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     18 - Dis, tu m'aimes encore ?

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    AuteurMessage
    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 18 - Dis, tu m'aimes encore ?   18 - Dis, tu m'aimes encore ? EmptyMer 22 Fév - 0:13
    Elizabeth Bell

      Parfois on se dit que rien ne pourrait venir assombrir un ciel parfaitement dégagé. On ose parfois se sentir en sécurité, se sentir chanceux même. On ose parfois rêver, sourire et même aimer.
      On avance d'un pas, heureux et confiant ... puis un second, toujours plus sûr de soi ... Et finalement c'est la chute. Comme pour un enfant qui apprend à marcher. Et là le but est de se relever, comme après chaque chute. Mais parfois ces chutes sont si douloureuses et difficiles que la relève s'avère éprouvante et longue.

      Des chutes j'en ai fait .. j'ai souvent réussi à me relever. Ces dernières semaines au sein du Royaume, j'ai osé croire que ma vie allait enfin être douce et agréable. D'ailleurs elle l'était. J'ai fait de très belles rencontres ... Opaline, Dominique, Céliane, Anouchavan ... et puis Lui, Aslinn, mon Ange, mon Diable, ma Cocaïne. Oui j'en suis folle c'est évident et indéniable. Il a fait de moi une femme, une folle, une furie ... Mais quelqu'un d'heureux, de vivant. J'ai osé croire que plus rien de grave ne pourrait m'arriver et pourtant ... Mon corps a été salit et blessé mais mon âme n'a pas été détruite.
      J'ai crié, j'ai frappé, j'ai tenté de me défendre, mais seule face à un homme la défense devient difficile. Abandonner son corps, vider son esprit, protéger son âme. Je crois qu'on ne peux plus me détruire. Une enveloppe invisible, impalpable me protège.

      Ma douce folie m'a légèrement quitté, mais elle reviendra. Mes pensées s'en vont vers Lui, me permettant de rêver... Je rêve du jour où ses doigts frôleront à nouveau ma peau, de ce jour où je serais à nouveau cette femme désirable et désirée.

      Je ne cesse de grandir depuis mon arrivée ici. D'ailleurs je ne suis plus celle que Mihaïl et Edwin ont pu découvrir lors de cette fameuse nuit, dans le magasin d'esclaves. Les épreuves m'ont faites grandir et avance, toutes sans exceptions, certaines plus que d'autres. Les chutes ne me briseront pas. Alors bien évidemment il m'est impossible de faire comme si de rien était, faire comme si ma route n'avait jamais recroisé celle de Zion ... comme si ses doigts n'avaient jamais frôlés ma peau. Je ne peux pas me remettre à sourire comme si tout allait bien, dans le meilleur des mondes. Mais je continue à vivre même si tout n'est pas rose.
      Depuis mon agression et mes retrouvailles avec Céliane, j'avais un peu perdu l'envie de sortir de l'appartement. J'avais, je crois, tout simplement besoin de me retrouver, de me ressourcer, pour pouvoir à nouveau avancer. S'isoler, réfléchir ... hors de question de se sentir coupable. Tout cela doit être des épreuves que la vie me lance, pour voir si je mérite ou non de vivre ... Et je le mérite, parce qu'il y a Lui, parce que je suis forte.

      Bref après une bonne semaine d'hibernation sans réels contacts humains ou Vampiriques – sauf les rares fois où j'ai croisé Sonya ma soit disant Maîtresse -, j'ai pris la décision de quitter l'appartement pour quelques heures afin de rejoindre ou plutôt retrouver celle qui sait me faire vibrer ... La musique.

      Début d'après-midi à Vampire's Kingdom. Le soleil d'été brillait dans le beau ciel bleu parfaitement dégagé. Dehors il faisait bon, ni trop chaud, ni trop froid. De toute manière je crois que nous ne souffrirons jamais de fortes chaleurs dans cette région d'Angleterre. Bref, j'avais quitté l'appartement pour rejoindre les couloirs frais du Manoir. Mes pas étaient légers. Mes longs cheveux presque noir sautillaient sur mon dos et caressaient mes bras nus.
      Un débardeur beige allant jusqu'à mi-cuisse, un jeans, des sandales ... je passais très certainement inaperçu malgré la douce odeur de vanille qui flottait autour de moi. Je connaissais le chemin à parcourir sur le bout des doigts et je pu rejoindre la salle de musique assez rapidement.

      J'ouvris la lourde porte, vérifiant dans un premier temps que personne n'avait investit les lieux. Aucun humain en tout cas, car les Vampires dormaient à cette heure de la journée. Et par chance personne n'était là. La porte se referma presque silencieusement derrière moi, et c'est en souriant que je m'avançais vers l'estrade sur laquelle se tenait le sublime piano ...
      Souvenirs ... C'est ici que j'ai rencontré Aslinn pour la première fois. J'étais là, assise à la même place qu'à cet instant, laissant mes doigts fins glisser sur les touches du massif instrument. Un son agréable s'en échappait, comme à cet instant ... Cette fois je laissais mes doigts se promener à leur guise sur les touches, improvisant une mélodie sortie tout droit de mon imagination.

      J'avais les yeux fermés, je laissais mon cœur me guider tout simplement. Je n'avais pas à réfléchir, à penser, à calculer. Les choses venaient toutes seules. Je me sentais bien, terriblement bien. La musique apaisait mon cœur. Une nostalgie vint m'envahir, me procurant des frissons incontrôlables. Je sentis mon cœur s'accélérer doucement. Une étrange sensation s'installa en moi, rien de désagréable pourtant. Une sorte d'apaisement inespéré que je n'avais pas pu trouver durant les quelques jours passés enfermés chez moi. Je retrouvais doucement cette force et cette envie de vivre qui savaient si bien n'habiter.
      Je n'écoutais que les sons que mes doigts pouvaient créer, je ne voyais plus rien. J'étais ailleurs, dans ce monde si doux qui n'appartenait qu'à moi ... Et son image me hantait, pour mon plus grand plaisir.
      J'espérais que rien ne vienne interrompre ce si doux moment, j'en avais tellement besoin. Je ne voulais plus de violence, de cris, de larmes, de peurs ... Je voulais juste être oubliée.





    Mihaïl Egonov

      If I'm dead or still alive... I don't care, I don't care...

      Il est de ces matins où l'on se demande à quoi l'on sert. Pensée stupide et inutile qui quitte instantanément notre esprit avant même d'avoir songé à une quelconque réponse - la flemme, sans nul doute. On croise son pathétique reflet dans la laque du piano, hausse le sourcil, et soupire en passant son chemin. Et sans la moindre envie de changement, on enfile ses pantouffles, comme d'habitude, ouvre le journal, comme d'habitude... on se lève et on se bouscule, comme d'habitude !
      Sauf que d'habitude... il fait nuit.

      Que se passe-t-il ? Je me suis couché il y a une heure pour finir par me relever et trouver ça normal. Mes préférences d'humain normalement constitué ont repris le dessus.
      Sans me poser de questions, je traverse le salon comme un zombie, trainant des pieds, et me retient de justesse d'allumer la télé. Edwin dort... Bah ! Tant pis pour les dessins-animés. Je balance la télécommande je ne sais où, émets un grognement caverneux dont je ne connais pas moi-même la signification, et essaye de lire les gros titres du journal sans y parvenir. Groumpf... Les catastrophes naturelles et guerres civiles attendront gentiment que je me réveille.
      La crise d'encéphalorectomie aigüe a encore frappé.

      Installé devant la table basse, face à mon repas, je secoue le paquet de céréales au-dessus de mon bol à demi-rempli de lait frais tout en laissant se perdre mon regard brouillé quelque part entre le piano et les canapés. J'ai beau agiter mon petit-dèj, rien ne veut sortir. Mais tu vas remplir mon bol, espèce de... Allez quoi, j'ai faim !
      Splatsch ! Un monticule de Chocapics recouvre subitement le bol et ses alentours, et tel un boulet de canon, le jouet dans son emballage plastifié vient brutalement s'écraser sur les céréales qui explosent. Jaillit alors le réflexe un peu tardif et inutile d'afficher une expression de surprise et de crisper tout mon corps lorsque le lait qui sort tout juste du frigo éclabousse mon tee-shirt et ruisselle sur mes cuisses.
      Shit !!

      Je hais les lundis.

