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     13 - Tu peux toujours rêver.

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    AuteurMessage
    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 13 - Tu peux toujours rêver.   13 - Tu peux toujours rêver. EmptyVen 16 Déc - 19:55
      Les nuages se déplacent lentement dans le ciel, poussés par le vent. Les oiseaux chantent et l'eau glisse sur les cailloux polis dans le ruisseau. Allongé dans les hautes herbes parmi les marguerites, les mains derrière la tête et le soleil caressant la peau blanche de mon torse, je regarde tourner la Terre sur elle-même. Je ne pense plus à rien. Toutes ces pensées négatives, tous ces souvenirs... Tout a disparu pour laisser place à la sérénité absolue.

      Je crois que je n'ai plus la notion du temps... Suis-je là depuis cinq minutes, une heure, deux jours ? Naaan, pas si longtemps... Depuis plus de cinq minutes, j'aurais déjà eu faim. Je suis dans un royaume de lumière, de nature et de tranquillité. Tout se passe pour le mieux, et pour la première fois depuis longtemps se dessine sur mon visage stressé un sourire épanoui. Je-suis-heu-reux.

      Vampire's Kingdom ? Mais c'est quoi, ça ? M'en rappelle plus. Ma vie réelle est si loin... Plus je reste ici à flâner et à regarder bâtifoler les papillons, et plus mon passé, mon présent et mon avenir s'éloignent. Je voudrais rester ici pour toujours. Tout est limpide, tout est beau, tout est innocent. Mes pensées noires n'existent plus.

      Je me redresse doucement. L'astre est au plus haut point, et je n'ai même pas de coup de soleil ! Cet univers est parfait. L'herbe sous mes doigts est légèrement humide. La plaine est vaste et calme. Que rêver de mieux ?...

      Pauvre corps, tu dois être en train de te tourner dans tous les sens, comme à chaque fois qu'il y a de l'orage durant ton sommeil. Je te plains. Demain, tu... enfin, je vais me réveiller en travers du plumard, j'aurais tout envoyé par terre, et j'aurais mal partout... Je n'ai pas hâte d'y retourner. Laisse-moi, corps de Mihaïl, laisse-moi vagabonder encore et encore.

      Je me lève et m'élance dans la prairie comme une biche, le pas léger. Je suis une plume. Une toute petite plume qui se laisse porter par la brise estivale. Ma chevelure libre est toute douce et démêlée, des fleurs sont encore nichées dedans. Mais c'est pas grave, je m'en fiche ! Je suis libre, et je suis seul ! Je tournoie, je chante, et me laisse tomber dans l'herbe comme si le sol n'était qu'un vaste matelas bien moelleux.

      Je ferme les yeux un instant, aveuglé par la lumière vive et pure. Sous mes paupières se dessine un kaléidoscope multicolore. Je me sens tellement bien, ici ! Au soleil, loin des vampires et des démons qui les hantent... Rien ne peut m'arriver. Du moins, rien de grave... Et si jamais il se passe quelque chose, ça n'aura jamais d'impact sur ma vie réelle, car je suis dans une autre réalité en ce moment.

      Que pourrait-il se passer ? Que je me retrouve tout nu à un moment donné, comme dans chacun de mes rêves ? Peuh, je commence à avoir l'habitude, c'est pas ça qui va me troubler. Mais j'avoue que j'aimerais bien pouvoir contrôler un rêve... Juste une fois... Imaginer tout ce qui me fait envie. Après tout, c'est mon cerveau, non ? C'est moi qui décide, hein ? Faut juste que je trouve l'astuce...

      La petite boule de lumière à travers mes paupières, qui n'est autre que le soleil, disparait soudainement. Je ne sens plus ses rayons chauds sur mon visage, mais plutôt la fraîcheur d'une ombre. J'ouvre les yeux et aperçois Elizabeth, debout à côté de moi, qui me sourit... Eh, mais c'est MON rêve ! T'es bien gentille, ma grande, je t'aime bien, mais j'ai envie d'être seul. Qu'est-ce que tu m'veux ?

      Un sourire diabolique sur tes lèvres. Arrêtes, tu me fais peur... Tu n'as jamais eu cette expression-là ! Mais qu'est-ce que... Mais nan, arrêtes !! Lâche ce pieu, bordel ! Je ne suis pas un vampire, faut pas me faire de mal ! Tu te jette sur moi à une vitesse fulgurante. J'ai à peine le temps de redresser mes jambes et les replier contre moi pour me protéger, que le pieu se plante au milieu de mon ventre. Aaaaaaaah ! Quelle douleur insupportable !! Mais pourquoi, Elizabeth, pourquoi ?!

      Pourquoi tu m'en veux ? Parce que je suis un homme ?! Mais je ne suis pas ton frère ni ton père, je ne t'ai jamais fait de mal, au contraire ! Depuis qu'on se connait, j'ai toujours veillé sur toi ! Tu n'as pas le droit de me faire ça, c'est injuste !! Totalement invraisemblable !

      Je deviens faible, le monde tourne trop vite, mes bras retombent mollement dans l'herbe. Elizabeth s'efface et la forêt sombre qui borde la prairie se rapproche à grande vitesse. Le brouillard envahit mon univers, la foudre zèbre le ciel envahi de lourds nuages noirs qui déversent un torrent de pluie sur la faune et la flore. Le tonnerre fait trembler le sol, la pluie se mêle au sang qui coule de mon ventre et l'entraîne dans la terre boueuse.

      Au bout de quelques instants, je ne saurais dire combien de temps, je me redresse et m'assieds dans l'herbe. Le pieu est toujours planté dans mon bide, mais je n'ai plus mal. Je me relève. Il pleut des cordes, je suis trempé, et mes cheveux se mettent à boucler. Oh non, j'ai passé un quart d'heure à me coiffer ce matin !

      Mil, t'es con, t'es dans un rêve... On s'en balance de tes cheveux !
      Je me demande s'il faut que je retire ce pieu qui, je l'avoue, me gêne un peu. Si je l'enlève, je vais perdre tout mon sang... Hum, quel dilemme. Je crois que je vais le garder encore un peu, on ne sait jamais. Bon, je fais quoi, maintenant ? Allez, ducon, réveille-toi, il pleut dans ton rêve aussi ! Lève ton cul, va faire un tour, et retourne te coucher pour changer de disque...

      Je lève les yeux vers l'étendue de la pleine. Au loin, j'aperçois Ed...
      Je pivote sur mes talons et me mets à courrir dans le sens opposé. Non, faut pas qu'il me touche ! Il va vouloir m'enlever le pieu, et je vais perdre tout mon sang !

      Noooooon !!





    Edwin Vanelsin

      Lentement, la vision de la chambre disparaissait, il ne sentait plus son oreiller sous sa tête ni son matelas sous son corps à moitié dénudé. Tout était flou, brumeux et incertain. Et là-bas, au loin, qu'est-ce que c'était ? Un tunnel avec de la lumière blanche à la sortie ? Mais alors... il était mort ?! Non ! Il n'avait rien fait de mal, il ne pouvait pas mourir, pas ainsi ! Pas maintenant, il était trop jeune pour mourir... Bon, d'accord, cela faisait plus d'un siècle qu'il polluait la surface de la Terre, et alors ? Ce n'était pas beaucoup comparé à d'autres, si ?

      Le tunnel s'étendait, interminable, devant lui. Oui, c'était certain, il était mort, il ne sentait quasiment plus son corps et parvenait tout juste à remuer les doigts. Il ne pouvait qu'avancer, qu'il le veuille ou non, vers la seule issue de cette étrange galerie à sens unique. Un moment, il fut tenté de regarder par-dessus son épaule pour jeter un coup d'oeil en arrière. Ca pourrait être intéressant de savoir ce qu'il y avait de l'autre côté, non ? Comme ça, une fois arrivé au paradis, il aurait quelque chose à raconter. Non mais, lui, mort... il n'en revenait. S'il avait su, il en aurait profité pour embrasser Mihaïl ce matin, pour finir la peinture du plafond et pour passer un dernier coup de chiffon sur le piano. La Grande Faucheuse aurait pu le prévenir tout de même, c'était la moindre des choses ! Quelle impolie, celle-là...

      Enfin, il arrivait au bout. La lumière se faisait plus éclatante et migrait lentement du blanc à une lueur verdâtre qui se reflétait sur sa peau. Il baissa son regard sur son corps et s'aperçut qu'il était torse nu. Pourquoi était-il mort torse nu ? Il était condamné à rester ainsi pour toujours, à présent ! Ah bah, au moins, ça lui permettrait enfin de mettre un terme à son côté trop pudique, ce n'était pas trop tôt. Finalement, ça avait peut-être des bons côtés de mourir...

