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     22 - You won't fall any more. I'm there.

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    AuteurMessage
    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 22 - You won't fall any more. I'm there.   22 - You won't fall any more. I'm there. EmptyVen 24 Fév - 23:45
      J'en peux plus... J'en peux plus ! Aidez-moi... pitié... La torture physique, j'ai déjà connu, mais ce que je vis avec Edwin depuis des mois en est toute autre. J'ai la cervelle en miettes, je ne suis plus capable de réfléchir, je ne sais plus quoi faire ! Pourvu que je trouve encore le courage de ne pas me tirer une balle en pleine tête pour en finir avec ce calvaire... Il faut que j'y arrive, il faut que je tienne. Mais c'est tellement dur ! Si seulement je pouvais détester cet homme !! Je n'en souffrirais pas autant. Mais je tiens à lui plus que tout au monde, et parce que je suis aveuglé par ce sentiment, je ne parviens pas à trouver une solution à notre problème...

      Je ne peux pas voir tout ça avec du recul. Nous sommes tous les deux dans un tourbillonement de questions perpétuelles et sans réponses, dont nous ne sortirons probablement jamais. Nous nous tendons la main l'un à l'autre, nous sommes prêts à faire des efforts ensemble... Mais visiblement, cela ne suffit pas. J'ai été dans son corps, il a visité le mien... Nous nous sommes compris l'espace de quelques heures, et depuis la fin de cet échange, nous avons chacun retrouvé nos songes torturés et déprimants.
      Comme si rien de tout cela ne s'était produit... nous ne nous comprendrons plus, c'est fini. C'était bien la peine de subir une telle expérience.

      Si seulement tout ce que je tentais pour l'aider servait à quelque chose... Je crois avoir tout essayé... J'ai voulu qu'il me déteste, il n'a fait que m'aimer davantage. J'ai essayé de mettre fin à mes jours pour lui faciliter la vie, mais le destin en a voulu autrement, et tout est plus compliqué depuis. Et comme un con, j'ai pensé qu'une bonne claque pourrait tout résoudre... C'est tout autant un moyen de me défouler et une tentative désespérée pour lui faire reprendre ses esprits. De toute façon, il aurait fallu que j'explose un jour. J'aurais préféré que ce soit d'une autre manière, et pas sur la joue de de mon alter ego. Ce que je peux être navrant, parfois... Je me hais, je fais tout de travers ! Y'a rien qui tourne rond dans cette putain de tête !! Que quelqu'un vienne à mon secours... Je vous en supplie... Je n'arrive plus à gérer mes émotions, les siennes, et cette situation désespérante...
      Je craque.

      Mais bordel, pourquoi devons-nous subir ça ?! POURQUOI ?!? Je voudrais hurler, tout fouttre en l'air autour de moi... Mais je suis incapable de m'extérioriser, et de me rendre encore plus pathétique qu'à présent. A cause de quoi ? J'en sais rien... Le regard d'Edwin, peut-être. Je ne peux pas me laisser aller devant lui. Il a déjà assez subi mes excès de violence aujourd'hui, je ne tiens pas à ce qu'il en sache plus long. Je ne voudrais pas faire plus de mal que je viens de lui faire. Vais-je parvenir à me contenir ? Là est la question. J'ai besoin d'aide... Je ne peux pas m'aider tout seul. Si seulement je trouvais le moyen de me rendre plus fort, si je faisais le ménage chez moi, je pourrais l'aider à le faire chez lui... Quand on a des problèmes, il faut les résoudre avant de s'occuper de ceux des autres, sinon on le fait mal. Enlever la pouttre de son oeil avant d'aller chercher la brindille dans celui du voisin. Si je ne suis pas cette logique, je n'y arriverais jamais...

      La mort est une délivrance tellement facile... Mais je ne veux plus être faible ! Putain, j'en ai marre de chialer au ras du sol !!! Si je veux m'en sortir... Je n'ai pas besoin d'aide... Je dois le faire tout seul. Me relever tout seul, comme un homme, comme je l'ai si bien dit à Edwin avec tout le tact caractéristique de ma personne. Ce sont les cons qui parlent avec les gifles, parce qu'ils ne trouvent pas d'autres solutions. Edwin, pardonne-moi ! Pardonne ma bêtise continuelle... Pardonne-moi de ne pas être ce que tu as toujours attendu de moi.

      Les mains sur mon visage ne peuvent contenir l'entièreté de mon chaos personnel. Ma respiration s'emballe, je suis au bord de la crise d'angoisse. Reprends-toi, nom de Dieu, p'tit con russe ! Qu'aurait dit ta mère si elle t'avais vu dans cet état ?! Elle t'aurait dit d'être fort, et de te relever, de faire face à tes problèmes et de les affronter avec toute la hargne dont tu peux être capable, pour les chasser à jamais de ta vie... Si seulement j'avais pu mettre en oeuvre tes bonnes paroles, Ayana.

      J'entends Edwin se relever. Bon Dieu... est-ce que mes mots auraient eu un bon impact sur lui ? Il doit m'en vouloir profondément... Mais sous un certain angle, c'est ce que je recherche. Plus il s'éloignera de moi, et mieux il se portera, j'en suis convaincu. Je tente de me calmer, de respirer lentement, toujours replié sur moi-même, tandis que s'installe un silence pesant. Il n'y a plus que ma respiration haletante qui résonne dans ma tête, et les sanglots pitoyables que je tente désespérément de retenir. L'état de choc dure et je n'arrive pas à m'apaiser... Je ne sais plus quoi faire.

      Edwin parle enfin, et chacun de ses mots s'inscrit dans mon esprit. Je n'en perds pas une miette et demeure silencieux tandis qu'il me parle.
      Vanelsin... J'aimerais tellement pouvoir te dire que je serais incapable de te tuer. J'essaye de m'en persuader, sans succès. Je ne sais pas de quoi je suis capable. Quand j'y repense, j'ai aimé François autant que toi, peut-être même plus, je ne sais plus... et sans pouvoir m'en empêcher, j'ai mis fin à son éternité. Il m'a détruit de l'intérieur, son affection m'a rongé tout comme la tienne est en train de le faire progressivement... J'ignore ce que je serais en mesure de faire le jour où ce cercle vicieux m'aura fait péter les plombs. Dans tous les cas... cette fois, je ne ferais pas l'erreur de tenter de survivre.
      Si je te tue un jour, mon alter ego, je mourrais avec toi.
      Mais je n'en suis pas au point de l'envisager... Il existe d'autres moyens de nous évader de notre enfer. Je compte bien les trouver, et je m'en fous du temps que ça prendra.

      - Edwin...

      Non... J'arrive pas à te le dire. Je ne parviens pas à te faire comprendre que je me rends compte de tous tes efforts, et aussi combien je souhaite que tout s'arrange entre nous... Je te l'ai déjà dit de nombreuse fois... Si tu ne le comprends pas, c'est parce que je ne l'exprime pas de la bonne manière, je suis tellement nul en relation sociale... Je crois que je vais me taire. Ce sera mieux. De toute façon, tu ne me croirais pas, une fois de plus...

      Je me sens seul... Terriblement seul... Tes mots sont froids, tu sembles plus fort, c'est ce que j'attendais. Mais je ne sais pas comment m'en sortir tout seul...
      Si j'ai pu te faire prendre conscience qu'il fallait te reprendre et te relever sans d'autre appui que le tien, j'en suis on ne peut plus satisfait. Mais étrangement, je n'arrive pas à le montrer... Tiens donc... Façade de pierre, visage livide et sans expression, si tu pouvais te décongeler, ça me ferait des vacances.

      Mes mains glissent sur mon visage pour permettre à mes yeux inondés de larmes acides de regarder Edwin. A vrai dire, je ne pensais pas qu'il s'attarderait deux secondes de plus sur mon sort, après ce que je viens de lui faire... Ce qu'il me dit me redonne du courage, je sens qu'il me soutient, et qu'il me tend la main, une fois de plus. Edwin... tu es toujours là pour moi... Je t'aime, Edwin. Tu es un homme merveilleux, tu mérites bien mieux que ton salaud d'humain. Une partie de moi voudrait que tu m'abandonnes, pour ton bien, mais l'autre s'accroche à toi comme une sangsue. La raison ou le coeur ?... Pourquoi choisir ?

      Toujours muet comme une carpe, je le regarde se relever. Il veut que je le suive... Je lui fais du mal, et il veut que je le suive. Mais t'es vraiment maso, mon pauvre... et moi aussi. Au fond, souffrir, on adore ça, pas vrai ?

      C'est décidé, je me relève. Je ne me laisserais plus abattre. Même si ça nous fait mal, mais si c'est pour suivre la voie de la guérison, je n'hésiterais pas à te balancer une autre gifle, qu'elle soit physique ou morale. Je sais que ça te fait mal, ce n'est pas une partie de plaisir pour moi non plus... Mais si ça peut te faire réagir et t'aider à te retrouver, sache que je ne prendrais même pas le temps d'y réfléchir. Je suis désolé... Mais pour l'instant, le choc émotionnel semble nous réussir. Regarde-toi, regarde-nous !
      Nous sommes debout !!

      Je sèche mes yeux d'un revers de manche. Mes joues ont rosi sous l'émotion. Espérons que personne ne le remarque.
      Comment répondre à ce que tu me dis ? Je ne trouve pas les mots... Je me dit même qu'ils sont superflus. Je vais me contenter de retenir tout ce que tu m'as adressé aujourd'hui... Aussi bien les bons mots que les mauvais... et faire le point. Je n'ai pas envie que nous en parlions, du moins pas aujourd'hui. J'ai besoin de me retrouver un peu seul...

      Je t'adresse un regard lourd de sens, et hoche légèrement la tête de façon négative. Non, pour le moment... je ne sais pas ce que nous allons devenir.
      Je te suis à travers le jardin, un mètre derrière toi. Je ne veux plus que tu me voies dans cet état. J'ai honte de moi, de mon comportement... de mon incapacité à te rendre heureux. Si seulement...

      Si seulement quoi, andouille ? Tu vas continuer à émettre des "si" longtemps ?! Tu vois pas que ça sert à rien de se lamenter sur ton sort, comme ça ? Pauvre con !
      Ah tiens je t'attendais, toi... Il ne manquait plus que ma conscience à la fête. C'est le bouquet. Ta gueule ! Fous-moi la paix, tu veux ?


      Nous regagnons l'appartement en silence. Du moins, s'il me pose des questions, je n'ai pas envie d'y répondre... Je ne suis pas en état d'être lucide et de lui répondre franchement. Je lutte contre la force des médicaments qui m'assomment et j'ai l'impression de me déplacer comme un zombie. Une fois que nous sommes arrivés, je m'enferme dans la salle de bains sans un mot. Je me déshabille et me recroqueville au fond de la douche, assis, comme à mon habitude, en laissant couler l'eau chaude sur moi. Je déroule mon bandage qui s'échoue par terre avec mon atèle. Mes doigts ne ressemblent plus à rien...

      Je ne ressemble plus à rien.

      Un bon moment plus tard, vêtu d'un jean et d'un pull propre, je regagne le salon. J'ai refais mon bandage moi-même. Après ce qui vient de se produire, c'est à peine si j'ose lui demander de m'aider à le faire... Je dois me démmerder tout seul, ne plus jamais me faire assister. J'ai peur de ses réactions, et des miennes... De ce qui pourrait se passer la prochaine fois qu'il me touche, même lors d'un contact aussi faible que le bandage d'une main... Je ne sais plus quoi penser à son sujet. Un peu comme si je le craignais, à présent.

      Ca me passera, bien évidemment... Mais aujourd'hui, c'est la cata. Qu'il n'envisage même pas de me toucher... c'est trop compliqué. Ce qu'il m'a dit durant sa crise de folie passagère... Ca m'est resté. Et s'il tentait de... ? Oh mon Dieu... Je n'ose même pas l'imaginer. Et s'il en était capable ? Et si cette crise reflétait ce qu'il pense réellement ? Non, ce n'est pas possible... J'ai été dans son corps, j'ai ressenti nombre de ses sentiments à mon égard... Mais je n'ai jamais vu une telle chose.