      J'extirpe du bol l'emballage dégoulinant de lait et le rapproche de mes yeux pour éclaircir un peu le brouillard. Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?
      Chouette, encore une vignette émentée à coller sur le frigo ! Ca tombe bien, j'ai commencé la collection des tortionnaires du manoir. Bon bah j'ai Lazlow en double, maintenant...
      Moi aussi je veux ma tête sur une vignette. La Collection Poisseux, s'il vous plaît !

      Quelques minutes plus tard, une fois le lieu du sinistre rangé et nettoyé, la salle de bain embuée et embaumée de senteurs synthétiques de shampoing, je me décide à me revêtir une tenue décente. Au bout d'un quart d'heure à comater devant mon placard, le visage aussi expressif qu'une truite morte sur son étalage au milieu des glaçons, j'attrape les premières fringues qui me passent sous la main. Peu importe que ça ne m'aille pas, après tout je m'en fiche. Vampire's Kingdom a fait de moi un drôle de gugusse, c'est à peine si je me rase. Pour quoi faire ? P't-être que je vais crever aujourd'hui.

      L'attitude blasée me fait hausser brièvement le sourcil, puis je quitte la chambre. Allons crever, mon p'tit père, si c'est pas maintenant ce sera plus tard.
      Peut-être pas maintenant, à la réflexion. Il fait jour ! Oh oui super, qu'est-ce que je vais faire de ma journée ?
      Le cafard me guette. Pas de mauvaises rencontres en vue, à moins de tomber sur un humain encore plus barjo que moi, et pas d'Edwin non plus ! Monsieur roupille, enfoncé dans sa torpeur, et sans lui ma journée sera fade, je pourrais presque le parier. Autant que j'aille me recoucher, non ? Ca m'évitera de faire profiter des aléas de mon humeur à un pauvre esclave qui n'aura rien demandé.

      Je m'éloigne de l'appartement, trainant des pieds sur la moquette du couloir, les mains dans les poches et les cheveux encore trempés inondant le tee-shirt un peu usé qui a eu l'heureux honneur de m'accompagner pour une journée trépidante à souhait. Pas de tortionnaires en vue ? Oh quel dommage, je me serai bien fait exploser les côtes, pour que mon Coeur me bichonne après. Ironie quand tu me tiens... Mais au fond c'est pas si loin de la vérité. Les limites de la folie me guettaient sournoisement depuis plus d'un an et demi... Je crois que je les ai franchies.

      Profitons de cet ennui mortel pour faire le bilan.
      Peu de choses me raccrochent à une existence à peu près saine. Je n'ai pas reçu de lettre de Mika depuis plus d'un mois, mes amis ici - pour peu que j'en aie - sont plutôt bizarres (entre fous, qu'est-ce qu'on se marre !), mes ennemis encore plus (mais je ne vais pas me plaindre, je tiens encore debout)... Et ah oui, tiens, j'allais oublier : mon coeur palpite enfin pour mon Alter Ego. Il était temps. Mais... j'ai encore assez de lucidité pour rester persuadé que ce n'est pas une bonne chose.
      Tu as souhaité que je t'aime... Je crois que tu vas finir par le regretter.

      Plongé dans mes pensées, je bouscule quelqu'un. Et instantanément, je m'écarte, comme si j'allais recevoir la beigne du siècle. Le type me fixe avec des yeux ronds.

      - Eh, détends-toi, mec... C'est pas grave !

      Vraiment ? Que je m'attende à me faire égorger pour une simple inattention, et que je trouve ça parfaitement normal comme comportement, tu crois que ce n'est pas grave ? Tu dois être nouveau ici, toi. Ou bien sacrément chanceux. Moi j'ai l'habitude, et si je suis encore envie c'est parce que je sais garder la tête basse. Jouer les héros et les rebelles, ça ne sert qu'à empirer les choses, d'ailleurs ici ce sont ceux qui survivent le moins longtemps.
      Je suis loin d'être une larve, je le sais, mais il y a un moment où il faut savoir s'effacer... Enfin pas trop, sinon on disparaît.
      Punaise, qu'est-ce qui m'arrive ?
      Je me replie. Entre le mode limace et celui où je m'attaque sans réfléchir à des monstres qui peuvent me vider de mes tripes, je ne sais plus très bien où j'en suis.

      Sans même répondre à ce type qui m'aurait sans doute paru sympathique il y a quelques mois, je poursuis mon errance dans les couloirs, sans vraiment savoir où je vais. J'ai la tête vide et comme une boule dans la gorge. On ne change pas un dépressif comme ça...

      Je crois qu'une vie normale, c'est bien trop demander. J'aimerai bien parfois rencontrer des gens, lier des affinités, aller manger une glace dans le parc ensoleillé... Mais voilà, les gens je les aime pas, ceux avec qui je lie affinité me créent souvent des problèmes malgré eux, et dans ce foutu pays le parc est rarement ensoleillé. Et puis c'est pas avec Edwin que je pourrais aller manger une glace, en plein jour...

      Tandis que je me perds dans la manoir, une musique agréable se glisse dans mes oreilles. Intrigué, je pousse discrètement une porte sur quelques centimètres. Et dans l'entrebaillement j'aperçois... Elizabeth, qui joue du piano.
      Sans réfléchir, sans même prendre le temps de me rappeler tout ce qu'on a vécu ensemble, je me glisse dans la salle, silencieusement, et m'installe en tailleur sur le sol carrelé, dos au mur. Je me laisse porter par sa mélodie et me mets doucement à rêver, comme cela m'est rarement arrivé ces derniers temps. Voilà ce qui me manque ici... Un brin de sensibilité et de bonheur simple.
      Je l'écoute durant un bon moment, me rappelant petit à petit quelques anecdotes qui nous sont arrivées, de bon moments en toute amitié. Et puis son rire, son sourire, qui ont rayonné dans l'appartement le temps d'une bien trop courte durée.
      Que s'est-il passé, Elizabeth ? Je crois qu'aucun de nous trois n'a su gérer cette situation. Un mauvais déclic, des doutes inexplicables... et impardonables. Mais tout ça, c'est du passé, et je ne veux plus compter là-dessus. Je ne t'ai pas revue depuis plusieurs mois, je m'en veux... mais tu sais, tout est si compliqué chez nous, chez Lui, chez moi. C'était sans doute mieux comme ça.
      Je ne sais même pas si j'ai le droit de te revoir aujourd'hui, peut-être vaudrait-il mieux pour toi que je m'en aille aussi discrètement que je suis arrivé.

      Oui, il vaudrait mieux... Mais je ne veux pas.
      Je me lève sans bruit et m'approche d'un coffre placé contre un mur, un très beau coffre sculpté et par endroits recouvert de velours. Ce coffre, je suis pour l'instant le seul à pouvoir l'ouvrir. A l'intérieur, il y a un superbe violon que j'ai fini de restaurer la semaine dernière, et je n'ai pas encore rendu la clé à son propriétaire.
      J'ouvre le meuble et découvre l'instrument et son archet. Je m'en empare avec délicatesse, le place dans le creux de mon épaule, et me laissant porter par la musique d'Elizabeth, je laisse glisser les crins sur les cordes et courir mes doigts caleux sur le manche, en harmonie avec sa composition.
      Et tandis que je joue, je me rapproche doucement du piano et avance derrière elle, mon ombre se dessinant sur son clavier dans l'atmosphère bercée de lumière. Et dans un silence religieux et une discrétion qui fait honneur à notre musique, je me penche sur elle, glisse mon visage près du sien, frôlant ses cheveux, pour venir déposer sur sa joue un simple baiser, témoignant de l'affection que je lui porte.

      C'est évident, que je t'aime encore...





