression de l'avoir suivi jusque là.

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    Atticus

    Atticus

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    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyLun 10 Jan - 18:13
      Ron ron... ron ron... C'est tout ce qu'il sait faire, celui-là. En plus de se frotter contre moi toute la journée, et de mettre plein de poils sur mon cuir. Il trouve toujours le moyen d'ouvrir la porte de ma chambre et se faufiler dans mon lit. Et j'ai bien de la chance ce matin, il ne m'a pas prouvé son affection en me lèchant la figure. Parfois j'ai peur que Minou ne soit qu'Edwin, et que mon maître sous l'apparence d'un chat ne contrôle plus ses réflexes... Ce serait plutôt gênant. Okay, on a une complicité à toute épreuve, mais ça ne va pas plus loin ! Je préfère ne plus me poser cette question qui me turlupine tous les matins. Je ne vais pas me méfier d'un chat, tout de même...

      Minou dans sa toison blanche s'est étalé de tout son long sur mon torse. Son museau humide farfouille dans ma barbe. L'est pas gêné, l'autre ! Je l'envoie immédiatement valser à travers la pièce. Dans un miaulement rauque, il s'échoue sur une commode. Faut pas m'emmerder le matin, surtout quand je suis de mauvais poil. Et puis quelle nuit misérable... J'ai dû dormir deux heures, tout au plus. Les voisins ont fait la foire de l'autre côté du mur de ma chambre, la prochaine fois qu'ils égorgent un humain pendant que je dors je sonnerais à leur porte pour leur en toucher un mot.

      Je m'assieds sur le lit en repoussant les draps. Soudain je hurle.
      Je viens de marcher sur un autre chat étalé au pied du lit, et il n'a pas hésité à me griffer sans le moindre scrupule. La plante de mon pied droit est balafrée de trois griffures parallèles. Je souffre. Mais y'en a combien, des chats, dans cette foutue piaule ?!

      Cette journée commence mal. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il va m'arriver une tuile aujourd'hui. Je ferais mieux de ne pas sortir.
      Décidément, je trouve toujours de bonnes raisons pour ne pas quitter mon cocon. Je suis si bien ici, avec Edwin... et ses *** de chats... Bon allez, je me lève, j'ai la dalle.
      Je fouille dans le tiroir de ma commode et en sors un pantalon en cuir, un caleçon et un pull fin noir. Rien de très original, je m'habille comme ça tous les jours. Tiens, j'ai du mal à rentrer dans mon pantalon ce matin... Aurais-je grossi ? Faut dire que je ne me refuse rien, ici. Un coup de fil au service du château, et j'ai tout ce que je veux ! Rien qu'hier, je me suis engouffré dans le gosier une moitié de tarte au citron meringuée. Un pur délice. Dans ce palais, je suis traîté comme un roi : Ed est aux petits soins pour moi, tous les jours il me bichonne comme un toutou avant un concours canin. Il semble tenir à moi, et j'avoue que je l'aime bien aussi, malgré ses sautes d'humeurs régulières... Je me suis rarement aussi bien entendu avec un homme. Enfin, un homme... façon de parler, hein...
      Si c'est ça être esclave, je veux bien rester en captivité, moi.

      Je quitte la chambre, les chats à mes trousses. Le plateau du déjeuner est déjà posé sur la table basse du salon. On me l'apporte tous les jours à midi. Sont fous, eux ! Ils pensent qu'un type comme moi qui ne bosse pas et vit comme un roi se lève à des heures pareilles ? Je m'autorise des nuits de douzes heures, si ce n'est plus. Parfois Je partage la demi-journée d'Edwin...
      Je suis une loque. Une grosse feignasse.

      Je mange. Après quoi je me relève et me dirige dans la salle de bains. Ma brosse à cheveux a disparu... nooon ! Grand défi de la journée : la retrouver. Je vais devoir fouiller dans le maquillage d'Ed... misère. Lors d'une exploration périlleuse entre les fards à paupière de mon maître, je retrouve cette fichue brosse.


      Un quart d'heure plus tard, lavé, rasé et coiffé, je revêts ma longue veste en cuir noir, enroule une longue écharpe blanche autour de mon cou, et quitte l'appartement. Une fois dans le couloir, je m'arrête. Où est-ce que je vais ? Aucune idée. C'est juste histoire de sortir un peu, d'éliminer la tarte au citron d'hier...
      Parfois quand je m'écoute penser j'ai l'impression d'être dans un corps de femme.

      Il y a du monde dans ce couloir... Je les observe passer de chaque côté de moi. Il y en a beaucoup plus qui vont à droite plutôt qu'à gauche. C'est décidé, aujourd'hui je fais le rebelle, je vais à gauche ! Je parcours le long couloir et me retrouve au bout de dix minutes dans une salle immense et pleine de monde : le hall du palais, classe mais pompeux. Je le parcours et gagne les grands escaliers qui mènent à la sortie.

      Quel temps pourri ! Il fait froid, on se croirait à l'aube. La lumière est grisâtre et aveuglante. Heureusement que je suis motivé à prendre ce bol d'air frais, sinon je ferais demi-tour et resterais planté devant la télé... Non, décidément, pour moi l'esclavage n'est pas si difficile à vivre que ça...


      Deux heures plus tard, je termine ma promenade en ville et décide de faire un tour dans la forêt avant de retourner au palais. Le soleil ne va pas tarder à se coucher, il faudrait que je rentre avant que les caïnites ne sortent... Je ne tiens pas à en rencontrer un.
      Au bout d'un moment, alors que j'erre dans les bois, je pense m'être perdu. Je ne reconnais plus rien, et la cîme des arbres est bien trop haute pour que j'arrive à repérer les tours du château... Crotte, alors... Et ce soleil qui disparaître derrière les montagnes...
      J'accélère le rythme. Dans quelle direction aller ? Si seulement je ne m'étais pas attardé ici, si j'étais tranquillement rentré... Je serais en train de boire un chocolat chaud, bien en sécurité...

      Je finis par m'arrêter. Il y a une vieille bâtisse à quelques dizaines de mètres de moi, mais elle ne m'inspire pas confiance, je ne vais certainement pas aller là-dedans. Je me retourne pour partir dans l'autre sens et aperçois avec surprise deux vampires qui se tiennent face à moi. L'un d'eux me sourit, dévoilant ses canines longues.

      - Tu ne devrais pas traîner ici le soir, mon mignon... On ne sait jamais sur qui on peut tomber.
      - Sur des vampires, par exemple !
      renchérit le second. Il se trouve qu'on a faim et que tu es à croquer...

      Eh merde. Il ne manquait plus que ça. Je leur adresse un large sourire avant de me carapater en direction de la vieille bâtisse, qui ressemble fort à une église en ruines. Je les ai eus, ils restent hébétés sur place ! Mais ils ne tardent pas à me poursuivre. Et bien entendu, ils courrent beaucoup plus vite que moi...

      Ils n'ont pas le temps de me rattraper avant que je n'atteigne l'église. Etrangement, je ne les entends plus derrière moi... Je crois que je les ai semés... Bizarre, je pensais qu'ils m'auraient rejoint. Peut-être qu'ils sont repartis d'où ils venaient... ou qu'ils attendent que je sorte... Putain, qu'est-ce que je fais ? Je dois rester là ? Pourquoi ne sont-ils pas entrés ? Mon regard parcourt les lieux, et la réponse vient d'elle-même : ils craignent les lieux sacrés, semble-t-il. Je suis donc en sécurité ?

      A en juger par l'état de cette église, elle a déjà été profanée par des vampires. Les vitraux sont en miettes, les bancs fracassés tout comme le confessionnal où trône un apétissant cadavre plein de vers. Bon Dieu, que ça pue ! Je viens seulement de m'en rendre compte. Ca sent la Mort à plein nez, je doute que cet endroit soit la destination privilégiée des touristes. Il y fait très sombre, c'est affreusement glauque... Si ça ne tenait qu'à moi, je ne m'y attarderais pas, mais il y a deux caïnites dehors qui ont visiblement très faim, je ne tiens pas à leur servir de repas. Je vais donc rester ici le temps qu'ils se dégotent un autre casse-croûte.

      Puisque je suis ici, autant visiter un peu ! Ca me fera une petite histoire à raconter à Ed, ça l'amusera...
      J'avance lentement dans l'allée. Au fond, la statue du Jésus sur sa croix est démembrée, éparpillée sur le sol au pied du mur, sur le quel sont peintes des inscriptions.
      Alors que ma curiosité me titille et que je m'avance pour en comprendre les messages, un coup violent me projette brutalement par terre, parmis les débris de vitraux. Mon crâne percute le sol et un cri de surprise s'échappe de mes lèvres. J'ai à peine le temps de comprendre ce qui m'arrive lorsqu'une silhouette se jette sur moi et me chevauche, m'immobilisant en appuyant une lame contre ma gorge.

      Mes yeux s'habituent peu à peu à l'obscurité des lieux, et je distingue un visage féminin au-dessus de moi, encadré par une chevelure blonde. Elle ne semble pas me vouloir du bien, à en juger par l'expression de rage qui recouvre son joli minois. Je n'oppose aucune résistance, et il vaut mieux, elle est armée, la folle ! C'est que ça coupe, ces trucs-là !

      - Euh... je vais à la réunion hebdomadaire des satanistes anonymes, et vous ?

      J'ignore si j'ai eu raison d'être cynique avec une personne armée d'un couteau. On ne sait jamais sur quel malade on peut tomber, de nos jours... Et elle, qu'est-ce qu'elle fout ici ? Elle pense vraiment que c'est pas pur plaisir que je me balade dans des ruines puantes ?
      Je pose le doigt sur le manche du poignard pour l'inciter à le repousser de sous mon menton si bien rasé.

      - Ca vous dirait de ranger ce machin et de me libérer ? En d'autres circonstances, me faire chevaucher par une femme ne me déplait pas, mais là, vous avez beau être jolie, je vous avoue que vous me faites peur.

      Bah quoi, c'est vrai... Je préfère être franc avec elle tout comme avec moi-même : je ne suis pas un héros.





    Cathy O'Connor

      Au milieu de l'obscurité ambiante, Cathy put progressivement apercevoir les traits de ce nouvel intrus. Trait particulièrement avantageux, il fallait le reconnaître... Mais cet endroit ne regorgerait que de personnes semblant avoir été sélectionnées uniquement pour leur "joli minois". Et si Cathy avait été femme à se laisser attendrir par un regard profond et une voix de velours, elle ne serait certainement plus de ce monde à l'heure qu'il était. Et ce joli minois là pouvait bien faire toute les plaisanteries de mauvais goût qu'il désirait, elle ne démordrait pas.

      - Moi qui croyait qu'ici, c'était les anciens junkies, flûte alors, répondit elle d'un timbre semblable à de l'acier liquide.

      Alors comme ça, elle lui faisait peur? Elle haussa un sourcil calme, ne relâchant absolument pas son emprise, presque tentée de lui trancher le doigt qu'il posait avec tant de nonchalance contre sa lame. Pourquoi lui ferait elle confiance? La dernière fois qu'elle avait admis les libres mouvements d'un homme sous prétexte qu'il ne possédait ni dents pointues, ni teint cadavérique, elle avait fini avec une balle dans l'épaule. L'erreur classique du "j'oublie qu'il y a des chacals parce que je suis cernée par les serpents", elle l'avait faite une fois, pas deux. D'ailleurs, il n'avait pas grand chose de très rassurant non plus… Pantalon de cuir, regard ébène et barbichette... Si il avait voulu inspirer la confiance, il aurait mieux fait d'opter pour le smoking et la cravate rose.

      Pourtant, le regard de cet humain n'exprimait rien qui puisse s'apparenter à de la malveillance. En réalité, bien que sombre, il était tout ce qu'il y a de plus doux et de rassurant. Le genre de regard prêt à vous crier qu'il ne vous souhaitait aucun mal. Ce fut donc avec un soupir exaspéré qu'elle écarta sa lame de quelques centimètres, se servant pendant ce temps de sa main valide pour tâter le corps du bel inconnu. Tu m'en veux pas mon grand, mais je me méfie un peu des flingues maintenant...
      Pas d'arme; il était clean. Cathy se releva avec souplesse, et consentit même à lui tendre la main pour qu'il fasse de même. Après quoi elle s'épousseta brièvement, un peu révulsée par son propre état de crasse, mais étonnamment soulagée de ne plus être seule dans ce lieu de cauchemar.

      Elle allait réitérer sa question quand elle entendit un craquement sec à l'entrée de l'église. A nouveau, son corps se raidit d'angoisse, tandis qu'elle constatait avec horreur les deux silhouettes qui se dressaient devant la porte, hésitantes, mais dévoilant à pleine dents leur sourire vampirique. Elle jeta un regard horrifié à son nouvel interlocuteur, révulsée qu'il ait osé amener des vampires sur ses traces. Non mais t'es pas malade dans ta tête toi?!!
      Un nouveau craquement, suivi d'un grognement affamé. Elle poussa un soupir tendu et se massa les tempes quelques instants pour évincer la panique qui glaçait tout son être. Vaillante, elle repoussa l'acide qui se distillait dans chacun de ses entrailles, ainsi que la tentation de plus en plus forte d'envoyer l'autre imbécile se faire dévorer à sa place. Inutile de provoquer des morts... Elle finit par fourrer sa dague dans son sac, puis extraire le chapelet qu'elle avait arraché au cadavre pour le jeter dans les mains de Mihaïl.

      - Accroche toi ça autour du cou et aide moi. Je n'ai absolument pas pour projet de finir dévorée ce soir.