      Je m'assieds en tailleur sur le canapé. J'ai envie de jouer du violoncelle... pour me changer les idées... Mais ma main me fait terriblement mal.
      J'aimerais qu'il me joue du piano, ça me détend... j'adore l'écouter jouer. Mais je n'ose pas. Tout ce que je dis, tout ce que je fais... tout va de travers. Je voudrais lui parler, lui dire tout et n'importe quoi... Mais je ne sais pas comment...
      Je crois que je perds pied.




    Edwin Vanelsin

      La parole est d'argent, le silence est d'or.
      Vraiment ? [...]

      Peut-être. Il était vrai qu'il en disait trop, mais après toutes ces années passées à se taire, tout simplement parce qu'il avait erré sans jamais trouver personne à qui parler, il avait besoin d'exprimer tout ce qu'il ressentait, de communiquer ses pensées à haute voix. Si c'était la meilleure solution ou non, il n'en savait rien, il estimait seulement préférable de se montrer franc, quelle que soit la situation, et de ne plus rien cacher à Mihaïl. A partir d'aujourd'hui, il lui dirait tout, le bon comme le mauvais, car mauvais il y avait. Non, le jeune homme n'était pas parfait comme il s'était obstiné à le croire depuis si longtemps. La perfection n'est pas de ce monde, et il n'était pas l'exception à la règle. Et puisque la prise de conscience par la brutalité et la franchise crue semblaient les seules solutions mises à leur disposition, alors il en userait régulièrement, sans modération. Si seulement il en avait le courage...
      En tous les cas, il fallait changer radicalement, et il était prêt à le faire. Les solutions ultimes avaient déjà été essayées et n'avaient rien changé, au contraire, elles n'avaient fait qu'empirer la situation déjà critique. Alors s'il fallait rentrer dans le chou pour faire bouger les choses, il le ferait. Après tout, ils avaient besoin d'être bousculés tous les deux, et cette idée semblait avoir déjà fait ses preuves.
      Très bien... Il ne restait plus qu'à espérer que Mihaïl ne se dégonfle pas au bout de quelques minutes et qu'il sache retenir son poing.

      Comme c'était à prévoir, il finit lui aussi par se relever, sans aucune aide, et parvint également à stopper ses sanglots. Bien. A en croire que c'était deux hommes forts qui se tenaient à présent sur le chemin de cailloux blancs, l'un derrière l'autre. Tout n'était qu'illusion, tout n'était que paraître... Tôt ou tard, l'un ou l'autre (ou les deux, peut-être ?) finirait par flancher. Flancher, mais sans tomber. Plier, mais sans rompre. Car il y en aurait toujours un pour rattraper son alter ego et ainsi l'éviter de frôler de nouveau la surface du sol. Plus jamais ils ne se montreraient faibles comme ils l'avaient été... Edwin en était convaincu et était à présent déterminé à se montrer fort, quitte à paraître plus froid, plus distant. D'ailleurs, la distance ne pourrait lui être que bénéfique, tout aussi bien pour lui-même que pour Mihaïl. Il avait besoin de se retrouver lui-même, il passait trop de temps à s'inquiéter de lui et à veiller à son bien-être. Et lui, dans tout cela ? Il avait une éternité à entretenir, et il ne faisait que se la détruire, lui-même, comme un grand, sans l'aide de personne.
      Pitoyable avenir en perspective... Etait-il trop tard pour le changer ?
      Non, jamais... Il n'est jamais trop tard. Et s'il était possible de rattraper le tir, pourtant déjà bien dévié, alors il le ferait. Coûte que coûte.

      Volonté et détermination étaient les termes qui définissaient le mieux son regard en ce moment-même. Regard qu'il n'avait pour l'instant pas l'intention de partager avec son alter ego, qui s'était mis en marche derrière lui, sans un mot, peut-être même sans une pensée. S'il n'avait pas fait un tour dans son corps, alors peut-être aurait-il continué à croire que parfois, le jeune russe n'était en réalité qu'un corps, qu'un assemblement d'os, de muscles et de peau capable de se déplacer, mais mutilé de toute capacité de réfléchir et même de retenir les informations qui lui étaient adressées.
      Comparaison très peu flatteuse, il en avait conscience, et à présent qu'il savait tout ce qu'il se passait dans la tête du jeune homme, dissimulée sous une carapace infranchissable, il s'en voulait d'avoir pu avoir de telles pensées à son sujet.
      Oh, de toute façon, Mihaïl ne se privait sûrement pas pour en faire de même avec lui, alors !

      Pas un mot, pas même un regard ne furent échangé au cours de cette marche qui ressemblait davantage à une procession, aussi glauque soit-elle, qu'à un simple retour à la maison. Mais ce soir, malgré la violence des gestes, malgré la brutalité des mots, il était persuadé qu'ils avaient tous deux fait un pas. Un pas vers quoi, ça, il n'était pas encore en mesure de le définir, mais il sentait bien qu'à présent, ils se dirigeaient vers quelque chose de différent, et c'était tant mieux. Cette situation ne pouvait plus durer, et même s'il se l'était déjà répété mainte et mainte fois, cette nuit-là, il changerait. Et il était bien décidé à mettre un terme à cet amour qui ne faisait que lui pourrir la vie et lui détruire le coeur et l'âme, petit à petit. A partir d'aujourd'hui, il mettrait tout à profit pour se détacher de Mihaïl, quitte à le blesser, quitte à être trop distant, mais sans pour autant l'abandonner un jour. Il tenait trop à lui pour pouvoir l'envisager... Tout ce qu'il désirait, c'était être heureux, enfin, et ce bonheur, il avait pris conscience qu'il ne pouvait pas l'obtenir du côté vers lequel il se dirigeait. Alors puisqu'il n'y avait aucun espoir du côté du jeune russe, il irait voir ailleurs.
      Dieu qu'il lui avait fallu du temps pour le comprendre... Mais à présent que c'était chose faite, il était prêt à tout faire basculer. Prêt à évoluer et à sortir de ce tourbillon infernal.

      Le mutisme et l'isolement de son alter ego, il les avait prévu, il ne le connaissait que trop bien et était à présent capable d'anticiper ses moindres faits et gestes. Du moins si lui aussi ne se décidait pas à changer son comportement... Allait-il continuer à se comporter comme un enfant et s'enfermer dans la salle de bain afin de bouder, plutôt que de se confier et de dire clairement les choses ? Pourquoi ne voulait-il pas évoluer, lui aussi ? S'il fallait le bousculer pour le voir réagir, alors Edwin le ferait, quitte à se prendre une nouvelle gifle douloureuse. Peu importe ce qu'il recevrait en retour, il voulait servir de canne à celui qu'il aimait pour l'aider à évoluer lui aussi, et pouvoir grandir sans son tuteur qui lui serait un jour inutile, si seulement il était capable de l'accepter. Et pour le lui faire accepter, il était bien décidé à ne pas le ménager.
      Si c'était la meilleure solution, il n'en avait aucune idée, mais c'était pour l'instant la meilleure qui lui venait à l'esprit. Si par la suite il se rendait compte qu'au contraire, cela ne les mènerait à rien, alors il changerait de stratégie, mais les choses évolueraient, c'était son objectif.

      Alors que Mihaïl rejoignait le canapé, toujours sans ouvrir la bouche, Edwin s'installa sur le chassis de la fenêtre, instaurant une distance qu'il jugeait indispensable pour que son protégé se sente à l'aise. Du moins pour le moment... Il savait que la barrière face à laquelle il n'allait pas tarder à être confronté ne pourrait sauter que s'il risquait une approche. Et quitte à se faire détester, il ne démordrait pas de son objectif.
      Mihaïl ne parlerait pas, il le savait. Lui non plus ne prononçait pas le moindre mot pour le moment. Il se contentait de l'observer silencieusement, de loin, parfaitement immobile, pendant quelques minutes intenables. Lui qui avait l'habitude de parler, pour ne rien dire parfois, avait les plus grandes peines du monde à tenir sa langue, mais il estimait cela nécessaire, du moins pour le moment. Car ce n'était pas son humain qui se déciderait à prendre la parole le premier, il ne le savait que trop bien. Alors au bout d'une attente qui était toute calculée, il finit par se relever et s'asseoir non loin de lui, sur le même canapé, à un mètre tout juste, puis planta son regard dans le sien, attendit que ce regard ne lui soit rendu avant de prendre la parole et d'indiquer sa main blessée d'un coup de menton en grinçant des dents.

      " Tu l'as mal serré. "

      La provocation serait son arme, même si elle risquait de provoquer des remontrances qu'il n'était pas certain de supporter. Peut-être qu'une nouvelle gifle serait au rendez-vous, quelques paroles cinglantes également, et il préféra anticiper, toujours de cette même voix froide et assurée qu'il ne se connaissait pas.

      " Je peux déjà prévoir ce qui va se passer au cours des minutes qui vont suivre... Je vais parler, parler inlassablement, me lancer dans de grands discours qui ne serviront sûrement à rien, pendant que toi, tu te contenteras de me regarder, si encore tu as le courage de le faire, et tu te tairas. Et tu penses que tout peut changer ? Tu penses sincèrement que tout peut aller mieux entre nous si tu continues à être prisonnier de toi-même et à ne pas me parler ? Je t'ai promis que je ferai des efforts, je ne te toucherai plus sans ton autorisation, même si j'en meurs d'envie. Mais en échange, j'exige de pouvoir profiter un peu plus du doux son de ta jolie voix. Et pour cela, je suis prêt à tout. "

      De façon très franche, il s'approcha encore de lui, posa sa tête sur le dossier du canapé pour le regarder amoureusement. Ce n'était pas vraiment difficile à simuler, après tout...

      " Et si tu ne parles pas, alors moi non plus, je ne tiendrai pas mes promesses. Et je me permettrai de te toucher, que tu le veuilles ou non, je te prendrai dans mes bras, je caresserai le dos de ta main. Je meurs d'envie de t'embrasser, tu sais... "

      * Je vais trop loin là, non ? Je ferais bien de ménager mes propos, après tout, il m'a clairement fait comprendre qu'il était capable de me tuer. *

      Après quelques secondes de réflexion, il s'éloigna un peu pour lui prouver qu'il n'avait pour l'instant pas l'intention d'agir comme il avait prétendu vouloir le faire, avant de poursuivre.

      " Vas-y Mihaïl, défoule-toi, je te tends la perche. Extériorise-toi, c'est tout ce que je demande. Frappe-moi comme tu l'as fait toute à l'heure, ou dis-moi simplement quelque chose, n'importe quoi, mais PARLE. On ne peut plus rester comme ça tous les deux, il faut que nous changions, et je suis prêt à mettre de l'eau dans mon vin, mais il faut que chacun y mette du sien. Alors je te provoquerai, quitte à me faire détester, je n'en ai que faire, ça ne pourra que m'aider à me détacher de toi. Déteste-moi donc, Mihaïl... Ce sera tellement plus facile entre nous. "

      Son corps demeurait immobile, seuls ses yeux se déplaçaient presque imperceptiblement pour scruter les différentes parcelles du visage du jeune russe, attentif au moindre signe extérieur d'énervement, de rage, de haine, ou de n'importe quelle autre réaction.

      " Je ne veux pas continuer à vivre avec un mur. Les murs, je les ai déjà. J'ai besoin d'un homme, un vrai. Ne me fais pas croire que tu n'en es pas un. "
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    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 22 - You won't fall any more. I'm there.   22 - You won't fall any more. I'm there. EmptyVen 24 Fév - 23:49
      Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence... alors tais-toi.

      Ca me correspond tout à fait. Je crois que je n'ai jamais été aussi silencieux à l'extérieur et bavard à l'intérieur. Je me pose tellement de questions idiotes, et sans aucun sens, je ne trouve aucune réponse qui me convienne, et ça tourbillone sans cesse, de plus en plus vite, sans que je ne puisse faire le vide. L'ouragan est déchaîné dans ma tête, tandis que le calme plat règne dans l'appartement.

