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     23 - Edwin & Mihaïl, acte II.

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    AuteurMessage
    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptySam 25 Fév - 0:08
      "All the leaves are brown
      And the sky is greeeeey
      Ive been for a walk
      On a winters daaaaaay... yeah !

      Id be safe and warm
      If I was in L.Aaaaaaa.
      California dreamin
      On such a winters daaaaaaaaaaaay !"


      Qui a dit que c'était triste de vivre à Vampire's Kingdom ?

      Je suis heureux, alors je chante dans ma douche !
      Faux, forcément. Qui a dit que Mihaïl Egonov, le grrrrrand violoncelliste, savait chanter juste ? Ben ouais, sinon je serais devenu chanteur ! Parait que j'ai la dégaine parfaite, le regard fondant et un sourire digne d'une pub pour dentifrice. Y'en a qui se contentent de ça pour s'improviser star.

      Pour le coup, je chope une bouteille de shampoing en guise de micro et les paroles de la chanson franchissent le cocon de mon esprit pour forcer le barrage de mes lèvres - jusque-là préservées de toute atrocité vocale. By Jove, et si on m'entendait ? Oh et puis je m'en fiche, je suis de bonne humeur, c'est si rare et ça se fête, je tiens à en faire profiter le reste du monde ! Enfin... Edwin, les chats et les voisins, quoi... Très bon public, les derniers ! Je les entends frapper contre le mur, ils en redemandent !

      Alors pour mes fans, je chanterai plus fort ! California dreamin... On such a winters daaaaaaaaaaaaaaaaaaaay !


      Dix minutes plus tard, ma chevelure divine sent bon la vanille et la brosse ne fait que glisser dedans. Face au miroir, une serviette autour des hanches, je m'arrête soudain sur mon reflet, et m'appuie sur le rebord du lavabo pour me rapprocher de la glace et examiner le magnifique bleu sur mon front. Il n'est déjà plus vraiment bleu, il change de couleur et de taille tous les jours. J'ai bien l'impression qu'il a dégonflé. Je vais bientôt pouvoir arrêter de me cacher derrière mes cheveux...
      En me redressant, une douleur vive à l'épaule me peint une grimace sur le visage. Un séjour de quelques heures dans le coffre d'une bagnole, c'est pas fait pour les humains, hein ! Mais ça, j'ai pas osé leur dire, à ces ploucs... Ils m'auraient cogné encore plus fort.

      Oh mais j'y pense... Je suis sûr que vous crevez d'impatience de savoir ce que je suis devenu.
      Mes lecteurs les plus fidèles auront tout de même besoin d'un résumé car le lien entre mon départ précipité de chez Edwin et mon retour d'humeur parfaite, avec un détour par un coffre de voiture, n'est encore connu que de moi seul. Il s'en est passé, des choses !

      Je vais prendre le temps de vous raconter tout ça avant qu'Edwin ne se décide à mettre en place un système qui consiste à me jarter de la salle de bain au bout d'une heure. Recherche de tabouret, installation de mon royal séant. Me couper les ongles des pieds en vous narrant mes dernières aventures me fera gagner du temps. Aux femmes qui me diront que les hommes ne savent pas faire deux choses en même temps : et là je fais quoi, hein ? Pfff !

      Reprennons toute l'histoire depuis cette fameuse nuit où tout a basculé dans sa mort et dans ma vie. Mon alter ego a explosé mon violoncelle contre sonpiano et, accessoirement, m'a demandé de le tuer.
      La cohabitation est dès lors devenue impossible. Si je n'étais pas parti, je crois que j'aurais fini par me pendre une bonne fois pour toutes. Fuir ou mourir, quelle magnifique démonstration de courage, me direz-vous ! Mais sachez qu'à présent, au point où j'en suis, j'en ai plus rien à fiche de ce que vous pouvez penser de moi. J'ai fini par accepter le fait d'être un lâche, et j'en suis même fier, parce que j'ai réussi à m'évader de VK, et que... bon, même si j'y suis revenu, je suis ENCORE et TOUJOURS en vie !!
      Ca vous en bouche un coin, hein ? Pas vrai ?

      Eh oui, le fragile et - pas vraiment - innocent petit Mimi, le dépressif à tendance suicidaire, la chochotte du coin qui a peur des abeilles parce que ça fait bobo, le petit Mimi est toujours de ce monde.
      Y'en a des plus balèzes que moi qui, à ma place, seraient morts depuis longtemps. Je ne suis qu'un rat qui a - essayé de - quitter le navire, et je suis vachement content de l'être. C'est toujours les plus trouillards qui s'en sortent.

      Bref ! Je me suis donc évadé. Rhooo, qu'est-ce que j'en suis fier ! Sourire immense adressé à mes doigts de pieds.
      Vous voulez savoir comment, n'est-ce pas ?
      Ce moment-là fera l'objet d'un autre épisode. Eh oui, suspense, vous allez devoir attendre ! J'aime vous suspendre à mes mots.

      Re-bref ! J'ai miraculeusement (oui, il faut l'avouer, ce n'était pas grâce à mes capacités intellectuelles et physiques) quitté Vampire's Kingdom. Une chance inouïe, j'vous dis ! J'ai pris au plus vite un bateau à destination du continent (et cette fois-ci, j'ai eu la présence d'esprit d'acheter un billet, j'ai retenu la leçon de la dernière fois).
      En me cachant comme je sais si bien le faire, j'ai mis trois jours pour arriver en Sibérie... ma terre natale.
      Toujours aussi déserte, pauvre, et froide.