      D'un pas rapide et ferme, elle avança vers le fond de l'allée centrale, où reposait encore le gigantesque crucifix qui autrefois s'élevait sur le mur arrière de l'église. Elle attendit patiemment que le jeune homme daigne la rejoindre, afin qu'ils soulèvent la masse de bois ensemble. Une fois qu'elle l'eut fermement en main, elle s'avança sans une once d'hésitation vers les vampires et fit signe à Mihaïl pour qu'ils obstruent l'entrée avec. C'est avec une violence triomphante qu'elle plaqua la croix sur le trou qu'elle avait infligé à la porte, toisant d'un oeil glacial les deux silhouettes vampiriques qui s'éloignaient en grinçant des dents. Voilà... ils seraient tranquilles pour un moment avec ça.

      Sans un regard pour son nouveau compagnon de détresse, elle s'en retourna vers ses dernières investigations, remonta sur le banc dont elle s'était servi la première fois, et se hissa de nouveau dans la salle qui surplombait la pièce principale. Elle prévint Mihaïl d'une voix sèche pour qu'il fasse attention et poussa le coffre par l'interstice formé par la trappe, élevant dans l'église un fracas dont l'échos se répandit durant de longues secondes. Enfin, elle sauta avec agilité à sa suite et s'accroupit devant les dizaines de livres que l'éventration forcée de la boîte avait gerbés sur le sol. Au milieu des bibles et autres livres de prière, elle dénicha un paquet de feuillets anciens et craquants, qu'elle extirpa de la masse avec précaution. Se redressant, elle toisa les lignes manuscrites qui recouvraient les pages, une léger sursaut s'emparant de son coeur chaque fois qu'elle discernait un ou deux mots. Démons, sang, chaos, aidez nous... elle serra les dents. Certainement un journal de bord…

      - Alors je vis la Bête surgir des eaux et corrompre la Terre. murmura t'elle d'une voix éteinte, les yeux plissés sur la première feuille. Dans son ventre palpitait l'être suprême, l'homme d'iniquité, le fils de perdition. celui que les Écritures appellent Antéchrist et qui resurgira du néant pour tourmenter le monde...
      C'est un extrait de l'Apocalypse selon Saint jean. Charmant, vraiment...


      Un rire nerveux et discret secoua sa poitrine à l'idée que son maître et ses sbires soient comparés à l'Antéchrist. Voilà qui n'allait pas arranger son ego démesuré.
      Ses yeux s'immobilisèrent sur un petit numéro en bas, à droite de la page, griffonné lui aussi de la main du prêtre. 49. Un indicateur de page?
      Désormais horrifiée, mais poussée dans les tréfonds de la curiosité humaine, elle daigna enfin relever le regard vers Mihaïl, et lui adressa un sourire nerveux, alors qu'elle lui tendait un petit paquet de feuilles.

      - Que dirais tu de remettre tout cela en ordre? Quitte à rester ici, autant faire quelques recherches, non ?
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    Atticus

    Atticus

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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyLun 10 Jan - 18:23
      Pas beaucoup d'humour, cette nana. Allez, quoi ! C'est pas parce qu'on vit en permanence dans un coupe-gorge qu'il faut perdre le sourire !
      Elle est toute mignonne avec son petit couteau. Et elle n'a pas envie de rire. Trop sérieuse pour quelqu'un de son âge. C'est dingue comme Vampire's Kingdom peut transformer les gens normaux en psychopathes paranos... Je ne suis pas là depuis longtemps, mais j'en ai déjà vus pas mal. Etrangement, ils me sautent tous dessus... Les lunatiques comme les pervers... J'ai une tête à subir les folies de n'importe qui ? Faut dire aussi que je ne suis pas du genre à me défendre. Quand Edwin me frappe, je vais bouder dans ma chambre, et c'est tout...

      La charmante inconnue qui tient un couteau sous ma gorge me dévisage d'une drôle de façon... comme si elle essayait de lire dans mes pensées... Et là, tu comprends ce que je penses ? Si oui, hoche ta petite frimousse... Finalement non, le périmètre est parfaitement sécurisé. Aucun mouvement de sa part, elle se contente de me regarder, l'air absent.
      Et puis elle se met à soupirer, l'air déçue. Ca veut dire quoi, ça ? Qu'elle regrette de ne pas avoir à me trucider ? C'est décidé, c'est la dernière fois que je quitte l'appartement. Je tombe toujours sur des malades. En rentrant, la mauviette ne sortira plus de son lit.
      J'aime pas cet endroit, il fait noir, il fait froid, ça pue, et y'a des fous qui trainent...

      La femme cesse d'appuyer sa lame sur ma gorge mais la garde en position de défense, prête à me trancher la carotide si jamais je bouge... On va rester cool, hein... Pas de mouvement brusque. Et puis d'un coup, elle se met à me toucher un peu partout ! Hey, propriété privée ! Ca te plairait que je te tâte, toi aussi ? Nan mais oh ! J'ai une tête à me balader avec une kalachnikov sous le manteau ?
      Ce que les gens sont méfiants de nos jours. Ils voient le mal partout.

      Elle se redresse et me tend la main. Petit moment d'hésitation, puis je finis par la prendre et me relever tout en époussetant mes vêtements. Ed va piquer une crise si je rentre dans cet état...
      Soudain, un craquement. Nos deux têtes se tournent en parfaite synchronisation en direction de l'entrée délabrée de l'église. Les vampires ne sont pas partis, ils guettent notre sortie... Misère... Rien ne sert désormais de me barrer d'ici pour faire diversion et permettre à la foldingue de leur échapper, ils ont certainement senti sa présence, et ne nous lâcheront pas tant qu'ils ne nous aurons pas goûtés.
      Mais qu'est-ce que je dis là ? Je la connais pas, cette nana, pourquoi je ferais diversion pour elle ? Peut-être que c'est sa condition d'humaine qui me rend solidaire. Mais je ne lui dois rien, après tout, elle a bien failli me saigner comme un lapin avec son jouet...

      Je me retourne vers ma congénère. Elle semble réfléchir à une solution. Elle est pas nouvelle dans le coin, ça se voit... Elle finit par ranger son couteau et sort de son sac un objet qu'elle me balance dans les mains. Surpris, je le rattrape, manquant de le laisser s'échouer dans les débris de verre. Un chapelet ? Mais pourquoi ?
      Elle me demande de le porter. Ca va pas, non ? Depuis la mort de ma mère je ne crois plus en Dieu. Si je suis entré dans cette église c'est uniquement pour avoir une chance de survivre. Je crois en la force mystique qui éloigne les vampires, je suis tout à fait d'accord pour me parer de pieux et d'ail, mais un objet religieux sur moi, jamais ! Je sens déjà la peau de mes mains me démanger à son contact. Je ne supporterais pas de le mettre. Préfère crever la gueule ouverte que de me laisser protéger par la toute puissance de Dieu. Mon p'tit père, si jamais t'existe, tu peux te le fourrer où je pense ton chapelet de merde.
      Sans une explication, je prends la main de l'inconnue et lui mets le chapelet à l'intérieur. C'est gentil, mais t'occupes pas de ma pomme. C'est stupide, je sais... Mais c'est comme ça. Je préfère compter sur une autre croyance : mon destin.

      Elle se dirige vers le fond de l'église et me fait signe de l'aider. Oui, Madame, j'accours. Nous transportons la croix du Christ dans l'allée. Les deux vampires qui nous narguent reculent alors que nous avançons. La poser contre la porte en miettes suffit à les éloigner un peu... Mais je suis sûr qu'ils vont quand même rester.
      Toutefois, c'était une fameuse idée. J'aurais bien fini par y penser... non, je ne vais pas me mentir à moi-même ; je n'y aurais pas pensé. Quand on est niais on le reste.

      J'adresse un "Fuck" magnifique à ces deux zouaves. Z'avaient qu'à pas me suivre. Na.
      La jeune femme retourne au centre de l'allée pour monter sur un banc. A cet instant seulement je remarque la trappe au plafond... Ah tiens, c'est de là qu'elle m'est tombée dessus. J'avoue que, jusque-là, je ne m'étais pas posé la question...
      Elle a disparu dans le plafond. Un "attention !" retentit dans l'église avant qu'un coffre ne tombe brusquement à mes pieds. Il s'en est fallu de peu pour que je ne le prenne pas sur la tronche... Elle se rend compte de ce qu'elle fait, parfois ? Elle agresse les inconnus et crée un bordel monstre à elle toute seule... Mais qu'est-ce qu'elle cherche là haut ?

      Je m'agenouille auprès de la caisse et fouille dedans en sa compagnie. Des livres... des bibles... Des guides pour les adeptes de la secte légale qu'est le christianisme. En temps normal, lire d'énormes idioties en un moment pareil, c'est bien la dernière chose que je ferais ici... Mais je ne sais pourquoi, je me sens happé par un extrait d'une page à moitié déchirée...

      - A sa vue je tombai à ses pieds en pamoisson ; mais il posa sur moi sa droite et dit : «Ne crains point; je suis le Premier et le Dernier, et le Vivant; car j'ai été mort et me voici vivant pour les siècles des siècles, et je détiens les clefs de la mort et du séjour des morts.

      A en juger par l'état de cette feuille, elle appartient sans doute au même bouquin que celle que tient ma congénère entre ses mains. J'hausse les épaules avec un léger sourire pour répondre à sa question. Pourquoi pas... Autant s'occuper, on restera peut-être là un bon moment. Ces bêtes-là vivent des centaines d'années, ils ne se lasseront pas en quelques minutes...

      J'ai parlé trop tôt. Un nouveau craquement se fait entendre, mais pas du côté de l'entrée. Je lève mon regard hors des bouquins et aperçois l'un des caïnites péter ce qui reste d'un carreau pour entrer. Eh merde... On fait quoi, maintenant ?
      Sans réfléchir vraiment, mais en sachant exactement ce qu'il faut que je fasse, je me relève vivement et m'éloigne de la jeune femme et des bouquins. Les deux vampires se rapprochent en ricanant, satisfaits d'avoir pu entrer. Ils semblent craindre ce lieu mais tentent de le dissimuler.

      Je me dirige alors vers le bénitier, et arrache tant bien que mal de son armature en fer le récipient plein de liquide visqueux. Alors que l'un d'eux se rapproche dangereusement de l'inconnue, je lui balance le reste d'eau bénite au visage. Le démon se met à hurler de douleur, tandis que sa peau se décompose et que son corps fume à travers ses vêtements. Il s'écroule sur le sol, tout comme mon bénitier qui échappe à mes mains. Le second vampire jette un regard désespéré à son acolyte souffrant le martyr, et se rapproche de moi à toute vitesse.

      - Saleté d'humain ! Je vais te tuer !!

      Tout à coup, ses mains percutent mon torse avec une grande force. Tout se déforme autour de moi. Je m'écrase violemment contre une statue de la vierge et glisse jusqu'au sol comme un pigeon sur un carreau de building. Marie s'effrite autour de moi sur le vieux plancher. J'ai le souffle coupé, l'oxygène me manque. Je sens couler du sang dans ma chevelure, à l'arrière de mon crâne. Tout devient flou et plus sombre qu'auparavant. Je suis conscient, mais ne suis plus maître de mon corps. Mes membres sont engourdis, je suis immobilisé... Vais-je donc mourir ici ? J'aurais peut-être dû garder ce chapelet, en fin de compte... Pas pour prier, évidemment.





    Cathy O'Connor

      Elle fut un peu surprise de sentir la petite croix lui être remise en main. Adressant un regard étonné à son interlocuteur, presque vexée qu'une tentative si louable d'entre aide soit ainsi rejetée, elle n'insista toutefois pas, préférant le laisser faire ses choix. Elle non plus n'était pas très emballée par l'idée de remettre sa survie entre les mains d'une entité en laquelle elle avait cessé de croire, mais bon... Tant que ça marchait, elle était prête à se parer d'une robe de prêtre et à clamer la bonne parole si il le fallait. Cet endroit lui avait appris au moins une chose : il faut savoir parfois renier ses principes les plus absolus. Les règles changent malheureusement beaucoup d'une vie à une autre.

      Son compagnon de misère fut malgré tout relativement conciliant. Il semblait la prendre pour une folle, mais cela ne l'empêcha pas de venir lui apporter son aide, et le signe grossier qu'il envoya à leurs prédateurs ne manqua pas de la faire légèrement sourire.
      Une fois au calme, alors qu'elle partageait avec lui cette nouvelle découverte des réjouissances entre humains et vampires, elle fut même prête à tâcher d'engager la conversation sur leurs identités respectives, mais un bruit sonore interrompit cette maigre tentative de socialisation, faisant relever sa tête et arrêter son cœur. Elle resta figée un moment, soudain pétrifiée par l'atroce vision de ce vampire s'engouffrant par l'une des fenêtres. La bête s'approcha d'elle, toutes griffes dehors, glaçant tous son corps d'une terreur intense et impuissante. Elle était entrain de plonger désespérément la main dans son sac pour en tirer une arme, quand une vague lui passa sous le regard et arracha un cri de douleur à son agresseur.

      Ni une ni deux, elle reprit ses esprit, arracha son sac de son épaule, non sans avoir au préalable saisi la dague dont on lui avait généreusement fait cadeau. Son cœur battait la chamade, ses gestes étaient précipités par ce retour de flamme inattendu, et elle n'eut pas le temps de dire stop qu'un grand fracas la fit violemment sursauter. D'un regard horrifié, elle vit l'humain qui venait de lui sauver la mise, écrasé au sol par le choc qu'il venait de recevoir, à demi conscient, et menacé par le vampire qui s'avançait vers lui en un grognement vengeur. Elle se ressaisit complètement cette fois ci, et courut sans une once de réflexion vers les deux protagonistes de ce jeu macabre. Elle plongea, saisit la taille du vampire et l'entraîna avec lui dans une chute brutale contre le sol de marbre. Un instant, elle eut la sensation que tous ses os venaient de se briser contre l'épiderme quasi métallique de la bête, mais elle parvint à la faire basculer, s'écrasa lamentablement avec elle à terre. Le chapelet et la dague glissèrent à côtés de son corps endolori par le choc.