      * Mais Ed, qu'est-ce que tu te fais encore comme film, là ? L'heure est grave, bordel, t'es mort ! Que vont devenir Mil' et Babeth sans toi, et surtout, comment vont-ils réagir à leur réveil, en te découvrant mort ? Faut que tu reviennes, Ed, fais demi-tour, ils ont besoin de toi ! *

      Oui, il fallait faire demi-tour, il le savait mais il n'y parvenait pas. Il tenta à maintes reprises de pivoter sur ses talons pour repartir dans le tunnel et laisser son âme rejoindre son corps plutôt que de continuer à vagabonder sur les chemins sinueux de l'Au-Delà. Pas moyen, son corps ne lui obéissait plus et semblait attiré vers un étrange navire échoué au milieu d'un champ de maïs, qui l'appelait à lui, et Edwin ne pouvait pas résister, alors il avançait, il avançait, toujours, toujours, sans s'arrêter... Jusqu'à ce qu'il parvienne à se hisser sur l'ancre et à s'aggriper à la chaîne faite d'anneaux multicolores pour grimper jusqu'au pont avec des mouvements très lents, comme s'il évoluait dans du liquide, au ralenti. Arrivé à destination, il scruta l'horizon du regard, mais il n'y avait rien, il était seul sur cette épave, abandonné de tous. Enfin, plus pour très longtemps... Déjà, il voyait les épis de maïs se courber à l'approche d'une tempête tropicale, et une tornade géante ne tarda pas à jaillir du sol et à faire tournoyer son embarcation dans tous les sens. Edwin eut tout juste le temps de s'accrocher au mât qu'il serra de toutes ses forces entre ses bras nus pour éviter les confettis que la tornade lui crachait au visage.

      Et tout s'arrêta brusquement. Il s'écrasa lourdement au sol et n'eut même pas le temps de relever la tête que déjà, une main appuyait sur ses omoplates pour le maintenir à terre. Par terre, ce n'était plus un bateau, mais un sol dur et rocailleux, de couleur foncée, et puisqu'il avait l'oreille collée dessus, il pouvait entendre les battements d'un coeur lointain, quelque part sous lui. Le sol vivait, visiblement. Bah, c'était son droit, tant qu'il ne l'embêtait pas, il n'en avait pas grand chose à faire...
      La main migra jusqu'à sa nuque pour la serrer entre ses doigts gelés. Pétrifié de terreur, il crispa ses poings et poussa un petit cri étouffé, impuissant face à cette emprise effrayante. Et comme c'était à prévoir, une voix grave ne tarda pas à s'élever, venue d'on ne savait où, et s'adressa à lui d'un ton menaçant qui n'était pas fait pour le rassurer.

      " Tu as échoué, Edwin. "
      " Plaît-il ? "


      Car à présent qu'il savait qu'il rêvait, il n'avait pas pu s'empêcher de dire une bêtise pour répondre à cette grosse voix de méchant. Ce que ça pouvait être amusant, un rêve... De toute façon, il n'en serait sûrement plus conscient dans quelques secondes, alors autant en profiter pleinement tant qu'il en avait l'occasion.

      " Tu as échoué, Edwin Vanelsin. Tu es condamné à mourir, puisque tu n'es pas capable de sauver la vie des autres. "
      " Comment cela, pas capable de sauver la vie des autres ? Vous n'étiez pas là quand j'ai empêché mon chat de se lancer du balcon ! "
      " C'est trop tard, Vanelsin, c'est trop tard. Tu n'es pas digne de rester sur Terre, puisque tu as échoué, tu n'as sauvé la vie de personne. Echec. Game over. Echec total. Tu as échoué. Tu as perdu. C'est fini. "


      Super... Et maintenant ? What else ? Condamné à être envoyé dans le royaume des ombres et d'y errer jusqu'à la fin de ses jours ?
      Il n'obtint pas de réponse à sa question, déjà tout s'effaçait, la main invisible qui exerçait la pression sur son dos disparut, et il se retrouva dans une prairie, la tête dans l'herbe, les genoux pliés. La pluie martelait son dos nu et son contact glacé le fit grimacer de douleur. Où était-il ? Lentement, il se releva et, après s'être assuré qu'il tenait sur ses jambes, il parcourut l'horizon du regard. Une plaine, vide, noire... Rien d'intéressant, un peu effrayant même. Quoi que... Hé mais, c'était Mihaïl là-bas ! Dehors, par un temps pareil ? Mais il était fou, il allait attraper froid et tomber malade, il fallait qu'il rentre à la maison et qu'il se fasse chauffer un thé. Edwin était prêt à l'emballer dans une couverture et à lui masser les épaules s'il le fallait, tout ce qu'il voudrait, s'il rentrait immédiatement à l'appartement.
      Il amorça un mouvement de la main pour lui faire signe mais bien vite, il le vit faire demi-tour et se mettre à courir dans l'autre sens. Mais pourquoi ? Non, Mihaïl, de l'autre côté !

      Sans attendre une seconde de plus, il s'élança à sa poursuite en criant son nom et en le suppliant de s'arrêter pour l'attendre. Mais rien, le russe ne l'écoutait pas et continuait à détaler tel un lapin dans l'herbe qui remuait sous leurs pieds nus, un peu trop même, puisqu'elle commençait à se délier et à sortir de terre pour tenter de saisir leurs chevilles au passage. Manquait plus que ça tiens, comme si ce n'était pas suffisant de courser un homme mieux bâti que lui !

      " Mil', fais attention, tu vas tomber ! Attends-moi, reviens ! Miiil' ! "

      Mais il était bouché ou alors il le faisait exprès ? Il ne répondait pas, il continuait, et il ne semblait pas se rendre compte que le décor prenait lentement vie autour d'eux pour peu à peu se resserrer et les emprisonner dans une pièce étrange et dont la profondeur semblait infinie, dont les murs lointains n'étaient qu'un enchevêtrement de lianes et de branchages.
      Enfin, Edwin parvint au niveau de Mihaïl et alors qu'il dérapait sur le sol humide, réussit à lui saisir la cheville pour l'entraîner dans sa chute avec lui. Ils s'écroulèrent tous les deux sur l'herbe, mais Edwin ne perdit pas une seconde pour le tirer jusqu'à lui avec une force surprenante dans le but de le réprimander mais... qu'est-ce qu'il avait là, dans le ventre ? Non ! Pas lui aussi !

      " Mil'... Tu ne me l'avais pas dit, tu ne m'avais jamais dit que tu faisais partie des leurs ! Enfin des nôtres... Mil' ! C'est quoi cette histoire, pourquoi ? Tu vas mourir ? Réponds ! Non, je ne veux pas, tu ne peux laisser Babeth toute seule, puisque moi je suis mort, mais si toi aussi, et bien... Oh, ça m'ennuie tout ça, j'y comprends rien ! Mil'... "

      Il n'avait pas l'air d'avoir mal, et pourtant, Edwin en avait l'estomac tout retourné rien qu'à le voir avec un pieu enfoncé dans la peau. La voix ne lui avait-elle pas dit qu'il n'était pas capable de sauver la vie d'un homme ? Et bien il allait lui prouver le contraire.
      S'appuyant sur ses coudes, il rampa pour se retrouver au niveau de Mihaïl et le regarda un court instant dans les yeux, avant de reprendre la parole.

      " Laisse-moi t'aider, laisse-moi te sauver, s'il te plaît, sinon il va encore me dire que je suis game over... "

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    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 13 - Tu peux toujours rêver.   13 - Tu peux toujours rêver. EmptyVen 16 Déc - 19:59
      Mais vas-y non mais lâche-moi les basques !! Ne touche pas à mon pieu, il doit rester où il est ! Tu ne comprends pas ! Retourne dans ton rêve à toi, Vanelsin, espèce de squatteur !

      Il me poursuit en hurlant mon nom à travers la plaine.
      Tiens, c'est bizarre... Logiquement, là, c'est le moment où je me retrouve tout nu. Petit coup d'oeil vers mes pattes qui s'affolent sous moi. C'est bon, j'ai toujours mon pantalon... Mais ça ne durera pas, je le sais. Je me connais. Il va disparaître en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et bien sûr, le rêve choisit toujours le moment où ça m'embarrasse le plus ! Mais quel salaud, ce cerveau...

      Le vent siffle et je comprends à peine ce qu'Edwin tente de me dire. Mais je ne peux pas m'arrêter, sinon il va vouloir m'enlever le pieu. Je perçois quand même les mots "attention" et "tomber". Mais de quoi parle-t-il ?! Je baisse à nouveau le regard vers le sol et je m'aperçois avec effroi qu'il se déforme dangereusement sous mes pieds nus. Qu'est-ce qui se passe ?!? Les hautes herbes qui fouttent mes tibias à chaque pas tentent de me retenir !

      Quelque chose s'enroule autour de ma jambe et je tombe, en arrachant la plante par la même occasion. Par réflexe, je courbe le dos, atterris sur l'épaule et roule. Mon élan me permet de me relever rapidement, avant que l'herbe ne tente à nouveau de m'arrêter. Pendant ma chute, le pieu s'est enfoncé un peu plus, j'ai peur qu'il disparaisse entièrement dans mon ventre... Comment ferais-je pour aller le chercher si je le perds de vue ?!