      Edwin ne dit mot. Moi non plus. C'est dingue, je n'ose même plus le regarder en face... Quelque chose me ronge. Culpabilité ? Souffrance ? Solitude ? Les trois à la fois ?
      Je me sens responsable de tout ça... Edwin a beau me dire que je n'y suis pour rien s'il m'aime, je ne peux m'empêcher de penser le contraire. Plus je tente de réfléchir, et plus je me dis qu'il vaudrait mieux que je me balance de l'acide sur le visage pour détruire cette bouille d'ange qui m'a valu tant de malheurs.
      Il faudrait que j'arrête de penser comme ça. Ca ne résoud rien. C'est comme ça, et puis c'est tout...

      Ma tête s'enfonce à nouveau dans mes mains, tandis qu'Edwin se rapproche et prend place sur le canapé. Les minutes défilent et je me sens me replier sur moi-même, peu à peu... Ce silence est dur à affronter. Il n'y a plus de bruit, hormis celui de ma respiration. Je la voudrais calme, mais elle s'accélère progressivement, sans que je ne puisse la contrôler. Je me sens mal... très mal... Je sens venir la crise d'angoisse. Il faut que je me stabilise. Je peux la chasser si je le veux vraiment. Est-ce que je le veux ? Est-ce que je suis en mesure de me passer de cet état de panique ? Il est l'excuse de mon présent silence.
      Non... ce serait trop facile de le laisser prendre le dessus.

      La voix d'Edwin se fait grinçante à mon égard. A-t-il réellement besoin de s'adresser à moi sur ce ton ? J'éloigne ma main de mon visage et observe mon bandage. Il est très bien, mon bandage, bordel !! Il me prend pour un handicapé ou quoi ?! Je me contente de lui adresser un regard noir, avant de détourner le visage à nouveau. Non... Ne rien dire... Contiens ta rage, Egonov. T'en as assez fait pour aujourd'hui.

      Je l'écoute me parler, tout en fixant mon reflet dans la laque du piano. J'ai beau parler peu... c'est dingue ce qu'il peut bien me connaître.
      Mais que veut-il que je lui dise ? Je ne sais pas comment lui parler... Comment retranscrire mes pensées sans le blesser ? Je n'ai jamais su tenir une conversation simple, je n'ai jamais appris la diplomatie... Je suis profondément anti-social, je déteste communiquer. Peut-être bien parce que je n'ai jamais osé essayer...

      Il se rapproche encore et je lui jette un regard interrogateur. Il a quelque chose en tête... Mais quoi ? Quel est son plan ? Qu'est-ce qu'il me veut ? Je suis dans un tel état nerveux que je n'arrive pas à saisir son comportement. Il me cherche... J'ai pas envie qu'il me trouve.

      Je referme les yeux et me mordille la lèvre inférieure. Il y a quelque chose dans son comportement que je ne suis jamais arrivé à digérer, mais dont je suis à peu près parvenu à faire abstraction jusque là... C'est cette façon qu'il a de croire que je lui appartiens, et qu'il peut faire tout ce qu'il veut de moi. Il se dit mon égal, mais il n'en pense pas un mot. J'en suis certain.

      Tu veux que je m'extériorise ? Tu veux que je laisse tout exploser, c'est ça ? C'est à tes risques et périls, mon vieux. Mais tu le regretteras, c'est sûr... et moi aussi. Si je laisse sortir les mots, rien ne pourra les effacer, t'en es conscient ?
      Tu veux vraiment savoir ce que je pense de toi, de nous ?

      - Ma voix... elle n'est pas jolie, elle n'a pas un doux son. Ma voix a fait croire à François qu'il devait tuer mon frère, ma voix m'a cassé les doigts hier, ma voix ne m'apporte que des emmerdes, et tu crois que j'ai envie de nous en apporter davantage ? Tu viens de voir ce que ça donnait quand je me mettais à parler. Ma voix est encore plus franche que moi, et je te fais du mal avec.

      Ma voix est une arme redoutable dont je ne possède pas le contrôle.
      Elle pense, indépendamment de moi. Elle rend limpide le chaos de mon cerveau. Elle est tranchante comme une lame, cisaille, et les plaies douloureuses qu'elle ouvre ont souvent du mal à se refermer.
      Je me lève du canapé. J'ai besoin de distance, de prendre des repères. Soit, je parlerais sans me retenir. Mais tu l'auras voulu. Je t'aime beaucoup, mon cher Edwin... Et c'est pourquoi ça me fait mal de te dire ceci.

      - Tu sais pourquoi je ne peux m'offrir à toi, en plus de ma phobie ? Parce qu'ici, je ne me sens pas libre... Tu m'as souvent dit que je l'étais, mais au fond... Je suis et je resterais toujours ton prisonnier, Edwin. Aimer par obligation... ça ne veut rien dire ! Depuis un an, j'ai une épée de Damoclès au dessus de ma tête ! Je suis un esclave, je suis un jouet. Tu me retiens avec des ficelles invisibles, mais tu me retiens quand même, c'est finement joué !

      Je sais que tu ne tentes pas de me manipuler. Du moins, pas consciemment... C'est un réflexe. Tu es possessif, tu me veux pour toi, sans prendre en compte le fait que je sois un être humain, et que les êtres humains n'appartiennent à personne ! Je ne suis pas un bibelot parmis tant d'autres... Je respire, j'agis, je pense (difficilement en ce moment, mais là n'est pas la question)... Comment peux-tu penser pouvoir t'approprier mon âme ?

      - Oui, Edwin, tu te persuades du contraire, mais au fond, tu leur ressembles ! Vous êtes tous pareils ! Race supérieure, mon cul ! Même pas capable de rester humble malgré toute la bonne volonté du monde ! Si j'étais vraiment libre... je ne serais pas en train de me torturer l'esprit comme ça. Je ne serais pas en train d'essayer de me forcer à t'aimer. Mais parce que tu es tout ce que j'ai, parce que grâce à toi je respire, parce que je te dois tout, je me vois dans l'obligation de te contenter... Je suis réellement hypocrite envers nous deux, je cherche un espoir là où il n'y en a peut-être pas. Du moins... il n'y en aura pas tant que je t' "appartiendrais" corps et âme. Si tu veux que je deviennes un homme... Ne fais pas de moi un esclave.

      Mais j'aimerais tellement qu'un espoir soit possible...
      L'homme fort a du mal à garder sa place. L'homme faible lui fait couler une unique larme sur sa joue tremblante. T'es content d'avoir entendu ma douce voix ? Ca t'a fait du bien, j'espère ? Pas à moi !

      Je regagne le canapé et le regarde dans les yeux. Avale tout ceci avec recul... Te vexer pour des mots ne feraient que nous faire régresser ce pas que nous franchissons ensemble ce soir. Ce genre de vérité n'est pas bon à dire à quelqu'un que l'on aime... Mais dans notre cas, il faut vraiment qu'on aborde ce genre de sujets.
      Maintenant, tu peux me gifler aussi. J'ai été méchant, et je ne le regrette pas le moins du monde. Je viens de te détester l'espace de quelques secondes, défoule-toi aussi, maintenant...

      Faisant fi de cette hantise qui me torture, je serre ses doigts dans les miens. Oui, tu vois, j'en suis capable... Grâce à toi, je peux devenir quelqu'un de fort.
      Sans lâcher sa main, je le fixe dans les yeux. Ma façade de pierre vient de se briser en morceaux. Je sens enfin mes traits se détendre. Je referme les yeux, respire lentement... Puis je relâche sa main pour croiser les bras sur mon ventre. En attendant le verdict sur cette crise de nerfs extériorisée. Personnellement, je pense que je ne me suis pas trop mal débrouillé.

      Il voulait savoir, il voulait entendre... c'est chose faite.
      Faudra pas qu'il se plaigne de ma franchise... c'est ce qu'il désirait, non ?



    Edwin Vanelsin

      Qui sème le vent récolte la tempête...

      Le verdict n'allait pas tarder à tomber. Le ton monterait, la voix s'élèverait et déverserait des vérités dissimulées depuis trop longtemps. Il n'avait pas réellement pris le temps de se poser la question : " Mais est-ce que j'y suis prêt, au moins ? Est-ce que je suis capable d'entendre ce qu'il pense réellement de moi ? Puis-je réellement accepter tous les reproches qu'il a à me faire ? " Car des reproches, il y en avait, la liste pouvait être très longue... Seulement, le visage de Mihaïl était d'ordinaire si impassible qu'il était impossible de deviner ce qu'il pensait réellement. Et dire que sous cette carapace de marbre se cachait une tempête de questions, d'interrogations et de souvenirs en tout genre. Qui l'eut cru ?
      La tempête était proche, prête à tout balayer sur son passage, et les mots durs ne tarderaient pas à fuser. Pourquoi n'avait-il pas pu tenir sa langue ? Il sentait qu'il allait le regretter, que les paroles de Mihaïl seraient plus que blessantes, mais il ne pourrait pas lui en vouloir puisqu'il le lui avait demandé. Tout ce qu'il serait en mesure de faire, serait alors de se défendre, du mieux qu'il le pourrait. Masochiste, oui, il allait finir par croire que ce qualificatif lui correspondait.
      Pourquoi demander à la personne que l'on aime de nous adresser des paroles trop crues, trop dures, alors que nous savons pertinemment que nous ne sommes pas en mesure de les encaisser ?
      Parfois, il ne se comprenait pas lui-même... Avant de vouloir aider les autres, il faut pouvoir être en mesure de s'aider soi-même, or il ne se ménageait pas vraiment, au contraire.
      Si seulement...

      Et le pessimisme s'exprima par le biais de cette voix douce et agréable, quoi qu'en puisse penser son propriétaire. Pourquoi donc n'en usait-il pas souvent ? La voix, à elle seule, peut-être une arme redoutable, ou ne serait-ce qu'un simple moyen de communication, une manière de se faire comprendre plutôt que de laisser les autres se tromper sur notre compte, et ce sur toute la ligne. Le silence n'est pas toujours la meilleure des solutions, et son pouvoir incroyable peut s'avérer... destructeur. Le silence n'est pas une base solide, il n'est bon que pour construire des châteaux de cartes, pas pour assembler les morceaux du puzzle d'une relation bien plus complexe que celle qui unit deux amis, deux amants, deux frères, ou deux parents, mais un mélange de tout cela à la fois, et plus encore.

      Il l'avait prévu, et pourtant, il n'avait pu s'empêcher de le demander. Et à présent, les mots étaient là, tout juste sortis, et déjà douloureux. Mais peut-être que ça valait toujours mieux que d'affronter cet éternel mutisme qu'il ne supportait plus à force de s'y voir confronté. Peut-être que pour une fois, se sentir attaqué, insulté, agressé par celui qu'il aimait l'aiderait à le faire réagir, les aiderait tous les deux à prendre conscience de certaines choses et à évoluer vers une relation meilleure ou simplement... différente.
      Jamais encore ils n'avaient eu à affronter pareille situation. Même si Edwin savait cet échange basé sur de bons sentiments, il ne pouvait s'empêcher de se sentir blessé et attaqué personnellement au cours de la tirade de Mihaïl. Mais il ne devait pas flancher, il ne pouvait pas flancher, car c'était lui-même qui était à l'origine de cette haine invraisemblable et pourtant fondée.
      Mihaïl n'aimait pas sa voix... Eh bien il faudrait qu'il s'y fasse, car au cours des jours à venir, il serait sûrement amené à parler beaucoup plus qu'il ne l'avait fait au cours de toute son existence. Edwin était convaincu que le dialogue était la meilleure façon de se comprendre, de mettre les choses au clair, et de permettre à son protégé d'évoluer pour devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un de plus fort, de plus confiant, de plus franc. Du moins était-ce ce qu'il espérait et ce qu'il croyait être le mieux pour lui. Etait-il seulement en mesure de juger ce qu'il conviendrait de faire ? Ce n'était pas sa vie... tout en l'étant à la fois.
      Quelle drôle de relation... S'il avait pu prévoir tout ce qui arriverait, jamais il ne serait allé au magasin, jamais même il n'aurait mis les pieds à Vampire's Kingdom. Mais dans le fond... Si lui ne s'était pas trouvé ici, entre quelles mains aurait atterri Mihaïl ?
      A quoi cela servait donc d'émettre des suppositions ? Avec des "si", on pourrait refaire le monde...