      Et plus sérieusement... Vous n'imaginez pas à quel point j'étais heureux en retrouvant Alexeï, Vova et Mika. J'ai pleuré comme un gosse perdu qui retrouve enfin sa maman. Sur le moment, aucune question n'a été posée, ni de leur part, ni de la mienne. Les individus virils que nous sommes ont passé des heures les uns dans les bras des autres. Emouvantes retrouvailles, qui m'a rappelé à quel point ils comptaient pour moi. Ils sont la prunelle de mes yeux, ils font partie de moi, et si chaque jour pendant toute cette séparation j'ai senti qu'un poids écrasait mon coeur, le souvenir de leurs visages y était pour beaucoup.
      Ce fut l'instant le plus heureux de toute mon existence. Il me fait encore sourire, et pourtant ce précieux jour date de plusieurs mois.

      Ils ne m'ont jamais cru coupable de quoi que ce soit, malgré tout ce qu'on a pu leur dire sur Youri et moi.
      Je leur ai menti au sujet de notre défunt frère et de VK... parce qu'ils ne m'auraient jamais cru. Je leur ai dit que Youri avait disparu, m'abandonnant du jour au lendemain, et que Miroslaw m'avait hébergé à Paris pendant trois ans.
      Je leur ai caché mes nombreuses cicatrices, surtout les morsures, ainsi que mes armes pour vampire. Ils se doutaient que je leur cachais quelque chose... Mais ils ont préféré ne rien savoir.

      Dès l'instant où je suis parti de Vampire's Kingdom jusqu'au moment où j'ai enfin retrouvé mes racines, je n'ai pas pu penser à Ed. Je ne pouvais pas me le permettre. Si j'avais regretté, si je m'étais rappelé tout ça, je n'aurais jamais mené ce voyage de retour à son terme. Le manque de sa présence a rapidement commencé à se ressentir. Je me suis senti vide pendant longtemps... J'avais beau être au milieu de tout ce que j'aimais, de tout ce qui me rendait heureux, je ne me sentais toujours pas à ma place. La seule place que je devais occuper en ce monde, c'était celle que le destin m'avait réservée juste à côté d'Edwin Vanelsin...


      BAM ! BAM ! BAM !

      Ah ben ça c'est Edounet qui s'impatiente. La délicatesse ne lui a jamais servi pour me faire sortir de la salle de bain, il a rapidement abandonné. Il grogne et tambourine comme un forcené, heureusement que la porte est solide !
      Ouais, ouais, c'est bon, je sors ! Nos lecteurs vont t'en vouloir, tu m'as coupé dans mon histoire !
      Ne vous inquiétez pas, mes cocos, je reprendrai bientôt.

      Je range la pièce et ouvre la fenêtre pour évacuer la vapeur. Un dernier regard dans le miroir, puis je resserre la serviette autour de moi et sors de la salle de bain d'une démarche assurée. So sexy...
      Quand je lui adresse un sourire charmeur et des yeux doux, il me pardonne tout. Petite tape amicale sur l'épaule, puis je me rends dans ma chambre en refermant la porte derrière moi. Par un geste théâtral, la serviette vole à travers la pièce pour atterrir sur mon lit. Suivie par quelques fringues extirpées de mon placard.
      Du noir, toujours du noir... Non ! Aujourd'hui je veux de la couleur, de la gaieté !

      Bravo, monsieur pantalon rouge, vous avez été sélectionné ! Devenez le grand gagnant du jour en parant les sublimes et longues guiboles de la nouvelle star de la chanson, j'ai nommé ma modeste personne. Votre coupe à la hauteur de votre prix exhorbitant enveloppera mes fesses parfaites et en fera tomber plus d'une sur mon chemin (si toutefois il m'arrive de sortir cette nuit). En l'accompagnant d'un indispensable boxer et d'une chemise blanche, je serai ma-gni-fi-que ! Edwin ne dira pas le contraire, j'en suis certain.

      Vous me trouvez changé, n'est-ce pas ? Eh bien c'est le cas.
      Cette période noire de ma vie a pris fin quand j'ai revu mes frères et que j'ai goûté au bonheur.
      La suite ! La suite ! Ok, ok, laissez-moi le temps de me fringuer... Rhaaa, fichus boutons de...

      Eh meeerde ! Qu'est-ce qui se passe ?! Plus de lumière ! Une coupure de courant probablement. J'entends des cris dans le couloir, probablement des caïnites qui s'amusent à terrifier d'innocentes victimes dans l'obscurité...
      Pas facile de boutonner sa chemise dans le noir. J'y vois rien du tout ! Un pas, puis deux, et je me prends les pieds dans un sac déposé à même le sol. C'était invitable, d'ailleurs ça m'aurait surpris que j'atteigne la porte sans encombres. Je reprends mon équilibre, ouvre la porte et de me déplace dans le salon. Mon vampirounet, où es-tu ?

      - Ed ? T'as des bougies quelque part ?

      Je commence à fouiller dans les tiroirs, à l'aveuglette, à la recherche d'allumettes, d'une torche, de n'importe quoi qui puisse me guider. J'espère juste que cette coupure ne durera pas trop longtemps... C'est pas que j'aie peur du noir, mais bon...
      Si ! J'ai peur du noir ! Voilà, je l'ai dit.