      Le décor, la forêt, se resserrent toujours un peu plus autour de moi, de nous, et finissent par nous englober dans une vaste pièce fermée, ou plutôt un long couloir où nous continuons de courir le plus vite possible. J'entends Edwin qui se rapproche de moi. Il court vite, le petit caïnite ! C'est pas drôle, même dans mes rêves je suis une loque. Même pas capable de le distancer...

      Soudain mon pied gauche s'immobilise et le reste de mon corps part à la renverse. Je m'écrase lourdement dans l'herbe qui parsème le couloir. Bizarrement, le sol n'est plus mou, comme de par hasard ! Ma mâchoire en prend un coup, je l'entends craquer. Aaah, j'ai mal !

      Edwin m'agrippe par la ceinture et me tire vers lui. Non, laisse mon pieu là où il est !! J'y tiens beaucoup ! Je tente de cacher ma blessure mais il la voit. Son visage affiche une expression désespérée. Mais qu'est-ce qu'il me raconte ?

      - Hein ? Je fais partie de quoi ?! Mais non, je ne vais pas mourir ! Enfin, si tu ne touches pas à ce pieu, Ed... Laisse-le là, s'il te plait... Laisse-moi !

      Il veut m'aider, il veut me sauver... Mais il ne doit pas. Je vais me vider de mon sang s'il fait quoi que ce soit.

      - Mais... T'es con, t'es pas mort ! Nous ne sommes pas morts ! Nous sommes dans le Pays des Hannetons...

      Ah bon ? Première nouvelle. D'où ça sors, ça ? Mais je raconte n'importe quoi.
      Mais si, bien sûr, nous sommes dans le Pays des Hannetons... Nous devons trouver le roi, il est le seul à pouvoir m'enlever mon pieu. Je vois que tu ne me crois pas, Edwin... Mais je te jure que c'est la seule solution ! Il faut qu'on se mette en route et qu'on le trouve, sinon je vais réellement mourir.

      Je sais que j'ai voulu mourir une fois, dans le monde réel, mais aujourd'hui je ne veux pas. Je veux me réveiller dans mon lit avec un coeur qui bat...

      - Et puis... Babeth, elle peut rester toute seule... Je l'aime plus... C'est elle qui m'a planté le pieu dans le ventre.

      Enfin, peut-être qu'elle ne l'a pas fait exprès, en fin de compte... C'était un accident ? Oui, on va dire que c'était un accident. Elle est tellement gentille, Elizabeth, c'est impossible qu'elle me veuille du mal... Ou bien elle m'a confondu avec son frère ! Mais elle l'a déjà tué, c'est vrai... Bref, je remettrais ce genre de questions existencielles à plus tard. Faut que je trouve le roi des Hannetons.

      Je me relève et tends la main à Edwin. Qu'il ne touche pas mon ventre, sinon il s'en prendra une !
      Nous avançons le long de l'interminable couloir. Le décor s'est brusquement calmé, plus rien de bouge. Des insectes nous espionnent, cachés dans l'herbe. Je sens leurs regards dans nos dos nus. Nous marchons pendant ce qui me semble être des heures et des heures, c'est fatiguant... Le pieu s'est complètement enfoncé dans mon ventre, il se balade dans mon estomac, ça me donne envie de vomir.

      Le couloir semble infini... C'est perdu d'avance, nous ne trouverons jamais ce foutu monarque.
      Tout à coup, le sol tremble sous nos pieds... J'attrape le bras d'Edwin par réflexe. Le fond du couloir se transforme en un gouffre vertigineux. L'herbe s'effrite sous nos pieds et tombe dans le trou, le sol et les murs perdent tous leurs branchages et dévoilent des parois lisses et brillantes, on dirait un tunnel en cristal. Le trou se rapproche, il nous entraine. Le sol se met à pencher, je glisse !

      Je tombe et entraine Edwin avec moi. Nous glissons tous les deux comme dans un toboggan, à très grande vitesse, et la pente se prononce de plus en plus. Va-t-on s'écraser au fond ?
      Oui. On s'écrase. Je sens craquer tous mes os en atterrisant brutalement sur une autre surface en cristal. Je prends quelques instants pour reprendre mes esprits. Edwin... Edwin n'est plus là !

      - EDWIIIIIIIIIN !!!

      Ma voix résonne dans une salle immense, toute en cristal. Des hannetons... Il y a des hannetons partout...
      Je suis au Pays des Hannetons.




    Edwin Vanelsin

      " Comment ça, je suis con ? Con toi-même, hé ! T'as pas honte de me parler comme ça alors que j'ai l'intention de te sauver la vie ? Puis pourquoi tu veux le garder, ton bout de bois ? C'est qui le con, hein ? T'as bien du culot... "

      * Au Pays des Hannetons ? Ben voyons, et la petite marmotte, elle emballe le chocolat dans le papier alu ! *

      L'aveu de Mihaïl qui concernait Elizabeth le fit éclater de rire. Vraiment, c'était la jeune fille qui lui avait enfoncé le pieu dans le ventre ? N'importe quoi, vraiment, il disjonctait complètement là... M'enfin, si ça lui faisait plaisir de raconter des bêtises aussi grosses que lui, c'était son problème. C'était sa vie après tout, il pouvait bien en faire ce qu'il voulait, il était suffisamment grand pour décider de lui-même de la tournure qu'elle prendrait ! Alors s'il avait vraiment l'intention de se balader avec le ventre à l'air et avec un bout de bois coincé entre ses bourrelets naissants dus à son manque d'activité sportive, c'était son choix...
      Mihaïl lui tendit la main qu'il saisit avec un sourire pour se relever à sa suite et se laisser entraîner le long du corridor. Pourquoi fallait-il qu'il se balade torse nu devant le jeune homme ? Enfin, ce détail ne semblait pas vraiment le gêner, il semblait bien trop préoccuper par sa quête tirée par les cheveux que par la nudité de son maître. Tant mieux !

      Tout était devenu calme tout d'un coup, trop calme... Ca ne présageait rien de bon, il allait forcèment leur arriver une tuile à un moment ou à un autre, ce serait trop facile sinon... Mihaïl avançait, et Edwin le suivait, réfléchissant déjà au meilleur moyen de lui bondir dessus pour lui arracher tout de même ce maudit pieu, mais il remarqua bien vite qu'il semblait s'être volatilisé de lui-même, laissant une petite croix rouge très peu discrète à son ancien emplacement. C'était si drôle à voir, cette petite croix qui se baladait sur sa peau, qu'il ne put s'empêcher d'éclater de rire de nouveau tout en trottinant derrière le russe sans réellement s'inquiéter du danger qui rôdait autour d'eux. Il n'en avait que faire... qu'importe la créature des ténèbres qui les attaquerait, il était le plus fort, il le savait !

      Sauf que là... ce ne fut pas une créature des ténèbres qui leur bondit dessus, mais bien pire. Une catastrophe naturelle face à laquelle il ne pouvait rien. Tout le décor se transformait à une vitesse hallucinante et il sentit la main de Mihaïl lui saisir le bras. Il lui lança un regard terrifié, mais qu'aurait-il pu lui répondre ? Le couloir s'était transformé en un gigantesque toboggan et ils ne tardèrent pas à chuter tous les deux, glissant sur le cristal à toute allure. Une salle ne tarda pas à apparaître devant eux et alors que Mihaïl percuta le sol de plein fouet et que Edwin était bien parti pour en faire de même, il passa au travers de la surface comme si elle n'avait été que du liquide pour se retrouver dans la pièce en dessous et s'écraser pour de bon, cette fois...

      Il atterit tête la première dans la neige, en avalant quelques gorgées au passage. Son torse nu contre le sol gelé le fit tressaillir et il ne s'attarda pas bien longtemps à terre, se releva rapidement et commença à sautiller sur place pour tenter d'apercevoir ce qui se déroulait au dessus de sa tête. La salle dans laquelle se trouvait Mihaïl était bien loin à présent, et un violent orage ne tarda pas à naître au dessus de lui pour achever de le séparer du russe. Malin, vraiment... Qu'allait-il faire à présent ?

      Sans trop savoir comment agir, il commença à errer dans la neige, à marcher au hasard, ses pieds nus s'enfonçant dans la toison blanche qui lui congelait les orteils. C'était drôle, dans ses rêves, il avait pris pour habitude de retrouver ses perceptions d'humain, mais ce n'était pas pour lui déplaire, loin de là !