      Bien entendu, elle fut moins prompte à se ressaisir que le caïnite. A peine avait elle remis ses idées en ordre qu'elle sentit des mains la retourner violemment et l'écraser encore d'avantage contre la pierre glaciale, alors qu'un flot d'injure d'avantages grognées que réellement prononcées lui parvenait aux oreilles. Elle ouvrit les yeux, vit le visage du vampire à quelques centimètres à peine du sien, et une main enserra bientôt sa gorge, étouffant sa respiration d'une étreinte meurtrière. Elle suffoqua, tenta désespérément de repousser cette agression, mais ce fut peine perdue. Au moment où son esprit commençait à entrevoir les premiers signes de manque d'oxygène, son regard perçut le chapelet étalé au sol, non loin d'elle. Bouche ouverte pour tenter de trouver un peu de souffle, elle tâtonna fébrilement par terre, jusqu'à sentir les petites perles rentrer en contact avec sa paume. Une vague de soulagement déferla en elle, lui donnant le courage d'un dernier geste, et elle écrasa la croix en bois sur le visage de son agresseur, lui arrachant un hurlement de douleur, la faisant lâcher prise.

      Elle usa de toutes ses forces pour le faire basculer à côté d'elle et se redressa, suffocante, rampant au sol pour atteindre sa dague. Bien sûr, elle n'eut pas le temps de faire un mètre qu'un coup de pied lui fut asséné en pleine figure, la projetant en arrière, lui causant un tel choc que son esprit sembla littéralement éjecté de son corps. La douleur qui lui transperça le crâne fut insupportable, mais elle tint bon, tendant la main vers un morceau de bois affûté qui traînait devant elle, au moment exact ou le vampire fondait sur elle pour l'achever. Un dernier effort, elle se retourna, tendit la main vers la poitrine de la créature et la transperça violemment de son pieux improvisé. Il y eut un hurlement étouffé par la surprise, un instant de stupeur figé, et le vampire se désintégra enfin, répandant sur elle des milliers de poussières mortes.

      Au bout de quelques secondes, elle se redressa en un gémissement douloureux, porta la main à son crâne pour tenter de calmer la douleur qui brûlait son visage. Ce fut au moment où elle écartait sa paume qu'elle se rendit compte que son arcade avait été fracturée, répandant sur son visage un flot de sang qui venait désormais orner la totalité de ses doigts. Génial... En plus de ça, elle était recouverte de déchets de vampire. Merveilleux... J'ai toujours eu de la chance, mais à ce point là...
      Se souvenant vaguement de la présence de son compagnon, qu'elle fut maintenant bien forcée de considérer comme un allier tout ce qu'il y a de plus authentique, elle fit l'effort de se remettre sur ses jambes et de se rendre vers lui d'un pas ralenti par le vacillement. Il était dans un sale état... Une vague de remords s'empara d'elle, alors qu'elle s'agenouillait auprès de lui et l'aidait vaguement à se redresser, déclarant d'une voix angoissée et beaucoup plus douce qu'auparavant.

      - Hey... Est ce que ça va? C'est vraiment pas le moment de me faire un coup pareil... Tu m’entends?

      Il avait l'air conscient. Enfin... Aussi conscient que possible. Mais son crâne saignait abondamment et cet endroit était dans un tel état de crasse qu'il risquait la mort par infection. Elle aussi d'ailleurs...
      L'abandonnant quelques instants, elle se releva pour ramasser toutes ses armes et les feuilles du défunt prêtre éparpillées au sol, en profita pour enfoncer un pieux dans la poitrine de l'autre vampire, qui commençait à reprendre de plus en plus de couleur, puis jeta son sac sur son épaule et revint vers Mihaïl. Ne lui laissant nullement le choix cette fois ci, elle passa le chapelet autour de son coup, se saisit de son bras et l'entoura autour de sa propre épaule pour le soutenir et l'aider à se relever. Une fois le jeune homme fermement maintenu contre elle, elle avança d'un pas lent vers la sortie de l'église, pliant sous l'effort que représentait la portée d'une masse humaine. Il fallait absolument qu'elle les sorte de là. Mais faire tout le chemin jusqu'au manoir, dans un tel état...

      Une fois dehors, elle avisa une vieille voiture garée le long de la route. Bon... Puisqu'il le faut.
      Elle aida son compagnon à progresser jusqu'à la carcasse, et l'appuya légèrement contre le véhicule, le temps de libérer une main et de fracturer la vitre de son coude. Pas d'alarme... Dieu merci. C'est le cas de le dire.
      Elle débloqua les portes, contourna la voiture, assit Mihaïl sur le siège passager et boucla sa ceinture. Puis elle revint vers la place du conducteur, ouvrit d'un geste sec le boîtier qui trônait sous le volant. Une fois ceci fait, elle tâcha d'ignorer la douleur qui lui lacérait le crâne et se concentra pour se souvenir de ses quelques années dans le milieu de la délinquance. Quel fil avec quel fil?

      Au bout de quelques minutes, elle soupira, tenta l'arrachage de deux fils, et les mit en contact d'un geste fébrile, priant pour que ce ne soient pas ceux qui déclenchent l'autodestruction du véhicule... Encore quelques secondes de suspense et la voiture démarra enfin, lui arrachant une exclamation de victoire.
      Elle s'engouffra, releva le frein à main et démarra en trombe dans la route sinueuse qui brodait la forêt.
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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyLun 10 Jan - 18:30
      Elle s'extirpe difficilement de ses pensées pour finalement me serrer la main. Je sais à quoi elle est en train de penser... Elle a beau avoir l'air solide comme la roche, elle a certainement peur des représailles... Tout comme moi, elle redoute de voir débarquer des caïnites dans l'instant. Dans l'état où nous sommes, nous ne pourrons pas franchement nous défendre contre une nouvelle agression...

      Le sourire qui se dessine sur ses lèvres est timide et ne cache pas son anxiété. Son sang rencontre le mien dans nos mains frigorifiées. Nos ongles sont presque bleus. Qu'est-ce que je donnerais pour un bon choco devant le poêle, des charentaises aux pieds... Cette charmante jeune femme à mes côtés. Bon, je ne vais pas me plaindre, j'ai déjà la jolie fille, c'est pas mal ! Ouh là... Ca vole pas haut, chez moi... Signe qu'il est temps que cette blessure à la tête guérisse.

      Je lui rends son sourire pour acquiescer à sa question sur mon prénom.
      Cathy... Moi, je l'aurais plutôt appelée Terminator. Je n'ai pas vraiment vu comment elle a tué ces vampires, mais j'aurais aimé... Ce devait être spectaculaire. Je ne la connais pas, mais, j'ignore pourquoi, je la vois comme une machine de guerre dans un corps de poupée... Peut-être que je me trompe, peut-être que je n'ai vu que son côté guerrière, et qu'elle peut se révéler pleine d'autres surprises... C'est même certain.

      Elle sort et m'aide à m'extirper de la voiture. Quelle galanterie, vraiment. Je me sens un peu mal à l'aise dans cette situation... Mais je ne vais pas jouer les fiers alors que je suis à peine capable de tenir sur mes jambes. Une fois assis dans la terre humide, je commence à m'intéresser à ma blessure... le sang sèche déjà dans mes cheveux, c'est dégoûtant. Et puis ça fait mal ! Je ne préfère pas voir à quoi ça ressemble... Mais ça ne doit pas être bien grave, sinon je ne serais pas là à déconner alors que la situation est dramatique. Chez quelqu'un d'autre, on pourrait penser que c'est un moyen de s'échapper de la réalité... Mais pas chez moi. Je suis presque toujours aussi léger dans mes pensées et mes actes, il faut toujours que je positive... n'importe où, n'importe quand.

      Je sens Cathy s'installer derrière moi. Cette femme est la bonté incarnée... elle me sauve la vie, et puis elle me soigne... C'est si rare de rencontrer ce genre de personnes dans un bled pareil. D'ordinaire, c'est chacun pour sa pomme.
      Elle me prévient que ça risque de faire mal. Je lui répondrais presque que je m'en fiche car j'en ai vu d'autres, mais... elle n'y verrait certainement pas ma pointe d'humour et me prendrait pour un macho. Je vais donc garder mes réflexions pittoresques pour moi...

      Elle nettoie ma plaie avec délicatesse. Mon visage se crispe un peu, mais je ne veux pas le lui montrer. Je me mordille la lèvre inférieure pour transférer ma douleur. Non, non, à part ça je ne suis pas une petite nature...
      Je tiens le bout de tissu contre mon crâne tandis qu'elle s'approche du ruisseau pour s'occuper d'elle. Je m'apprête à me retourner pour la remercier une nouvelle fois, mais elle me devance en me faisant comprendre qu'il serait plus sage pour mes petites fesses que je ne profite pas de la situation. Je referme donc la bouche et esquisse un sourire détendu. Elle a bien raison d'instaurer les règles, même si je ne suis pas homme à contrarier une femme. Je suis doux comme un agneau, et c'est peut-être même à moi de me méfier d'elle... Eh, qui sait !

      - Tu peux me faire confiance, je ne suis pas de ce genre...

      J'attends un petit instant, histoire qu'elle puisse prendre son temps, puis je délaisse un instant ma blessure pour retirer mon manteau, et presse à nouveau le tissu à l'arrière de ma tête. De ma main libre, je pose mon cuir derrière moi, à son intention.

      - Mets ça, tu vas prendre froid.

      Une fois que le bruissement des feuilles mortes non loin de moi m'apprend qu'elle a fini sa petite toilette, je me lève et m'approche de l'eau sans croiser son regard. Je respecte trop les femmes pour m'abaisser à les regarder sans leur consentement. Je m'agenouille près du torrent et y plonge la tête. Ouah, c'est froid ! Mais qu'est-ce que c'est bon. Je démêle mes cheveux dans l'eau et les débarrasse du sang séché. Après quoi je les secoue un peu et les balance en arrière. Aaah... ma blessure... bobo...
      Je m'époussette le pull, puis me relève. Ca ira comme ça, je ne suis pas extrêmement sale...

      Waw, ça tourne, là-dedans. Je retrouve mon équilibre de justesse et me rapproche de Cathy. Alors que je lui adresse un sourire pour essayer de la détendre un peu, j'aperçois le flash de deux phares qui se rapprochent dangereusement. Je me jette alors sur ma congénère, la prend par les épaules et la plaque au sol, sur un lit de feuilles mortes. Un 4x4 passe près de nous en ralentissant. Depuis ma position, j'aperçois un teint blafard qui jette un oeil sur notre véhicule. Puis l'engin s'éloigne. Une fois certain que nous ne sommes plus à portée de vue, je baisse les yeux vers Cathy, à qui ma silhouette sombrement vêtue a servi de rempart. Un nouveau sourire à son égard.

      - Désolé... Ca va ?

      L'art de trouver l'excuse pour réchauffer son corps frigorifié...
      Heureusement que je ne me prends pas au sérieux... Je me poserais des questions, sinon. Je me redresse et lui prends la main pour l'aider à se relever. Je jette un oeil tout autour de nous, dans la forêt sombre. Plus un chat. Nous ne devrions pas nous attarder ici... C'est plutôt glauque, et pas très romantique.





    Cathy O'Connor

      Occupée à frictionner le tissu de son T-shirt, dors et déjà certaine qu'elle ne le récupèrerait jamais, elle esquissa un sourire évasif à la réponse de Mihaïl. Non, il n'était pas de ce genre... C'était à peu près la seule chose dont elle pouvait être certaine. Maintenant, de là à "lui faire confiance"... Le sourire de la jeune femme se fit légèrement plus douloureux, soigneusement caché par l'interdiction qu'elle venait de soumettre à son comparse. Si seulement c'était aussi simple... Au fond, bien sûr que c'était simple. Pas pour elle. Depuis combien de temps n'avait elle pas fait confiance?
      Elle secoua légèrement la tête, chassant ces sombres pensées qui n'avaient pas lieu d'être, et se redressa, prête à remettre son vêtement, désormais glacé et regorgé d'eau. Ce fut à ce moment là qu'elle avisa le geste de Mihaïl. Toisant la veste durant de longues secondes, un peu surprise, elle finit par sourire de nouveau, et murmurer une ébauche de remerciement, avant de se saisir du cuir et de l'enfiler en un soupir de bonheur. Elle fut stupéfaite de la chaleur qui le nappait encore. A trop vivre au milieu des vampire, elle en oubliait qu'un corps pouvait avoir quelque chose de chaleureux. Oui... Ca non plus, ce n'était pas une bonne nouvelle.

      Elle se recula pour lui laisser la place, le regard oscillant entre le vide et le jeune homme qui se tenait en face d'elle, encore tout juste suffisamment attentive pour remarquer qu'il évitait soigneusement son regard. A nouveau, elle sourit imperceptiblement, cachée dans l'ombre de l'obscurité ambiante. C'était trop mignon... Ce garçon était adorable. Comment avait il pu survivre jusque là, elle ne se l'expliquait pas, mais elle se surprit à féliciter les forces qui l'avaient reniée elle, et daignaient pourtant épargner d'autres âmes plus méritoires. Le destin n'est pas si cruel, finalement.
      Elle observa donc son manège, prenant malgré elle part à la légèreté qui semblait le composer tout entier, riant même discrètement à la grimace qu'il effectua quand sa blessure le rappela à l'ordre. Eh oui, il est peu judicieux de secouer la tête quand on vient de se faire scier le crâne à coup de Sainte Vierge.