    Edwin Vanelsin

      " J'y crois pas... Il est pire que moi ! Même une gonzesse prendrait moins de temps que lui. Et heureusement qu'il n'en a qu'un, de reflet ! "

      Impatient, il tournait en rond dans le salon, faisait les cent pas pour s'occuper et se forcer à ne pas compter les secondes qui s'écoulaient. Une heure et demie d'attente, dont une heure un quart à supporter les braillements de son Alter Ego. Se délecter de son euphorie grandissante était un délice, mais il aurait très bien pu se passer de la bande-sonore, il se serait aisément contenté du film muet. La collocation amène parfois à de drôles de sacrifice...

      La nervosité ne le quittait pas alors qu'il effectuait son cent cinquante-septième tour au pas de course. Il bouillait d'envie de défoncer la porte de la salle de bain pour y pénétrer de force et en expulser son égoïste préféré, mais son choix se porta finalement sur une toute autre chose. Et l'aboutissement de la trajectoire de sa main droite ne fut autre que... le chiffon à poussière.
      Ou comment s'occuper intelligemment en attendant d'avoir accès à la cabine de douche.
      Plus d'une fois au cours de son existence, l'image d'un homme efféminé s'acharnant à astiquer ses meubles lui était passée par la tête, mais jamais il n'y avait attaché une quelconque importance. Depuis quand les tâches ménagères étaient-elles réservées aux femmes ? Qui donc s'en chargerait, si ce n'était lui ? Mihaïl ? Sûrement pas ! Les rares fois où il avait mis la main à la pâte, le résultat s'était révélé catastrophique. Plus loin de la machine à laver il se tiendrait, au mieux le linge survivrait !

      Lorsqu'il passa devant la chambre de son protégé, il ne put résister à l'envie de s'y glisser, de suivre des yeux l'itinéraire de ses visites durant l'absence de son protégé. De ses doigts fins, il caressa l'un de ses oreillers sans laisser la nostalgie le gagner. Ce temps-là était révolu depuis longtemps déjà.
      Dieu sait que ce tissu avait séché nombreuses de ses larmes, à un point tel qu'il en était sûrement imbibé de sa tristesse. Pourvu que ces souvenirs pessimistes qui hantaient la pièce ne perturbent pas les songes de celui qu'il aimait.

      Ce fut le sourire aux lèvres qu'il ressortit et qu'il s'installa aux pieds de son piano, juste à côté du nouveau violoncelle de Mihaïl. Les paupières closes, il se remémora calmement son acquisition, bien vite interrompu par la voix de crécelle de son protégé qui secoua sa poitrine d'un doux rire.
      Qu'il passe donc la nuit dans la salle de bain, si ça lui chantait ! Cela ne l'empêcherait pas de l'aimer.
      Malgré ces mois de séparation, il n'avait pu se résoudre à l'oublier, à effacer son passé de la manière la plus simple qu'il soit, et à se contenter de tout recommencer. De faire comme s'ils n'avaient rien vécu. Il aurait été bien naïf de croire qu'il en aurait été capable.
      Cet amour ne l'avait pas quitté, mais cette séparation lui avait appris à le maîtriser. La destruction qu'il avait provoqué pendant des mois s'était peu à peu transformée en un épanouissement rare et merveilleux, qui lui donnait le sentiment d'être plus léger, d'être à l'abri de tous ces sentiments négatifs qui l'avaient autrefois pourchassés.
      Alors c'était cela, le bonheur ?

      Jamais je ne me serais douté que ce n'était pas plus compliqué que cela. C'est si simple d'être heureux, si simple... Et dire que depuis tout ce temps, je me mettais des bâtons dans les roues. Mon petit Mil', sans toi, je serais sûrement demeuré aveugle encore bien longtemps. Tu m'as fait découvrir tellement de choses que je ne connaissais pas.
      Tu es heureux, toi aussi, n'est-ce pas ?

      Un sourire apaisé déforma ses traits et il se laissa à rêvasser un instant, jusqu'à ce que sa patience ne le quitte à nouveau et qu'il ne se jette de tout son poids contre la porte de la salle de bain.

      " Bon sang, Mil', t'exagères, franchement ! Si ça continue comme ça, tu vas m'obliger à installer un grand rideau dans la pièce, pour la séparer en deux. Comme ça, on ne se posera plus la question : "Qui c'est qui y va en premieeeer ?" Allez, sors de là, ça suffit maintenant ! "

      Cause toujours, tu m'intéresses !
      De rage, il martela la porte de coups comme un gamin déchaîné et capricieux et ne s'arrêta que lorsque le voisin répondit à son acharnement avec une violence qui le fit stopper net. En silence, il s'avoua vaincu et faillit se prendre la porte en plein visage comme gage de sa défaite.
      Il était déjà prêt à monter sur ses grands chevaux et à se lancer dans l'un de ses fameux grands discours, mais abandonna bien vite toute idée de lutte lorsqu'il l'aperçut, enrubanné dans sa mini-serviette blanche. Impuissant face à une telle arme, il ne put que lui rendre son sourire et crisper sa mâchoire pour l'empêcher de tomber alors qu'il l'observait regagner sa chambre.