    Elizabeth Bell

      Parfois on ose dire que le bonheur n'est qu'éphémère. Je pense sincèrement que ça n'est pas le cas. Parfois il est simplement assombrit par des étapes difficiles et délicates. J'ai toujours profité de chaque moment de bonheur, de calme, de simplicité. Certains ont eu des vies en or, nés avec une cuillère en argent dans la bouche … Moi je suis née abandonnée, récupérée, rejetée, salie. Finalement ce que j'ai toujours rêvé de suivre ne m'a jamais quitté. Et je crois que la poisse me suivra toujours. Mais que faut-il faire ? Baisser les bras et pleurer sur mon sort ? Non non j'ai gouté au bonheur et je ne souhaite pas perdre tout cela.
      Alors parfois il faut savoir s'accorder ds moments de faiblesse, des moments durant lequel on sombre jusqu'au fond. Mais il faut savoir remonter à la surface, surtout ici.
      Cet endroit est si menaçant pour nous, êtres humains. Mais les Vampires ne sont pas les seuls à nous mettre en danger. Je ne cesse de le dire, mais le danger est partout, le mal peut-être en chacun de nous, humain ou non.
      Ma bulle me permet de me mettre à l'abri et de protéger mon âme. Avec ce piano, je m'enfonçais un peu plus dans mon monde, quasi impénétrable. Mes souvenirs m'envahissaient, doucement, tranquillement, guidant mes doigts sur les touches froides du piano. Je ne jouais rien de précis, j'exprimais simplement mon humeur, mes émotions. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ? En tout cas à cet instant elle adoucissait mon cœur.

      Je pensais à Aslinn et à ce moment unique partagé avec lui. Je repensais à la douceur de sa présence et à son Aura bienfaiteur. Je revivais ce moment si agréable, celui qui m'avait plongé sans que je ne le veuille vers un histoire compliquée et un amour impossible.
      Je pensais aussi à deux Êtres, deux anciens amis, deux anciens compagnons. Deux musiciens hors pair qui me manquaient terriblement. Je n'avais pas partagé assez de moments merveilleux avec Mihaïl et Edwin, car le temps passé avec eux avait été trop court. Mais en pensant musique, je pensais automatiquement à eux et à ce qu'ils m'avaient apporté.

      Solitude douce et réconfortante.

      J'étais si perdue dans ce monde rien qu'à moi, les yeux clos, concentrée, que je n'entendis pas la porte s'ouvrir. Aucun grincement n'était parvenu à mes oreilles, aucun bruit de pas. D'habitude si attentive, je ne ressentis pas la présence de cet Être si précieux à mes yeux.
      Je me contenter de rêver, encore et encore, sans changer le rythme de cette mélodie sortie tout droit de mon imagination. Douce, lente et apaisante. Tout ce don j'avais besoin pour me sentir bien, tout ce que je ressentais à cet instant précis.
      Les secondes passent au rythme de mes doigts sur les touches, se transformant en minutes. J'avais perdu la notion de temps, perdu la notion de réel et d'irréel, emporté par le son qui s'élevait dans la si grande pièce. Aucun bruit extérieur ne venait me perturber, comme si rien ne pouvait venir percer ma bulle. Si j'avais entendu Mihaïl, si je l'avais sentit plus tôt, j'aurais très certainement cessé de jouer, non pas que sa présence m'intimidait, mais seulement parce que j'aurais été surprise.

      Et puis soudain une mélodie si agréable vint se faufiler à mes oreilles. Mes paupières s'ouvrirent, se posant immédiatement sur celui qui était à l'origine de ce dérangement pourtant agréable. Je fus étonnée, agréablement surprise de voir Mihaïl. Durant une fraction de seconde mes doigts avaient stoppé leur course sur les touches du piano, mais ils la reprirent bien vite. Je n'avais pas à avoir peur de lui, impossible de le craindre. La douceur et la sérénité de ma bulle l'enveloppait, finalement il quelqu'un pouvait se joindre à moi … Mais juste lui, lui et son violon.
      Un doux sourire illuminait mon regard qui se reposa sur les touches. Il s'avançait vers moi, doucement. Son ombre se dessinait sur le piano, je sentais sa présence, juste derrière moi. Il n'y avait que nous et nos instruments qui s'accordaient à merveille. Il se mêlait à moi avec perfection, comme si tout cela était naturel mais préparé.

      Doucement il se pencha sur moi, son visage frôla mes cheveux et ses lèvres chaudes se posèrent délicatement sur ma joue chaude. Ce geste si doux, si simple ne pu qu'emplir mon cœur de joie, bien qu'il se serrait tant l'émotion était vive.

      Etait-ce un rêve ? Une illusion ?
      Non, il était bien là, si proche, si vrai, si vivant.

      A cet instant précis il n'y avait rien à dire. Tout se sentait dans notre musique, dans ce geste qu'il venait d'avoir. M'aimait-il encore ? Oui j'osais le croire, je l'espérais de tout cœur en tout cas. Sa présence me rendit encore plus sereine. Et les secondes s'écoulèrent, encore et encore. Nous étions liés, par cette musique inventée, par cette passion commune, par une amitié qui n'était pas morte malgré les épreuves.

      Après je ne sais combien de minutes, notre mélodie prit fin. Les dernières notes du piano résonnèrent pour venir mourir dans les hauteurs de la salle de musique. Mes paupières, précédemment baissées, s'ouvrirent à nouveau et mon regard bleu brillant se posa sur Mihaïl. Je n'avais pas rêvé, il était bel et bien là. Un sourire – bien que légèrement timide – s'afficha sur mes lèvres

      - Mihaïl …

      Ma voix n'était qu'un faible murmure. J'avais envie de m'accrocher à son cou, de le serrer contre moi quitte à l'étouffer. J'avais envie d'exploser de joie … Mais je ne le pouvais pas, ou plutôt je n'osais pas. Nous avions perdus notre proximité, notre intimidé, notre complicité. Enfin perdu … pas vraiment, tout peux être retrouvé, d'ailleurs j'en avais très envie. Mais je ne savais pas comme faire pour bien faire, ne voulant pas lui imposer un geste qui pourrait être mal interprété. Depuis quand étions nous séparés ? Combien de semaines, de mois s'étaient écoulés depuis que j'avais quitté leur cocon protecteur ? Alors, à la place de bouger, de toucher, de sentir, je pris la parole, d'une voix toujours si douce.

      - Je suis heureuse de voir tu sais. Tu … Tu m'as manqué.

      Et encore, le mot est faible.
      Si tu savais à quel point tu m'as manqué.
      Si tu savais à quel point je tiens toujours à toi.

      Ma voix n'était qu'un murmure timide. Mon regard brillant ne le quittait pas, si tendre et même protecteur.

      Et toi Mihaïl, est-ce que je t'ai manqué ?
      Est-ce que tu m'aimes encore comme me le fait penser ton doux baiser ?
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    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 18 - Dis, tu m'aimes encore ?   18 - Dis, tu m'aimes encore ? EmptyMer 22 Fév - 0:15
      La musique s'évade dans la grande salle et envahit notre âme pour la plonger dans un état second. La partager avec une personne qu'on apprécie - et même davantage - vaut bien tout l'or du monde et procure une sensation intense. Plus que d'ordinaire mon coeur se met à frémir. Et lorsque tout s'arrête, la musique continue de se jouer dans ma tête, s'incrustant dans les moindres recoins de mon être.
      Je croise le regard d'Elizabeth et me noie dans l'océan de ses iris. Il me faut un certain temps pour remettre un pied dans la réalité. Lorsqu'elle s'adresse à moi, je sens dans sa voix qu'elle ne m'en veut pas. Un poids s'ôte de mon coeur. Je craignais que son visage ne s'assombrisse et qu'elle me jette dehors dans un élan de rancoeur et de dégoût à mon égard...

      Toi aussi, tu m'as manqué, Petite Soeur... Même si j'ai mis du temps à l'accepter. Tout était si chaotique que je n'ai pas su faire la part des choses, il faut bien l'avouer. D'ailleurs... le chaos règne encore et toujours. Ce qui a changé ? J'ai appris à faire avec, c'est tout.

      Oui, tu m'as manqué, c'est certain... mais parfois les mots n'ont pas de raison d'être... Et de plus en plus souvent, je me permets une autre manière de dire les choses.
      Une manière faite d'un seul geste... qui m'aurait semblé si peu naturel à l'époque où nous nous sommes rencontrés. Un simple geste, m'aurait sans doute dérangé, effrayé, remis en mémoire des souvenirs qui n'auraient eu aucun lien avec toi.
      Ce geste si troublant... Même à ton intention, je n'aurais pas pu le faire il y a plusieurs mois. Il me parait si évident et indispensable, aujourd'hui.