      Il se releva avant elle pour lui faire face. Sans même qu'elle ne le commande, le visage de la jeune femme reprit ses distances, elle ne put répondre à son sourire que par une expression détachée, calme et absente. Mais avant qu'il ne puisse esquisser la moindre tentative d'approche, elle sentit une lumière blafarde aveugler ses prunelles, et sans qu'elle ne puisse comprendre la raison de cette soudaine clarté, une masse chaude et ferme la plaqua au sol, la laissant à la fois stupéfaite et littéralement tétanisée. Il fallut quelques secondes à la voiture pour les atteindre, secondes suffisantes pour que l'angoisse investisse de nouveau son âme. Elle ferma les yeux, espérant que cela pourrait les téléporter sur une île paradisiaque, seuls, sans tout ce froid, toute cette peur pour leur glacer les entrailles et briser leurs espoirs. Ignorant les battements affolés de son cœur, elle se surprit à écouter ceux de celui qui était allongé au dessus d'elle, protecteurs et chaleureux, à écouter le souffle qu'il laissait aller au creux de son oreille. Ca non plus, elle n'avait plus l'habitude. Elle en avait presque oublié que certains étaient capable d'avoir un cœur palpitant dans ce manoir.

      La voix de Mihaïl s'éleva, l'arrachant de nouveau à ses maigres étonnements, et elle ne put qu'ouvrir les yeux, réduisant une fois de plus la vision d'un cœur battant à celle d'un paysage hostile et glacial. Un peu désarçonnée, elle n'en laissa rien paraître et esquissa un sourire calme, pour le rassurer, et pour éviter tout ce qu'engendrerait le fait de ne pas aller. "Oui" répondit elle avec fermeté, empoignant sa main pour finalement se remettre sur ses jambes.
      Elle ferma la veste qu'il avait gentiment proposé de lui léguer avant qu'il ne puisse voir son intimité et les blessures qui parsemaient son buste, se pencha pour ramasser son linge trempé et finit par déclarer d'une voix sûre et posée, qui ne reflétait en rien les réflexions stupides qu'elle pouvait avoir.

      - Retournons à la voiture. Il n'y a plus rien à faire ici que risquer de nouvelles rencontres.

      Elle fit l'effort de sourire, et se mit en marche vers le véhicule. Mihaïl semblait pouvoir marcher, inutile de froisser sa fierté outre mesure. Elle s'arrangea tout de même pour rester à sa hauteur, des fois qu'il ne décide de s'effondrer en route, et tâcha de l'aider un peu à s'engouffrer dans l'épave qui leur servait de moyen de locomotion.
      Une fois derrière le volant, elle attacha sa ceinture et démarra de nouveau en trombe, espérant pouvoir trouver dans la vitesse une évasion suffisante pour se permettre de réfléchir. Ils ne pouvaient pas errer indéfiniment, ni rentrer au manoir... La situation semblait désespérée. Soit ils mouraient de froid au milieu de la cruauté des nuits d'automne, soit ils prenaient le risque de trouver au manoir un cortège de vampires pour les accueillir et apprendre le crime qu'ils venaient de commettre.

      - Ces deux vampires ne devaient pas être bien importants. lâcha t'elle finalement de son éternel stoïcisme. Nous ne serions plus là pour y réfléchir si ils avaient eu un tant soit peu d'années derrière eux. Je pense que leur disparition ne fera pas beaucoup de bruit.

      Le raisonnement paraissait logique, et elle tâchait fermement d'y croire.
      Avisant un néon rougeâtre et tremblant bordant la chaussée, elle arrêta le véhicule à nouveau, avec la même brutalité que la première fois. Un Motel. Un miracle.
      Rassérénée par ce maigre espoir, elle fouilla dans son sac pour y chercher un vague reste d'argent. Rien. Bien entendu. Elle détacha sa ceinture, et se pencha vers Mihaïl, s'excusant de ce geste, pour fouiller nerveusement dans la boîte à gants. Elle s'apprêtait à dépouiller un honnête travailleur. Tant pis, elle tâcherait de résoudre ce cas de conscience plus tard.
      Quelques secondes de fouille de plus en plus agacée, et elle sortit enfin une liasse de billets en une exclamation de triomphe. Bon, cet établissement était miteux et ne devait pas exiger des sommes astronomiques... Avec un peu de chance, ce maigre butin suffirait à louer une chambre pour la nuit.

      Son regard glissa vers Mihaïl, reprenant ses allures méthodiques, et elle finit par murmurer d'un ton qu'elle espérait détaché.

      - Bon... Nous sommes un couple marié, nous venons d'avoir un accident et nous cherchons une chambre pour la nuit. Nous sommes trempés parce que la voiture a plongé dans le ruisseau et nous ne voulons pas des secours parce qu'il est tard et que ce n'est rien de grave.... Tu penses que c'est faisable?
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyVen 14 Jan - 0:46
      Nous regagnons la voiture, doucement. Cathy semble avoir perdu de sa confiance en elle... Je lutte pour ne pas m'écrouler dans un coin et me rouler en boule en attendant la lumière du jour. Je hais la nuit et ses fantômes. Va falloir que t'assure, Egonov. Ne pas flancher. Je n'ai jamais vécu une situation aussi catastrophique... Enfin... Si, peut-être bien. Me résumer à penser que toute ma vie est une série de catastrophes serait beaucoup plus rapide à dire que de les énumérer une par une. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours eu une sacrée chance... Mais ça ne durera pas. Presque trente ans de coups de bol, c'est déjà pas si mal... Si la chance devait me bouder, je ne lui en tiendrais pas rigueur. Elle est tellement succeptible...

      Mal à la tête. Mais j'arrive à soutenir un sourire sur mon visage fatigué. Je ne veux pas que Cathy perde espoir. Si elle se laisse abattre... Je ne pourrais qu'en faire de même. Trop faible, je suis trop faible, et c'est à se demander pourquoi je suis encore en vie...

      Nous nous installons à bord de la voiture. Bon sang, qu'est-ce qu'il fait froid... Ce plongeon de tête dans le ruisseau m'a réveillé, mais il m'a frigorifié. Vivement que nous trouvions un endroit chaud et agréable... Je ne sais pas où nous sommes, je ne me suis jamais aventuré ici jusqu'à présent. Nous avons roulé tellement vite, je me demande combien de kilomètres nous séparent déjà de l'église et de ses tristes occupants... Si ça se trouve, nous sommes complètement perdus ! Calme, Mihaïl, calme. Ne panique pas. Tu as une femme forte à côté de toi. Détends-toi... Tout va bien se passer.

      J'attache moi aussi ma ceinture, au bout de plusieurs tentatives. Ma vue se trouble un peu, je ne trouve plus ce satané orifice à ma droite. Foutue voiture anglaise, ils font tout à l'envers. Cathy démarre la voiture, et nous quittons le talus pour reprendre la route. Je laisse reposer mon crâne sur l'appuie-tête, avant de me souvenir d'une blessure lancinante. J'ai vraiment la mémoire d'un poisson rouge, c'est pas possible...

      Nous traversons la forêt silencieuse. Le ronronnement du vieux diesel bourdonne dans mes oreilles. Cathy semble songeuse. Elle cherche probablement une solution à notre problème. Elle a dû en vivre, des épreuves, pour ainsi rester sur le qui-vive et la défensive, à l'affût du moindre mouvement suspect. Personnellement, il y aurait un vampire sur la banquette arrière que je ne m'en apercevrais même pas.

      Et là, le doute et la paranoïa s'installent. Discrètement, très doucement, je me tourne vers l'arrière de la voiture. Rien. Un léger soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres entrouvertes. Je suis con... S'il y avait eu un vampire, il nous aurait déjà sauté dessus...
      Hum ! Je me fais vraiment pitié. Si j'en avais la force, je me mettrais à rire.

      La voix de Cathy glisse dans mes oreilles comme une goutte de pluie sur une feuille. J'expire une nouvelle fois pour décompresser. Le simple fait qu'elle m'adresse la parole me fait du bien, ça me rassure un peu.

      - Je pense aussi qu'ils étaient néonates... Sinon ils m'auraient attrapé avant que je n'entre dans l'église, et ils n'auraient probablement pas eu peur de ce lieu saint.

      Bref, en résumé, s'ils avaient été anciens, ils nous auraient égorgés comme des poulets.
      Se soucier de ce que vont découvrir les autres vampires est un problème secondaire. Nous avons fait le plus difficile, maintenant il nous suffit de trouver un nid douillet et de relativiser... Demain, nous réfléchirons à tout ça. Maintenant, nous allons nous reposer, et retourner au palais en plein jour, histoire de ne pas tomber sur les caïnites. Je pense que c'est la meilleure chose à faire...

      Soudain, Cathy arrête brusquement la voiture. Je m'apprête à lui demander ce qui lui arrive, lorsque j'aperçois un Motel au bord de la route. Brr ! C'est glauque, on dirait une scène de film d'horreur, sans les sifflements sinistres du décor... Ou la bicoque de l'Auberge Rouge, un film stupide que j'ai vu quand je vivais en France.
      Hm... Regarder la télé, ça ne me réussit pas. Les coups sur le crâne non plus... Il est grand temps que je dorme.

      Cathy trouve de l'argent dans la boîte à gants, et m'expose son plan. Oui, bonne idée... Un peu farfelue, mais si on y met le ton, le réceptionniste n'y verra que du feu. J'acquiesce d'un hochement de tête. Nous quittons la voiture. Quelques secondes plus tard, nous nous arrêtons devant le comptoir de l'accueil. Je place mon bras autour de Cathy, ma main sur sa hanche. Elle tremble de froid. Le réceptionniste lève vers nous un regard inexpressif.

      - Bonsoir, Monsieur, vous reste-t-il une chambre de libre ? Ce n'est que pour une nuit. Ma femme et moi avons eu un accident dans la forêt, notre véhicule a quitté la route pour plonger dans le torrent.

      L'homme me regarde étrangement. Comme s'il cherchait à percer un secret derrière mes yeux. Il a visiblement du mal à croire mes paroles. Je retiens brièvement mon souffle, puis souris à Cathy, avant de la serrer un peu plus contre moi et déposer un baiser sur son front humide, l'air de rien. Au bout de quelques secondes, le réceptionniste semble croire que nous sommes effectivement un couple sans histoires, et se tourne pour prendre une clé, qu'il dépose sur le comptoir.

      - Chambre 427, premier étage.

      Je saisis la clé, le remercie d'un coup de tête ponctué d'un sourire, et m'apprête à entraîner Cathy dans les escaliers. Lorsque je sens une présence passer près de nous. Un étrange malaise s'empare de moi. Je regarde passer un homme du coin de l'oeil. Teint blafard, absence de respiration, la démarche féline. Un vampire. Soudain, il s'arrête, après nous avoir dépassés de quelques mètres. A cet instant, alors que mon rythme cardiaque s'accélère doucement, je sens couler un peu de sang dans ma nuque. La goutte perle dans mon dos, sous mon pull, et glisse le long de ma colonne vertébrale. Le vampire se retourne doucement et nous regarde fixement tous les deux. Je suis presque en train de trembler. Il ne faut pas qu'il sente ma peur. Je ne tourne pas la tête en sa direction, au contraire, je me concentre sur Cathy. Joli visage, un regard brillant... Elle est vraiment belle. Et si elle n'était pas là, je serais mort.

      Le vampire finit par regarder à nouveau devant lui, et poursuit son chemin jusqu'à la sortie du Motel. Cathy et moi gravissons les marches de l'escalier, sans nous arrêter. Nous parvenons enfin à la chambre 427. Je glisse la clé dans la serrure, et ouvre. La pièce est petite, mais pourvue d'un grand lit, d'un fauteuil, et d'une salle de bains minuscule. Bon bah... Je crois que le tapis est pour bibi. Il est un peu usé, mais je tombe de sommeil, je ne ferais sûrement pas la différence entre un bon matelas et lui.

      Nous pouvons enfin respirer. Je me laisse tomber sur le fauteuil et plonge ma tête entre mes mains, les coudes sur les genoux. Pfff... Quelle soirée...
      Je relève la tête et tente de décontracter mes muscles engourdis.

      - Tu n'as qu'à prendre le lit, ça ne me dérange pas de dormir sur le sol.

      Il faut encore que je m'occupe de cette fichue blessure. Je me relève et entre dans la salle de bain. Il y a du désinfectant dans le placard, je devrais m'en sortir.
      Un quart d'heure plus tard, à peu près soigné et propre, je retourne dans la chambre et balance mon pull sur le fauteuil. Je m'avance vers la fenêtre et écarte le rideau sur quelques centimètres. Il fait complètement noir dehors. Finalement, je ne me sens toujours pas rassuré... J'ignore si je pourrais fermer l'oeil cette nuit.






    Cathy O'Connor

      Mihaïl sembla, aussi étonnant que cela puisse paraître, acquiescer son idée. Il quitta le véhicule, et elle le suivit avant de changer définitivement d'avis. De toute manière, ils n'avaient pas le choix. La seule idée de devoir jouer la comédie l'épuisait, mais au fond, elle passait sa vie avec de faux semblants. Un peu plus un peu moins... Elle s'avança donc à l'intérieur de l'établissement, sombre et minable, tâchant de ne pas remarquer le décor sombre et miteux, qui commençait à aborder de vagues similitudes avec les films d'ambiance dans l'esprit de la demoiselle. Elle était fatiguée, tétanisée, et les allures Hitchcockiennes de ce misérable lieu ne faisaient rien pour calmer sa nervosité croissante. Heureusement, Mihaïl prit l'initiative inespérée d'agir de lui même, et c'est en un sourire qu'elle espérait énamouré qu'elle le laissa passer son bras autour de sa taille. Elle ne dit rien, se contenta de poser sa main sur le torse du jeune homme avec tendresse lorsqu'il embrassa son front, maudissant l'état fébrile qui l'empêchait de profiter de ce contact. Pour une fois qu'elle recevait un peu de douceur, voilà qu'elle était contrainte et forcée de ne rien en avoir à faire, bien trop préoccupée par le regard suspicieux du réceptionniste pour savourer ce maigre réconfort.