      " Tu as échoué, Edwin. Une fois de plus. Game over. "

      Il sursauta et tourna furtivement la tête au son de cette voix qui le pourchassait de nouveau. Game over ? Alors, il avait perdu, puisqu'il avait une fois de plus abandonné Mihaïl ? Mais ce n'était pas sa faute, c'était le sol de glace qui s'était transformé à son passage ! Ce n'était pas du jeu...
      Se sentant brusquement défaillir, il s'effondra dans la neige, ses mains les premières. Une douleur atroce s'empara rapidement de son corps et il porta la main à son coeur en poussant des cris déchirants. Non, il ne voulait pas mourir, pas maintenant ! Il fallait qu'il retourne auprès de Mihaïl, il ne pouvait pas le laisser seul...
      Mais il ne parvenait plus à lutter. Rapidement, il ne parvint même plus à tenir encore sur ses genoux et se laissa entièrement tomber au sol, tout en continuant de gémir sous l'effet de la douleur qui ne cessait d'augmenter. Il avait l'impression que sa cage thoracique allait exploser et que son coeur brûlait au premier sens du terme. Au loin, il aperçut une ombre qui courait vers lui pour le rejoindre, mais il ne parvint pas à distinguer les traits. Etait-ce Mihaïl ? Peut-être... Mais pour lui, s'en était fini. Son corps arrêta subitement ses convulsions et il demeura immobile, étendu dans la neige, la bouche entrouverte et les yeux encore agrandis par la souffrance qu'il venait d'endurer.

      Lorsqu'il commença à reprendre peu à peu conscience, la matière qui lui frottait la joue ne lui écorchait plus le visage comme la neige l'avait fait. Elle était étonnament douce et agréable à toucher, glissant entre ses doigts fins et encore tremblants. Il n'eut pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'il était de retour dans le monde réel. Ne pouvant retenir un soupir de soulagement, il ramena la couette sur ses épaules qu'il avait dû envoyer valdinguer plus loin au cours de son rêve et s'enroula dedans pour rapidement replonger dans son subconscient.

      Noir et blanc... Aucune couleur, du moins pour l'instant. Tout était blanc. Ou plutôt, il n'y avait rien. Rien, que du vide, que du blanc. Il marchait dans ce que l'on aurait pu qualifier... le nulle part. Cette fois, il avait récupéré sa chemise, une blanche, pour être assorti au ton ce ce qu'il l'entourait, en l'occurence : rien. Même son ombre avait disparu. Tout ce qui existait dans ce décor vide, c'était lui, et lui seul.
      Il marcha. Longtemps. Sans même savoir où il allait. Chaussures noires, pantalon noir, chemise blanche ouverte, cheveux libres. Il avançait, sans but, mais toujours tout droit. Il savait qu'il devait aller par là, vers la Terre promise, le Paradis. Il n'avait pas besoin de panneau indicateur, il était persuadé qu'il se dirigeait dans la bonne direction.

      Et puis, au bout d'une durée indéterminable, il arriva. Il le reconnut immédiatement, ça ne pouvait être que cela. Des nuages... Des nuages, partout, de toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les tailles. Une quantité incroyable de nuages disposés de toute les façons possibles et imaginables. Un petit escalier descendait vers un sol en duvet, couvert de plumes. Pieds nus, il descendit les marches toutes douces et se laissa tomber avec grâce dans les plumes blanches qui volèrent autour de lui avant de remarquer qu'il n'était pas seul dans ce bain de douceur. A quelques pas de lui, il distingua la tête de Mihaïl et lui adressa son sourire le plus radieux, s'approchant doucement de lui.

      " Comment tu me trouves, Mil' ? Je ne ressemblerais pas à un ange, dis ? "

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    Atticus

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    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 13 - Tu peux toujours rêver.   13 - Tu peux toujours rêver. EmptyVen 16 Déc - 20:01
      Edwin... Où es-tu, Edwin ? A bientôt, Edwin...

      Je m'apprête à me redresser et glisse un coude sous mon torse pour m'appuyer dessus. Pff, qu'est-ce que je suis lourd... C'est dur... En plus, j'ai mal partout... Les hannetons se déplacent tout autour de moi, ils volent sans me toucher. Ils ont intérêt, d'ailleurs, s'il y en a un qui me rentre dedans il recevra une bonne claque. J'ai ces bestioles en horreur, je trouve ça moche et dégoûtant.

      Je me redresse et m'assieds sur le sol en cristal. Je lève les yeux au plafond. Au-dessus de moi trônent d'immenses voûtes en arcs brisés... Une pure merveille d'architecture. Ca m'étonnerait quand même que ce soit l'oeuvre des hannetons... Ils sont tellement petits, insignifiants... Je baisse la tête, regarde à nouveau devant moi... et hurle. Un hanneton géant se présente à moi ! Il fait au moins un mètre de haut, il est bien dodu, et surtout, il est répugnant. Ah, quelle horreur ! C'est quoi ce mauvais film ?!

      Il a pas l'air méchant, mais bon... Il me fait peur, quand même.
      Voyons, je ne vais tout de même pas m'arrêter à une simple apparence ! Si ça se trouve, c'est un... euh un insecte charmant et civilisé. Autant partir sur de bonnes bases, je lui dis bonjour. Il me tend une patte. Je la prends après avoir hésité un court instant. Il me relève, puis m'observe longuement, alternant entre mon visage et ma blessure au ventre.

      - Bonjour, Monsieur...

      Ca alors, il parle en dialecte slave ! J'en reviens pas... Sont cultivés, ces hannetons. Je les ai probablement mal jugés. Si ça se trouve, on est du même patelin...
      Etant donné que c'est le plus gros, je pense qu'il s'agit du roi. Je lui explique rapidement mon problème en russe. Il semble réfléchir. Un sourire nait sur sa... euh... sur ce qui lui sert de bouche. Enfin, je crois que c'est un sourire... Ca ne ressemble à rien.

      Il s'approche très près de moi... Et enfonce brusquement sa patte dans mon ventre, à travers ma blessure. Je laisse échapper un hoquet, stupéfié. Je le sens farfouiller dans mes organes. Il finit par ressortir le pieu de mon estomac. Euh... merci, majesté... Mais... Je me vide, là...
      Je sens couler mon sang le long de mes jambes, il se répand sur le sol en cristal et envahit toute la salle. Les hannetons se mettent à pleuvoir, ils tombent tous et plongent dans la marre de sang. Un vrai génocide, c'est affreux. Je me sens faible, je m'écroule dans ma vitae. Ma tête heurte violemment le sol.

      Soudain, je me redresse en hurlant.
      Des murs sombres, des draps couleur bordeaux... Un oreiller moelleux... C'est bon, je suis de retour dans ma chambre. Pfiou quel rêve de fou ! Je passe une main sur mon front trempé pour décoller ma chevelure de mon visage. Qu'est-ce qu'il fait chaud, aujourd'hui... La lumière est faible à travers mes volets, le temps est orageux. Il pleut des cordes et le bruit de l'eau sur les carreaux est assourdissant. Je repousse mes draps et me dirige vers la fenêtre pour l'ouvrir en grand. Je dormirais certainement mieux comme ça.

      J'ai une de ces soifs... Je vais boire un coup avant de me recoucher. J'attrape un tee-shirt qui traine par là et l'enfile avant de sortir de ma chambre. On ne sait jamais, je pourrais croiser Elizabeth - cette méchante fifille qui m'a agressé dans mon rêve. Ayons un minimum de tenue, et cachons partiellement cette horreur extra-large à carreaux qui me sert de caleçon.

      Je passe devant la chambre d'Edwin. Son matelas grince, visiblement il a un peu de mal à dormir. Tu m'étonnes, avec un temps pareil... J'entre dans le salon, personne en vue. Les chats dorment étalés sur les canapés, comme d'habitude. L'un d'eux se réveille et se jette devant moi pour se frotter contre mes tibias. Je le prends dans mes bras. Il est tout blanc avec des poils longs, c'est mon préféré celui-là. Il s'agrippe soudainement à mon sein gauche, plantant ses griffes à travers mon tee-shirt, dans le but de grimper sur mon épaule. Aïeeeeuh, minou... !

      Je traverse le salon et entre dans la salle de bains. Je passe la tête entre le lavabo et le robinet et m'abreuve de ce liquide vital et frais qui en découle. Aaah, ça va mieux.
      Je retourne dans le salon et m'assieds sur le canapé parmis les autres chats. Pas envie de retourner dans mon lit, fait trop chaud... Le cuir du sofa est bien frais... Je laisse reposer ma tête sur le dossier quelques instants. Le sommeil finit par s'emparer de moi à nouveau... et je replonge dans... le vide. La chute est longue, et l'atterrissage... particulièrement doux.

      Un champ de plumes vient d'amortir ma chute. Je me relève tant bien que mal et constate que le décor est beaucoup plus plaisant que dans le rêve précédent. Tout est doux et blanc... Des nuages, du coton, des plumes... On se croirait dans un oreiller. Où suis-je ? Je porte un sarouel en coton blanc, une chemise orientale du même type... J'ai un peu mal au dos, comme si je portais un gros sac bien lourd et encombrant. Je me contorsionne pour regarder ce que je trimballe... et m'aperçois que ce nouveau rêve m'a doté d'une paire de grandes ailes blanches. C'est dingue... Je suis un ange !