      Quelle pitoyable justification du silence. Il était sur le point d'illustrer son mécontentement, mais sut se retenir au dernier instant. Après tout, il avait déjà eu son tour, à présent c'était à Mihaïl de s'exprimer, il aurait tout le temps de répondre ensuite. Alors il se contenta de laisser échapper un discret murmure, un brin moqueur, sans pour autant se donner la peine de le prononcer suffisamment fort pour être entendu.

      " Quelle belle image de soi-même... Tu es encore plus pessimiste que moi. "

      * Et ça, c'était pas un compliment, en comparaison avec les idées noires que je suis parfois capable d'avoir. *

      Un éloignement, ça aussi c'était à prévoir. Mihaïl était-il donc incapable de rester en place et de parler calmement, en regardant son interlocuteur dans les yeux ? Etait-ce réellement trop lui demander ? Soit. Ceci aurait été trop beau venant de sa part, après tout.
      Edwin le suivit des yeux, bien décidé à accrocher son regard dès que le jeune russe le laisserait s'égarer quelque part, non loin de lui.
      Et puis... plus rien. Il ne savait plus quoi penser, tout ce qu'il entendait semblait ne pas réellement exister, comme si c'était trop improbable qu'il puisse un jour entendre de telles paroles.
      Avait-il seulement bien compris ? Non... Mihaïl ne pouvait pas penser cela, c'était impossible !
      Lui non plus ne pouvait rester dur et fort indéfiniment, et le mélange d'incompréhension et de tristesse qui apparut dans ses yeux fit naître une larme qui roula sur sa joue.

      " Non... "

      Alors... il le pensait réellement ? Mais pourtant... Edwin ne s'était jamais senti supérieur à lui, jamais ! Et comment pouvait-il oser le comparer à ses semblables ? Comment le pouvait-il ? Il disait n'importe quoi !
      Il était prêt à exploser de nouveau, à hurler pour se défendre, s'époumoner à répéter que tout ceci n'était pas vrai, qu'il n'était pas fait comme les autres et que si c'était le cas, Mihaïl serait déjà mort à l'heure qu'il était, mais la main du jeune homme dans la sienne le calma aussitôt et il se contenta de la serrer tendrement en le regardant dans les yeux. Pour une fois, lui non plus n'avait pas besoin de parler, interrogeant simplement les prunelles du jeune russe par d'autre moyens que les mots.
      Pourquoi...

      Déjà, il se détachait, visiblement satisfait des paroles qu'il venait de prononcer. Alors c'était cela qui murissait dans sa petite tête depuis tout ce temps. Il s'était fait à l'idée qu'il valait moins que l'immortel, et que ce dernier le manipulait depuis le début. Mais non ! Non, il se trompait, ce n'était pas vrai... Ce n'était du moins pas l'image qu'il tentait de lui donner depuis tout ce temps ! Comment avait-il pu en arriver à avoir de telles idées et à y croire dur comme fer ?
      Sa voix n'était plus aussi assurée que lorsqu'il avait pris la parole quelques minutes auparavant. Elle était devenue chevrotante, étreinte par l'émotion, essentiellement composée de tristesse et d'un zeste de colère. De colère envers lui-même...

      " Mihaïl... Comment peux-tu oser dire cela ? Je ne suis pas comme ça, et je ne savais pas que tu le pensais, je... Jamais je ne t'ai considéré comme quelqu'un d'inférieur, vis à vis de moi ou de qui que ce soit d'autre, jamais. Tu l'entends ? Tu es un homme, tout comme moi, et je ne vaux pas mieux que toi. Cette histoire de race, c'est n'importe quoi, et si tu as cette impression, c'est seulement à cause de l'atmosphère qui règne ici. Cette hiérarchie sociale que l'on nous impose... Je n'y suis pour rien, tu le sais ? Oh, Mihaïl, dis-moi que tu ne pensais pas vraiment ce que tu viens de dire, je t'en supplie... "

      Qui donc était en tort ? Etait-ce le jeune homme qui tirait des conclusions erronées, ou était-ce lui-même qui aurait grand besoin de se remettre enfin en question ?
      Peut-être agissait-il sans s'en rendre compte... Et dans ce cas, alors il ferait mieux de prendre en considération les paroles de Mihaïl afin d'y réfléchir sérieusement. Jamais il n'avait cherché à le manipuler d'une façon ou d'une autre, il lui avait même déjà fait comprendre qu'il était libre de le quitter, s'il le souhaitait. Après tout, il n'avait aucun droit de le garder auprès de lui.

      " Si tu n'es pas heureux... Tu peux partir. Je pensais que tu étais bien avec moi, je pensais te donner ce dont tu avais besoin. Mais avec ce que tu me dis, je ne sais plus quoi penser. Je te traitais mal, alors... Comme un esclave, comme le font tous mes semblables. Si c'est ça... je préfère ne plus avoir à veiller sur toi. Oui, veiller, c'était ça que je pensais faire, mais apparemment, nous n'avons pas la même vision de la relation qui nous unit. Ca me fait mal de t'entendre dire ça, et ce n'est sûrement pas nouveau, tu dois y songer depuis un bout de temps déjà. Désolé... Désolé d'être si possessif, désolé de toujours vouloir te protéger, mais... Suis-je vraiment comme les autres ? Penses-tu sincèrement que nous sommes tous les mêmes ? Si tel était le cas, jamais je ne serais tombé amoureux de toi, et jamais Lane ne t'aurait empêché de mettre fin à tes jours. Crois-moi...Si tu avais vécu avec un vampire qualifié de normal, tu serais mort depuis longtemps. Enfin, je ne dis pas ça pour me placer au dessus d'eux, mais j'avais tellement l'impression d'être meilleur qu'eux, plus bon, plus juste, plus... humain. Je me suis trompé, peut-être... "

      Incapable de soutenir son regard plus longtemps, il détourna les yeux, les laissant se perdre quelque part sur le bois du violoncelle de son alter ego. Ainsi donc, c'était cette image-là qu'il avait de lui... Sa fierté venait d'en prendre un coup dur, lui qui avait été persuadé jusque là d'agir pour le mieux. Les larmes aux yeux, il se leva sans regarder son protégé et se dirigea vers le violoncelle qui n'avait pas quitté son champ de vision pour le saisir délicatement dans ses mains et passer ses doigts sur le bois de l'instrument. Il aimerait beaucoup savoir en jouer, lui aussi, ne serait-ce que quelques airs... Mais le moment n'était pas idéal pour demander à Mihaïl de lui donner des cours, et dans le désespoir dans lequel il se noyait, il était persuadé que plus jamais il n'aurait l'occasion d'émettre cette hypothèse.

      " Pourtant... Je pensais bien faire... Jamais je n'ai voulu que tu te sentes aussi mal, je ne voulais que ton bonheur, je te le promets. Et si j'ai pu donner une image aussi négative, ce n'était pas fait exprès, ou peut-être parce que je te protège trop, je ne sais pas... Avec ce que tu viens de me dire, je ne sais plus quoi penser vis à vis de mes agissements. Je fais tout de travers depuis le début, alors ? C'est bien cela ? Mais alors... Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé avant ? "

      Au fil des mots qu'il prononçait, il était finalement parvenu à détacher son regard de l'instrument pour les replonger dans ceux de son alter ego, non sans difficulté. Ce n'était pas le moment de gâcher tout ce qu'ils s'efforçaient de faire depuis toute à l'heure, mais ces dernières paroles l'avaient assomées et il aurait été bien incapable d'y réagir avec violence. Il avait toujours du mal à y croire... Sans doute se remettre en question après tout ce temps n'était pas chose facile.
      Conservant toujours délicatement le précieux instrument contre lui, comme si c'était le jeune russe lui-même qu'il tenait dans ses bras, il reprit la parole d'une voix basse et douce, presque chuchotante.

      " Dis... La première fois que l'on s'est rencontré, qu'as-tu pensé de moi ? Comment croyais-tu que notre relation allait évoluer, à l'époque ? Après tout ce temps, je viens seulement de réaliser que je ne t'ai encore jamais posé la question... Je me souviens très bien de cette journée, mais à l'époque tu parlais tout autant qu'hier encore, et ton visage était déjà de marbre. Tu pensais déjà que j'étais comme les autres ? Comme... comme ton ancien maître ? "
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    Atticus

    Atticus

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    MessageSujet: Re: 22 - You won't fall any more. I'm there.   22 - You won't fall any more. I'm there. EmptyVen 24 Fév - 23:55
      Me lasser de lui ?...
      Mais non, loin de là... Si j'ai tendance à mettre de la distance entre nous, parfois, c'est uniquement pour que nous soyions moins confrontés à cette douloureuse réalité : celle où il y aura vraisemblablement toujours une faille entre nous deux, un fossé qu'il semble souvent périlleux d'enjamber.

      Edwin... Je ne veux pas t'abandonner, surtout pas... Peu importe les épreuves, les difficultés et n'importe quel fossé. Tu peux me faire confiance. Je n'ai pas envie de m'attacher à une autre personne, plus qu'à toi. Ceux qui semblent s'attacher à moi, je les écarte de notre route, car c'est avec toi seulement que je veux avancer.
      Pourquoi crois-tu que j'étais de ton bord quand tu as voulu qu'on se sépare d'Elizabeth ?

      Je me suis rendu compte un peu tard qu'on avait mis le pied dans un bonheur à trois illusoire... certes. J'ai avancé les yeux fermés, tête la première, dans un piège doré, et le mal a été fait.
      Tu savais que ça se passerait comme ça... Si seulement j'avais pu le lire dans tes yeux - et surtout le comprendre - lorsque nous avons rencontré cette jeune fille.

      Enfin le sujet n'est pas là... Tout ça pour dire que tu sais toujours opter pour la bonne décision, et que je tiens à toi... Je veux que tu me guides sur cette route semée d'embûches, et je veux pouvoir te soutenir quand tu flanches. Malgré toutes les crises de folie dont nous pouvons être victimes, pour rien au monde je ne me séparerais de mon alter ego.

      Je le regarde s'approcher avec mon violoncelle. Un sourire illumine son visage si pâle et triste. Je le lui rends, et pousse un coussin pour le laisser s'installer à côté de moi. Il est un peu tremblant, gêné... Il a quelque chose à me demander. Sans vraiment m'en rendre compte, je perds mon regard dans la même direction que lui... tentant de comprendre la signification de ce qu'il essaye désespérément d'exprimer.

      Tandis qu'il bafouille, mon regard curieux et inquiet se transforme en regard attendri, et un peu gêné. Je me rends compte qu'il s'est déplacé sur lui pour le fixer. Sur le coup, j'avoue que je ne sais plus trop quoi penser... et surtout quoi dire. Comment puis-je lui promettre d'exaucer son souhait ?
      Je ne peux pas... Par contre je peux lui promettre d'essayer. Il est tout ce qui compte pour moi, je ne peux pas le lui refuser. Si ça se limite à trois fois rien, comme il le dit, je peux me forcer, non ? Peut-être bien que j'y prendrais goût...

      Je sais combien il se retient... Comment être sûr qu'un petit geste affectueux de temps à autre ne va pas faire empirer les choses ?
      Mais merde, à la fin ! Pourquoi est-ce qu'on se pose autant de questions débiles ?! Il faut qu'on vive, et pour ça, arrêter de penser, bordel ! C'est le fait que ton cerveau, à l'affût du moindre détail qui pourrait devenir un problème, se transforme en hall de centre commercial dès que quelque chose se passe aux abords de ton univers, ducon !
      Eh, je ne te permets pas de me causer comme ça, d'accord ?! Elle est où ta place, salope ? Tu vois un fauteuil réservé dans ma tête pour toi ? Casse-toi !