      La chambre leur fut délivrée, et elle dut renier une fois de plus sa non croyance en la Divine Miséricorde pour remercier humblement le ciel d'un tel miracle. Elle se retourna, prête à s’engager aux côtés de son mari, mais l’inertie dont Mihaïl fit preuve l’obligea elle-même à rester en place, étonnée qu’elle était qu’il ne se précipite pas à ses côtés loin de leur mensonge. Le regard de Cathy suivit la direction du sien, et c’est en un frisson glacé qu’il se figea sur la silhouette cadavérique qui leur faisait face. Elle maudit son cœur si faiblement humain de se mettre à cogner si violemment dans sa poitrine, et jeta au vampire un froncement de sourcil agacée. Risqué, certes… Mais elle commençait à sentir la cerise venir faire déborder le gâteau… Heureusement pour elle et son insolente attitude, ka créature se détourna d’eux, et Cathy put enfin relever un regard inquiet vers Mihaïl. Il eut la présence d’esprit de se remettre en marche. Sans ça, elle serait probablement restée plantée là encore un certain moment…

      La chambre était petite, poussiéreuse, et terriblement mal éclairé. Un regard un peu inquiet de la jeune femme lui permit d’aviser le seul lit double qui ornait le centre de la pièce. Pour un couple, quoi de plus normal après tout… Elle aurait mieux fait de prendre la parole elle-même. Elle aurait prétexté un oubli d’anniversaire de mariage conduisant à l’abstinence la plus légitime pour son pauvre mari. Tant pis, elle ferait avec. L’un d’eux pourrait toujours dormir dans le fauteuil. Et même partager le lit… Au fond, ils savaient se contrôler, non? Elle avança de quelques pas, jusqu’au lit, sur lequel elle posa son royal séant en un soupir épuisé. Mihaïl évoqua la possibilité de dormir par terre, elle n’eut pas la force de le contredire. Elle aurait dû… c’était parfaitement hors de question. Mais ouvrir la bouche, là, maintenant… Elle le contredirait plus tard.
      Elle ne lui jeta pas un regard lorsqu’il se rendit à la salle de bain, concentrée qu’elle était sur les tremblements convulsifs qu’elle ne parvenait plus à faire cesser. Allez, on se calme là dedans, il fait chaud maintenant…

      Trouvant soudainement ce nouveau silence bien trop pesant à son goût, elle se leva, et fouilla et s’avança jusqu’au post de radio en ruine qui ornait le coin de la salle. Elle fouilla dans les stations quelques secondes, jusqu’à tomber enfin sur une musique qui lui convenait. Le printemps, de Vivaldi. Une musique qui avait toujours su la remettre d’agréable humeur. Simple, joyeuse et unique. On pouvait entendre l’éclosion des fleurs à chaque nouvelle note, pourvu que l’on soit en état d’écouter cette douce fleuraison. Un petit chat d’oiseau au milieu de la tempête.
      Cathy alla se rasseoir en un nouveau soupir, et tenta de trouver l’énergie de se détendre. Nonobstant ce malheureux problème de couche, l’ambiance de cette chambre l’apaisait étrangement, et elle trouva au milieu des relents de poussière et de renfermé quelques senteurs familières, souvenir de sa vie passée au fond de la simplicité la plus absolue. Elle retrouva les effluves des lieux qui avaient toujours accueilli son réveil, et dont elle avait dû se passer depuis qu’elle était enfermée dans sa cage si somptueusement sanglante. Son appartement, bien moins sale tout de même, lui revint en mémoire, arrachant un sourire mélancolique au bord de ses lèvres. Elle eut même une étonnante pensée pour son pauvre chat, son pauvre Mr Hyde, qui devait probablement être mort de faim depuis belle lurette d’ailleurs. Dommage. Elle l’aimait bien, ce sac à puces, au fond.

      Un présentateur à la voix ancienne et digne annonça le passage au Requiem de Mozart, et la jeune femme fit l’effort de se lever pour éteindre le post. Un Requiem ne serait que trop ironique dans pareille situation.
      Elle tourna en rond quelques longues minutes, passant d’un coin à l’autre de la pièce, jetant derrière les rideaux tirés de multiples regards inquiets, s’attendant d’un instant à l’autre à voir le visage d’un vampire apparaître au travers de la vitre poussiéreuse. Une vague pensée pour son mettre suffit à briser l’apaisement qu’elle était parvenue à retrouver comme du cristal, et ses vas et viens devinrent de plus en plus nerveux. Elle se relevait, s’asseyait, fouillait les statiosn de radios, éteignait le post, se rasseyait…
      Elle en était à chercher l’interrupteur de la lampe de chevet quand Mihaïl rentra dans la pièce. Elle le vit reproduire le même schéma qu’elle, et ne put retenir un sourire amer. Brise moi ce silence Cathy, dis quelque chose… Fais un effort où vous allez craquer là…

      - Je vais prendre une douche, murmura-t-elle finalement d’une voix blanche, qu’elle espérait audible.

      Elle se leva, évita à nouveau de regarder dans la direction du jeune russe et s’enferma prestement dans la salle de bain. Un instant, elle resta immobile, le dos appuyé contre la porte, les yeux fermés, laissant échapper un soupir découragé du bout des lèvres. Ah ben bravo… Tu t’es surpassée là ma grande. Les relations humaines, ça te dit quelque chose? As-tu encore ne serait ce que notion de comportement social?
      Elle grimaça. Elle n’aimait pas cette situation. Si, bien sûr, elle était contente d’être tombée sur Mihaïl. Il remettait un peu de soleil dans ce monde de ténèbre,s un peu de couleurs au sein d’un Royaume qui ne semblait fait que de noir et de blanc. Elle était plus que soulagée de pouvoir adresser la parole à quelqu’un sans que cela ne vire à l’agression mutuelle. Mais elle n’avait plus l’habitude. Et au plus profond d’elle-même, une infime part de son être regrettait les assauts de son maître. Du mépris, de la haine et de la souffrance. C’était tellement plus simple à assumer que de la reconnaissance, de l’affection ou même de la cordialité. Elle n’avait été nourrie qu’à ça durant près de 16 ans, puis pendant maintenant bientôt un an. Passer à un nouveau régime d’entretient lui demandait une énergie considérable. Même si, ne fois de plus, c’était infiniment agréable. Dieu qu’elle pouvait être contradicoire quand elle s’y mettait.

      Après un dernier soupir, elle ôta ses vêtements et pénétra dans la minuscule cabine de douche. L’eau mit un temps fou à prendre une température convenable, et c’est après une ou deux minutes de lutte acharnée qu’elle put enfin profiter d’un jet brûlant et salvateur. Elle parvint enfin à réchauffer son corps endolori, à le débarrasser de la poussière immonde qui le couvrait depuis une durée qu’elle ne saurait même plus définir. Elle tenta de ne pas s’éterniser, bien que la perspective de prendre quelques minutes pour faire baisser la tension l’incita à faire durer ce maigre plaisir. Elle s’autorisa une ou deux larmes effrayées, et c’est un nouveau masque de sérénité qui couvrait son visage quand elle s’extirpa de la cabine. Elle n’eut malheureusement d’autre choix que d’enfiler à nouveau ses vêtements poussiéreux, et la veste de Mihaïl, qu’elle ferma soigneusement, non sans un nouveau remerciement intime pour la prévenance de cet homme là. Allez, il faut y aller maintenant…

      Mais non. Elle n’en avait pas le courage. L’envie, mais pas le courage. Elle alla s’asseoir contre le mur du fond et laissa son regard se perdre sur les tâches d’humidité qui constellaient le plafond devenu jaunâtre. Ses tremblements reprirent, bien qu’elle tente de les repousser avec ferveur. Ce n’était pas le moment de craquer. Surtout pas… Mais elle était tellement fatiguée. L’idée de se retrouver face à son maître après ce qu’elle avait fait la terrifiait. Et Mihaïl, dans l’autre pièce, devant lequel elle n’aurait jamais osé faire preuve de tant de lâcheté. Mais le masque s’effritait. Elle en avait conscience, et ne l’assumait pas, voilà tout. Montrer pareille faiblesse à un autre était absolument hors de question.
      Peut être… En attendant tu es seule assise au milieu d’une salle de bain miteuse, trop fière pour admettre qu’un peu de compagnie ne te ferait pas de mal. Pas très fûte fûte… Oui… peut être.
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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyVen 14 Jan - 0:51
      Les ombres menaçantes des arbres sombres dansent tout autour du Motel. C'est parfaitement glauque. Je suis sûr qu'il y a des psychopathes qui rôdent en bas... Ca ne m'étonnerait pas. Dans un autre contexte, et si je n'avais jamais vu les démons qui pullulent à Vampire's Kingdom, je me dirais que je suis parano. Mais là, je sais que mes craintes sont fondées. Maintenant, je crois à certaines de ces légendes qui font peur aux enfants. Je n'en suis pas encore à rendre visite au monstre sous le lit avant de me coucher, mais c'est limite.

      Je ne suis qu'un froussard. Je remets le rideau en place mais reste sur ma position. Je vois toujours la forêt à travers le tissu. Je perçois à peine le murmure de Cathy... Si elle parle aussi bas, c'est sans doute qu'elle ne veut pas que j'entende sa voix trembler. Il n'y a plus à avoir peur, maintenant, c'est fini ! Et pourtant, nous ne pouvons pas nous empêcher de redouter un potentiel danger... Faibles et craintifs humains que nous sommes.

      Il faut que je me détende. Respirer... Lentement... Positiver. Nous sommes en sécurité. Je dois m'en persuader. Personne ne sait où nous sommes, le réceptionniste ne nous connaissait pas... Comment pourrait-on nous retrouver, et surtout savoir ce que nous avons fait ? Non, c'est impossible. Je m'inquiète pour rien.

      Je m'effondre dans le fauteuil et fais glisser mes mains sur mon visage fatigué. A travers le mur j'entends l'eau de la douche couler. Je laisse reposer un instant ma tête sur le dossier du fauteuil. La douleur de ma blessure se diffuse dans tout mon crâne. Une barre lourde et épaisse vient cogner mon arcade sourcillière et la migraine m'envahit peu à peu. Il ne manquait plus que ça.

      Je viens seulement de me rendre compte qu'Edwin était peut-être inquiet pour moi. Il doit se morfondre, tourner en rond dans l'appartement... J'espère qu'il n'est pas en train de retourner tout le palais pour me retrouver, il ne faut pas qu'on s'aperçoive de ma disparition. En tout cas, demain, il me posera certainement des questions... Auxquelles je devrais inventer un mensonge. Je ne veux pas le mêler à ça. Je lui cause déjà assez d'ennuis comme ça.

      Quelques minutes s'écoulent et je sens déjà Morphée m'attirer dans ses bras. Je ferme les paupières et laisse le monde des rêves me happer. Le bruit de l'eau. Un bourdonnement continu dans mes oreilles. Les bruits de pas dans le couloir. Tout semble si proche et si lointain. Ce n'est qu'à cet instant que je me rends compte à quel point mon corps tout entier était crispé. Mes muscles se détendent enfin. Mon rythme cardiaque devient plus calme.

      Un sursaut nerveux. Mes paupières se soulèvent brusquement. Je redresse la tête. Cathy... Que fait-elle ? Elle est toujours dans la salle de bains, et pourtant l'eau ne coule plus. Elle a peut-être eu un malaise... Je vais voir si tout va bien. Je me relève et m'approche de la porte. Une respiration haletante. Mon front se pose contre la porte, juste à côté de ma main.

      - Cathy...

      Je me retourne doucement, plaquant mon dos contre le mur à côté de la porte, histoire de lui laisser le champ libre si elle veut sortir. Je me laisse glisser jusqu'à m'asseoir sur la moquette. J'en peux plus, je suis exténué... Je ne tiens même plus debout.

      - Cathy, tout va bien, maintenant... Il n'y a plus de danger, on est en sécurité...

      Sors de là, s'il te plaît... Me laisse pas tout seul avec mes peurs. Je suis prêt à veiller une bonne partie de la nuit à ce que ton sommeil soit tranquille, et que personne ne vienne ici. Mais sors, je t'en prie. Je peux te protéger, tu l'as bien fait pour moi alors que tu ne savais rien de moi...

      - Je peux veiller sur toi.

      J'aurais jamais cru que ça pourrait sortir de ma bouche. J'arrive même plus à retenir mes pensées à l'intérieur de mon crâne. C'est malin, tiens... Si seulement je pouvais arrêter de penser... Juste quelques minutes. Petite cervelle, pars, vas-y, pars ! Prends des vacances, t'en as besoin. Envoie-moi une carte postale, et n'oublie pas de revenir...

      Je suis fatigué, je délire. Mes paupières se ferment à nouveau. Ma tête est lourde. Je la laisse plonger dans mes bras croisés sur mes genoux. Dormir un peu, juste un peu... Me laisser bercer par la chaleur du radiateur juste à côté de moi.




    Cathy O'Connor

      De longues minutes s'écoulèrent, sans réellement lui laisser l'occasion d'en prendre conscience. Au bout d'un temps que ses sens n'auraient pas cru bon de définir, la pensée que Mihaïl devait s'être endormi traversa son esprit endolori de fatigue. Eh ben tu vois, au fond, c'était pas si compliqué. On attend que le prince charmant s'endorme et on court se réfugier dans les bras du grand méchant loup.
      Elle esquissa une grimace consternée. Tu n'as pas changé d'un pouce toi hein... Je vais sincèrement finir par croire que tu aimes ce qu'on t'inflige.