      J'arrive même à les bouger ! Et... Si ça se trouve... Je peux peut-être voler ? Hm, intéressant, ça.
      Je m'apprête à apprendre à les utiliser lorsqu'une voix me faire me retourner. Edwin ! Ah, je suis content de le retrouver ! Je cours vers lui et me jette à son cou. Nous tombons dans le duvet de plumes. Je ne sais pas ce qui me prend, je me sens... Léger... Tout est si simple et si beau ! Toutes mes peurs ont disparu... mes inhibitions, également. J'embrasse Edwin avec tendresse.

      - Viens, je vais te présenter à mon frère !

      Mon frère ? Où ça, mon frère ?
      Mais oui, bien sûr, mon frère... Je sais où on peut le trouver, mon frère. J'aide Edwin à se relever, je passe ma main derrière ses fesses et le soulève dans mes bras. Mes ailes battent l'air de façon gracieuse, et nous quittons le nid douillet. Je vole, je voooooooooole !!! Même pas peur, en plus. Nous voyageons dans les airs pendant quelques instants, puis nous traversons la frontière du Paradis... Pour nous retrouver en Enfer, et nous y poser en douceur. Ca brûle sous mes pieds nus. Qu'est-ce qu'il fait chaud ici, dites donc... Un décor aride et ravagé, des esclaves enchaînés par milliers... On dirait le magasin de Vampire's Kingdom, tiens.

      Je n'ai jamais cru à ces conneries d'Enfer et de Paradis. Je me demande bien pourquoi le rêve me fait aller là... Et le p'tit père barbu sur son nuage, alors ? Il est où ?
      On est peut-être plus à VK, mais en tout cas, le bossu il est là, lui. Il nous regarde passer devant lui. Je lui adresse un sourire et m'approche de lui pour murmurer à son oreille :

      - Prends une douche, mon frère, et tu seras pardonné.

      Non, c'est pas celui-là, mon frère. Mon frère ne pue pas autant, il se lave ! Il a eu du mal à faire rentrer ça dans sa tête en étant jeune, mais il a fini par comprendre. Je rejoins Edwin et l'attrape par la main pour l'entraîner au milieu des esclaves qui cassent des cailloux. Ca a l'air utile, ce qu'ils font... Bah, tant qu'ils s'amusent ! Je ne vais pas les juger, hein, ils font bien ce qu'ils veulent...

      Un jeune homme aux cheveux en broussaille, qui me ressemble vaguement, attire mon attention. C'est lui, c'est Youri ! Je me précipite en sa direction, les bras écartés, un sourire jusqu'aux oreilles, et hurle son nom. Il se retourne et me voit. Il me réceptionne... avec un coup de poing dans le nez. Je m'écroule sur le sol avec douleur, et il en profite pour me balancer des coups de pieds dans les côtes. Il s'exclame, plein de hargne :

      - Espèce de salaud ! C'est à cause de toi que je suis mort et en Enfer ! Tu vas me le payer, Mihaïl !!

      Ouais... Moi aussi je suis content de te revoir, Youri.





    Edwin Vanelsin

      Oh God, un Mihaïl avec des ailes d'ange... Bien évidemment que ça ne pouvait pas être la réalité, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure ! Mais bon, il était tellement mignon ainsi que ce n'était vraiment pas le moment de le vexer. Le décor se prêtait également à cette ambiance légère, sans prise de tête, alors comment résister et ne pas se laisser aller ?
      Mihaïl était magnifique... Il semblait si épanoui parmi cet océan de plumes qu'il était difficile pour Edwin de ne pas lui rendre son sourire lorsqu'il se jeta sur lui pour l'entraîner dans le duvet tout doux et s'emparer de ses lèvres. Il aurait voulu le garder plus longtemps contre lui, comme ça, sans penser à rien, mais le jeune homme semblait avoir d'autres projets et l'aidait déjà à se relever, se montrant désireux de le présenter à son frère. Pourquoi donc, il voulait se marier avec lui, c'était cela ? Oh, Mil'...

      Docilement, il le laissa le soulever et l'emmener dans les airs avec lui. Il se serra contre lui et passa ses mains autour de son cou pour se maintenir, laissant sa joue se frotter contre la peau du jeune homme. C''était si beau un rêve, c'était le seul moment où il pouvait toucher Mihaïl sans risquer de se prendre une beigne et enfin laisser libre cours à son amour. C'était grâce à ça qu'il parvenait à se retenir dans la réalité et à ne pas l'approcher. Mais à présent, il se savait dans un monde où tout était permis, toutes les paroles, tous les gestes, tout... Et il n'avait pas l'intention de s'en priver. Mais pour l'instant, il voulait faire plaisir à Mihaïl et faire la connaissance de son frère, puisque cela semblait tant lui tenir à coeur. Pas trop longtemps hein, sinon il ne lui en resterait plus suffisamment pour profiter d'être avec lui, juste tous les deux... Une fois qu'ils seraient restés un moment avec ce fameux frère, Edwin l'emmènerait dans un endroit plus tranquille où il pourrait enfin le retrouver, comme il le faisait presque chaque jour dans son subconscient.

      Le vol était tout ce qu'il y avait de plus agréable. Edwin posa son menton sur l'épaule du jeune homme pour observer les nuages du paradis reculer et finir par disparaître. Où allaient-ils ? Il s'en moquait, il se sentait trop bien pour se poser des questions... Ils iraient là où le russe avait envie d'aller, et puis point barre. Pour la suite, Edwin improviserait, comme toujours, afin de se retrouver dans une situation qui l'arrangerait.

      Sa tête reposait toujours sur l'épaule de Mihaïl, et il observait calmement le paysage se métamorphoser petit à petit pour devenir plus sombre, plus austère, plus menaçant. Le contraire absolu du lieu si doux qu'ils venaient de quitter. C'était donc là qu'habitait son frère ? Pas très accueillant comme endroit, et pas vraiment génial pour une rencontre. Ses pieds nus rencontrèrent un sol dur et douloureux qui mettait sa chair à vif, et il dut retenir une grimace de douleur au cours de ses premiers pas en cette terre inconnue. Tout d'un coup, il n'avait plus très envie de rester ici pour connaître le frère de celui qu'il aimait, mais il voulait juste repartir et l'emmener avec lui dans un monde merveilleux, où ils pourraient rester tous les deux, seuls...

      " Mil'... "

      Il s'était absenté un instant pour aller adresser quelques mots à son ami de toujours avant de revenir vers lui et de le tirer par la main pour l'emmener trouver cet homme qu'il semblait tant apprécier. C'était ridicule, il avait pourtant avoué qu'il l'avait fait souffrir par le passé, mais il tenait absolumment à le revoir ! Ridicule... Enfin, ce n'était pas la peine de critiquer les agissements de sa future moitié, du moins pas tout de suite.
      Enfin, le jeune homme aperçut celui qui était l'objet de ses recherches intensives et accourut joyeusement vers lui en scandant son prénom. Edwin s'avança lentement à sa suite, avec beaucoup moins d'enthousiasme, jusqu'à ce que le poing de l'inconnu jaillisse et n'aille percuter le visage de son protégé de plein fouet.
      Son sang ne fit qu'un tour. Sans réfléchir, il s'empara d'une grosse pierre qui se trouvait sur son chemin et, alors que le méchant frère rouait de coups le pauvre innocent, Edwin écrasa le crâne de l'insolent avec son rocher qui s'effondra aussitôt, sans demander son reste. Laissant tomber l'arme du crime, il se baissa pour relever Mihaïl et le serrer contre lui.

      " Je m'en fiche de son consentement, à lui ! On ira voir tes parents et les miens si tu veux, mais plus tard. De toute façon, les miens sont homophobes. On n'en a rien à fouttre de l'opinion des autres ! Moi, je veux t'épouser, toi, toi et rien que toi. Je m'en fiche d'eux, je me fiche de ton imbécile de frère... C'est avec toi que je veux faire ma vie, pas avec eux. "

      Peut-être que Mihaïl lui en voudrait d'avoir frappé son frère à la tête, mais ce qui était certain, c'était que les autres habitants des enfers semblaient très mécontents. Tels des zombies, ils s'avançaient dans une démarche plus rampante que digne de vrais hommes en le pointant du doigt.