      Je dépose le violon et son archet sur la surface laquée du piano avant de me rapprocher d'Elizabeth. Je m'assieds à ses côtés sur le siège, et contemple son doux visage, sans un mot.
      Un peu hésitante, presque fébrile, ma main vient caresser son visage, replacer une mèche de cheveux derrière son oreille... comme un frère considérerait sa jeune soeur avec fierté, le regard brillant, un peu ému.
      Il y a bien longtemps que le Masque n'existe plus. Tel que tu me vois, je ne suis plus le même, l'émotion se rend maîtresse de mes traits pour te donner les moindres détails de ce que j'éprouve en ce moment-même. Toi aussi tu as changé, je le sais, je le vois... Tu as quelque chose en plus, je crois. Comme une raison de t'accrocher, de survivre, une force d'âme que dévoile le fond de tes pupilles derrière ton apparence fragile.

      Au bout de longues secondes, je passe mes bras autour de son corps et la serre contre moi, protecteur, mon menton rapeux sur son épaule délicate. Comme une sensation de soulagement et de bien-être à la fois, j'expire en un souffle ce que j'ai refoulé jusque-là : le fait que tu m'aies manqué et que je sois réellement heureux de te revoir. Et seulement à cet instant, comme si je m'étais interdit d'y penser auparavant, je me dis que tu aurais pu avoir besoin de moi, comme j'aurais eu besoin de toi, et que l'un comme l'autre... nous n'avons pas été là.
      J'ignore à quoi j'ai pu penser depuis tout ce temps, en dehors de me préoccuper de mon sort. De ce côté-là, rien n'a vraiment changé, je suis toujours aussi égoïste.

      Peut-être même n'ai-je aucune excuse... Oui, c'est même certain, d'ailleurs. Au fond je dois être un peu comme ces camarades de classe qui se promettent l'amitié pour toujours puis s'oublient dès le premier jour des vacances. Tu vois, ma Soeur, avec mes frères je n'ai jamais su comment m'y prendre, ça ne changera probablement pas avec toi. Je les ai trop couvés, et puis toi je t'ai laissée tomber...
      D'un extrême à l'autre... j'ai tout raté.

      Je desserre mon étreinte, espérant ne pas l'avoir mise mal à l'aise, et tente de chasser le trouble de mon visage. Reprends-toi, Mihaïl, tu passes pour quoi, là ?

      - Hem... Bon, les effusions sentimentales, c'est pas mon truc.

      A qui vas-tu faire croire ça, andouille ? Bas les masques, on a dit. Rentre-toi ça dans le crâne.
      A trop refouler ta propre personnalité, tu as fini par oublier à quel point ce genre d'échange t'est précieux.

      Les mots ne m'ont jamais suffi. D'ailleurs, je n'ai aucune envie de parler de tout ce que nous avons vécu pendant tout ce temps. Je ne veux rien savoir. Du moins pour le moment. Tout ce qui m'importe, c'est que tu ailles bien.
      Quel heureux hasard que cette rencontre... Elle aurait été organisée, l'effet n'aurait pas été le même. L'angoisse, l'appréhension aurait été au rendez-vous, et je suis à peu près certain que si j'avais prévu de te voir, je ne serais pas venu. Par peur peut-être, lâcheté sans doute, honte avec certitude.

      Je voudrais que ces retrouvailles soient les plus belles du monde. Oublions les vampires et tout ce qui a pu nous arriver depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, faisons comme si cet enfer n'existait pas ! Faisons comme si... nous vivions dans un rêve sans monstres et toujours ensoleillé.
      Plutôt que de te mentir, je préfère ne rien te dire. Tu sais, ma Soeur, j'ai toujours aussi peur... peur de tout gâcher, peur de faire du mal à tous ceux que j'apprécie. J'ai peur de te raconter ce qui m'arrive, et que tu me penses fou, fou de Lui, à un point qui me terrifie. Tant de choses ont changé entre Edwin et moi depuis ton départ. Je n'ai jamais aimé quelqu'un aussi fort et je crois que ça me rend dingue... Pour lui je pourrais crever, et même tuer. Mais ça tu n'en sauras rien, et lui non plus. Je crois que je ne sais plus qui je suis... L'ai-je seulement déjà su un jour ?

      Tu ne me comprendrais sans doute pas...

      Oublions, Petite Soeur. Nos erreurs comme nos malheurs. Laissons tout ça dans l'obscurité de la nuit, et profitons de cette journée.
      Un faible sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je la regarde. Je dois m'interdire de regretter quoi que ce soit, car je ne fais que ça. Et cela ne m'apporte jamais rien de bon.
      Je me relève et récupère le violon pour le ranger dans son coffre. Me retournant à nouveau face à elle, je lui adresse un clin d'oeil complice, ainsi que ma main tendue, l'invitant à la prendre.

      - Viens, suis-moi...

      Si nous devons vivre pour toujours parmi les morts, n'oublions jamais que nous sommes encore en vie. Je t'emmène profiter des plaisirs de l'existence que nous avons si peu l'occasion de goûter entre ces murs froids, et dans cette foule inhumaine qui cherche à nous noyer dans les bas fonds de son éternité.
      L'entrainant hors de la salle, à travers les couloirs, j'imagine déjà la brise de l'extérieur souffler sur mon visage, et mon sourire s'étire. Je voudrais n'être qu'un gosse, et oublier ce qui fait de moi un homme. Je voudrais retrouver ce goût d'innocence de l'enfance, et je sais qu'avec toi je peux espérer vivre ce que je n'ai jamais connu, seulement entrevu... Crois-tu qu'il nous est encore possible de rêver éveillés ?

      - Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Et si on allait manger une glace au bord de l'étang ?

      J'aimerais passer une après-midi extraordinaire avec toi. Aussi vivante, et aussi simplement heureuse que possible. Nous n'avons qu'à faire tout ce qui nous passe par la tête ! C'est ce genre de souvenir qui repoussera la noirceur de nos coeurs. Qu'en dis-tu ? Nous demeurerons si vivants que tous ces démons morbides pourraient en crever de jalousie !
      Je ne te le demande pas... Je t'en supplie. Je me sens sombrer de jours en jours, même si la présence d'Edwin repousse le désastre je me sens me rapprocher de mon inévitable déclin. A défaut de ne savoir qui je suis, je me contenterai d'Être.

      Aide-moi, ma Soeur, bien que je ne mérite pas d'être ton frère...
      Restons en vie.

      Dans les couloirs nous croisons bon nombre d'humains qui errent seuls, rasant les murs. Le jour ne suffit plus à les rassurer, ils vivent constamment dans l'obscurité. J'ai pitié d'eux, de moi... Et ma gorge se noue. Je ne veux pas de ce destin-là...
      Mon regard détaille à nouveau le visage d'Elizabeth, comme si j'avais encore du mal à la reconnaître.
      Je m'en lamenterai bien dans tes bras si seulement ça pouvait changer quelque chose. Mais se laisser abattre ne sert à rien, au contraire. Si nous devenons faibles, alors pour nous tout est fini.

      Nous traversons le hall et sans hésitation je pousse la porte qui donne sur les jardins. La lumière du jour emplit le triste manoir. Un grand ciel bleu, vide de nuages, nous est offert.
      Cela fait une éternité que le soleil n'avait pas caressé ma peau...

      Dehors et dans ma tête, il n'a jamais fait aussi beau.




    Elizabeth Bell

      J'avais si souvent rêvé de cet instant, celui où il serait face à moi, à nouveau, comme avant ou presque. J'ai tant craint ce moment que finalement j'ai cherché à le repousser, à ne pas le provoquer. J'avais gardé en moi son image, celle d'un ami, d'un frère torturé par son passé et son présent. Quelqu'un de bon, de mélancolique, mais qui pouvait parfois être si drôle. Quelqu'un que j'aurai voulu ne jamais perdre. Mais la vie en avait décidé autrement. Je lui en ai voulu c'est certain, mais je ne suis pas le genre de personne rancunière qui ne pardonne jamais.

      Comment t'en vouloir à vie ?
      Lorsque je te vois, toute la souffrance s'efface.

      Si nous avions organisé ces retrouvailles, rien de tout cela n'aurait été pareil, la spontanéité n'aurait pas été là, l'angoisse aurait été omniprésente. Mais là, les choses se faisaient naturellement et elles se faisaient plutôt bien. De toute manière j'aurai tout fait pour que les choses aillent bien. Le revoir là remplissait mon cœur de joie. Je pouvais lire toutes les émotions qu'il ressentait sur son visage. C'était magique.
      Sa main caressa doucement mon visage et me fit frissonner. Puis tendrement il replaça une mèche de cheveux derrière mon oreille. Il m'observait avec tendresse, presque avec fierté je crois. Son regard à lui ne me dérangeait pas, jamais. Parce qu'il était vide de sous-entendus et d'idées malsaines. Parce que Mihaïl est un frère, oui un frère que j'aime par dessus tout et malgré tout.