      Mais contre toute attente, la voix du prince s'éleva derrière la porte, la tirant de ses amères constatations avec douceur. Elle esquissa un sourire attendri à l'entente de ces paroles si innocemment murmurées. Comment un tel individu pouvait il encore exister au juste? Avait elle au moins une fois entendu ce genre de propos? Oui, sans doute... Elle s'était toujours empressée de les envoyer paître, mais elle avait dû les entendre, dans une autre vie. Peut être avait elle un peu changé, au fond? Parce qu'entendre ce murmure du temps de sa liberté l'aurait faite doucement rigoler. Elle se serait ouvertement moquée d'une si grande bonté d'âme, et aurait peut être eu l'indulgence de lui accorder un peu de plaisir pour le récompenser de sa bonne volonté.
      Alors qu'en cet instant, la seule chose qui lui vint fut une saine bouffée de reconnaissance. Elle se releva péniblement, étira son corps engourdi et s'avança calmement vers la porte, un mince sourire se profilant au coin des lèvres. Te ramollirais tu Cathy? Ce n'est pourtant pas vraiment le moment pour tomber dans le sentimentalisme...

      Bah... Pour une fois...

      Elle ouvrit calmement la porte pour sortir de la salle de bains, et s'avança dans la chambre sans accorder un regard à Mihaïl. Même ramollie, elle restait un peu cruelle dans le fond. Elle ouvrit les placard, son regard fouillant dans les coins pour trouver son bonheur. Il y a toujours dans les chambres d'hôtel une... Haha!
      Elle sortit une bouteille de whisky, un air triomphal se peignant un instant sur son visage. C'était certainement payant, mais ils ne risquaient pas vraiment d'être poursuivis s'ils osaient omettre les détails du commerce de ce motel pitoyable.
      Elle attrapa deux verres au passage, un paquet de cartes qui avait le malheur de traîner là, en profita pour aller chercher un paquet de cigarettes dans son sac, puis revint vers Mihaïl pour asseoir son royal séant à ses côtés, non sans un soupir de vache asthmatique. Méthodiquement, elle étala le matériel au sol, posa les deux verres et ouvrit la bouteille d'un geste solennel pour les remplir d'une quantité frôlant l'indécence, tout en murmurant d'une voix dont la zénitude la surprit elle même.

      - On a rayé deux vampires de cette planète ce soir, il ne reste plus qu'à boire pour oublier et fêter notre bravoure.

      Un sourire calme étira ses lèvres, elle alluma une cigarette et balança son paquet entre les jambes de Mihaïl, des fois qu'il ait envie de pousser la débauche jusqu'au bout. Enfin elle se laissa aller à un soupir un peu plus élégant que le premier, posa son crâne contre le mur et ferma un instant les yeux, vacillant encore entre la peur, la douleur et l'amusement que pareille situation engendrait. En un sens, c'était plutôt comique... Deux humains perdus au milieu de la vaste nature, dans un motel miteux qu'ils avaient gagné en braquant la voiture d'un honnête travailleur, tremblant comme des proies de chasse au milieu d'un terrier. Si elle avait su qu'elle se retrouverait dans pareil pétrin, sans doute n'aurait elle pas mis un pied dehors ce jour là... Mais, à bien y réfléchir, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pu... Faire baisser la tension, tout simplement. Le grand méchant maître avait été remplacé par deux vampires amateurs, certes, cela restait tout de même une situation hautement plus appréciable.

      Lorsque ses paupières se rouvrirent, ce fut pour laisser percevoir un visage amer et troublé de confusion. Sa mâchoire se crispa un instant de toute la rancune qu'elle accumulait sans cesse envers elle même, et c'est d'un regard baissé vers le verre dont elle faisait machinalement tournoyer le liquide qu'elle murmura en un souffle coupable.

      - Tu sais Mihaïl... Quand je suis arrivée ici, mon maître ma déclaré que d'ici peu, je ne pourrai... "plus me passer de lui". Et je crois qu'en un sens, il n'avait pas tout à fait tort. Oh je ne suis pas totalement maso, et je me passerais volontiers de toute cette histoire mais... Avec lui ça me paraît tellement plus facile. La haine... est une très bonne aide au dialogue chez moi.
      Tout ça pour dire... Je ne suis pas douée pour ce genre de solidarité. Aujourd'hui encore moins qu'avant. Je suis désolée.


      Un vague pincement de coeur vint un instant déranger l'engourdissement de son corps. Un petit rien, légère obstruction de gorge, tout juste un peu contrariante, et qui eut au moins le mérite de lui signifier qu'elle n'était pas encore devenu un cas désespéré. Elle tira calmement sur sa cigarette et entrechoqua leurs verres avec douceur, lançant soudain d'une voix détachée et joyeuse au possible.

      - Allez, cul sec beau mec.

      Elle vida le contenu de son verre sans aucun mal, se contenta d'esquisser une légère grimace une fois la brûlante substance passée dans sa gorge. Elle détestait le whisky...
      Le verre fut immédiatement rempli, elle attendit avec insistance que Mihaïl ait fini le sien pour lui administrer une nouvelle dose. C'était la seule chose à faire de toute manière.

      - Alors. reprit elle après une nouvelle bouffée salvatrice. Puisqu'on est coincé ici sans dormir, autant échanger des amabilités... Qu'est ce que tu faisais avant de venir ici? Oh attends je sais! Tu étais joueur dans un groupe appelé les "Bloody Vampires" et tu assistais aux occultations du retour du malin. D'ailleurs... Voilà pourquoi cette haine pour les crucifix...

      Un sourire taquin étira son visage, derrière un regard exagérément soupçonneux, immédiatement ponctué par un rire allègre et une nouvelle giclée de tabac envoyée directement dans ses poumons.
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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyVen 14 Jan - 0:56
      Je vais finir par sombrer. Morphée, que tes bras sont... inconfortables. Dès que j'ai le malheur de croire que je vais m'endormir, un sursaut nerveux me réveille.
      Je relève la tête, pour m'apercevoir que Cathy est sortie de la salle de bains. Elle fouille... Mais qu'est-ce qu'elle cherche ? Je la suis du regard, un peu étonné, et la vois brandir glorieusement une bouteille d'alcool hors d'un placard. Tiens, bonne idée ! Le whisky ne me réussit pas, je ne tiens pas longtemps avant de me mettre à rire... ou à pleurer, la plupart du temps. Mais je crois qu'il est la seule chose qui pourrait me faire du bien, là tout de suite. Aboule la bouteille, jeune fille ! Très bonne initiative.

      Elle se laisse tomber à mes côtés avec beaucoup de grâce. Ca me fait sourire. Tandis qu'elle remplit les verres sans se préoccuper de la quantité, mon regard suit le parcours du paquet de cigarette qui vient s'échouer entre mes pieds. J'en prends ? J'en prends pas ? J'aime pas fumer... J'en prendrais pas, alors. Bien Mimil, ta logique se travaille de jour en jour, c'est bieeeen... Tu finiras peut-être par ne plus te poser la question. Je pousse le paquet vers elle du bout des doigts en hochant légèrement la tête de manière négative. C'est gentiment proposé, mais ça ne me tente pas.
      Ma mère est morte à cause de ces trucs-là.

      Son moral semble avoir dépassé le niveau zéro. Personnellement, j'ai un peu plus de mal à m'en remettre... Je ne craque pas d'un coup pour me sentir mieux après quelques larmes... Je me torture tout le temps, et en plus ça ne sert à rien. La voir dans un meilleur état d'esprit me ferait presque atteindre le niveau zéro... J'étais bien en dessous il y a quelques minutes. On ne change pas un dépressif comme ça, hein...

      - Boire... Si le droit d'être bourré est tout ce qui nous appartient ici, pourquoi pas.

      Je dis bourré parce que je suis sûr et certain de le devenir. Souvent, il me suffit d'un verre et j'ai déjà le vertige et les joues roses. Je contemple le contenu de mon verre, et finis par en avaler une petite gorgée... qui a du mal à passer. Ma gorge me brûle, mais je sens déjà que l'alcool me sors de ma torpeur. Seconde gorgée, un peu plus conséquente. Ooh, doucement... pas l'habitude, moi. Elle m'arrache la gorge cette fois. La troisième, ça va déjà mieux. J'adore le goût du whisky.
      Même si mon père est mort à cause de ce truc-là. Décidément, question poisse, je suis gâté...

      Je tourne légèrement la tête vers Cathy. Elle fixe son verre, le regard perdu dans le vide. Je la sens mal à l'aise. Elle finit par m'avouer pourquoi.
      Je m'avoue heureux d'être tombé sur Edwin. Elle n'a visiblement pas eu autant de chance que moi côté vampire... Elle a dû tomber sur un grand sadique, le genre de démon qui s'amuse à te détruire le corps et/ou l'esprit pour son simple divertissement. Si la haine est tout ce qui lui reste... c'est que le mal est fait. Ca me fait mal au coeur pour elle.

      La haine... j'ai survécu grâce à elle pendant des mois. Je comprends tout à fait ce que Cathy peut ressentir. Aujourd'hui seulement, je commence à oublier ceux que j'ai détestés. J'ai l'impression de perdre une partie de moi, mais pour la survie de mon âme, il m'est nécéssaire de faire abstraction de mes démons... Bref, je ne vais pas commencer à penser à des trucs pareils, sinon l'alcool triste m'envahira avant même que je n'ai fini mon verre. Allez hop, le reste cul sec !
      Inévitablement, je tousse bruyamment. Je me racle la gorge et parviens à prononcer quelques mots d'une voix rauque :

      - T'as pas à t'excuser... Je suis bien assez solidaire pour deux. Souvent trop naïf, je me fais avoir par la compassion... Je suis incapable de me méfier, je vois la bonté partout.

      Et puis merde alors, j'ai pas envie de me méfier ce soir. Je fais confiance à cette inconnue, je ne sais pas si je fais le bon choix, mais après tout... faut savoir prendre des risques. En surface, cette femme a l'air dangereuse, mais au fond... tant mieux si elle en impose, elle possède des barrières, et pour vivre ici il en faut. C'est même indispensable. J'aimerais en avoir aussi. Je ne sais pas combien de temps je survivrais dans ce monde de fous... et à la limite, si je meurs, je m'en fous, ça fera un con de moins sur la Terre !
      Quelle magnifique estime personnelle, n'est-ce pas ?

      Elle a vidé son premier verre pour le remplir à nouveau. Je lui tends le mien. Tant qu'à boire, autant le faire comme il faut !
      La fumée de cigarette s'infiltre dans mes narines, mais je finis par m'y habituer et ne plus la sentir. Sa tentative de conversation me fait rire. Ca ne m'arrive pas souvent. Je pense que le whisky y est pour quelque chose... Je lui adresse un sourire sincère. J'imagine que mes pommettes rosissent à vue d'oeil.

      Tandis qu'elle rit, je commence à ouvrir la bouche et m'apprête à lui déballer mon histoire... Mais je m'interromps subitement. Elle a déjà du mal à faire confiance, si en plus je lui raconte que je suis un meurtrier en fuite - malgré ma bouille de nounours égaré - je ne pense pas qu'elle le prendra bien. Pourquoi parler du passé ? C'est déjà assez difficile pour moi d'y penser. Je me connais, si je commence à mélanger souvenirs et alcool, je vais finir dans ses bras pour pleurer toutes les larmes de mon corps. Inutile de lui montrer cette pathétique facette de mon humble personne, j'ai dévoilé assez de faiblesses pour ce soir...

      Je lève à nouveau les yeux vers elle et lui souris. J'espère qu'elle comprendra que je ne tiennes pas à parler de moi...

      - Oui, les Bloody Vampires, c'est bien ça. La chanteuse m'a entraîné jusqu'à Vampire's Kingdom et je me suis retrouvé esclave... Et toi ?

      Oui, et elle ? Dans quelles conditions est-elle arrivée ici ? Enlevée, je m'en doute, comme tout le monde... mais que faisait-elle avant ?
      Je ne pose qu'une simple et petite question car elle aussi a certainement besoin de garder quelques secrets, bien enfouis... Elle a quelque chose dans le regard qui me rappelle mon propre reflet.

      Le contenu du second verre glisse tout seul dans ma gorge, sans que je ne m'en rendes vraiment compte. Je commence à voir la bouteille en plusieurs exemplaires, mais après une tentative désespérée pour la saisir, je parviens enfin à remplir une nouvelle fois nos verres. Le réveil promet d'être difficile... J'espère ne pas faire de conneries ni de geste déplacé... Ca ne me ressemble pas, même en étant saoul, mais on ne sait jamais... De toute façon, je suis sûr qu'elle se ferait un plaisir de me remettre à ma place.

      Je pose mon verre à côté de moi, m'allonge sur la moquette et croise les bras derrière la tête, fixant un point invisible sur le plafond fissuré de la chambre.






    Cathy O'Connor

      Mince alors, aurais je trouvé encore plus dépressif que moi?

      Cathy jeta un regard un peu interloqué au corps allongé à ses côtés. Mihaïl abordait la phase du visage rougi par l'alcool et du regard progressant doucement vers le vide sidéral. S'il restait dans cette position, il allait tomber comme un rhinocéros déchu dans les bras de morphée. Ce qui en un sens n’aurait pas été une mauvaise chose pour lui... S'il avait été seul. Hors elle était là, elle ne ressentait pas plus les effets du calice qu'un sourd germanique n'entendrait un battement de cil offert par un nippone venue d'un autre temps et d'un autre monde, et elle ne voulait pas se retrouver seule avec Dame Solitude. Égoïste peut être, vital sûrement.
      Elle remplit son verre avec insolence et l'avala d'une traite, ne se donnant pas la peine de savourer ce breuvage alors qu'elle ne daignait même pas apprécier les whiskys plus nobles. Le temps que le désinfectant ne vienne brûler son tube digestif, elle écrasa sa cigarette et appuya calmement son crâne sur le mur, réfléchissant aux paroles, questions qui avaient pu naître de la bouche de son compagnon de fortune.