      Tu n'es vraiment qu'un tricheur... Tu le sais ? J'aimerais bien pouvoir prétendre que m'amadouer de la sorte ne servirait à rien, mais ce serait mentir.
      Finalement, cela valait le coup d'attendre.

      Enfin, l'accès à la pièce sacrée était libéré ! La seconde suivante, lui et ses habits s'engouffraient à l'intérieur afin de savourer ce futur moment de bonheur bien mérité.
      Jusqu'à ce que le cri de détresse de son protégé ne lui fasse tendre l'oreille. Des bougies !? Pour quoi faire ? C'est pas Noël ce soir !

      Il s'empêtra dans son pantalon, passa sa chemise en vitesse et sortit en trombe de la salle de bain, s'attendant à une vision d'horreur des plus terribles. Mais... rien. Simplement sa jeune Moitié qui farfouillait dans les tiroirs. Ses mains tremblantes ne lui échappaient pas, et son regard des plus étranges attira son attention. En silence, il s'approcha de lui tout en poursuivant son observation attentive, et il lui fallut un certain temps avant de saisir la raison de cette panique soudaine.
      A présent à un pas seulement de lui, il trahit sa présence en éclatant de rire et passa ses mains autour de ses épaules pour le rassurer.

      " Des bougies ? Peut-être... Que me donnerais-tu en échange, si je t'indiquais leur emplacement ? "

      Si seulement tu avais passé moins de temps à te bichonner, alors peut-être aurais-je daigné voler à ton secours... Mais là, je ne sais pas, je me tâte.
      Il lui saisit les deux mains et l'attira au milieu de la pièce, éloigné de tout meuble, dans l'unique but de lui faire perdre ses points de repère. La situation était bien trop tentante pour qu'il n'en profite pas.
      Injustement, il l'abandonna dans le néant et s'éloigna de lui, saisit une chaise qu'il traîna bruyamment sur plusieurs mètres, répéta l'opération avec d'autres, ainsi qu'avec la table du salon qu'il déplaça, emporté par son élan sadique et rancunier. Satisfait, il observa son parcours d'obstacles improvisé, il se dirigea vers son piano et joua quelques accords afin d'aider son protégé à s'orienter. Du moins... pour l'instant.

      " Tu veux jouer aux chaises musicales ? "

      Il pouffa de rire, attrapa un chat qui passait par là pour le lui lancer dans les jambes puis se dirigea vers la chaîne-hifi afin d'y insérer un CD de...

      " Je préfère te le dire tout de suite, je n'ai jamais essayé de danser la polka avant cela. Mais tu dois t'y connaître, non ? Ça vient des pays de l'Est, cette invention merveilleuse, n'est-ce pas ? "

      D'un pas souple, il le rejoignit, passa sa main dans son dos et agrippa l'autre fermement, jubilant à l'avance.

      " Une fois que la musique sera arrêtée, si tu me trouves, alors peut-être... que je te donnerai la lampe-torche. "

      Et alors que le morceau débutait, une question subsistait dans son esprit... La polka, c'est une danse à combien de temps ?
      Se fiant au hasard, il misa pour trois et entraîna Mihaïl dans toute la pièce en riant aux éclats. Il se fia aux quelques ballets auxquels il avait assisté dans sa jeunesse et tenta du mieux qu'il le put d'imiter ces couples de danseurs qu'il avait pu observer, plusieurs dizaines d'années auparavant.
      Un deux trois, un deux trois...
      D'un pas endiablé, le visage rayonnant, il guidait son protégé dans l'obscurité en fredonnant cet air qu'il connaissait par cœur. Sans se soucier de faire preuve d'une quelconque délicatesse, il tendit le bras pour faire tourner le jeune russe sur lui-même plusieurs fois d'affilée.
      Si après ça, il parvenait encore à se repérer...
      Un deux trois, un deux trois...
      A la réflexion, c'était peut-être un peu plus proche de la valse que de la polka. Il s'était collé à lui et ne le lâchait plus, le faisant tourner sans arrêt, jusqu'à finir par le soulever par la taille, exécuter un dernier tour sur lui-même avant de le reposer et de se détacher de lui à pas de loup.

      Il l'avait abandonné près de la fenêtre et s'était magistralement avachi dans l'un des canapés, l'observant tituber avec amusement. D'un geste enfantin, il attrapa un coussin qu'il lui lança en pleine figure avant de le narguer davantage.

      " Alors, t'as le tournis ? Je danse trop bien pour toi, c'est ça ? Viens donc, allez ! "

      Deux tartes au citron que tu trébuches vingt et une fois avant d'arriver jusqu'à moi !


      Il mordit dans le cuir du canapé afin d'étouffer ce rire incontrôlable qui s'emparait de sa poitrine et de sa gorge. Les hésitations de Mihaïl le réjouissaient, mais néanmoins, son œil restait vigilant. Doué comme il était, il avait une chance sur deux de se fouler la cheville...
      Il se redressa avec précaution, prêt à intervenir en cas de problème, et lui lança avec amusement :

      " A gauche ! "
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    Atticus

    Atticus

    Messages : 203
    Date d'inscription : 08/01/2011
    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptySam 25 Fév - 0:12
      Bien ! Profitons de cet instant de panique pour nous concentrer sur la suite de mon histoire ô combien captivante.