      Y'a des jours où je me dis que si un télépathe m'entendait... Il ne comprendrait rien du tout.
      Bref ! Je me suis égaré loin, trèèèèès loin de la planète Vanelsin-Egonov. J'en étais où, déjà ? Ah ! Voilà. J'adresse un sourire à Edwin et pose ma main sur son bras quelques secondes, avant qu'elle n'aille rejoindre la bandée lamentablement avachie sur ma cuisse.

      - Tant que tu ne me sautes plus dessus, je te promets d'essayer. La première tentative, tout à l'heure, n'a pas été un succès... mais c'est pas pour ça qu'on ne va pas s'en sortir, hein ? Ce que tu me demandes, c'est tout à fait normal... A défaut de faire marcher un sentiment suprême dans les deux sens, je veux bien tenter de te faire plaisir en retour de tes efforts... C'est même logique, après tout, et ça fait longtemps que j'aurais dû le faire. Il y aura de nombreux jours où je ne pourrais pas... Je le sais... Mais je te promets que ceux comme celui-là, où je me sens plutôt bien, je ferais mon possible.

      L'affection, chez moi, c'est pas logique... pas automatique. Trouver une raison pour en donner, c'est plutôt un bon début... Le jour où j'arrive à le faire par moi-même et sans réfléchir, je débouche le champagne.
      Il est vrai que la première tentative au jardin a été un échec total et douloureux pour nous deux. Mais il fallait bien y parvenir. De plus en plus souvent, j'ai l'envie de combattre mes phobies ridicules et de lui apporter tout ce qu'il souhaite... La barrière finira par céder un jour ou l'autre. Je crois sérieusement qu'il faut qu'on arrête de se poser autant de questions, et essayer d'être un peu heureux...

      - Et non, je te rassure, tu n'as rien à voir avec François...

      A part le fait que je vous aie ensorcelés tous les deux, ainsi qu'Elizabeth, sans le vouloir. Diable ! Aurais-je tant de charme que ça ?
      Egonov, t'en fais tourner, des têtes... Je sais pas pour quelle raison. Les cheveux, les yeux ? C'est juste pour savoir ce qu'il va falloir que je défigure pour la prochaine fois...

      - François n'a jamais pris en compte ce que je pouvais ressentir... Lui, il me traitait vraiment comme un esclave. Un jouet. Au fond, je suis persuadé qu'il ne m'aimait pas... C'était le fait de me posséder qu'il aimait. Tu n'es pas comme lui, Edwin. Et malgré ce que j'ai pu te dire tout à l'heure... Jamais je ne pourrais te tuer. Jamais. Je préfèrerais mille fois mourir à ta place.

      Cette fois j'en suis sûr et certain... L'histoire ne se répètera pas une seconde fois. La première et la seconde n'ont rien à voir ensemble, elles sont bien distinctes. C'est parce que je les ai souvent comparées et confondues que je me suis replié sur moi-même par rapport à Edwin...

      Trop de sentimentalisme tue le sentimentalisme. Et les médicaments ne m'aident pas à me concentrer... J'ai de nouveau la tête qui tourne, et je pense à toutes sortes de conneries... Je crois qu'on a assez fait la brasse dans l'eau de rose pour ce soir, non ? Essayons de passer une bonne soirée, maintenant...
      A commencer par une petite leçon de violoncelle, qui sera probablement douloureuse pour notre quatre oreilles, mais intéressante toutefois.

      Il place le violoncelle, un peu maladroitement, et je sens venir la panique. Il me raconte qu'il m'écoute jouer en secret, et ça me fait sourire, évidemment... Oui, quand je suis dans mon monde, plus rien n'existe autour. Ce monde m'aide à être fort et je ne crains plus rien, souvent je ne me rends même pas compte de la présence du reste du monde autour de mon cocon.
      Ses compliments me font rougir, et je n'arrive plus à cacher mon émotion. Façade de pierre, il serait temps que tu reviennes, j'ai besoin de toi, là.

      - Je te remercie, c'est gentil... J'avoue que je me rends rarement compte qu'on m'écoute, quand je me laisse porter plus rien n'existe, la plupart du temps. Mais que ce soit Bliss ou bien toi qui m'accompagne... la porte de mon monde est ouverte.

      Je m'approche davantage et redresse le violoncelle contre lui, il ne le tient pas assez droit. Je resserre les crins de l'archet d'un geste automatique et le lui rends.

      - En échange, j'exige un cours de piano.

      C'est ça... comme si je pouvais être doué en piano. Exécuter le même mouvement pour jouer des parties différentes, et en plus utiliser une pédale, ça doit être trop dur ! Et puis mes doigts ne sont pas travaillés de la même façon, j'ai de la corne d'un côté et pas de l'autre.
      Je me place en face de lui, agenouillé sur le tapis, et prend dans ma main la sienne qui tient l'archet, pour la positionner.

      - Le plus difficile... c'est de trouver le son. Au début, ce sera loin d'être beau. Mais je fais confiance à ta sensibilité musicale, tu y arriveras...

      Je guide sa main pour que l'archet vienne faire vibrer une corde. Puis deux cordes à la fois.
      Un léger sourire anime mon visage, et je fais partager ma bonne humeur à Edwin, il en a besoin... Il est rare que je me sente aussi bien, surtout après ce qui vient de se passer. Je voudrais qu'il puisse encore se sentir bien avec moi sans se poser de questions... je voudrais arrêter de me torturer pour rien.
      Heureux soient les simples d'esprit.



    Edwin Vanelsin

      A regarder Mihaïl, ça semblait si simple d'être heureux. C'était bien la première fois qu'Edwin voyait le jeune homme si heureux, il débordait d'un enthousiasme rare et non feint qui, en temps normal, aurait suffi pour lui réchauffer le coeur et le faire sourire à son tour. Mais alors que tout s'y prêtait, la situation, l'ambiance et, bien évidemment, la présence de son protégé à ses côtés, il se sentait incapable de ressentir de la joie. Un blocage indescriptible l'empêchait d'être heureux, le privait une nouvelle fois de ce bonheur pourtant à portée de main, que le jeune russe lui offrait. Ses paroles étaient chaudes et réconfortantes, même son oncle n'avait jamais su lui en adresser de telles, mais elles ne parvenaient pas à réchauffer son coeur mort.
      Mort... pour toujours.
      La résurrection était impossible, il était grand temps qu'il en prenne conscience.
      Et pourtant, Mihaïl lui promettait monts et merveilles. Oh, bien sûr, n'importe qui aurait pu considérer ces infimes attentions comme de la pacotille. Pas Edwin. Lui qui savait pertinemment ce dont le jeune homme était capable, avait appris à se contenter de peu. Et si ce qu'il demandait pouvait paraître ridicule aux yeux de n'importe qui ; pour lui, c'était déjà un grand pas vers une relation encore plus fusionnelle qu'elle ne pouvait déjà l'être, et cette promesse alimentait également cet espoir qu'il conservait, utopie qu'il avait toujours cru irréalisable, de pouvoir un jour recevoir le même sentiment d'amour qu'il s'acharnait à offrir à un homme qui aurait pu se contenter de moins.
      Mihaïl se disait esclave de ses sentiments... Mais était-il seulement le plus à plaindre dans l'histoire ? Peut-être...

      Mais malgré la douceur du jeune homme, ainsi que celle de sa main, Edwin ne parvenait pas à ravaler cette boule acide et indescriptible qui avait pris racine dans le fond de sa gorge et qui ne semblait pas décidée à le quitter de sitôt. Les questions refusaient également de quitter son esprit, et il était tout simplement incapable de se vider la tête et de s'abandonner à ce moment de bonheur qu'ils auraient pu partager ensemble, si seulement ce blocage inexplicable n'avait pas été présent. Une brusque envie de tout envoyer en l'air, ou de tout simplement se balancer par la fenêtre, hantait ses pensées, mais il savait que cette solution n'était pas la meilleure ; Mihaïl l'avait déjà testé, et cela n'avait fait qu'empirer les choses et détériorer leur relation déjà critique.
      Mais alors... Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter de ce que l'avenir semblait lui promettre ? Une existence paisible, du moins pendant un certain temps, à se contenter de minuscules attentions, et à vivre sans se poser de questions, appréciant la simplicité et la présence de son protégé, de celui qu'il aimait plus que tout.
      Malgré cette promesse plus qu'alléchante, il ne voulait pas vivre cela. Il s'en savait incapable, et il savait également que, tôt ou tard, l'un ou l'autre viendrait à gâcher ce bonheur éphémère. Alors pourquoi donc se faire plaisir, si c'est pour souffrir encore davantage ensuite ? Peut-être que le moment était venu de tout abandonner, maintenant, et de définitivement couper les ponts, comme il avait déjà souhaité le faire il y avait quelques mois de cela.
      Il le regretterait, il le savait. Et pourtant, il le fallait.

      Son coeur se serrait à cette pensée, il n'était pas capable de vivre sans son alter ego, on lui arracherait une partie de son âme si jamais on l'éloignait de lui, si on l'empêchait de le voir, de partager son appartement et sa vie avec lui. Néanmoins, une intuition sans cesse grandissante le poussait à rompre ce lien qui les unissait immédiatement, sans passer trop de temps à y réfléchir, car plus il penserait, plus il douterait, et il finirait par abandonner cette idée qui lui semblait la meilleure. Du moins pour Mihaïl...
      Car à présent, il en était certain, Mihaïl ne pouvait pas être heureux en restant avec lui. Il venait d'en prendre conscience, lorsque son protégé avait osé le critiquer et le comparer à ses semblables. Aujourd'hui, il s'était rendu compte qu'il était trop possessif, et il savait que malgré sa promesse, il était incapable de changer. Comment pourrait-il rester de marbre en sachant sa dite âme soeur ailleurs, peut-être dans les bras de cette étrange femme blonde qu'il avait rencontré un soir ? Il aurait beau y mettre toute la volonté du monde, jamais il ne parviendrait à se défaire de l'idée que Mihaïl Egonov avait beau être un homme, non pas un objet (jamais il ne serait capable de le rabaisser à ce point), il ne pourrait un jour cesser de le considérer comme sien. Il lui appartenait... et rien ni personne ne pourrait jamais rien y changer. A moins qu'il ne cesse de lui appartenir. C'était cela, la solution, la seule et l'unique. Le remède ultime, la solution radicale.

      A présent qu'il commençait à envisager de plus en plus sérieusement cette possibilité, plus rien d'autre ne comptait. Sa propre main faisait glisser l'archet sur les cordes de l'instrument, guidée par celle de Mihaïl, mais il était bien loin de s'en soucier une seule seconde. Mihaïl le prendrait sûrement très mal et ne croirait pas un seul instant à cette nouvelle idée, qu'il jugerait précipitée, instinctive, et inutile. Pourtant, il se devait de trouver un moyen de le lui faire comprendre, et la tendresse ne semblait pas adaptée à une séparation qui n'avait rien de douce et délicate. C'était ce qu'il y avait de mieux pour son protégé, il en était convaincu. Ainsi, plus jamais il n'aurait l'occasion de se plaindre de la surprotection qu'Edwin lui offrait, et du caractère possessif et jaloux de ce dernier. Le jeune russe serait libre... libre d'agir comme il le souhaitait. Libéré de toutes les "contraintes" que son dit maître lui imposait. N'était-ce pas ce qu'il désirait ?