      Il avait été particulièrement exhaustif. Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour ça après tout, mais elle ne pensait pas rencontrer un jour d'humain plus réticent à se livrer qu'elle. Elle jouait sur l'autodérision et le flou artistique en règle générale. Lui évinçait la question. Un vague sentiment de familiarité se profila en elle, qu'elle ne comprit pas tout de suite. Mihaïl avait beau être son parfait opposé en matière d'attitude, timide là où elle aimait provoquer quiconque, doux face à la rigidité de ce qu'il faisait office de coeur à la jeune femme, il abordait pourtant un regard, une distance qui lui rappelait étrangement une petite fille perdue au milieu du bitume. Petite fille auquel elle se confrontait de plus en plus souvent depuis quelques temps.
      Elle poussa un soupir, acheva la bouteille en un dernier verre qu'elle reposa sagement à côté d'elle, le temps que les petits soldats de la désinhibition daignent lancer l'assaut de son cerveau bien trop sobre à son goût. Elle conserva le silence, jusqu'à ce que le coton familier n'embrouille ses connexions nerveuses, la plonge dans un rassurant état de faible appréhension du monde extérieur.

      - J'étais stripteaseuse dans un club de New York . finit elle par marmonner en rallumant une cigarette. Je passais mon temps entre mon job, les bouquins, les mauvaises fréquentations et les aventures d'un soir. Jusqu'à ce que quelqu'un n'ait l'envie grotesque de me mettre au service du prétendu Roi de cette charmante mascarade.

      Les dernières traces du liquide furent descendues droit dans sa gorge. Une grimace, un frisson, l'attente des effets bénéfiques.

      Aux sombres héros de l'amer qui ont sû traverser les océans de vide.
      A la mémoire de nos frères dont les sanglots si longs faisaient couler à l'acide.

      Santé!

      Un bref soupir, elle tira longuement sur sa cigarette, contempla d'un oeil engourdi les volutes de fumée nauséabonds dont elle aimait tant l'odeur nostalgique s‘élever devant son regard, puis conclut d'une voix impassible.

      - De toute façon ce n'était pas si improbable que ça. Connaissant la proportion de stripteaseuses agressées chaque année, et avec l'existence d'un endroit pareil, la logique voudrait presque que je sois là. Tomber sur le génie qui gouverne était une question de facteur chance, et ils ont dû oublier de cocher cette option me concernant la Haut. Quoiqu'à en croire mon maître, on se serait déjà vu. Le coup de foudre, qu'est ce que tu veux.

      Elle acheva sa cigarette rapidement pour enfin s'avancer subtilement vers le semi cadavre qui s'échouait tel la baleine à ses côtés. A quatre pattes, elle posa ses mains de chaque côté de son visage et lui adressa un sourire mutin, soufflant d'une voix dont la sensualité était consciencieusement exagérée.

      - Allons tu ne pas me quitter tout de suite jeune homme. Ça manquerait de galanterie.

      Elle laissa échapper un rire léger. Bien, elle était enfin assez désinhibée pour se permettre d'oublier la connerie du monde l'espace de quelques heures.
      Elle colla une bise claquante sur le front de l'alcoolisé, prit appui sur ses mains, jeta un "je reviens!" enjoué et sortit de la chambre, manquant au passage de se prendre la porte qu'elle ouvrit d'un geste théâtral. Artificiellement joyeuse qu'elle était, elle n'eut aucun mal à adresser un sourire sincère au concierge, après avoir descendu les marches telle le pachyderme pachydernant, pour lui annoncer d'une voix claire que son mari et elle manquaient de divertissements, qu'il leur faudrait encore un peu d'alcool et de quoi agrémenter cette soirée. Elle conclut l'échange par un regard de biche plus séduisante que la madone, et gagna une bouteille de Gin et un nouveau paquet de cigarettes. Les cigarettes n'étaient pas forcément nécessaire, mais ça suffirait à pallier l'insomnie.

      En prime, elle eut même droit à une élégante insinuation quant aux capacités du concierge à remédier au non divertissement dont elle souffrait. Ça c'était bien aimable de sa part! Elle ne manqua d'ailleurs pas de le lui dire

      Elle remonta enfin les marches quatre à quatre, rentra en trombe dans la chambre et s'exclama avec véhémence.

      - Debout les morts, au garde à vous soldat, on a une morosité aiguë à vaincre !

      Elle agita la bouteille de Gin sous le nez de Mihaïl en un nouveau sourire, lui colla deux ou trois minuscules coups de pieds dans les hanches et se rassit à côté de lui en un nouveau grognement de vache asthmatique.
      C'est avec une patience d'ange qu'elle attendit qu'il se redresse, pour empoigner le paquet de cartes et entamer de les mélanger d'un geste expert.

      - Le Black Jack tu connais? Bon, faut savoir compter jusqu'à 21, mais c'est divertissant quand on sait le pimenter.
      On ne parie pas d'argent, celui qui perd se voit attribuer un gage, plus ou moins sadique selon la clémence de son adversaire.
      Et je te préviens, mon maître est un ange en comparaison de l'imagination dont je peux faire preuve pour tourmenter mes concurrents!
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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyJeu 20 Jan - 21:10
      La logique. Oui, on finit par croire que tout est normal... C'est comme ça et puis c'est tout. Le manque de bol de Cathy semble bien plus désespérant que le mien, à en juger par ce maître dont j'ai souvent entendu parler.
      Stripteaseuse ! Etrangement j'aurais pensé à n'importe quelle autre profession.
      Quelle danse dans un cabaret, que je fabrique les meubles de ce cabaret, au fond quelle importance ont nos différences, notre ancienne vie... Nous sommes tous embarqués dans cette même galère, ou bien mascarade comme elle le dit.

      Mais j'aimerai tant te raconter mon histoire, moi aussi... Tu serais la seule à la connaître en dehors de moi. Même Edwin l'ignore. Je lui fais confiance, et pourtant... Ses réactions sont tellement imprévisibles. Depuis ce fameux jour où je suis arrivé, où toute allusion à notre passé a été proscrite, j'ignore qui il est, il ignore qui je suis. Souvent j'ai envie de lui expliquer... Ne serait-ce que lui parler de mes frères qui me manquent tant.
      Mais je ne voudrais pas qu'il me juge, qu'il se méfie de moi, qu'il me prenne pour ce que je ne suis pas.

      Je ne suis pas un meurtrier. J'aimerai qu'un autre que moi tente de m'en persuader.

      Mais tu ne comprendrais pas, chère inconnue. Personne ne le peut... Pas même moi. Je porterais seul mes douleurs et mes erreurs pour l'éternité, et nulle autre âme ne devra me soulager de ce poids qui écrase mon coeur et consumme mon humanité. Si je devrais te raconter quelque chose, ce ne serait qu'un mensonge... Et comme je suis un homme honnête, contre toute apparence et ce qu'en dit mon passé, je préfère m'en dispenser.
      C'est tellement plus facile de passer pour quelqu'un d'associable... une fois de plus je ne vais pas m'en priver. La solution la plus simple est souvent la plus sage.

      Je croise son regard, à travers la fumée de cigarette.
      Désolé... Je suis désolé... Et pourtant, si tu savais à quel point j'ai envie de parler.


      Les effets de l'alcool commencent sérieusement à se ressentir. Je laisse glisser mes mains sur mon visage et masse mes yeux douloureux. Lorsque je relève les paupières, la brume opaque qui a empli mon champ de vision se dissipe, laissant apparaître le visage de Cathy, penché juste au-dessus du mien. Un peu surpris, je la regarde en silence.
      Le temps que je comprenne qu'elle m'a embrassé le front, la porte claque.

      Silence.

      M'abandonne pas, Cathy... Tu reviendras, n'est-ce pas ?
      Me laisse pas tout seul dans ce motel glauque, ne me fuit pas... Ne me laisse pas le temps de réfléchir tout seul et de broyer du noir. Dans l'état où je suis, éméché, terrifié, je ne sais pas ce dont je peux être capable.

      Empêche-moi de penser, Cathy, je t'en prie.

      Je me tourne sur le côté, me recroqueville sur moi-même. Mon cocon de sécurité ne me suffit plus. J'ai besoin de toi, me laisse pas... Défends-moi de tous ces monstres qui me veulent du mal, de ces ombres qui s'introduisent dans ma tête et déchirent mes plus beaux souvenirs pour les remplacer par une ébauche de l'enfer.
      Ne les laisse pas me détruire !

      Youri, pardonne-moi...

      Des flashs, des cris et de la douleur, là dans mon coeur. A chaque pulsation ils se propagent dans les moindres recoins de mon corps pour alimenter mes organes en souffrance.
      Mes doigts sur mon visage recueillent une unique larme. Acide. Le symbole du désastre de mon passé, de mon présent, de mon avenir et de mon être glisse sur ma peau et s'échoue sur la moquette.

      Cathy... arrête mon coeur, arrête le temps, et lobotomise-moi.


      Foutu alcool et ses effets diaboliques. Je divague.
      Mes doigts s'écartent, laissant la lumière tamisée m'aveugler comme si le soleil me faisait face. Je me laisse tomber sur le dos, de nouveau. Un agréable arrière-goût alcoolisé flotte dans ma bouche. Ma gorge peine à laisser disparaître cette boule acide qui la ronge continuellement, mais la chaleur qui l'habite me réconforte un peu. C'est tout ce qui me reste de vivant et me rassure, car peu à peu tout le reste se met à geler, figeant pour l'éternité cette souffrance qui aura raison de moi.

      La poignée grince, la porte s'ouvre. Un léger sourire nait douloureusement sur mes lèvres.
      Cathy est revenue.

      Elle me bouscule et s'installe. Je me redresse, m'adosse contre la porte de la salle de bains, face à elle, jambes repliées contre moi. Mes yeux se ferment un instant. Quelques secondes me suffisent pour chasser le brouillard et éclaircir vaguement mon esprit, puis je relève le regard. Elle semble pleine de vie et d'entrain...

      La meilleure façon d'être heureux... c'est d'être hypocrite avec soi-même.

      Allons-y, c'est parti, je me mens. Je me sens BIEN. Très BIEN. Je n'ai aucun problème. Tout va BIEN. Un léger sourire s'étire à nouveau sur mes lèvres, et je tente de l'accompagner d'une expression sincère. Tandis qu'elle mélange les cartes, j'ouvre la bouteille de Gin et nous sert à nouveau.
      Allez bois, Egonov. Tu oublieras.

      C'est ça... Comme si j'allais commencer à me croire.

      - Le Black Jack... Hm oui, je crois, ça me dit quelque chose.

      Oui, je ne suis pas encore bourré au point de ne pas me souvenir des règles. Les pertes de mémoire, ce sera pour plus tard !
      Le jeu est lancé. Et bien évidemment, je perds, sinon je n'aurais pas une réputation de poisseux... Je vide mon verre d'une seule traite, martyrise ma gorge une fois de plus, avant de le poser à côté de mes 23 points.

      - Eh bien j'espère que tu n'es pas d'humeur sadique !

      Et là je lui sors le grand jeu : le joli regard de chien battu, les pupilles brillantes, le tout suivi d'un léger rire amusé. L'art de passer du bad trip à l'euphorie...
      Essaye donc de me tourmenter maintenant, si tu l'oses.







    Cathy O'Connor

      Dis, est ce que tu penses, qu'il faut arrêter là?
      Ce soir, alors que je contemple ton regard anéanti par les âges, je comprends.
      Dis est ce que tu crois, que tout ça c'est immense?


      Mihaïl semblait avoir un mal fou à retrouver le chemin du réveil, embrouillé qu'il était par les doses d'alcool et l'inertie dont la chambre se gorgeait depuis leur arrivée. Et à la vue de ce corps avachi dont la remise en route se fit aussi élégante que son entrée, Cathy maquilla son inquiétude sous un masque de sourire amusé... attendri. Il était drôle ce petit bout d'homme, avec sa timidité et sa méfiance, sa fragilité qui n'en était pas une, son art parfois de regarder autour de lui comme un enfant ne cesserait de demander pourquoi. Il fut un temps, elle côtoyait sans arrêt ce visage de douceur, mais les pourquoi semblaient alors tellement moins cruels. Enfant, on s'interroge sur les mécanismes qui obligent le soleil à se lever tous les jours, pas ceux qui ont décidé d'éteindre la lumière pour toujours. Oui, le monde est cruel. Et à voir cette preuve vivante qu'il n'y avait plus rien à faire que déplorer l'injustice, elle se contenta de sourire. Il avait d'ailleurs la bonté de lui rendre son entrain, si bien qu'elle s'osa pas rire de ses tentatives pour sortir de la torpeur. Une petite vague déferla dans son âme, une rafle de sérénité, ni malheur insurgé ni explosion de joie, juste une éphémère acceptation des choses.

      Elle l'incita à une main lourde sur l'alcool quand il décida de remplir leurs verres et distribua les cartes.
      Le sourire aux lèvres
      Un sourire de rien. Pour rien
      Le Black Jack avait au moins pour lui d'être bref. Et quand ils auraient enfin atteint le coma éthylique, il pourraient s'endormir en paix, sans risque de regretter une partie interrompue en cours de route.
      On distribue, on regarde, on conclut. Voilà qui ne devrait pas demander trop d'effort intellectuel à leurs neurones engourdis. Ils pouvaient se contenter de combler leurs pensées morbides par les futilités d'un jeu de gosse, sans jamais avoir à se préoccuper d'une suite qui n'existait pas... ou plus. Quelle bonne initiative elle avait eu là.

      Son sourire s'étira d'un triomphe exagéré lorsqu'elle put constater la pitoyable défaite de son adversaire, elle lui adressa un haussement de sourcil entendu, signifiant ainsi tout le pouvoir qu'elle avait bien l'intention de prendre. Tout cela aurait pu continuer longtemps, leur petit semblant d'innocence, leur envie de persuader l’autre que rien ne pouvait préoccuper leurs coeurs maladroits. Mais c’aurait été sans compter sur la complexité de l'âme humaine, et cette exaspérante capacité à trouver bonne toute occasion de se foutre le moral en l'air. Il suffit d'une petite phrase, un regard de chien battu plongé dans ses prunelles ternes pour que Cathy fût surprise par un désagréable un pincement de coeur. Ça n'avait rien de bien grave, une simple piqûre d'insecte... la douleur instantanée qui fait sursauter Milady et gâche le pique-nique que lui a suggéré Milord.