      Je sursaute brusquement lorsqu'Edwin a la bonne idée d'éclater de rire à quelques centimètres de mes précieuses oreilles. Mais t'es pas malade, dis, oh ? Tu m'as fait peur, andouille ! Je sens ses mains sur mes épaules et attrape son avant-bras pour m'en servir de repère. Me laisse pas tout seul dans le noir, qu'est-ce que je vais faire, sinon ?

      Bientôt, vous saurez tout, chers lecteurs, je vous le promets ! Je vous raconterai la suite. Si toutefois Edwin m'en laisse l'occasion...

      - Te donner quelque chose en échange ? Hum...

      Faire le ménage pendant une semaine !
      Non. Ce serait une corvée de plus pour toi, parce qu'il faudrait me surveiller, voire repasser derrière... Je casserai des verres et je me couperai avec, un de tes chats pourraient passer par inadvertance dans le sèche-linge... Si je devais davantage m'occuper de l'appart, ce serait plutôt pour te punir.

      Où est-ce qu'il m'emmène ? Il m'éloigne des tiroirs que je viens d'ouvrir. Où est-ce qu'on va ?
      Il m'a lâché, je ne sais plus où je suis. Ca t'amuse, hein ? Ouais, c'est ça, rigole ! Profites-en... Je me vengerai, tu verras. C'est un nouveau jeu, n'est-ce pas ? Tu m'en veux d'avoir autant squatté la salle de bains et tu me le fais payer.
      Des meubles sont déplacés. Chaises ? Table ! Ca c'est la table. Ou bien le canapé ?

      Des accords au piano. C'est bon, je pense savoir où il m'a entrainé. Je suis au milieu du salon, à gauche du canapé le plus proche de la porte de ma chambre. Je promène mes mains un peu partout, palpant les meubles. Le sens de l'orientation ne m'a pas été offert par la nature, mais dans une pièce que je connais si bien, je parviens tout de même à me repérer. Il est nul ton jeu, Vanelsin ! Les chaises musicales, bien sûr que je connais. Un sourire se dessine sur mes lèvres, et il le voit probablement, puisque LUI, il voit dans la nuit ! Tricheur. C'est pas juste.

      J'attrape le chat et lui attribue quelques gratouilles derrière les oreilles avant de le laisser s'échapper. Aucune idée de l'identité de ce minet, je n'ai pas eu le loisir de le reconnaître.

      - La polka ? Euh... J'ai déjà vu mes vieux danser ça, mais de là à dire que je m'y connais...

      Essayer ne m'a jamais traversé l'esprit. Visiblement, apprendre à danser est au programme de cette sombre nuit : Edwin m'entraine avec lui sur le rythme de la musique.

      Et dire que, quelques mois plus tôt... Je l'aurais repoussé. J'aurais trouvé ça bien plus désespérant que drôle. J'aurais fait semblant de sourire, j'aurais tenté d'effacer le souvenir d'un contact aussi innocent. J'aurais tout gardé au fond de moi jusqu'à ce que ça explose, plutôt que d'en faire de bons souvenirs. J'aurais été parano, j'aurais sans cesse pensé qu'il faisait une erreur en pensant pouvoir me toucher sans conséquences désastreuses.
      J'aurais été bien con.

      Il a suffit d'un voyage, il m'a suffit de prendre congé de notre douleur pour en revenir métamorphosé. Aujourd'hui je souris sans hypocrisie, parfois même je rie. Je porte mon fardeau et mes malheurs et ils me rappellent sans cesse leur présence, mais au fil du temps je pense avoir appris à les mettre de côté, à les ignorer... au lieu d'ignorer le bonheur dont je pourrais profiter, ainsi que toutes ces bonnes intentions à mon égard.

      Il a suffit de m'évader de moi-même, plus que de Vampire's Kingdom, pour que je parvienne à accepter le fait que je respire et, qu'au fond, je ne suis pas si mauvais que ça. Ma conscience se manifeste de moins en moins. Je sais que j'ai fait des erreurs, de grosses erreurs. Mais au lieu de me lamenter sur le passé, je ferais mieux de me racheter pour l'avenir.
      Hier j'aurais paniqué parce qu'il osait me toucher. Aujourd'hui je rie parce qu'il m'amuse. Ce fameux jour qui a bien failli nous mener à notre perte fut un déclic...
      Dès cet instant... j'ai tout simplement banni de mon esprit toutes ces questions encombrantes et stupides qui ont manqué de me détruire. La seule et unique qui m'est restée en tête : pourquoi m'a-t-il fallu autant de temps ?

      La bonne humeur règne. Jusque-là, depuis quelques jours, une atmosphère étrange flottait dans l'air de cet appartement. Un léger malaise entre nous. Le souvenir de tout ce qui s'est passé il y a plusieurs mois... Nous n'en avons d'ailleurs plus jamais parlé. Nous laissons derrière nous les mauvais souvenirs pour nous en créer de nouveaux... de bons et merveilleux souvenirs que nous nous plairons à nous rappeler plus tard.
      Cette nuit et cet élan de joie scelleraient-ils cette promesse silencieuse que nous nous sommes faite ?
      La promesse d'un avenir meilleur...

      Les fredonnements d'Edwin me font rire. Je trouve tout ça presque trop beau... Pas vous ?
      Oh, je ne vais surtout pas m'en plaindre... J'ai toujours rêvé et attendu ne serait-ce que l'illusion du bonheur. Mais que voulez-vous... C'est dans ma nature de douter de tout et de rien. Même de la plus belle chose au monde.