      " Suffit... "

      * Ne m'en veux pas, Mil'... Mais je suis obligé. Il faut que nous nous séparions, tous les deux, pour que tu puisses être heureux et vivre comme tu le souhaites. Mais ça, je ne peux pas te le dire. Je vais me contenter de simuler une nouvelle crise de folie, et je vais te lancer des mots douloureux à la figure pour que tu décides de t'enfuir de toi-même. Peut-être... peut-être que c'est la meilleure solution, je n'en sais rien. Je veux ton bonheur, mais je suis incapable de te le donner moi-même, car le tien dépend du mien, et nous n'aspirons pas aux mêmes choses, mon ange. Ne me pardonne pas... Nous ne nous reverrons peut-être plus jamais. Oublie-moi simplement, tout comme je tenterai de le faire, même si je n'y parviendrai sûrement jamais. *

      L'archet tomba de ses doigts et alla s'échouer au sol alors qu'il attrapait avec une tendresse infinie le visage de son alter ego entre ses mains. Pour la dernière fois... Il plongea ses yeux dans les siens, caressa tendrement sa joue et ses lèvres, sans rien laisser transparaître d'autre que l'amour d'une force incomparable qu'il éprouvait pour lui.

      " Je t'aime... Je t'aime mon ange, tu sais, à un point que tu ne peux même pas imaginer. Ta simple présence me rend fou... Fou de joie. Toi, tu as su me rendre heureux, parfois seulement durant quelques secondes, mais qu'importe ; avec toi, j'ai connu le bonheur. Mil', tu as fait énormément pour moi, même si tu ne t'en rends sûrement pas compte, je te dois tellement... Mais malheureusement, je... "

      Devait-il lui révéler son plan ? Sûrement pas, cela détruirait tout espoir de réussite. Il repoussa le violoncelle pour ne plus être gêné, attira Mihaïl contre lui, sur le canapé, jusqu'à ce qu'il se retrouve assis sur ses genoux. Le jeune homme sentait-il seulement ce qui se produisait en ce moment-même dans l'esprit de son alter ego ? Pouvait-il être conscient de ce changement imminent, de cette séparation brutale et douloureuse qui n'allait pas tarder à pointer son nez ? Edwin ne voulait pas y penser, simplement profiter des dernières secondes tendres qu'il passerait en la compagnie de son protégé, et de l'embrasser, pour la deuxième et dernière fois, car plus jamais il n'en aurait l'occasion après cette nuit.

      " Laisse-toi faire. Tu comprendras... plus tard. Un jour, peut-être, le plus lointain possible, je l'espère. "

      Tout était calculé, rien n'était laissé au hasard. On aurait pu croire qu'il était victime de l'une de ses nombreuses envies impulsives, et que cette fois, il n'avait su la contrôler, mais il n'en était rien. Il ne faisait que se donner la possibilité de serrer une dernière fois son protégé contre lui, de lui accorder encore quelques secondes d'amour, d'un amour fou qui finirait par les tuer tous les deux, avant de se confronter de nouveau à la haine et à la douleur, comme trop souvent à son goût. Mais cette fois, il souffrirait parce qu'il en avait décidé ainsi. Pour Mihaïl. Pour son bonheur. Et peut-être aussi un peu pour lui-même... Mais cela, pour le moment, il n'était pas encore prêt de se l'avouer.
      Il récupéra l'archet et le plaça en haut de ses cuisses, à l'aboutissement d'une trajectoire qu'il venait de se créer mentalement, d'un simple mouvement occulaire. Ses yeux remontèrent jusqu'à ceux de son protégé, et il ne prit pas le temps d'observer sa réaction et tout ce qui pouvait se lire dans son regard. Ce n'était pas le moment de douter à présent que toute sa mise en scène était en place et ne semblait comporter aucune faille. D'ici quelques minutes, seul l'un des deux pourrait encore témoigner de cet évènement tragique, le seul qui le méritait.
      Ses mains se glissèrent jusqu'à la nuque de son protégé et, sans hésiter une seconde de plus, il le serra encore plus contre lui pour l'embrasser avec une douceur infinie, tout en sachant qu'il ne fallait pas que ce moment de bonheur à l'état pur ne dure trop longtemps, sous peine de se voir repousser. Alors sans plus attendre, il entama de mettre en oeuvre sa stratégie qu'il espérait correcte, laissa ses mains se promener sur le torse du jeune homme pour profiter quelques secondes à peine de ses poumons et de son coeur, bien vivants, puis de saisir ses mains à lui, bien chaudes, bien vivantes, pour les amener sur ses jambes gelées protégées par le tissu de son pantalon. Sans rompre son baiser dont il ne perdait pas une miette de saveur, il fit glisser les mains de Mihaïl sur ses cuisses, lentement, le long du jean, jusqu'à ce qu'elles atteignent l'archet qu'il lui fit saisir, peut-être contre sa volonté, comme s'il le dirigeait telle une marionette. A partir de maintenant, il ferait tout pour se faire détester, à commencer par le traiter comme un objet en se servant de ses doigts comme de simples pinces. Ca aurait le don de l'agacer, et ce qu'il n'allait pas tarder à faire contre son gré le mettrait probablement hors de lui.
      Lorsque ses lèvres quittèrent les siennes, un horrible craquement retentit et vint perturber le silence de mort qui s'était installé. L'archet était brisé en deux, et les morceaux jumeaux reposaient dans chacune des mains de leur propriétaire, mais également de leur assassin, malgré lui.

      Il n'avait ni le temps, ni le droit de s'en vouloir. Impossible de s'excuser, un simple regard fut accordé à son protégé afin de lui implorer silencieusement son pardon, pardon qui ne lui serait probablement jamais accordé après ce qui n'allait pas tarder à se passer.
      Sans plus attendre, il repoussa Mihaïl et le laissa avec son archet brisé en deux tandis qu'il se saisissait de son objet fétiche et qu'il s'éloignait, le tenant hors de portée de son propriétaire. D'un unique geste vif, son ongle sectionna les cordes de l'instrument qu'il arracha ensuite pour les jeter au sol, plus loin, avant de le saisir fermement, prêt à accomplir le geste qu'il regretterait tout au long de sa minable existence, si seulement il vivait encore après cela.
      Les mensonges étaient également au rendez-vous... Ils constituaient sa seule arme.

      " De toute façon, j'ai toujours préféré les harpes, et je n'ai jamais aimé ce violoncelle. Je n'aurais jamais dû te permettre de t'en construire un, il est grand temps que je répare cette erreur. Suis bien ce qui va suivre... "

      La seconde suivante, l'instrument percutait le piano, lancé avec toute la force dont le caïnite était capable. Le bois se fendit instantanément, et Edwin n'hésita pas une seconde à saisir de nouveau ce qu'il restait de l'objet entre ses mains pour le fracasser de nouveau contre le piano à queue, avant d'accorder un regard lourd de sens à son alter ego, dont il espérait en secret que Mihaïl en comprendrait un jour la signification.

      * Mil', regarde, regarde ce que j'ai fait. C'est ce qui t'arrivera si tu continues à vivre avec moi. Je suis en train de te détruire, et je vais finir par te briser, tout comme je viens de briser ton violoncelle. Mil', ce geste est symbolique, comprends-le bien, je tiens presque tout autant que toi à ton instrument, et tu ne peux pas savoir à quel point je m'en veux pour t'empêcher de te priver de lui. Pardonne-moi... Ou plutôt, non, ne me pardonne pas : oublie-moi. Regarde le monstre que je suis, regarde ce que je t'ai fait. Tu ne peux plus vivre avec moi, Mil' ; pars, va chercher le bonheur ailleurs et avec quelqu'un d'autre que moi. Tu mérites d'être heureux, mon ange, et je peux te promettre que jamais je ne t'oublierai. *

      Ce fut une armure parée d'une indifférence totale, une barrière dissimulant une honte et une douleur infinie qui se déplaça dans le salon, ignorant le jeune russe, pour passer sans se presser dans leurs deux chambres afin d'y prélever quelques objets, revenir dans la pièce et les placer de force dans les mains de celui qu'il considérerait pour toujours comme son alter ego, malgré les apparences.
      Dans sa main droite, sa petite bouteille d'eau bénite et un briquet.
      Dans l'autre, un pieu.

      * Fais-en bon usage, mon grand. *

      " Vas-y... Venge-toi. Je t'apporte l'occasion de me rayer de ce monde sur un plateau d'argent. Allez, pourquoi donc hésites-tu ? Je ne suis qu'un vampire parmi tant d'autres... Un de plus, un de moins, qu'est-ce que cela changera pour toi ? Et puis, ce ne serait pas le premier que tu tuerais, n'est-ce pas ? Regarde ce que je viens de faire, bon sang ! REGARDE ! Tu dis que tu n'es pas capable de me tuer, mais ce n'est pas vrai, je le sais. Penses-tu sincèrement que nous sommes faits pour vivre ensemble ? Je te ferai subir la même chose que lui, je te traînerai de force jusqu'à ma chambre, car ce ne sont pas tes câlins ridicules qui me satisferont, et tu le sais ! Si tu ne me tues pas maintenant, c'est moi qui te tuerai plus tard, malgré moi. Mil', tu aurais dû le faire depuis le début plutôt que de t'attacher à moi. Tu as raison, je suis comme les autres, et si tu tiens réellement à te détacher de moi, il va falloir me faire disparaître. "

      Il serra la main de Mihaïl entre la sienne sans pouvoir retenir un élan de tendresse alors qu'il aurait souhaité sa poigne plus ferme, plus douloureuse. Mais il ne fallait pas qu'il sorte du rôle qu'il s'imposait depuis un moment déjà, il fallait qu'il continue de jouer comme il le fallait.
      Contrainte, contrainte, quand tu nous tiens...
      L'étreinte fut très brève, une seconde à peine, avant qu'il n'amène la main de son protégé, celle qui tenait le pieu, jusqu'à son coeur mort, pour l'inciter à agir comme il le lui avait demandé. Il jeta un coup d'oeil en arrière, de façon suffisamment explicite pour que le jeune russe comprenne que c'était les débris de l'instrument qu'il observait, avant de reporter de nouveau son attention au jeune homme qu'il ne quitta plus du regard. Sa voix était redevenue tendre, malgré lui et malgré la détermination qui déformait les traits de son visage.

      " Allez, Mihaïl. C'est pas si difficile que ça... Tu tiens à me prouver que tu n'es qu'un lâche, un faible, incapable d'assumer ses envies et ses pensées ? Je vais finir par le croire, tu sais... Si ce n'est déjà fait. "

      * Je vais te provoquer, Mil', je vais te provoquer jusqu'à ce que tu ne te décides à agir. Peu importe si ça te fait mal ou non, tu ne parviendras que plus facilement à te détacher de moi par la suite, et c'est tout ce qui compte pour moi. Que tu fasses comme si nous ne nous étions jamais connu, et que tu m'oublies, malgré tout ce que nous avons vécu.
      Tu vois, je ne vaux pas la peine que tu restes, puisque je suis suffisamment fou au point de vouloir briser ce lien si fusionnel qui nous unit.
      Fou, je suis fou, je crois que je l'ai toujours été. Pars, Mihaïl, pars donc, pendant que je t'en donne la possibilité. Ne t'occupe plus de mon sort, plus jamais.
      On ne s'occupe pas des fous. *
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 22 - You won't fall any more. I'm there.   22 - You won't fall any more. I'm there. EmptyVen 24 Fév - 23:58
      Fin du dernier acte.

      Qu'on baisse le rideau. Que la comédie s'achève, que nous quittions nos masques et nos strass !
      Tout est limpide et bien trop beau. Hypocrisie, mensonge et douleur flottent dans la pièce tandis que deux hommes tentent d'entrevoir la lumière dans les tourments de leur âme.

      Désespérément, je lui souris de façon sincère, mais plus les secondes s'écoulent et plus je me sens menteur et manipulateur, ce sourire devient faux sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. A qui vais-je faire croire que tout va bien ? A Edwin ?... A moi-même ? Je ne sais plus... Je n'ai plus d'idées... Je crois qu'on a tout essayé. Je me sens vide, tout à coup... Une partie de mon coeur me manque, celle qui appartiendra à Edwin pour toujours. Je la sens s'éloigner de plus en plus, malgré qu'il soit là, avec moi...