      Et puis doucement, il m'enlaça. Ses bras m'entourèrent, son menton râpeux vint grattouiller mon épaule nue. Qu'il était bon de l'avoir ainsi tout contre moi. Mes bras l'entourèrent avec amour, mes paupières s'abaissèrent alors que mon visage vint se cacher tout contre son corps. Bon sang que j'étais bien là. Le monde aurait pu s'écrouler, je ne m'en serai pas rendue compte. Plus rien, à cet instant, n'existait à part lui et moi. Plus rien ne comptait. Il était le seul qui avait de l'importance, parce que je l'aimais et que je le retrouvais.

      As-tu souffert mon frère ?
      As-tu été heureux depuis mon départ ?
      J'espère que ta vie est belle.

      J'aurai aimé tout faire pour lui, pour le rendre heureux. D'ailleurs j'avais pensé que ne pas réapparaitre dans sa vie était une façon de le laisser vivre tranquillement. J'avais eu cette impression si désagréable d'être l'élément en trop, celui qui fait tanguer le bateau et qui, à n'importe quel moment, peut vous faire chavirer. Seul son bonheur comptait, moi je pouvais avancer, d'ailleurs c'est ce que j'avais fait.
      J'avais ce sentiment, en le serrant contre moi, que nous avions tout les deux changer. Que les événements qui s'étaient déroulés entre notre séparation et nos retrouvailles, n'ont pas été tout rose, au contraire, la vie n'a pas du lui faire du bien à lui non plus.

      Mais peut-être que les choses pouvent encore changer.
      Peut-être que, à nous deux, nous parviendront à être heureux.

      Doucement son étreinte se défit et mon regard se posa à nouveau sur lui. Et sa voix, quelque peu mal à l'aise caressa mes oreilles. Je ne pu m'empêcher de sourire en le regardant. Cette pudeur, entre frère et sœur c'est un peu normal en même temps. Même si moi j'aurais pu le serrer encore et encore, quitte à l'étouffer entre mes bras. Mais peu importe, il était là, que demander de plus. Que dire de plus ? Parfois, souvent même, les mots sont inutiles. Le langage du corps, les regards, suffisent à faire comprendre et ressentir les choses. Ma main caressa doucement la sienne, mon sourire ne quittait pas mes lèvres.

      J'aurai voulu tout savoir, tout apprendre de toi et de ta nouvelle vie.

      Était-il bon de se rappeler des souvenirs peut-être douloureux ? Devions nous parler de tout cela ? Ou simplement oublier, avancer ? J'avais peur. Peur de lui faire du mal avec mes mots, car là n'était pas mon but bien au contraire. J'avais peur de poser des questions. Peur de l'entendre me conter ses malheurs, ses peines, ses souffrances. Mais un sourire se dessina sur ses lèvres, puis il se relava, emportant son violon avec lui. Je le suivais du regard, priant intérieurement pour qu'il ne s'envole pas. C'était trop tôt, je ne voulais pas le perdre à nouveau. Mais il se retourna vers moi, une fois son violon rangé, et m'adressa un clin d'œil complice. Sa main se tendit vers moi, mon regard se posa dessus et je me mis à sourire. Ma main se glissa dans la sienne, délicatement, et mon regard se releva jusqu'au sien.

      - Avec plaisir, dis-je en toute confiance.

      J'irai où il me mènerait. J'avais confiance en lui, sa présence me rassurait. Aucune peur, aucun doute. Il faisait partit de ses rares personnes en qui j'avais une confiance quasi aveugle. C'est main dans la main que nous quittions la grande et belle salle. J'avais le sentiment que quelque chose était entrain de changer en lui, comme si un regain de motivation l'habitait, une joie, une innocence pure et simple. Comme si lui et moi allions vers des aventures merveilleuses, celles de deux enfants.
      Peu importe où il me menait, j'étais persuadée que lui et moi allions aimé ce moment. J'avais tant perdu l'envie de m'amuser, d'être innocente. Il était si rare pour moi de fréquenter des humains et de m'amuser avec eux, comme si finalement ce lieu n'était qu'un parc d'attraction …

      - Être avec toi me fait plaisir et c'est déjà beaucoup tu sais … mais si en plus y a de la glace !!! Comment refuser ça ?! Envoyons balader cette vie, l'obscurité. Oublions tout le monde, ne pensons qu'à nous pour une fois.

      Mon sourire s'étirait tout autant que le sien. J'étais radieuse, si simple. Pas de maquillage, pas de surplus. Simplement une jeune femme … Aux côtés de son frère. Je voulais tout oublier, pour ne penser qu'à nous, pour que ses retrouvailles soient parfaites.
      Finalement l'avoir à mes côtés ne me me semblait pas étrange, comme si jamais il n'était partit, comme si jamais je ne l'avais quitté. Nous dégagions une sorte de joie, de bonne humeur si impressionnante face à la peur des humains que nous croisions. Eux ils étaient angoissés, même en plein jour. Oui je sais, les humains peuvent être horribles, j'y ai eu le droit, j'en ai souffert. Mais jamais il ne faut se laisser bouffer par cette peur qui vous ronge les tripes et le cœur.

      Je suivais mon ami, mon frère, le laissant me guider là où il voulait se rendre, là où nous serions heureux. Le hall fut traversé, main dans la main, puis il poussa la porte qui donnait sur les jardins. La lumière du jour enveloppa nos corps et illumina le grand hall. Le soleil caressa nos visages, dieu que c'était bon. J'appréciais tant cette sensation de chaleur sur ma peau. J'avais, comme beaucoup d'humain, prit le rythme de vie des Vampires. La journée me servait bien souvent à dormir, la nuit à vivre. Et en ce jour, comme si tout avait été prévu, il faisait beau. Comme si tout devait être vraiment parfait.

      - Tu sais … j'ai beaucoup pensé à toi. Mais je ne regrette rien, pas même mon départ. Tellement de choses se sont passées depuis. J'aurai peut-être du venir te voir avant … Mais je crois que les retrouvailles n'auraient pas été aussi bonnes que maintenant. Tu sais … même si ça fait un baille qu'on s'est pas parlé, j'suis toujours ta p'tite sœur. Tu peux tout me dire, pas besoin de me préserver ou quoi que ce soit. J'ai apprit à grandir encore plus qu'avant … Peu de choses me blessent maintenant.

      Je voulais qu'il sache que malgré la séparation, je pouvais être son amie, sa confidente. Je pouvais écouter ses plaintes, ses joies, ses amours, ses galères. Au fil du temps passé ici, j'ai apprit à le renforcer toujours plus, à garder la tête haute, à surmonter les mots, les épreuves. Rien de ce que Mihaïl pourrait me dire ne me ferait tomber. Cela ne m'empêcherais pas d'éprouver de la peur pour lui, de la tendresse, de la compassion …

      Je t'aime tant tu sais.
      J'aimerai être certaine que ton cœur ne saigne pas.
      J'aimerai être sûre que tu es heureux.
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 18 - Dis, tu m'aimes encore ?   18 - Dis, tu m'aimes encore ? EmptyMer 22 Fév - 0:17
      Mon coeur saigne, Elizabeth, et je ne suis pas heureux.

      Un sourire mélancolique, un peu amer, vient s'accrocher à mes lèvres tandis que je reste immobile à côté d'elle. Et puis finalement, je passe mon bras autour de ses épaules. Ma tête se penche pour toucher la sienne. De ce geste nait une force qui n'a rien de physique. Un court instant, le monde s'arrête de tourner.
      Juste toi & moi, dans la lumière bienfaitrice du côté pur de nos existences brisées.

      La chaleur du soleil et le réconfort d'une soeur, c'est tout ce qu'il me manquait. Mais au fond, ce n'est pas tant toi que je préserve de mes explications, c'est plutôt moi finalement. Résumer ce qui m'arrive me ferait probablement prendre davantage conscience que j'ai sombré.