      - Edwin... arrête ! Je... J'ai mal au coeur !

      Ouh là... Me sens plus très bien, moi. J'ai la tête qui tourne ! T'es bien gentil mais quand je ne me situe plus dans l'espace, j'ai le vertige...
      Il me fait tourner sans cesse et me détache même du seul repère que je possède, c'est à dire le sol.

      Où suis-je ? Je ne sais plus... Je ne comprends plus rien. Il a déplacé les meubles et je ne me situe plus dans la pièce...

      - Rhaaa, c'est malin ! Tu te crois drôle, hein ! Je me vengerai, sois-en sûr !

      Bon... où m'a-t-il planté ?
      Un coussin dans la tronche me signale qu'il est positionné à ma gauche. Il me le confirme d'ailleurs. C'est donc la direction que je dois prendre - rhoo, quelle perspicacité ! Je te félicite, Mimi. Je palpe les objets autour de moi sans pouvoir me situer et avance doucement vers la gauche, légèrment courbé, les bras devant. Ah tiens, un coup de tibias dans la table basse, que c'est agréaaaaaaable... Aïeuh...

      En reprenant mon équilibre, je fais un pas en arrière et sens sous la plante de mes pieds une indescriptible chose poilue. Un miaulement rauque suivi d'une balafre sur ma cheville me signale que j'ai écrasé la queue d'un chat. Je ne m'éternise pas en excuses et reprend le parcours du combattant, me cognant inévitablement les genoux dans quelques chaises.

      Edwin... si on ne s'était pas revus... Que serions-nous devenus ?
      Même quand j'étais en Russie je savais que tu n'étais pas loin de moi. Tu étais toujours là, dans ma tête, et parfois cette obsession, ce manque de ta présence, se faisaient sentir à tel point que mes frères me croyaient fou. Je parlais de toi la nuit, je disais que je voulais mourir et que tu soies la dernière personne que je voie avant de quitter ce monde. Il y a des jours où je ne pensais pas à toi. Et puis des jours où je me demandais comment je pouvais avoir l'audace d'oser vivre après cette fuite pathétique. Je t'avais abandonné comme un lâche, et si mes frères n'étaient pas une raison de vivre, je crois que je serais mort. Je broyais du noir... et puis, de plus en plus souvent, au fil des semaines, je me rassurais en me disant que tu t'en étais sûrement sorti. Si tu avais mis fin à tes jours... Je crois que je l'aurais su. Le simple fait de t'imaginer plus heureux sans moi me réconfortait, l'image d'un Edwin Vanelsin radieux car débarrassé de son principal problème me rendait le sourire. Les jours défilèrent et la noirceur qui emplissait mon esprit disparut petit à petit.

      Comment s'appelle ce que je ressens pour toi, Ed ? Tu fais mon malheur et mon bonheur, j'ai voulu mourir pour toi et en même temps je suis heureux avec toi. Loin de toi, Edwin... je n'existais pas. Je ne pouvais pas t'oublier. Et plus le temps passe, depuis nos retrouvailles, plus je bénis mon retour en ces lieux.
      Malgré tout... Je pense que j'aurais fini par revenir de mon plein gré.

      Mihaïl sans Edwin... c'est comme un jeu qui ne marche que dans un sens, c'est nul, eh banane !
      Je vais te trouver... Je n'ai pas besoin d'être vampire pour savoir où tu te trouves ! Instinct ? Peut-être. Mais le froissement d'un vêtement durant un court instant y est pour beaucoup, je l'avoue. Je me jette sur le canapé, manquant de percuter la tête de mon Alter Ego avec la mienne. De mes deux mains, je le plaque contre l'assise. Sans qu'il ne puisse réagir, je le chatouille sur les côtés.

      Que c'est mignon ! Certainement très puéril comme vengeance. Beaucoup nous trouveraient ridicules. Mais j'en ai rien à fiche... Je suis un grand gamin et je l'assume. J'ai toujours fait ça avec mes frères, peu importe leur âge, et pour moi, Tu es bien plus qu'un frère.
      Je le libère de mon insoutenable torture et me redresse, un sourire victorieux aux lèvres.

      - Alors, cette torche ?

      Je me relève du canapé et fais quelques pas, pour tenter de retrouver quelques repères, et comprendre de quelle façon il a chamboulé la pièce. Je retrouve le piano, la table basse, la commode. Mais je serai probablement surpris en recouvrant la vue.

      Le grand Edwin Vanelsin, le vampire maniaque à l'extrême, a osé mettre son salon sans dessus-dessous pour faire mumuse avec son petit humain. Allons, allons, je veux la suite du jeu ! On ne va pas s'arrêter là, quand même ?

      - Finalement, je ne veux pas de torche.

      C'est bien plus drôle sans.
      Je me retourne en sa direction et me rapproche de lui, attrapant au passage le premier bout de tissu que j'ai trouvé - probablement un pull que j'ai dû laisser trainer sur l'autre canapé. Je retrouve Edwin, le situe en tâtant son visage de mes doigts, et lui cache les yeux en attachant les manches du pull autour de sa tête. Voilà ! Maintenant toi aussi tu entres dans le jeu.