      " Il a tué un mort, il a tué un mort ! "
      " Parce qu'il méritait pire que la mort... "


      Edwin commença à paniquer en voyant ces silhouettes menaçantes les encercler dangereusement. Il empoigna Mihaïl par la taille et s'élança au hasard, sans même regarder où il allait, afin d'échapper à ce cauchemar et de sauver le jeune homme de toutes ces créatures terrifiantes. Ses pieds ne touchaient plus vraiment le sol mais ne faisaient que le frôler, il n'en avait que faire, il continuait à courir du plus vite qu'il le pouvait, Mihaïl dans ses bras. Il le serra contre lui jusqu'à l'étouffer et poursuivit sa course effrénée jusqu'à ce qu'il dérape sur une matière inconnue et n'atterrisse avec son protégé dans... une barque. Une barque qui filait toute seule sur un long fleuve sans fin, sous la lune rousse, évoluant dans des paysages extraordinaires et surnaturels aux couleurs châtoyantes, sous la lune rousse qui les protégeait.

      Le dos de Mihaïl avait percuté le fond de l'embarcation et Edwin, dans son élan, avait bien failli passer par dessus bord. Il s'allongea à côté du jeune homme et passa sa main dans ses cheveux, laissant le petit bateau progresser de lui-même pour aller là où il le désirerait.

      " Tu ne m'en veux pas j'espère, pour ce que j'ai fait à Youri... Au moins, ça nous évitera d'assister à des repas de famille par la suite. On sera juste tous les deux, Mil', rien que toi et moi... Je t'aime, tu es celui qu'il me faut, je veux t'épouser maintenant, c'est tellement beau ici... "

      Il se redressa un peu dans la barque, osbservant avec satisfaction le petit fil d'or qui venait de naître sur son poignet et qui s'enroulait autour de ses doigts avant que l'autre extrémité de ce fil si minime ne glisse sur la main de Mihaïl pour en faire de même afin de les lier ensemble. Les doigts d'Edwin glissèrent dans ceux du jeune homme qu'il dévorait du regard, et il commença lentement à se pencher sur lui, laissant sa main soudée à la sienne. Il lui souria avec amour et posa délicatement ses lèvres sur les siennes avant de se noyer dans ses beaux yeux bleus. Sa main saisit tendrement sa joue qu'il caressa du bout de ses doigts fins.

      " Tu es tellement mignon... Mon ange... "

      Ses doigts glissèrent sur sa chemise qui lui allait à ravir avant de se faufiler sous le tissu pour caresser sa peau toute douce, lui rappelant inévitablement le contact des plumes du Paradis. Il ouvrit lentement sa chemise pour avoir un accès plus facile à cette peau dont il rêvait nuit et jour pour laisser sa paume et ses doigts la caresser avec délicatesse.

      " Et tant qu'on y est... Je voudrais aussi que tu me présentes François, pour que je puisse lui refaire le portrait. Mais pas tout de suite, je veux d'abord rester un peu avec toi... Il n'avait pas le droit de te toucher, il n'y a que moi qui ai le droit de poser mes mains sur toi. Pas vrai mon coeur, qu'il n'est qu'à moi, ton corps ? "

      Il caressa un moment ses épaules alors qu'une deuxième lune violette faisait son apparition dans le ciel vide pour aller rejoindre sa congénère. La barque, quant à elle, évoluait à présent dans un champ de nénuphars, et l'eau était sans arrêt traversée non pas par des poissons mais par de minuscules éclats de lumière, qui jaillissaient parfois hors du lac pour s'envoler un moment au dessus de leur embarcation avant de retomber et de les éclabousser gaiement.
      Ses mains descendirent jusqu'à ses cuisses alors que son visage se rapprochait de nouveau du sien, laissant ses lèvres frôler les siennes dans des gestes très lents.

      " Où est-ce que tu veux aller, Mil' ? Je te laisse le choix de la destination, moi je n'en ai que faire, tant que je reste avec toi... "
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    MessageSujet: Re: 13 - Tu peux toujours rêver.   13 - Tu peux toujours rêver. EmptyVen 16 Déc - 20:03
      Mais pourquoi est-ce que je perds du sang dans tous mes rêves ?
      Youri, tu commences à me faire mal, là. Mais je ne me défendrais pas. Je mérite grandement que tu me frappes... A cause de moi, François t'as égorgé. Il t'a même certainement torturé, je ne sais pas, tout est allé si vite... Je me souviens avoir franchi le seul de notre appartement, avoir balancé mes chaussures vers la porte tout en te demandant si, pour une fois, tu avais eu la gentillesse de préparer le dîner pour ton pauvre frère qui se cassait le cul à bosser pour te faire vivre. Puis je me suis rendu dans le salon... où mes chaussettes se sont imbibées de ton sang.

      Ma vue s'est troublée immédiatement sous un rideau de larmes et je me suis senti pris de vertiges, écoeuré, tétanisé. Je suis tombé à genoux à côté de ton corps mutilé. J'ai essayé de te toucher, de regarder si tu respirais encore... Je t'ai secoué, je t'ai pris dans mes bras, je t'ai serré contre moi. Toute ma haine pour toi avait disparu. Je ne comprenais plus rien. Mais je me souviens de tout. Cette odeur de sang écoeurante autour de moi... Ton visage lacéré, ta gorge entrouverte... Je me suis allongé à côté de toi et j'ai pleuré. J'étais couvert de ton sang des pieds à la tête.

      Et puis j'ai vu ce bout de papier sur le bureau. Soudain il fut la seule chose qui me préoccupait. Je me suis relevé, tremblant, je l'ai maculé de rouge carmin en le prenant, oubliant qu'on pourrait me mettre ta mort sur le dos en relevant mes empreintes mêlées à ton sang. Mais plus rien ne comptait pour moi en cet instant... Plus rien sauf ton cadavre et ce papier sur lequel François me demandait de le rejoindre en un lieu précis dans Paris.

      Tu as donc le droit de me frapper autant que tu le veux, tu as même le droit de me tuer, je ne t'en voudrais pas. Je suis responsable de tout ça. Je n'ai pas pu t'empêcher de suivre un mauvais chemin, tu te retrouves en Enfer parce que je n'ai pas su veiller sur toi. J'ai tout fait de travers... tout raté.
      Comme tout ce que j'ai fait dans ma vie.

      Soudain Youri s'écroule et Edwin avec un gros caillou dans les mains apparait derrière lui. Ca y est, il a crevé une seconde fois, encore à cause de moi. Pourquoi est-ce que j'attire la mort où que j'aille ? Non Ed, je ne t'en veux pas... Tout est de ma faute... Encore et toujours de ma faute...

      Mon alter ego me relève et me serre contre lui. Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Mais je ne veux pas l'épouser, moi ! Pourquoi ce genre de relations aboutirait à un mariage ? Je suis pour l'amour libre ! C'est tellement plus simple. S'il veut m'épouser, c'est pour me contrôler... Je ne veux pas de bague au doigt. Je voudrais créer une communauté, et pouvoir y aimer tout le monde...

      Mes parents... Pourquoi me parle-t-il de mes parents... Sont morts, mes parents, et depuis trop longtemps... A cause de moi, bien sûr.
      Le regard bleuté de Youri s'éteint. C'est fou ce qu'on se ressemble. Longtemps, nos amis d'enfance ont pensé qu'on était jumeaux. Il faisait plus vieux que son âge, parfois même on pensait que c'était lui l'ainé... Mais quand il a commencé à mal tourner, on nous a rapidement différenciés.

      Je me sens transporté au loin et réagis soudain que les morts des Enfers nous poursuivent. Mes pieds touchent à peine le sol, Edwin me porte. Il me serre très fort contre lui. Je le serre aussi, je ne veux pas le perdre ! Il est tout ce que j'ai... Il est ma seule famille.
      Je ne sais comment, nous nous retrouvons dans une barque... Le décor a complètement changé. Il n'est pas vraiment reposant, certes, mais beaucoup moins opressant que l'Enfer. Mes ailes ont disparu. Zut alors, je ne pourrais plus voler !

      Sa main dans mes cheveux, Edwin me parle à nouveau de mariage. Mais non, t'as rien compris...
      Mon regard se porte sur le fil d'or qui se dessine autour de son poignet, puis sur le mien... Des menottes... Je suis prisonnier ! Je ne veux pas !!
      Son baiser m'apaise et sa main sur ma joue me fait tout oublier. Il ouvre ma chemise et ses doigts glissent sur ma peau. De ma main libre je caresse son cou froid. C'est agréable... Je me sens bien...

      Tout est beau autour de nous, la lumière, les nénuphars... Edwin, aussi...
      Je laisse mes mains s'aventurer sur lui et l'embrasse tendrement. Je ne pense plus à rien. C'est peut-être pour ça que tout se passe si bien. Je suis certain que, si je me souvenais de ma vie réelle, tout serait gâché... Il faut que j'oublie, le plus longtemps possible...

      Elle est étrange, notre relation, Edwin... Dans ce rêve, je ne suis toujours pas amoureux de toi, et pourtant j'arrive à ne pas prendre mes sentiments en compte. Je me contente de te donner ce que tu désires, sans plus réfléchir... Si seulement celà pouvait être le cas quand je me réveillerais... Tout serait tellement simple si je perdais la mémoire, là tout de suite.