      Je la libère de mon étreinte, fourre mes mains dans mes poches. Nous descendons les marches du perron et nous aventurons dans les jardins colorés.
      C'est comme si chaque pas supplémentaire me rappelait quelque chose de douloureux... Mais je me contente de fixer les cailloux du sentier, évitant à tout prix la lumière aveuglante. L'animal nocturne que je suis devenu ne la supporte plus. Le regard vide et l'expression lasse, je tente de reconsolider ce masque de pierre sur mon visage, et d'y suspendre un sourire.
      Il est des jours où la mélancolie s'accroche à vos pas comme une marre visqueuse. Et plus vous avancez, plus vous vous embourbez dedans.

      - Que peu de choses te blessent n'est pas une raison pour le faire... Ce que j'ai à dire n'a rien de gai. J'ai fait et dit des choses dont je ne suis pas fier, et que je préfère oublier. Alors je ne te raconterai pas.

      Un léger sourire se dessine enfin sur mes lèvres et je tourne la tête en sa direction.
      Toujours aussi jolie, ma Soeur. Malgré le temps et les épreuves, ton regard semble rayonner. Illusion ? Peut-être. Probablement. Comme nous tous. Nous sommes tous des menteurs dans le réconfort du jour, révélant à la nuit tombée notre véritable nature.

      Soyons donc hypocrites, toi et moi, l'espace d'un jour. Faisons comme si rien n'avait jamais existé avant aujourd'hui, en dehors de cette amitié qui nous lie.
      Je glisse ma main dans la sienne, en toute innocence.
      Je ne suis plus ton aîné à ce jour, ma Soeur, si tu as grandi. Marchons donc vers un univers de bonheur à l'état pur.

      Les rayons dorés projettent le décor et nos ombres dans l'herbe humide de rosée. Nous nous promenons dans le parc juste au bord de l'étang, guettant les remous des tétards dans l'eau.
      Ma glace a un goût de fraise chimique, et pourtant j'ai l'impression que c'est la meilleure que j'ai jamais mangée.
      Menteur.
      La nature est si belle dans l'écrin de l'aube. L'eau brille et nous renvoie le reflet de notre joie simple. Dans les arbres s'agitent les oiseaux, et dans les buissons batifolent mille espèces d'insectes.
      Hypocrite.
      Mon sourire est si naturel ! Je savais qu'une petite promenade en ta compagnie me remonterait le moral.

      A gerber. Ce bonheur est dégeulasse.

      Je n'apprécie plus rien, ma Soeur. Pas même toi, finalement. Ou bien seulement par moments. Si je me laissais aller à assouvir mes pulsions refoulées, je te pousserais dans l'étang pour t'y noyer. Avant de regretter.
      Vois comme l'obscurité nous poursuit.
      La mine rêveuse, les fossettes au bord du sourire. La glace fond sous mes lèvres et mon regard luit, tandis que nos ombres nous suivent.

      - Tu as déjà pensé à ce que tu serais devenue si tu n'avais pas été enlevée ?

      Oui, serais-tu épouse et mère, dissimulant à tous ceux que tu aimes tes secrets les plus noirs ? Hantée la nuit par les monstres de ta jeunesse ?
      Le monde est un vaste royaume de monstres, qu'on garde parfois pour soi, quand on le peut.
      Quands ils ne sont pas vampires, les monstres sont frères, ou amis... Ils sont injustice, fatalité. Ils vous trahissent, remplacent vos rêves par des cauchemars et vous poursuivent tout au long de votre chienne de vie. Le bonheur vous semble inaccessible quand vous pensez avoir connu ce que vous considérez comme le pire.

      Mon destin à moi, c'était d'être enlevé. De trouver le bonheur comme le malheur... et puis de crever.
      Mon histoire aurait été écrite autrement... J'aurais quand même été mort à trente ans. Par ma faute, ou celle des autres, qu'importe... Je ne me vois pas m'éteindre dans mon sommeil dans cinquante ans, sous ma couette, avec les chaussons au pied du lit. La Mort semble si séduisante, je ne l'attendrai pas jusque-là.





    Elizabeth Bell

      Mon frère, faisons comme si rien ne pouvait nous atteindre, jouons à la famille parfaite. Faisons comme si toi et moi vivions dans un monde normal, comme si … Comme si rien ne pourra jamais nous séparer.

      Côte à côte nous marchions vers les jardins colorés, quittant le sombre Manoir, rejoignant la lumière qui me semblait parfois si étrangère. La nuit m'était beaucoup plus familière avouons le. Ce devait certainement être pareil pour Mihaïl. Nous vivions au rythme des êtres peuplant ces lieux, oubliant parfois que nous n'étions que des humains. Mon bonheur ne devait pas être ternit par tout ça, par ce monde sombre. Mon amour devait me porter encore et encore, pour m'aider à vivre.

      Mais ma joie ne me suffisait pas. J'aurais voulu que mon frère soit heureux, j'aurais voulu lire le bonheur dans son regard. Mais son faible sourire ne suffisait pas, je savais qu'il n'allait pas très bien. Je le sentis, comme un pressentiment, comme une intuition mauvaise qui me disait que mon frère me mentait, pour me protéger. Car c'était bien ce qu'il désirait, me cacher des choses, me préserver, ne pas me blesser. Avait-il honte de me parler de ce qu'il avait pu faire ? Il ne fallait pas, je l'aimais.

      - Je ne te forcerai pas Mihaïl. Tu sais, je crois qu'ici les choses nous transforment. Je crois que nous avons tous fait ou que nous ferons tous quelque chose dont nous ne serons pas fiers, moi la première.

      Moi plongeant dans une fontaine glacée et pleine de sang. Moi hurlant la mort pour que l'on me rende ma drogue. Lui. Sans qui je ne parviens pas à être heureuse.

      Lui et moi, marchant sans but précis. Nous n'étions finalement que de beaux menteurs, nous cachant derrière ce que nous voulions bien laisser paraître. Nous accrochant à des choses futiles ou dangereuses. Nous n'étions que des comédiens, jouant dans une pièce mal accordée. Nous nous réconfortions comme nous le pouvions. Et moi, avec ma douceur, ma joie, j'étais au fond quelqu'un de détruit, encore et encore. Je portais un masque et finissais par croire à mes propres mensonges.

      La main de Mihaïl glissa à nouveau dans la sienne. Mon regard se posa furtivement sur son beau visage, mais un visage ternit par les souffrances.

      Tant pis, continuons ainsi, à faire comme si nous étions heureux.

      La souffrance ne s'oublie pas, jamais, mais nous pouvions faire comme si nous vivions dans un monde idéal, comme si notre vie n'avait jamais été tâchée de sang et de larmes, comme si nous étions frères et sœurs, amis pour la vie, jusqu'à ce que la mort nous sépare, cette mort rôdant autour de nous sans arrêt. Nous profitions, sans vraiment le faire, du joli cadre qui s'offrait à nous, de l'étang calme, de la glace au chocolat qui avait un goût finalement très amère. Moi j'étais du genre à me contenter de peu, et avoir Mihaïl à mes côtés me faisait le plus grand bien. Je me sentis moins seule tout simplement. Sa peine, pourtant cachée, me fit mal, me serra le cœur, mais je me devais de faire semblant de ne rien voir, car il ne souhaitait rien montrer. Alors je fermais les yeux sur les horreurs et les douleurs. Je restais dans ma bulle de douceur, tentant d'y enfermer mon frère de cœur.

      Je pu presque finir par y croire à son sourire radieux, à son regard pétillant, ne cessant malgré tout de me demander ce qui se cachait bien au fond, ce que tout cela dissimulait. Pourquoi ne pouvions nous pas nous confier, nous dire nos plus intimes secrets ?! Pourquoi étions nous obligé de vivre avec des faux semblant ?

      Et puis sa question m'étonna. Que serais-je devenue si je n'avais pas été enlevée ? Je le savz très bien, même si plusieurs scénario auraient pu être joué. Je savais ma vie anéantie à jamais. Je savais que la mort m'aurait suivie, tout comme ici.

      - Je serai certainement morte, tuée par ma folie et mon désespoir, ou en prison pour le meurtre de mon frère. Je serai anéantie, au bord du gouffre. Je n'aurai pas pu jouer le jeu, faire comme si tout allait bien, me construire une famille. Je me serai retrouvée seule … Je crois que mon destin c'était ça, me faire enlever, arriver ici, rencontrer du monde, changer ma vie. Mon futur c'est ici qu'il prendra fin, de façon tragique très certainement, comme beaucoup d'entre nous.