      Je me suis repéré dans l'espace, je sais exactement où je vais. Pieds nus sur la moquette, je me déplace et ne fais aucun bruit. Je sais qu'il est capable de ressentir ma présence, de suivre mon odeur, mais peut-être bien qu'il se laissera berner par celle qui demeure sur mon pull ? Nous allons le savoir.
      Je déplace moi aussi quelques objets entre lui et moi.

      - Je suis sûr que sans tes pouvoirs... tu seras aussi ridicule que moi.

      Ces quelques mots murmurés sont suivis d'un léger rire.
      Silence. Je profite à présent du spectacle sonore... à défaut de le voir.



    Edwin Vanelsin

      Quel délice pour les yeux !
      Se retenir devenait de plus en plus difficile, et il avait beau se mordre l'intérieur des joues en se faisant violence, il ne pouvait s'empêcher de pouffer de rire en l'observant avancer à tâtons à travers une pièce qu'il ne reconnaissait plus. Il risquait d'y avoir beaucoup d'amusement lors du rangement, mais qu'importe ! Tout le désordre du monde ne l'aurait pas dérangé, puisse-t-il simplement partager un moment aussi plaisant que celui-ci avec son Alter Ego.
      Le reste... quelle importance ?
      Que le monde extérieur se meurt donc, si ça lui chantait, il n'en avait que faire ! A partir du moment où on le laissait vivre en paix avec celui qu'il aimait, tout le reste lui importait peu.
      En était-ce de l'égoïsme pour autant ?

      Conscient de la cécité temporaire de son protégé, il en profitait pour lui offrir des regards des plus tendres, ceux qu'il s'interdisait depuis son retour. Car cette fois, il était hors de question de laisser le passé gâcher de nouveau leur relation. Cet amour étouffant, durant ces mois de séparation, il avait appris à le canaliser et à ne l'utiliser qu'à bon escient. Il ne voulait plus en souffrir... Seulement profiter de ce que son Alter Ego lui offrirait.
      N'était-ce pas ce qu'Oscar lui avait indirectement conseillé ?

      Un doux sourire déforma ses lèvres alors qu'il l'observait évoluer vers lui en silence, retenant une grimace à chaque fois qu'il butait contre l'un des obstacles qu'il avait dressés parmi eux. Sa mise en scène loufoque ne lui rappelait que trop bien les épreuves réelles qu'ils venaient de traverser, et à côté de cela, les chocs entre tibias et table basse étaient bien agréables.
      C'était tellement stupide de se mettre sans arrêt des bâtons dans les roues, alors que tout pouvait aller pour le mieux.
      La preuve... Pas une seule fois le ton n'était monté depuis leurs retrouvailles. La raison ? Le sujet tabou n'avait pas encore été évoqué... Et malgré toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres, Edwin n'avait pas l'intention d'engager la conversation.
      Et pourtant, Dieu sait qu'il était avide de savoir tout ce que son protégé avait vécu en Russie... Mais il était hors de question de déclencher une nouvelle dispute par de simples interrogations.

      Tout ce qu'il savait était que si certains vampires du domaine ne lui avaient pas mis la main dessus afin de le ramener de force, alors peut-être auraient-ils été séparés pour toujours. Peut-être.


      Si cela n'avait tenu qu'à toi... Tu serais revenu me voir, un jour ou l'autre, n'est-ce pas ?
      Et après tout, quelle importance ? Pourquoi suis-je incapable de savourer ce moment sans me poser de questions ?
      Je sais que tu tiens à moi, et je t'ai sûrement manqué tout autant que tu ne l'as fait pour moi. Tu ne peux pas imaginer à quel point j'ai souffert de ton absence...


      Du moins, au début. Il avait fini par raisonner et tout faire pour le chasser de ses pensées. Toutes les méthodes possibles et imaginables y étaient passées, et il en avait tellement honte qu'il priait pour que jamais son protégé ne découvre les restes de sa thérapie d'oubli, soigneusement dissimulés dans l'un des tiroirs de sa chambre.
      Même la musique n'avait su le guérir. Par chance, son piano avait plus ou moins résisté au choc des deux instruments, et après quelques réparations qu'il avait lui-même effectuées, il était parvenu à lui redonner une allure des plus élégantes.
      Il n'avait pas non plus posé la moindre la question au sujet du nouveau violoncelle qu'il lui avait "offert" en guise de pardon. De tout coeur, il se contentait d'espérer qu'il lui convenait et qu'il parviendrait à lui faire oublier son geste. Du moins en partie.

      Surpris, il sursauta lorsque son visage manqua de s'écraser contre le sien, et le rire provoqué par la dite vengeance du jeune homme effaça bien vite tous ces souvenirs qui encombraient son esprit. Ravi de constater qu'il avait su traverser la pièce et franchir la ligne d'arrivée en entier, il lui pinça la cuisse et l'observa s'éloigner avec une joie telle que l'air était sûrement chargé lui-même de particules de bonheur, et que la vue n'était pas indispensable pour l'apercevoir.

      La suite des évènements, il aurait tout aussi bien pu la prédire tant la réaction rancunière de son protégé était évidente. Sans broncher, il se laissa bander les yeux et l'écouta s'éloigner une seconde fois.
      Soit, puisqu'il voulait jouer... Il aurait vite fait de comprendre qu'il ne faisait pas le poids contre le grand, le terrible, le redoutable Edwin Vanelsin.

      Comment ça, pas crédible ?