      Cette part de moi, je crois que je ne la retrouverais pas. C'est étrange, mais... je crois qu'Edwin pense la même chose que moi. Je le lis dans ses yeux, je le sais... J'ai l'impression de me retrouver une nouvelle fois à l'intérieur de mon alter ego et de savoir tout ce qui s'y passe, de ressentir la moindre émotion comme si j'en étais le déclencheur. Mon sourire disparait et mon visage retrouve une expression sincère... figée et neutre, pour changer. Légèrement triste de se rendre compte que tout ce que nous avons tenté pour regagner la terre ferme n'a fait que nous précipiter dans les obscurs abîmes de nos sentiments... pour nous y noyer.

      L'archet tombe à terre et les doigts de mon Autre caressent mon visage avec tant de tendresse qu'ils peuvent désormais caresser mon coeur. Grâce à toi, Edwin, et uniquement grâce à toi, je parviens depuis peu à l'ouvrir le temps de quelques instants... pour souvent le refermer brutalement. Ton amour le brûle mais il accepte de battre pour que le tien en fasse de même. Pour toi, complément de mon âme, jumeau de mon être, je pense être prêt à brûler vif en enfer pour que ce coeur mort dans ta poitrine revive un jour. Tu es tout ce qui me fait tenir debout, et si je te perdais, je crois que mon corps deviendrait aussi glacé que le tien. Ce coeur si fragile s'émietterait jour après jour pour n'être plus que cendres et moisissures, et mon âme en peine, écorchée, brisée, errerait sans fin dans les limbes de ce monde à l'atmosphère irrespirable.

      Mon protecteur, mon ami, mon frère laisse tomber son masque et je peux lire dans ses yeux la sincérité et l'amour à un tel degré de concentration que je me demande si une telle expression existe. Tous les humains de ce monde ne peuvent prétendre posséder un regard plus vivant que celui d'Edwin Vanelsin.

      Qu'ai-je donc fait pour toi, mon Autre ? J'ai seulement planté un pieu dans ton coeur, je t'ai blessé, paralysé... Je te détruis par ma simple présence, n'est-ce pas un nouvel étalage d'hypocrisie que de prétendre que tu as été ne serait-ce qu'un instant heureux à mes côtés ? Je ne comprends toujours pas comment tu peux être capable de m'aimer à ce point... Je crois que je ne le comprendrais jamais.
      Tant que je me détesterais... on ne pourra jamais m'aimer.

      Il repousse le violoncelle et m'amène à lui. Je me laisse faire, mais je ne comprends pas. Je ne suis plus maître de rien, autant le laisser décider pour moi...
      A quoi pense-t-il ? Je me sens perdu, je veux lui faire confiance... Mais ai-je raison ?

      Il place mon archet entre nous... puis m'attire contre lui, dépose ses lèvres froides sur les miennes. Edwin, je te fais confiance, mais... sais-tu vraiment ce que tu fais ? Je n'oppose aucune résistance, au contraire, car je sais que tu le fais pour nous. Je lis sur ton visage que tu es maître de toi, de nous, et je ne peux me fier qu'à toi, car j'ignore où j'en suis. Tu guides mes mains comme tu me guiderais vers la lumière au bout du tunnel, et même si je ne saisis pas, je te laisse décider.
      Ne pas me poser de questions... car c'est ce qui va finir par causer ma perte.

      Ses lèvres quittent les miennes, et j'ai à peine le temps de me dire que j'ai trouvé ça plutôt agréable qu'un craquement sinistre retentit. Mes yeux s'écarquillent et je fixe ses pupilles pour y lire une explication... en vain. Je baisse le regard vers nos quatre mains qui viennent de briser mon archet. Mais... pourquoi ?... Explique-moi... Je ne comprends pas !

      Je sens qu'il a mal, mais qu'il est toujours sûr de lui. Qu'est-ce que tu es en train de faire, Edwin ?
      Mon rythme cardiaque s'emballe lorsqu'il me repousse et se lève, pour se rapprocher de mon violoncelle. J'ai peur... Une foule de questions me reviennent en tête. Je nage dans l'incompréhension la plus totale, et je me sens oppressé... Que va-t-il se passer ? Sais-tu ce que tu fais, Ed ? Visiblement, tu es persuadé de détenir la clé... Fais gaffe à ne pas te tromper de porte.

      Soudain, mon violoncelle se fracasse contre le piano.
      Attendez deux minutes... MON VIOLONCELLE A FAIT QUOI ?!?

      Tremblantes, mes mains viennent lentement recouvrir ma bouche comme pour l'empêcher de laisser sortir un hurlement déchirant. Oh seigneur... Mes paupières se ferment et je suis à la limite de l'évanouissement. Ce qui vient de se produire se répète sans cesse dans mon esprit et me le martèle à grands coups de couteau. Cette scène restera gravée au fer rouge dans ma tête toute ma vie.

      Comment a-t-il pu... Mais putain, comment... Je... Non, je n'arrive pas à l'expliquer.
      Il vient de piétiner la seule chose qui compte pour moi - à part lui - dans mon existence. Il vient de détruire le symbole de ma liberté d'âme, il vient de me couper le souffle et d'arrêter mon coeur en un seul et unique geste. Je ne peux plus retenir le poids de mon corps et celui de ma douleur. Je me laisse tomber sur le tapis, à genoux.
      Mes yeux sont vides de larmes car déjà emplis d'incompréhension, de haine et de tant d'autres sentiments étranges. Je n'ose plus respirer, et je crois que si je tombe, là tout de suite, ce sera parce que je n'ai pas su retrouver le courage de recommencer.

      Ses paroles, je ne les perçois qu'à peine, comme si je me trouvais à des milliers de kilomètres de cette pièce, et d'ailleurs je crois que je m'en fous... Pour le moment, je suis incapable de digérer la moindre explication. Je tente pourtant de revenir dans le monde présent et l'écoute attentivement. Oui, Edwin, je crois que tu as raison sur ce coup-là... Cet objet que tu viens de briser... c'est comme si tu l'avais fait avec moi. Tu m'as brisé, Edwin. Ma carcasse en bois gît à tes pieds et tu n'entendras plus jamais le son que je produis.

      POURQUOI ?!... Pourquoi, Ed, pourquoi ?
      Je nage tellement en eaux troubles que je me sens incapable d'éprouver le moindre sentiment à l'égard de ce qui vient de se produire.
      Mon eau bénite, un briquet, un pieu. Tout cela devant mes yeux. Je me retrouve debout, relève la tête vers Edwin. Ses mots, je les entends de moins en moins. Je ne l'écoute plus. Je suis déjà parti trop loin... Je tente de comprendre, de percer cette façade qu'il impose à son visage d'ordinaire si lisible et expressif.

      Il prend ma main et me fait saisir le pieu pour l'amener contre son torse. Je suis tétanisé. Un regard pour mon violoncelle brisé et la carcasse de son piano défoncée. Un regard pour mon alter ego qui peine à tenir le rôle qu'il s'impose de jouer. Je pense comprendre tes gestes, je sais pourquoi tu fais ça.. enfin, je crois... Tu veux que je te déteste ! Tu veux que je te tue ! Eh oui, le p'tit Mihaïl, l'idiot du village, a enfin tout compris !

      Oui, je suis un lâche, un faible... Incapable de beaucoup de choses... Incapable de te détester, du moins pour l'instant, car je suis encore sous le choc de ton acte.
      Incapable de te tuer. Et pourtant, tout serait si simple si nous étions morts... Aucun de nous ne tient réellement à faire partie de ce monde, pourquoi nous forcer à rester ? Je pourrais te tuer... Et me tuer ensuite... Mais bon Dieu, ce que je suis lâche ! L'excuse du meurtre de mon violoncelle ne suffit pas.

      Je recule ma main, prêt à le frapper en plein coeur... Mon bras se met à trembler, ma respiration s'emballe, et les sanglots explosent. Des larmes acides rongent mon visage. Le pieu glisse d'entre mes doigts et s'échoue par terre dans un bruit sourd.
      Pardon, Edwin... pardon de ne pas avoir le courage de nous tuer. J'ai été, suis et serais toujours un lâche.
      Je ne peux dire un mot... D'ailleurs, qu'est-ce que je pourrais bien te dire ? Qu'est-ce que tu veux que je te dise, bordel ?!?

      Je me penche vers le pieu, tremblant, le ramasse, croise le regard d'Edwin et ne m'en détache plus, tout en prenant l'eau bénite et le briquet dans mes mains. Un dernier regard vers mon violoncelle, et puis je traverse la salon à grands pas. Je décroche mon manteau du porte-manteau et l'enfile, glissant les trois objets dans les poches. Mon regard se perd un instant sur le sol, non loin des pieds d'Edwin.
      Tout à l'heure était la dernière fois que je te regardais.

      - Je... T'as raison... On ne peut plus continuer. Je craque. Je vais retrouver mes frères en Russie. Adieu, Edwin.

      Prends soin de toi.
      Nous nous faisons trop de mal. Nous devons nous passer l'un de l'autre, c'est évident... Mais comment as-tu pu croire un seul instant que je serais capable de mettre fin à tes jours ?!
      Tu n'es pas François... et je ne suis plus le même... Comment peux-tu me croire capable de rembobiner la cassette et de recommencer l'histoire ?! Ne comptes pas sur moi pour te tuer, Vanelsin ! Trouve le courage de le faire toi-même, mais moi je ne peux plus assumer tout ça ! Je suis un faible, Edwin, un FAIBLE ! Une pauvre et misérable larve incapable de faire ton bonheur ni le mien. Je ne sers à rien ! Même pas capable de planter un pieu dans un coeur...

      La porte claque.


      Que vais-je devenir ? J'en sais rien... Mais je n'ai qu'une envie : revoir mes frères et les aimer, leur procurer tout le bonheur possible. Et puis si je pouvais remonter le temps, ce serait pas mal, aussi... mais ça, c'est pas possible.
      Youri, t'es plus là, mais je te déteste encore. Je déteste tout le monde autour de moi... Depuis trop longtemps, je me laisse abuser par le reste du monde. Maintenant ça va changer. Je ne compterais plus que sur moi-même, c'est décidé. Je peux très bien m'en sortir tout seul.

      Je sors du palais à grands pas, ignorant tout ce qui peut bien se passer autour de moi. Qu'est-ce que j'ai fait à Dieu pour mériter ça, hein ?
      Et POURQUOI est-ce que je n'arrêtes pas de me poser des questions stupides ?!? Putain ! J'en peux plus ! Je veux changer de cerveau !

      Je traverse le jardin et regarde tout autour de moi. Tout me rappelle Edwin, tout ! Là, près de ce banc, nous venons de péter une durite. Là, sur ce chemin, un jour j'ai décidé de le manipuler. Un peu plus loin, là bas, près de la fontaine, il m'a avoué qu'il m'aimait il y a trois mois...
      Un an que je suis ici. Trois mois de torture sentimentale. Trente ans de malheur. Il était temps que ce calvaire se termine. Maintenant je vais me prendre en main, je vais changer de vie, tout recommencer à zéro. Reste à savoir comment je vais pouvoir quitter ce royaume de fous.


      Je tombe à genoux dans l'herbe et plonge mon visage dans mes mains. Ma tête est irrésistiblement attirée par le sol et je me prosterne. La rosée vient humidifier mon front.
      Mon coeur est mort depuis trop longtemps et je ne parviens plus à faire semblant de vivre.



      Ici repose le coeur transpercé et ensanglanté de Mil Egonov.
      Mort de haine, de honte, d'amour et de tristesse.

      Prions, prions, mes frères.
      Seigneur Jésus, avant de ressusciter, tu as reposé trois jours en terre. Et depuis ces jours-là, la tombe des hommes est devenu pour les croyants signe d’espérance en la résurrection. Au moment d’ensevelir ce coeur meurtri nous te prions, toi qui es la Résurrection et la Vie : permets à cette poussière parmis les poussières de reposer en paix dans ce tombeau, jusqu’au jour où tu la réveilleras, pour qu’elle voie de ses yeux la lumière sans déclin pour les siècles des siècles...