      Doucement je m'arrêta, quittant sa main chaude, pour m'installer sur l'herbe douce et fraîche, face à l'étang. Je croquai mon cornet, laissant la glace couler sur ma langue.

      - La mort est partout Mihaïl, elle ne cesse de nous suivre. Nous n'allons pas faire de vieux jours c'est certains. Et parfois la mort semble si douce, si agréable, qu'elle en devient tentante, obsédante. Elle deviendrait presque notre meilleure amie, prête à nous étreindre tendrement jusqu'à notre dernier souffle. Elle semble presque chaleureuse et …

      Je ne pu terminer ma phrase. Mon regard, porté sur l'étang, devint plus sombre. Ma bulle fut transpercée, par cette meilleure amie la Mort, par ces envies sombres, ces idées absurdes, celle de mourir pour ne plus souffrir. Celle de tout quitter, de ne plus exister.

      Et toi mon frère, la Mort t'attire-t-elle autant que moi parfois ?
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    MessageSujet: Re: 18 - Dis, tu m'aimes encore ?   18 - Dis, tu m'aimes encore ? EmptyMer 22 Fév - 0:20
      Si tu savais combien de fois j'ai voulu partir. Combien de fois cette force mystérieuse m'a empêché de le faire. Pour certains, il s'agit de chance.
      Pas d'accord. La chance m'aurait laissé crever. La chance m'aurait soulagé d'un fardeau un peu plus lourd chaque jour, aurait banni mes cauchemars du monde de la nuit. Parfois, dans mon lit, je dors avec une écharpe, espérant m'asphyxier durant mon sommeil. Parfois aussi, je défie le hasard, et place sur mon chemin tout ce qui pourrait me nuire. Je nargue les vampires, priant pour qu'ils me tuent sur place, je deviens l'homme le plus exécrable de la Terre. Je déteste tout le monde ou presque, surtout moi. Et j'en vomis ma propre personne, je tue mon âme tandis que mon corps reste là.
      Plus je pense à en finir et moins j'en trouve le courage. Je me mens, me persuade d'être quelqu'un d'autre, et finalement ne me reconnais plus dans le miroir.
      Et le pire, dans tout ça... C'est que je jouis de mon agonie.
      La souffrance morale, ça me fait bander, ouais.

      En ce moment, je me sens tellement mauvais...

      Et si tout n'était qu'un jeu ? L'existence serait-elle parsemée de rôles à interpréter ?
      J'en fais l'expérience depuis bien longtemps. Youri et moi, adolescents, répétions déjà nos scènes familiales sous les projecteurs de notre décadence. Au final, l'un n'a jamais vraiment connu l'autre, et il est aujourd'hui bien trop tard pour soulever le Masque.


      Ils s'installent tous deux juste au bord de l'étang. Mihaïl laisse fondre sa glace tant elle l'écoeure. C'est une journée paradisiaque, et pourtant, il n'a pas le coeur à en profiter. Le bonheur simple, c'est terminé.

      Elizabeth, même si elle était complètement perdue à son arrivée dans le royaume, semblait pourtant si forte aux yeux d'Edwin & Mihaïl. Elle leur a apporté l'espoir, la compréhension, et pendant quelques temps, a embelli leurs soirées avec son rire sincère. La souffrance jamais ne s'efface, peut-être, mais elle avait l'air de posséder le don de la mettre de côté, du moins quand elle était avec eux.

      Finalement, nous étions très bien, tous les trois.
      Mais il était inévitable que les craintes s'écrasent sur le coin de notre figure, nous étions sans doute trop heureux pour garder notre place dans cet univers macabre. La vie n'était pas rose, et elle nous l'a rappelé.
      Putain de reste du monde.
      Il a fini par te désemparer, toi aussi, au point que tu souhaites en finir. Je crois que beaucoup d'entre nous passent par là en vivant ici.

      Il l'écoute en silence, il n'a rien à ajouter. Leur vision de l'avenir se rejoint parfaitement.
      Elle se voit morte, comme lui. Cela pourrait sembler inacceptable, et pourtant il peut largement la comprendre.

      - N'est-ce pas ? Ce serait si bon de se laisser crever...

      Il décèle dans son regard cette lueur obscure qui n'annonce rien de bon. Et sans attendre qu'elle y réfléchisse davantage, il se rapproche un peu plus d'elle et lui glisse à l'oreille, un léger sourire aux lèvres :

      - Je vais faire quelque chose pour toi, Eliz. Si ça peut t'aider... je vais te tuer.

      Si la Mort te tente, autant qu'un proche t'accompagne vers elle.
      Adieu humour, aussi noir puisse-t-il être, aujourd'hui je n'en ai aucun.

      Le geste est brusque. L'empoignant par les épaules, il se projette avec elle dans l'étang.
      Ses doigts se resserrent autour de sa gorge frêle, si facile à broyer, pour la maintenir au fond de l'eau avec lui. Et tandis qu'elle se débat instinctivement, il la regarde, immobile, aussi imperturbable qu'une statue de marbre. Il fixe ces petites bulles d'air qui s'échappent pour rejoindre la surface. Il lit dans le regard d'Elizabeth le désespoir qui rythme son existence.
      C'est presque comme s'il pouvait voir son propre reflet dans ses pupilles, ce qu'il est devenu, ainsi que cette détermination à tout faire pour pourrir son univers. Il n'empêche que, malgré toute cette médiocrité dans laquelle il baigne, sa dernière intention est si bonne à l'égard de sa Soeur que lui-même peine à y croire. Il sacrifie sa propre âme pour lui apporter le soulagement de ses craintes et mésaventures. Il est prêt à tuer pour elle, et Dieu sait qu'il y a peu de personnes en ce monde pour qui il l'a déjà fait.

      Pas de faux-semblants, ma Soeur, ici est un autre monde. Nous sommes sous la surface, au coeur du problème, et l'iceberg est de taille. Ici-même, profite de tes derniers instants pour penser à ce qui vaut d'être vécu. Passe-toi en revue tout le pathétique de ton existence si ça te chante. Dépêche-toi, tu n'as plus beaucoup de temps. Laisse-toi envahir par tes malheurs, puis écarte-les pour te rappeler tous les bons moments que nous avons passés ensemble jusqu'ici, toutes ces personnes qui comptent à tes yeux, toutes celles que tu pourrais encore avoir le courage de soutenir jusqu'au bout.
      Demande-toi ce que tu ressens, au plus profond de ton être, alors que tu es aux limites de la Mort tant espérée. Demande-toi ce qui te fait te débattre pour remonter.

      Et raconte-le-moi. Parce que je l'ai déjà oublié.

      Alors qu'elle vient d'expirer le peu d'air qu'il lui reste, il lui fait vivement franchir la frontière de leur solitude aquatique. Il la maintient contre lui, à la surface, tandis qu'elle reprend son souffle.

      - T'as toujours envie de mourir, maintenant ?!

      J'aimerais ne plus avoir à t'entendre dire ça. Même si j'ai les mêmes envies que toi.
      Quand j'ai vu tes yeux briller, je me suis accroché à l'infime lambeau d'espoir que j'y ai trouvé, priant de tout mon coeur qu'il ne s'agisse pas d'une illusion. Pourvu que tu sois une piètre menteuse, Elizabeth Bell, et que derrière cette mélancolie se cache la lumière de cet amour grandissant qui semble t'envahir.
      Si je n'ai rien voulu savoir de toi, c'est parce que je ne fais plus confiance aux mots. Ce sentiment qui te ronge, je le reconnais, je le ressens. Et quand tu tenteras de disparaître, j'espère bien que ce sentiment t'en empêchera. La délivrance, je t'empêcherai de l'obtenir, parce que tu peux t'en sortir. La délivrance, c'est bon pour les faibles, et tu ne l'es pas.
      Tu m'as apporté tant de bonnes choses dès le premier jour, et si tu possédais jâdis un peu de joie de vivre, il doit bien en rester.

      Je t'interdis de laisser tomber. C'est lâche.
      Et c'est mon rôle à moi, c'est moi le foutu connard, dans l'histoire, car je t'ai oubliée par peur d'affronter ta colère à mon égard. Mais ce que j'ai de mauvais, je viens de m'en servir à bon escient. Tout ça pour dire... qu'il est encore temps qu'on change, toi et moi.