      François... Non, pourquoi me parles-tu de François ! Il ne faut pas ! Je me rappelle... Je me rappelle ses mains sur moi...
      Enlève tes sales pattes de moi ! Tu ne peux pas être là, je t'ai tué toi aussi. Ne me touche pas, tu m'as fait assez mal comme ça !
      François est juste au-dessus de moi et me regarde de la même façon qu'Edwin. Ses lèvres se posent sur les miennes et trop de souvenirs reviennent. Je le repousse vivement et me dégage de son étreinte pour me rouler en boule à l'autre bout de la barque.

      - François, laisse-moi... Ne me touche pas !!

      Je tremble, ma respiration s'emballe. Je me sens mal.
      Non, ce n'était pas François... C'est Edwin, et j'ai dû lui faire mal... Je m'en veux. Je relève la tête... et m'aperçois que je ne suis plus dans la barque. Je suis dans une petite chambre à l'ambiance très agitée. Des gosses, partout... Des cris, des rires, des coussins miteux qui volent à travers la pièce. Alexeï vient de se cogner la tête contre un lit et pleure. A l'instant où la porte s'ouvre pour laisser entrer ma mère, je me prends un polochon dans la figure et m'écroule sur mon matelas. Cette texture... Ma couverture... Mon doudou ! Je viens de trouver mon doudou !

      Je le serre très fort contre moi. C'est un canard décapité et franchement usé. Et dire que, dans quelques semaines, je vais devoir le filer à Mika... On n'a pas assez d'argent pour que tout le monde ait des doudous, alors quand on atteint huit ans, on choisit son successeur et on lui offre notre peluche. Mika, c'est le plus gentil, le plus petit aussi. Je sais qu'il en prendra soin, alors c'est à lui que je donne mon bien le plus précieux.

      Maman entre dans la chambre et nous engueule. Elle fait un bisou sur le bobo d'Alexeï et l'emmène avec elle en précisant que, si nous continuons notre chahut, ça chauffera pour nos petites fesses. Etant le plus âgé, je dois montrer l'exemple. Je lâche mon doudou, me lève, et attrape les coussins en vol pour les balancer en haut de l'étagère. Je me fais huer et chasser de la chambre à coups de playmobil sur la tête. En sortant, je percute mon père et mon visage s'écrase dans son petit bidon moelleux. Allez hop, un câlin, j'en profite parce que dans deux ans, il mourra...




    Edwin Vanelsin

      Si beau... si agréable... si... Hé !

      " Qu'est-ce que tu racontes ? Comment peux-tu donc oser me comparer à ce monstre ? Je ne suis pas François ! Mil' ! "

      Trop tard, déjà, il l'avait repoussé et il était allé se réfugier de l'autre côté de la barque, la faisant dangereusement pencher sur le côté. Immédiatement, Edwin se plaça à l'opposé pour équilibrer le poids réparti sur l'embarcation qui n'était pas bien grande, alors s'ils se plaçaient tous les deux du même côté, c'était le naufrage assuré...

      " Mil... Hé, ne me laisse pas, qu'est-ce que tu fais ? "

      Il disparaissait ! Il disparaissait lentement, petit à petit, s'évaporait en voluptes de fumée pour l'abandonner ici, tout seul. Le décor magnifique changea également et devint beaucoup plus austère en l'espace de seulement quelques secondes. Pourquoi fallait-il que tout change si vite ? C'était tellement agréable avec Mihaïl pourtant, quand ils n'avaient été que tous les deux, à l'instant... Il avait pu l'embrasser, il avait pu laisser courir ses mains sur sa peau alors que dans la vraie vie, jamais il n'orait osé se le permettre. Et tout avait déjà pris fin... Non, décidément, les rêves allaient trop vite !
      Mihaïl s'était à présent complètement volatilisé. Edwin était resté seul dans la petite barque, dont le mouvement régulier était accompagné d'un hululement indéfini qui lui faisait froid dans le dos.

      * Ed... Dégage de là ! Pas de mouvement brusque, mais il faut que je retourne au milieu, sinon... *

      Ce n'était pas normal, il aurait déjà dû chavirer, puisqu'il était seul à se trouver sur une extrémité de l'embarcation. Et pourtant, le petit bateau continuait d'avancer, bien droit, comme si de rien n'était. Peut-être ne l'avait-il pas encore vu... Avec des gestes très lents, il se redressa et commença à progresser vers le centre, se collant contre le fond de la barque pour ramper, mais cette dernière ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Par simple plaisir sadique et cruel, elle décida de se renverser au moment où Edwin pensait avoir atteint ce que l'on aurait pu considérer comme le milieu.
      Il n'eut pas le temps de s'accrocher à quelque chose, ni même de comprendre ce qu'il lui arrivait, à vrai dire. Il bascula dans l'eau glacée qui lui emplit aussitôt la bouche et les narines alors que l'embarcation l'écrasait de tout son poids et le maintenait prisonnier sous elle, s'enfonçant toujours plus dans cette masse aquatique jusqu'à arriver à toucher le fond et à le coincer sous ses entrailles.

      Il s'acharnait contre le bois, luttait de toutes ses forces pour se libérer de cette étreinte et de cette pression, mais il ne faisait pas le poids. La barque tenait bon, l'écrasait de toute sa masse et le maintenait cloué au sol, au fond du lac. C'était donc comme cela que tout allait se finir ? Il avait horreur de mourir noyé, dans ses rêves, c'était tellement ridicule et tellement... douloureux. Déjà, il sentait ses poumons le faire souffrir alors qu'il tentait désespérément de se dégager de là. L'air lui manquait, et ses forces diminuaient rapidement, mais il fallait qu'il se batte, encore et encore, il voulait remonter à la surface, il voulait respirer...
      Il ne respirait plus. Pour la énième fois, il avait perdu connaissance et quand il rouvrit les yeux, il se trouvait dans un lieu totalement différent et beaucoup plus accueillant.

      Une petite maison se dressait devant lui, et après s'être assuré qu'il n'y avait personne aux alentours, il décida de s'y aventurer. Après tout, s'il restait dehors, il allait forcèment lui arriver quelque chose, alors autant qu'il se mette à l'abri. Il les entendait déjà arriver de loin de toute façon... Alors il se dépêcha, poussa la porte entrouverte et prit le soin de la verrouiller après son passage, se changea en félin sans trop savoir pourquoi et commença à gambader dans l'habitation, un peu au hasard.
      Toutes les pièces étaient vides... Enfin, vides, dans le sens où personne ne s'y trouvait, car la vie les emplissait et on pouvait facilement deviner que c'était une grande famille qui vivait ici. Une grande famille... Quelque chose qu'il n'avait jamais connu, mais qu'il aurait tant aimé posséder pour pouvoir y trouver du réconfort, de temps en temps. Sa famille à lui, on en faisait vite le tour, et entre ses parents qui l'avaient renié après son échec au Convervatoire, et son oncle qui s'était permis de profiter de son corps à un moment où il ne pouvait pas se défendre, bonjour l'ambiance... On aurait beau l'inviter, au prochain repas de famille, il ne viendrait pas ! Ah ça, non !

      Il grimpa les escaliers sans faire attention au coucou qui le narguait et qui ne cessait de sortir sa tête de l'horloge en chantonnant des paroles dans une langue qu'il ne comprenait pas. Il y avait du chahut là-bas, dans la pièce du fond... La porte était grande ouverte, et une femme aux cheveux noirs s'époumonait à calmer des enfants qui criaient dans tous les sens. Il avait horreur des gamins... Et pourtant, il s'approcha de la chambre, à pas de loups, se fondant dans le décor, jusqu'à ce qu'un homme ne déboule derrière lui en même temps que l'un des enfants ne sorte de la pièce pour aller lui faire un câlin.
      Mais c'était... C'était Mihaïl ! Il l'aurait reconnu entre mille, c'était certain, c'était lui ! Un ravissant bambin aux cheveux noirs, lui aussi, c'était lui, c'était sûr.
      Et pourquoi étaient-ce toujours les autres qui avaient droit à des câlins ? Lui aussi en voulait !

      Ignorant l'homme qui devait être son père ou son oncle, il sautilla jusqu'à Mihaïl et se frotta contre sa jambe pour attirer son attention. De sa patte, il appuya sur son molet pour se faire remarquer, lui aussi voulait être chouchouté, lui aussi voulait être aimé, il voulait qu'il le prenne dans ses bras et qu'il l'emmène faire un tour, dehors, courant à en perdre haleine pour se jeter dans les herbes folles.
      Il laissa échapper une sourde plainte de ses babines, sans cesser de tapoter sur la jambe du (très) jeune homme pour avoir à ne serait-ce qu'un regard, une caresse... Juste un peu d'attention.