      Ou qu'elle brûle en enfer pour l'éternité.


      Amen.



    Edwin Vanelsin

      Le décompte est lancé. La Mort, la vraie, ne tarderait plus à s'emparer de cet être fragile et à l'emporter dans ses bras pour l'envoyer dans le tourbillon diabolique et sans retour du sommeil éternel. La concentration excessive de sensibilité dans son esprit fut la raison de sa perte, mais à présent, il l'assume. Il sait qu'il n'a plus le choix, et que cette décision fatale et ultime n'est autre que son unique solution. Et pour témoigner de son courage qui fut et restera jusqu'à son dernier battement de cils, légendaire, l'homme vaillant qu'il a toujours été est incapable de mettre fin à ses souffrances par sa propre main, et préfère retourner à la poussière par celle de son protégé, par celui qui l'a rendu si faible, malgré lui, puisqu'il n'est autre que sa faiblesse la plus cruelle, la plus intense. Le point à toucher pour achever de le détruire et de le rayer de la surface de ce monde.


      N'entends-tu pas cet appel silencieux que je te lance, en plus de ma demande explicite ? Ce n'est pas pour rien que je te demande de me tuer, le comprends-tu seulement ? Le destin a choisi de nous unir, et pourtant, l'un ne peut pas être heureux sans écraser le bonheur de l'autre. La fatalité est terrible, Mihaïl. Mais ni toi ni moi n'avons le choix. Ce n'est pas moi qui t'ai remis ce pieu entre tes mains innocentes, mais c'est le destin qui en a voulu ainsi ; ou l'Histoire, si tu préfères. Notre Histoire doit prendre fin ici même, et le dernier chapitre aboutira à la perte de l'un d'entre nous : en l'occurence, moi.
      Moi, j'ai déjà suffisamment vécu, et j'estime mon siècle d'existence suffisant. Je n'ai plus envie de découvrir les merveilles inexistantes de ce monde, je n'ai plus la force d'espérer. Je veux vivre avec toi, pour l'éternité, ou mourir de tes mains. Et puisque la première possibilité n'est pas envisageable, alors j'exige ma mort, ce soir, dans mon salon. Et tu seras mon meurtrier, parce que j'en ai décidé ainsi.

      Je ne suis que le scénariste macabre de ma propre mort.
      Il est grand temps de réduire au silence à jamais le metteur en scène.
      L'acteur principal de cette tragédie est désormais libéré de son rôle, il peut à présent errer où bon lui semble et aller recueillir toutes les gouttelettes du bonheur qu'il trouvera, éparpillées dans le monde.
      Va... Sois heureux, et si le prix à payer pour que ton bonheur s'accomplisse n'est autre que ma mort, alors saisis ta chance, car elle ne se présentera pas une deuxième fois.
      Détruis-moi pour vivre, empêche-moi d'avancer pour aller de l'avant.
      Et libère-moi... Car sans t'en rendre compte, tu as fait de moi ta marionnette.
      Mihaïl, tu n'as jamais été mon esclave. C'est moi qui l'ai toujours été. Et c'est aujourd'hui seulement que je m'en rends compte. Aveuglé par cet amour et par cette utopie de bonheur parfait, je ne pouvais en prendre conscience avant.
      Mais aujourd'hui, il est trop tard. La marionnette ne va pas tarder à tomber en poussière, et seulement à ce moment-là, tu découvriras que tu retenais ses ficelles depuis le début.


      Les yeux ne se ferment pas, ils ont passé un pacte silencieux avec l'esprit, et le mariage de la vue et de la conscience donne naissance à l'immobilité du corps déjà mort, à la détermination sur les traits de ce visage glacé, et à l'impassibilité de ce regard qui ne tardera pas à disparaître.
      Que le bleu profond et si précieux profite encore d'admirer le violet rare et envoûtant. Bientôt, les paupières l'auront recouvert pour les dissimuler à tout jamais au reste du monde, les gardant égoïstement pour son propriétaire.

      L'attente semble éternelle, et pourtant, uniquement une poignée de secondes s'écoule avant que l'arme du crime ne s'échoue au sol. Les rôles n'ont pas été correctement distribués, le meurtrier se révèle incapable d'accomplir son devoir et ne peut pas aller jusqu'au bout de la scène. La rupture de la pièce est inattendue, incompréhensible.
      Incompréhensible ? Et pourquoi pas... prévisible ?

      Le regard violacé se pose avec délicatesse, pour ne pas le briser, sur le corps de son protégé qui s'incline, malgré lui. La tentation de le serrer contre lui ne sera jamais inexistante, malgré les circonstances tragiques. Les doigts se tordent dans le dos de la victime et brûlent d'envie de rejoindre ceux de son Alter ego. Et pourtant, ils n'en ont pas le droit. Ils n'ont plus le droit de rien... Le toucher est banni pour toujours, comme tout le reste, d'ailleurs.
      La vue, à son tour, devient proscrite de cette relation si étrange. Le lien s'effiloche, sans jamais se rompre, et le protégé s'éloigne sans accorder un seul regard à celui qui est à l'origine de tant de malheurs. Mais malgré sa douleur, le fautif est persuadé qu'il a agi pour le mieux, et que sa décision reste la meilleure. Du moins pour celui qu'il aime...
      Peut-être qu'il se trompe. A vrai dire, cela ne serait pas la première fois.


      Ne fais pas ça... Ne comprends-tu donc pas ma volonté ? D'après toi, pourquoi ai-je souhaité de mourir de ta main ? Mihaïl, tu ne comprends pas... Je suis empli d'une exigeance telle qu'il me faut le tout, ou sinon, rien. Mais je ne peux pas tout avoir, je suis trop gourmand, et je t'étouffe à vouloir te posséder en entier pour moi seul. Je ne peux pas... Alors j'ai décidé de te laisser voler de tes propres ailes, mais pour cela, je n'avais d'autres choix que de provoquer ma mort - la définitive - puisque je ne peux pas continuer à exister sans toi.
      Tu n'as rien compris, Mihaïl. Mais y a-t-il seulement quelque chose à comprendre ?


      Les derniers mots résonnent durement, et la Moitié indispensable à la survie du Tout disparaît, probablement vers un avenir meilleur. Le vase est brisé... Et sans la présence des deux morceaux, il demeurera impossible à reconstituer.


      Et moi, je reste seul... J'ai démolli de moi-même ta promesse. Tu m'avais pourtant juré de ne plus jamais m'abandonner à la solitude.
      Trop tard. A cause de moi, et uniquement par ma faute, tu as menti. Je me retrouve seul avec elle, et elle ne va pas tarder à me dévorer.
      Si un jour tu reviens... Ne sois pas étonné de découvrir ma carcasse gisante aux pieds de mon piano, à côté des débris de ton violoncelle. L'explication est d'une simplicité terrifiante : ce charognard aura achevé de me détruire et de m'arracher la peau avant que tu ne puisses venir me sauver.
      Optimisme, optimisme, quand tu nous tiens...


      Un unique coup d'oeil est suffisant afin d'arracher au visage fissuré un sourire vide de joie. La confusion de l'un apporte la résurrection de l'autre ; dans sa hâte, Mihaïl avait commis une erreur des plus banales, mais qui prenait tellement d'importance dans un moment comme celui-ci : il s'était trompé de manteau. L'avait-il fait exprès ? Sûrement pas...
      L'immortel sèche ses larmes devenues inutiles et se détache du lieu du non-crime pour s'emparer du vêtement et le revêtir. Les paupières tombent, et le monde devient un paradis invisible d'odeurs rassurantes et de chaleur réconfortante.


      Mihaïl, jamais tu ne pourras te défaire entièrement de moi, car je suis toi et tu es moi, que tu le veuilles ou non. Je viens de revêtir ta seconde peau, et en ce moment-même, je m'avance vers la fenêtre pour laisser mon regard se perdre au loin, pour tenter de t'apercevoir une dernière fois.
      Stupide désir, puisque la sortie du domaine se trouve de l'autre côté...

      Mihaïl, tu as délaissé mon corps, mais mon coeur ne cessera jamais de t'accompagner. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais il est bien plus proche de toi que tu n'oserais l'imaginer, puisqu'il est en toi.
      Je suis en toi. Je suis toi. Ne te souviens-tu pas ?
      Où que tu sois... Jamais on ne se séparera, mon Alter ego, ma Moitié indispensable. Mon Tout. Jamais. Tu continueras à vivre en moi, tout comme j'espère continuer à exister quelque part, au fond de ton coeur qui est mien, pour toujours.

      J'ai l'éternité pour passer à autre chose. Mais même l'éternité ne serait pas suffisante afin d'effacer ton souvenir et de me permettre d'oublier l'homme formidable que tu es.
      Tous les efforts du monde resteront vains, jamais je n'y parviendrai. Jamais.

      Et pourtant, il te faut grandir sans moi, à présent. Il te faut planter tes racines ailleurs que dans mon jardin et te nourrir d'autre chose que de mon Amour. Sache que jamais je n'en aimerai un autre que toi, mais cette promesse ne t'atteindra pas. Toi, tu es déjà loin, peut-être tentes-tu déjà de ne plus penser à moi et d'effacer toute trace de mon existence. Peut-être as-tu honte de m'avoir confié ton coeur, ton petit coeur fragile qui bat dans ta poitrine et qui me manque déjà. Pourtant, j'en ai gardé un morceau, un morceau que j'ai su attraper avant que tu ne disparaisses. Et il me suffit de porter ma main à l'endroit où mon palpitant devrait résonner pour le sentir battre à mon tour.
      Magie ou illusion ? Nul ne saurait le dire.

      Mihaïl, l'herbe semble toujours plus verte de l'autre côté. J'espère simplement que ton Là-Bas sera meilleur que notre Ici.


      Et la marionnette libérée sourit, malgré la douleur dans laquelle elle est enfermée pour toujours. Elle sait qu'elle n'est pas capable d'affronter la solitude seule, et que cette confrontation achèverait de la démollir. Elle finirait en lambeaux si ce combat venait à avoir lieu, alors elle préfère quitter cet appartement qui ne tombera jamais ni dans l'oubli, ni dans le silence. Les fantômes de conversations lointaines, de rires anciens et de pleurs refoulées hanteront toujours ces lieux, jusqu'à ce que le Tout ne finisse par être reconstitué.
      Un jour, peut-être... L'espoir subsitera toujours dans le coeur de l'immortel, qui jamais ne se lasse d'attendre sa Moitié qu'il a lui-même fait fuir.

      Rien n'est déplacé, tout est laissé intact. Seul un sac de voyage se fait en vitesse et quitte l'appartement en même temps que son propriétaire. Il ne sait combien de temps il lui faudra pour parvenir à revivre, mais surtout, il sait qu'il n'en sera pas capable seul. Alors il referme la porte de son logis, la tête remplie de souvenirs, pour aller rejoindre Celui qui lui a permis d'accéder à cette immortalité. Il prend conscience qu'il se doit de le remercier, puisque c'est grâce à lui qu'il a pu rencontrer sa Moitié manquante qu'il continuera d'attendre éternellement.

      L'ombre déambule dans les couloirs, suivie par quatre félins à la démarche souple. Le trajet ne dure pas longtemps ; déjà, le sac se pose à terre, et l'homme resserre autour de lui cette seconde peau qui n'est pas la sienne et qu'il s'approprie pourtant si bien.
      La sonnette est enclenchée, la porte finit par s'ouvrir sur le visage de son Sire. Cette fois, il ne lui saute pas au cou, il se contente de lui offrir un sourire entre joie et tristesse et de renouveler une vieille offre que ni l'un ni l'autre n'ont oublié, malgré toutes ces années.

      " Tu te souviens, n'est-ce pas ? Un jour, je t'ai demandé la permission de vivre à tes côtes. Je viens renouveler ma demande, mon oncle. "

      Ce jour-là, tu m'as tué. Aujourd'hui, j'ai failli mourir, et l'histoire se répète.
      Tout est à réécrire. Tout est à recommencer.
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