      Ca ressemble à de l'espoir. Et ça me surprend. Avant de plonger la tête sous l'eau, je n'en avais plus... Il s'en va, revient, se rit de moi comme un fourbe. Mais je compte bien en profiter l'espace de cet instant pour redonner du courage à Elizabeth.

      - On fait un marché, d'accord ? Tous les deux, on s'empêche mutuellement de faire une grosse connerie, aussi alléchante nous semble-t-elle...

      Ne laisse pas ta douleur tout contrôler.


      Peu importe ce que tu penses de moi à présent, ça m'est égal.
      Je t'aime. Et j'aurais dû te prévenir, ça déclenche des conséquences inattendues.




    Elizabeth Bell

      Parfois j'aimerais que tout soit toujours ainsi, toi et moi, comme si tout allait bien. Pourtant tout n'est pas rose et toi et moi le savons très bien.

      J'avais beau être heureuse parfois, la tristesse s'emparait bien trop souvent de moi. Dès que je m'élevais un peu, dès que la joie faisait partie de moi, un malheur arrivait aussitôt, me rappelant que je n'avais pas le droit au bonheur. A vrai dire qui avait le droit au bonheur ici ? Même si Mihaïl et moi trouvions notre vie ici plutôt ''pas mal'' par moment, nous n'avions pas à être heureux. Car dans un monde idéal je serais restée aux côtés d'Edwin et de Mihaïl. Dans un monde idéal nous aurions pu vivre paisiblement, sans nous soucier de la Mort qui nous appelait sans cesse, devenant obsédante, alléchante, comme un fruit défendu qu'on cherche malgré tout à toucher du bout des doigts. Une délivrance tant attendue.

      Et à nouveau, alors que la douceur s'était emparée de moi quelques instants plus tôt, la douleur était à nouveau présente et la Mort s'était fait son petit nid dans un coin de ma tête. Lorsque Zion s'était attaqué à moi, lorsque j'avais sentit son corps contre le mien, lorsqu'il avait fait couler mon sang, j'aurais voulu mourir. Et en y repensant j'avais l'impression de perdre toutes mes forces, toute ma volonté de survivre encore et encore. Pourquoi vivre alors que la souffrance était quasi quotidienne ici ? Pourquoi chercher à survivre ? Pour ceux qui nous aiment ? Eux aussi mériteraient de mourir finalement, pour ne plus avoir à souffrir.

      - C'est tentant oui … dis-je le regard perdu.

      Tentant car c'est ce qui nous attend. Aujourd'hui ou demain, peu importe non ?

      Je ne pus présager ce qui allait arriver. Je sentis mon Frère se rapprocher de moi, je sentis la glace couler le long de ma main, fondant comme neige au soleil. Je sentis la chaleur du corps de celui que j'appréciais tant. Et puis j'entendis ses mots perturbant, affolant, troublant. Mon regard se porta sur lui, j'étais effrayée.

      Me tuer mon frère ? Tu ne peux pas faire ça, tu n'es pas un meurtrier.

      Et sans que je ne m'y attende je me retrouvai projetée dans l'eau de l'étang. Les doigts de mon propre frère de coeur venaient de se serrer autour de ma gorge si fragile, m'empêchant de respirer. Mes jambes se débattaient, mes poings frappaient, me faisant perdre mon énergie pourtant si précieuse. J'avais peur et je ne comprenait pas. Dans le regard de mon frère je pouvais y lire la folie. J'aurais voulu lui hurler de me lâcher. Je manquais d'air et crachais sans le vouloir le peu qui restait dans mes poumons.

      Panique totale. Sensation étrange. Celle de la mort qui s'approche à grands pas.

      Quelque part je te hais de me faire ça. Mourir ne me fait pas peur. Mais toi … viendras-tu avec moi pour cueillir la mort qui me tend les bras ? Je te hais de me faire ça pourtant, quelque part au fond de moi, je te remercie.

      Le film de ma pathétique vie se mit à défiler devant mes yeux. Je pus revoir ma mère, mon père. Je revis mon frère tombé à terre, le corps frappé par les balles de mon arme, les yeux ouverts, le corps recouvert de sang. Et puis il y eut eux, mes amis, mon frère de coeur. Et Lui, celui qui parvenait à faire battre mon coeur pourtant si blessé. Et Lui je ne voulais pas le quitter, pas encore car finalement j'avais encore trop à vivre et à apprendre.

      Je sens la vie qui me quitte et je me bats. Je comprends que la mort n'est pas encore mon alliée, que ça n'est pas encore mon heure. Toi mon frère, comprends moi, aides moi.

      Je le suppliais du regard. Mon corps était si lourd, me tirant vers le fond. J'étais paniquée car l'air manquait réellement.

      Voilà la fin mon Frère. Je te dis Adieu, car je sais que le Paradis n'existe pas et l'Enfer je vais le quitter.

      J'expirai le peu d'air qui me restait, mes paupières s'abaissèrent, j'étais entrain de mourir. Mais soudain je sentis mon corps remonter à la surface, tiré par la force de mon Frère. Je sentis l'air frapper mon visage. J'inspirai une bouffée d'air frais qui fit exploser mes poumons, brûlant ma gorge et tout mon être. Je retrouvais la vue et appréciais la chaleur du soleil grillant mon visage trempé. Serrée contre Mihaïl, je repris mon souffle aussi bien que possible, écoutant ses mots. Et à nouveau je le hais.

      Tu m'offres la mort, l'espoir d'en finir enfin. Mais tu m'arraches à elle. Pourquoi mon frère, dis moi pourquoi ? Me hais tu tant que cela ?

      Mes yeux furent envahis par des larmes de peine, de colère, de joie. Des sentiments multiples me frappaient et me donnèrent le vertige. J'étais entrain de haïr Mihaïl autant que je l'aimais. J'avais touché un rêve du bout des doigts, celui de mourir. Même si je m'étais rendue compte que je n'étais pas prête, j'avais eu envie malgré tout d'en finir.

      - Pour … pourquoi ?

      Mes dents claquaient les unes contre les autres, mes lèvres tremblaient. Malgré le soleil j'étais frigorifiée, ne parvenant pas à articuler ce que j'avais envie de lui dire. Alors ce fut lui qui reprit la parole.

      Tu veux faire un pacte mon frère ? Celui de rester en vie quoi qu'il arrive ? Comment pourrais-je seulement faire une telle promesse, alors que cette putain de mort m'attire autant par moment ?

      Je me mis à me débattre malgré mes faibles forces et pus finalement me défaire de son étreinte. Alors ma main gifla son visage mouillé. Je lui en voulais, j'avais tellement de raisons de lui en vouloir d'ailleurs mais de l'aimer aussi .... Il avait tenté de me tué, par amour certainement. Il avait voulu ma mort, mais pour me soulager. Il m'avait épargné finalement, pour me blesser ?

      - Ne refais plus jamais … jamais ça, dis-je les yeux pleins de larmes.

      Ressens-tu ma douleur et ma tristesse ?

      Et finalement je revins à lui, agrippée à son cou, je le fixais droit dans les yeux, tremblant toujours.

      - Si … si tu savais comme je … je te déteste et comme … je … je t'aime. On ne peut pas … se préserver de la Mort mon Frère … Elle est partout. Mais … mais si tu acceptes mon amour, alors je … je t'aiderai autant que je le peux.

      Ne me fuis plus, reviens moi souvent, aimes moi toujours plus. Car si tu n'es pas là, comment pourrais-je t'empêcher de sombrer ?
      Ressens-tu mon amour ?

      - Mais tu … tu ne dois plus me fuir … sinon le pacte sera brisé et nous finirons tous les deux par nous tuer.

      Si tu savais à quel point tout ça me fait peur, si tu savais à quel point tu peux me faire peur. Que t'est-il arrivé mon frère pour être aussi perdu ? Que c'est-il passé pour que tu tombes dans de telles profondeurs, prêt à me tuer ?

      - J'ai … froid, soufflais-je à bout de force.

      Je ne parvenais plus à battre des jambes, je m'accrochais à Mihaïl comme à une bouée de sauvetage. S'il venait à me lâcher alors je coulerais.

      Malgré notre amour, un fossé semble se creuser entre nous. Ne t'éloignes pas de moi mon Frère, laisses moi t'aider, prends ma main, à deux nous serons plus fort pour affronter cette putain de mort. Ne me laisses pas, ne te perds pas. Aides moi.
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