      Une violente bourrasque fit tout envoler et il se sentit projeter au loin, très loin de la maison de Mihaïl, à des milliers de kilomètres, si ce n'était plus. Son dos percuta violemment la roche et il ouvrit les yeux, terrifiés, pour observer l'endroit dans lequel il avait atterri. Il avait repris forme humaine, et il se trouvait sur une toute petite marche suspendue quelque part au beau milieu d'une falaise rocheuse verticale, surplombant un terrifiant cimetière, qui se trouvait là, en contrebas, plusieurs centaines de mètres sous lui. Et son perchoir n'était pas bien grand, ses pieds dépassaient déjà dans le vide alors qu'il faisait tout son possible pour se coller contre la paroi. Il n'osait pas regarder en bas, il savait que ce n'était pas bon et qu'il allait tomber s'il continuait, alors il serra la pointe d'un rocher qu'il sentait dans son dos entre ses mains et ferma les yeux, priant le ciel pour qu'il arrive à se sortir de là, et surtout à ne pas tomber dans ce cimetière glauque et austère.

      " Mil' ! Où es-tu ? Viens me sauver, j'ai le vertige, j'ai peur... Je ne veux pas tomber, Mil' ! Viens me chercher... "

      Sa voix résonnait dans la valée et se perdait dans le vent, sans pour autant qu'une autre voix familière ne lui réponde. Il était seul, abandonné, désespérément accroché sur un perchoir qui n'allait sûrement pas tarder à s'effriter, condamné à s'écrouler dans un cimetière menaçant, et obligé d'affronter tout cela seul.
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 13 - Tu peux toujours rêver.   13 - Tu peux toujours rêver. EmptyVen 16 Déc - 20:04
      Papa, Maman... J'ai tant de choses à vous raconter. Aujourd'hui à l'école j'ai fait de la peinture. J'en ai plus étalé sur mes camarades que sur ma feuille et la maîtresse m'a puni, j'ai passé un quart d'heure au coin. D'après elle, je suis trop turbulent, je vais mal tourner, faut que j'aille consulter. Mais non, mais je ne suis pas dingue, moi j'voulais juste rigoler ! Elle ne comprend rien cette cruche. Si je lui en fais baver c'est parce qu'elle a supprimé le cours de musique de la semaine. On touche pas à la musique, c'est sacré ! Si j'ai de bonnes notes, j'ai le droit de faire de la musique, pas vrai ?

      Dis, dis, Papa, je peux prendre des cours de musique ? Allez, s'il te plaît s'il te plaît s'il te plaîîîîît ! Je te rembourserais tout quand je serais grand, promis !
      Je te rembourserais jusqu'au centime près quand je serais un grand musicien adulé par le commun des mortels. Oui, c'est ça, le métier que je veux faire. Je veux être musicien.
      Un grand musicien. J'ai tes gênes, Papa, j'ai tes gênes ! J'ai l'oreille musicale et la sensibilité qui va avec... Oui, je pourrais être musicien.

      Une boule de poils se frotte contre ma jambe. Je l'aperçois du coin de l'oeil. Je lâche mon Papounet pour la prendre dans mes bras, mais elle disparaît soudainement. Bizarre... Je n'ai pas eu de chat quand j'étais gosse... A qui peut-il appartenir ? Oh et puis flûte, ça ne sert à rien que je me pose la question, puisqu'il a disparu. Je serre à nouveau mon Papa dans mes bras.

      - Papa, je t'aime fort comme ça !

      Et là je le serre le plus fortement possible contre moi. Il me sourit, il rit, puis il se baisse à ma hauteur pour me prendre dans ses bras et me dire en russe à quel point je compte pour lui. Quelle jolie langue, surtout dans sa bouche... Je me sens bien, là, contre lui, la tête sur son épaule et les bras autour de son cou. Papa, tu me manques dans la vraie vie... Je pense à toi tous les jours... Si seulement tu avais été là pour me guider... Pour m'aider à élever Youri quand Maman est tombée malade... Si seulement j'avais pu passer quelques Noëls de plus avec toi ! Je ne te vois plus qu'en rêve... tu m'étonnes que j'aie envie de dormir tout le temps.

      Ce décor, cette ambiance chaleureuse, les cris de mes petits frères turbulents et la bonne odeur de gâteau dans le cuisine... c'était trop beau pour être éternel. Tout cela s'efface, je me sens regagner une enveloppe charnelle adulte et mon menton est à nouveau poilu. Je me trouve juste au bord d'une falaise. La vue est impressionnante. Il y a énormément de vent. En contrebas de la falaise, un immense cimetière, quelques centaines de mètres plus bas. C'est glauque...

      Soudain, le vent porte à mes oreilles une voix familière. Edwin ! Où es-tu, Edwin ? Je me rapproche du bord et jette un oeil en bas. Ed est plaqué contre la roche, debout sur une toute petite marche. Faut que je le sauve de là, il va tomber ! Je regarde un peu partout autour de moi et trouve une corde par terre. Quelle aubaine ! J'en attache une extrémité à un arbre et fais une boucle à l'autre bout, pour qu'il puisse y poser un pied, pour avoir un appui. Je lui lance la corde.

      - Tiens bon, Ed ! Je suis là !

      Il grimpe vers moi. Je lui tends la main et l'aide à franchir les derniers centimètres. Une fois sur la terre ferme, je le prends dans mes bras et le serre très fort contre moi.
      J'ai eu tellement peur de le perdre... Le vent souffle toujours aussi fort et mêle mes cheveux aux siens. Je ferme les yeux, rassuré, et reste contre lui. Je m'y sens aussi bien que dans les bras de mon père, et je sais que, lui, au moins, il est réellement là pour moi...


      Le canapé... Je suis toujours sur le canapé. Je me sens un peu mieux, il fait frais ici... Limite froid, l'orage est passé mais il n'arrête pas de pleuvoir. Le soleil vient de se coucher, je distingue encore quelques rayons rose orangé à travers les volets. Quatre chats sont blottis contre moi et ronronnent. Le sommeil m'a définitivement quitté. Punaise, quelle nuit ! Je fais souvent des rêves complètement dingues, mais alors là... Me retrouver aussi souvent en compagnie d'Edwin dans un rêve, je me demande ce que ça signifie.

      Je ne me souviens déjà plus des détails, c'est de plus en plus flou. Je vais l'oublier en un rien de temps, et je ne pourrais pas le raconter à Ed et Elizabeth... Elle sera surprise quand je lui dirais qu'elle a essayé de me tuer.

      Une nouvelle nuit commence tranquillement. Bon, que m'arrivera-t-il aujourd'hui ? Oh, et si je ne sortais pas de l'appart ? Ouais ! On va louer un film et se vautrer dans le canapé avec des friandrises. De toute façon, avec le temps qu'il fait, je ne vois pas ce qu'on pourrait faire dehors, et les manoirs sont plein de psychopathes de nos jours. Je suis bien mieux ici. Que pourrions-nous regarder comme film ? Oh, une parodie de la quête du Graal avec de l'humour anglais ! J'ai entendu parler de ce film, et j'avoue que j'aimerais bien le voir... Histoire de me familiariser avec la langue et ses tournures. Et puis faudrait vraiment que je travaille mon accent, je ne parle pas assez. Je vais prendre un cours avec ma bande de joyeux drilles. Rhoo, ça va être super comme nuit, ça.

      Tout guilleret, je me lève en bousculant les minets et sautille jusqu'à ma chambre. Les fringues volent de mon placard jusqu'au lit. J'enfile un jean noir, une chemise et un bon gros chandail en laine, parce qu'il ne fait pas très chaud maintenant. Mes pieds se jettent dans mes pantouffles, je regagne la pièce principale et allume la cafetière. Eliz et Ed ne devraient pas tarder à se réveiller. Je fouille dans le placard à bouffe et sors quelques paquets de gateaux et deux tasses pour le café, que je pose sur la table basse. J'entame un paquet de crackers, parce que j'ai vraiment trop faim, et me dirige vers le fenêtre que j'entrouvre à moitié. Brouillard, pluie, boue, froid... Brr. Je la referme vite. C'est vraiment une nuit à ne pas mettre un esclave dehors. Foutu temps pluvieux d'Angleterre ! c'est pas bon pour mes cheveux, ça.

      J'ai rêvé de quoi, déjà, aujourd'hui ? Pff... Je ne m'en souviens déjà plus. Ah si... Edwin, le paradis... Enfin c'est tout.
      Pourquoi rêver du paradis alors qu'on le vit ? Nan, c'est vrai, c'est chouette ici. Bon nombre d'humains m'envieraient. J'ai tout ce qu'il me faut, je suis heureux... Ed et Elizabeth sont vraiment géniaux, on ne fait pas de meilleurs potes. J'ai jamais été aussi satisfait de mon existence. Pourvu que ça dure... Pourvu que ce rêve soit réalité et que je ne me réveille plus.
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    13 - Tu peux toujours rêver.
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