      - Non répondit elle en un murmure, un sourire presque surpris sur les lèvres, se gardant bien de soutenir les yeux pourtant comiques de son comparse.

      Non...
      Une simple piqûre d'insecte. Un déclic
      Es tu d'humeur sadique Cathy? Ce soir ou tous les autres, as tu comme prévu découvert le plaisir de venger ton malheur sur de pauvres âmes en peine?
      Non...
      C'est bien dommage pourtant, n'est ce pas? Je crois en toute bonne foi que tout aurait été plus facile si tu avais laissé ta haine te ravager. A fortiori, les raisons de ton stoïcisme ne sont pas les bonnes. Si tu n'avais pas eu l'arrogance de refuser cette haine, tu lui ordonnerais de se couper les brunes à l'heure qu'il est pas vrai?
      Mais non...


      Ce soir je comprends.
      Je n'ai aucune envie de te faire souffrir
      Pas même de te faire du bien.
      Je n'en ai rien à foutre, chéri.


      Son sourire reprit soudain des couleurs. Vaste et amère mélancolie, elle se contenta de fermer les yeux, alors que de fines larmes roulaient sur ses joues de porcelaine. Elle en aurait pleuré de rire. Mais ces larmes lui firent du bien, elle lui prouvèrent que malgré son scepticisme, mademoiselle l'esclave de sa majesté était encore capable d'émotions temporaires. Oui… temporaires. Les secondes s'égrainèrent, la laissant seule avec elle même derrière ses paupières closes... les larmes séchaient déjà. Mais le temps coulait, et avec lui l'évidence de presque toute une année de vie, des mois entiers à se mentir sur sa propre nature.
      Et d'un geste soudain, presque brutal, elle empoigna son verre de gin et l'avala d'une traite. Les larmes avaient séché.
      Ses dernières larmes.
      Véritables larmes, les dernières preuves d'une émotion qui ne soit pas la haine ou la révolte impuissante. Si tu savais comme je te remercie mon vieux... voilà longtemps que je n'avais pas pleuré sans raison apparente.

      - Tu sais Mihaïl, reprit elle, posant sur le visage du gringalet un sourire renouvelé, tu me touches beaucoup. Je ne te reverrai plus jamais après ce soir, n'est ce pas? Ça ne servirait à rien de toute manière... Et c'est pour ça que je t'aime bien. Parce qu'il n'y a aucune raison que je souffre à travers toi.

      La discours pouvait sembler pathétique, désespéré, mélodramatique.
      Pathétique peut être. Dramatique, certainement pas.
      Car c'est une bouffée d'espoir qui venait de pousser ces paroles. Le Royaume de son maître n'offrait plus rien à ses suppliciés, si ce n'était un aller simple vers la déchéance. Même ceux qui avaient la chance de tomber sur quelques âmes charitables n'étaient voués qu'à perdre totalement le fil de relations "normales". Mais à la faveur de cette soirée catastrophique, Cathy venait de retrouver un échange humain, des paroles qui n'avaient enfin pour but que d'être inutiles. Aucun attachement ne serait possible, toute insistance deviendrait déraisonnable... il n'y avait qu'eux, un flot de mots stériles, et cette petite flamme qu'ils embrasaient entre eux pour réchauffer leurs coeurs avant de partir les malmener à nouveau.
      Elle alluma une cigarette d'un geste automatique, et conclut enfin de son aimable désinvolture.

      - Je vais te laisser le choix. Soit tu parcours tout l'hôtel nu comme un ver à la seule exception d'une pancarte "dévorez moi", soit... Tu me dis ce qui t'a vraiment amené ici.

      Elle força leurs regards à s'épouser.
      Immobile
      Impitoyable.
      Et son sourire reprit ses formes.
      Tendre
      Maternel.


      Laisse moi te soulager de ta peine petit homme.
      Puisque je ne peux pas te juger, ni même compatir à ton sort. Je ne ressens rien, comment voudrais tu?
      Je me moque de ce qui t’est arrivé. Mais je veux t’aider. Paradoxal?
      Alors je vais t'offrir cette épaule, une main tendue qui se désintègrera dès que tu auras fini d'en user.
      Laisse moi t'aider.
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    MessageSujet: Re: 4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...   4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même... EmptyJeu 20 Jan - 21:14
      Le désespoir et la mélancolie se répandent dans la pièce, se mêlant aux volutes de fumée. Une ambiance morbide, asphixiante.
      Une bonne petite soirée pour se suicider. Qu'est-ce que t'en dis ? On peut y aller, j'suis bourré. Tu hésiterais ? Moi aussi, certainement.
      Que les âmes en peine errent sans fin dans un monde gris, et que coule le Titanic ! Je n'en ai plus rien à faire ! Que mon gage soit de me jeter par la fenêtre, je le ferai sans vraiment réfléchir. Sans doute aurai-je une petite pensée pour Edwin avant de me fracasser le crâne sur le parking. Sans doute regretterai-je trop tard d'avoir perdu à ce jeu et d'avoir déjà trop bu.
      La vie est absurde. La mienne, en tout cas, n'a aucun sens.
      Et la tienne, Cathy ?

      Ce que je lis dans ses prunelles n'a absolument rien à voir avec ces semblants de sourires charitables qu'elle m'offre si gentiment, que j'essaye de lui rendre si maladroitement.
      Les larmes perlent sur ses joues et c'est à peine si je suis en mesure de la comprendre. L'émotion quitte bien vite son visage, comme s'il ne s'en était jamais paré. Aurais-je simplement rêvé ?
      Si ce n'est le cas, je te remercie égoïstement de cette faille qui a entrouvert ta carapace l'espace de quelques secondes. J'ignore le pourquoi de ces larmes, si toutefois il y en a un, mais j'avais besoin de savoir si je n'étais pas le seul être possédant un minimum d'humanité au pays des guerriers sans âmes.
      Que tu libères un instant une quelconque émotion m'a rapproché un peu plus de toi.
      Ne leur ressemblons pas, Cathy. Demeurons encore humains, aussi longtemps que possible...

      Encore un verre de Gin. La bouteille est maintenant vide, il nous en faudra certainement d'autres.
      Un nouveau sourire sur son visage. Le mien s'ensuit à ses paroles. Amère. Je baisse les yeux en silence, car qui ne dit mot consent.
      Non, Cathy, nous ne nous reverrons jamais, tu as bien raison. Parce que je ne veux pas te faire mal... et je ne veux pas que tu m'en fasses non plus. Dans notre situation, les bonnes intentions ne suffisent pas.
      Mais jamais je n'oublierai cette nuit... Je veux la garder précieusement en mémoire. Peu importe ce qui en résultera.

      Le gage du perdant tombe. Les options sont plutôt limitées. Mon sourire s'efface et je me mordille doucement la lèvre, indécis, troublé.
      Je crois que je préfère courir à poils dans les couloirs, ça me fera bien moins mal que de raconter à qui que ce soit ce qui m'est arrivé...
      Je relève le regard et lui annonce d'un ton parfaitement sérieux :

      - Je reviens. Je vais chercher une autre bouteille... et une pancarte.

      Si si, je suis sérieux ! Les vampires qui vont me croiser vont se demander ce qu'ils ont fumé.
      Je me relève et me rattrape au lit pour ne pas m'écrouler. J'ai l'impression que le décor met une éternité à se modifier en fonction de mon regard. D'un pas mal assuré, je quitte la chambre et referme la porte, avant de m'adosser contre, et passer une main tremblotante sur mon visage fiévreux.
      J'aimerai tellement fuir... Et pourtant je refuse de le faire. Parce que je ne veux pas te laisser seule, et me laisser seul aussi. Seulement... Je me sens tout à fait incapable de me confier. Ca ferait ressurgir tellement de mauvais sentiments et de douleurs en tout genre... Mon passé, c'est le manège aux monstres et la maison fantôme.
      Parler ?... Pancarte ?...
      Bouteille. Ca m'aidera à choisir.

      Quelques minutes plus tard...
      C'est qu'il fait frisquet dans ce couloir. Franchement je ne me vois pas courir tout nu, finalement. Je n'ai pas demandé de pancarte, j'ai juste pris une bouteille de vodka. Si les souvenirs doivent revenir, autant que le symbole de fraternité des Egonov soit présent. C'est très important ! Pour moi, les plus grandes décisions se prennent avec de l'alcool dans le sang.
      Pathétique... je sais.

      Je rejoins Cathy, dépose la bouteille devant elle, et prends la décision de parler. Jusqu'à ce qu'un terrassant silence ne s'échappe de mes lèvres entrouvertes, rapidement refermées.
      Les souvenirs chahutent déjà dans ma tête et m'envahissent comme ils le font habituellement chaque nuit dans mon sommeil.
      Un jour, je m'effacerai, pour ne plus avoir à raconter ça. Et ce jour-là j'aimerais que l'on m'oublie.
      Que personne ne se sente coupable de quoi que ce soit... ma vie est merdique mais c'est de la faute à pas de chance.
      Et que tout le monde me rende responsable... car je serai probablement mon meurtrier.

      Foutu Gin. C'est toi qui me souffle ces pensées morbides.
      Je jette un oeil au fond du verre que je n'ai pas encore fini, et c'est un semblant de reflet d'un pauvre type que je vois se déformer sous le léger tremblement de ma main.
      Mon coeur se serre. J'éloigne mon verre hors de portée de la larve que je serai dans un moment, histoire de ne pas m'achever sans vraiment l'avoir voulu. Et je regarde danser le reste de Gin dans le fond du verre, écoeuré par l'alcool et par moi-même, avant de relever les yeux vers Cathy, présentant à son regard une pathétique expression vide.

      Inertes, les corps sont immobiles. Et le silence se fait aussi glacial que les rues de Novossibirsk. Presque tremblants, mes doigts se glissent dans mes cheveux pour les rabattre en arrière, et mon bras demeure en appui sur le genou, ma main protègeant ma tête vide comme une carapace inutile mais réconfortante.
      Mon regard se perd quelque part sur la moquette, limpide. Et petit à petit ma carcasse m'abandonne et s'avachit lamentablement.

      Je me noie.
      Le flot de larmes se déverse à l'intérieur, dilue ma joie de vivre, évince mon sang pour prendre sa place.
      Et je sombre dans les abysses oppressantes.
      Ivresse des profondeurs.
      J'ai touché le fond, trouvé ma place parmi les épaves moisies rongées par le sable.
      Et lorsque je relève la tête en direction de la surface inaccessible, à travers les effets de l'alcool et ma chevelure semblable à de sombres algues flottantes, je rencontre Cathy, face à moi
      Lorsque j'entrouvre les lèvres, le reste de mon oxygène s'évade dans l'océan de Gin.
      Je me noie, voudrais-je hurler. Mais l'océan étouffe ma voix.

      Tu n'en auras rien à faire, j'imagine. Qui donc aurait envie de m'entendre gueuler ma misère dans l'océan grouillant de monstres ?
      Mes maux... Pourquoi t'intéressent-ils tout à coup ? Nous ne nous connaissons même pas.

      Je suis ivre d'angoisse et de désespoir, plus que d'alcool.
      Soudain tout m'échappe en un sursaut, comme l'instinct qui pousse à chercher l'oxygène quand on se noie, comme un mouvement de panique contrôlable.

      - C'est mon meilleur ami qui m'a amené ici. Il a buté mon petit frère, et je l'ai tué à mon tour.

      Quelle émouvante révélation. Non vraiment, elle valait la peine de faire office de gage. Un résumé qui n'en dit pas long, mais au moins, ça c'est fait ! Tu vas en baver pour m'en arracher plus, je te le dis. Il faut plus de quelques verres pour me faire tout avouer, je t'assure que je suis borné.
      Le cadavre de Youri me hante à nouveau. Je le revois sans cesse baignant dans son sang, égorgé. Presque chaque nuit je me suis écroulé à ses côtés pour me laisser mourir. La haine puante et la douleur acide désintégraient tant de beaux rêves...

      Je me redresse sans prévenir, l'air subitement blasé, le visage serein et impassible. Comme si ma lucidité, le moindre sentiment, étaient restés au fond de l'océan, tandis que l'épave se relevait.
      Et je fixe Cathy, inlassablement. Un léger sourire se peint finalement sur mes lèvres. De ces sourires qui n'en sont pas vraiment.
      Masque d'indifférence.
      Perte de conscience.
      Je nous sers de la vodka. Le verre froid retrouve la chaleur de mes doigts pour une gorgée d'alcool revigorante. Moi aussi je peux avoir l'air insensible, durant un court instant du moins. Malheureusement, cela ne dure pas très longtemps. Youri est parvenu à fragiliser la carapace en béton que je m'étais construite, il va me falloir énormément de temps avant de la recréer.

      - Ca te suffit, ou tu veux en savoir plus ?

      Oublions ce jeu stupide un instant. D'ailleurs j'en ai déjà oublié les règles, mon cerveau baigne dans l'alcool.
      Tout ce que je veux, moi, c'est qu'on me laisse un peu de répit... Qu'on m'apporte autre chose que de douloureux souvenirs. Je voudrais tant ne plus avoir à parler, si tu savais... Je voudrais juste... Je sais pas, j'en sais rien, c'est même pas ta compassion que je cherche, je ne veux pas de ta pitié non plus... Je souhaiterai m'endormir à côté de toi, me laisser bercer par le son de ta voix, ou n'importe quoi d'autre qui me serait agréable, et ne plus me réveiller. C'est aussi simple que ça.
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    4 - Dieu est mort, Sheakspeare est mort, et moi-même...
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