      Quelques secondes lui suffirent afin de prendre conscience qu'un autre univers existait, univers qu'il n'avait jamais réellement pris le temps d'explorer, et que celui-ci n'était accessible que dans certaines conditions, certaines contraintes.
      Celui dans lequel la jeune Bliss évoluait nuit et jour.
      La perte de l'un de ses sens déformait entièrement cette pièce qu'il connaissait si bien. Plus rien n'était similaire, et des tas de découvertes s'offraient à lui, qui n'avaient toujours été que d'inutiles détails. L'odeur du cuir du canapé, le miaulement d'un chat, un craquement indéfini, tout cela prenait une dimension nouvelle à ses yeux.
      Enfin... façon de parler.

      Il choisit d'opter pour la prudence et se laissa glisser jusqu'au sol pour commencer à évoluer en rampant, ventre plaqué à terre, les mains en éclaireur. Hors de question d'offrir à Mihaïl le plaisir d'un fracas épouvantable ou d'un cri de douleur et de protestation lorsqu'il percuterait une chaise. A ce jeu, il sortirait victorieux, parce qu'il en avait décidé ainsi... Et surtout parce qu'il n'avait pas l'intention de paraître aussi ridicule que son Alter Ego ne l'avait été quelques minutes auparavant !
      Et alors ? Personne ne le verrait, après tout !
      Si... Les chats. Les chats le verraient et se moqueraient de lui, il le savait.

      Nox, dégage de là ! Tu vois pas que j'essaye d'être discret, bon Dieu ?
      Alors qu'il contournait le canapé le plus discrètement possible, le félin blanc en avait profité pour se percher au sommet de son crâne et profiter de ce nouveau moyen de transport, faisant part de son amusement au reste de la pièce en miaulant avec ironie.
      Sans ménagement, il le chassa et s'interrompit afin d'étudier les possibilités qui s'offraient à lui.
      Il n'était pas stupide au point de se fier à l'odeur, si Mihaïl avait cru qu'il se laisserait berner aussi facilement... Non, il se concentrerait sur tout autre chose, à savoir les battements de son coeur qu'il aurait bien du mal à interrompre, malgré le silence qu'il s'imposait.
      Idée dont il douta bien vite lorsqu'il réalisa qu'il avait à faire face à cinq palpitants, quasiment tous en perpétuel mouvement.


      Edwin Vanelsin, palme d'or du vampire le plus empoté du Royaume-Uni... Même pas capable de faire la différence entre un humain et un chat !
      Shame on me...


      Pourtant, il reprit sa progression et continua d'avancer dans la direction qu'il pensait être la meilleure, là où se situait la plus rapide et la plus bruyante des cinq respirations.
      Du moins, dans ce coin-là...


      C'est moi qui vais te surprendre, Mil'... Tu vas voir !
      Ta respiration est toute proche. Je sais précisément où tu es, tu viens de remuer, tu es cuit. Je vais tirer sur ce que je pense être ta jambe, et là...
      Satisfait, il saisit le morceau de tissu qu'il venait de frôler et tira dessus de toutes ses forces afin de l'entraîner au sol. Il s'apprêtait déjà à clamer haut et fort sa victoire lorsqu'il se rendit compte de son erreur. Il eut tout juste le temps de protéger l'arrière de sa tête avec ses mains afin d'éviter à ce que le déluge ne s'abatte sur son crâne.
      La nappe de la table échoua sur son dos, entraînant tout ce qu'elle portait dans son élan. De justesse, il retint un cri de protestation et ne tenta même pas de se défendre face au grille-pain et à la corbeille de fruits qui lui écrasèrent les omoplates. Un verre se brisa sur sa nuque et lui arracha une plainte typique d'un mauvais perdant.

      " Mais quel jeu à la con, vraiment ! "

      Le grille-pain est tombé à l'envers, il va y avoir des miettes partout ! Quel con, mais quel con !
      Vexé et rancunier, il attrapa le pantalon de son protégé, cette fois sans se tromper, et l'entraîna au sol sans lui demander son avis, pour l'enjamber et s'installer sur son ventre, lui maintenant les épaules plaquées contre la moquette.

      " Et ça te fait rire, en plus ! T'es content ? T'as pu constater que je n'étais pas plus doué que toi... Tu auras intérêt à m'aider lors du nettoyage, je te préviens ! Je... "

      A quoi bon s'énerver ? Pauvre imbécile, ce n'est qu'un jeu... Serais-tu mauvais perdant au point de l'agresser verbalement ?

      " T'es sûr que tu préfèrerais pas avoir une lampe-torche ? "

      Quoi que... J'ai toujours été le premier à demander à te découvrir d'une autre manière que par la vue. Mais accepterais-tu de jouer à ton propre jeu, avec ces règles que tu as toi-même imposées ?


      Il le libéra de son étreinte et posa simplement une main sur son ventre qui se soulevait au rythme régulier de sa respiration, ignorant les quelques gouttes de liquide carmin qui perlaient sur sa nuque. Il redoutait le moment où il demanderait à son protégé la permission de s'alimenter et n'osait pas lui faire part des difficultés qu'il avait rencontrées durant son absence. S'attaquer à des inconnus... il ne le supportait pas. Il s'était privé pendant des jours, s'était contenté du minimum syndical, quitte à en subir les conséquences. Quelques crises avaient également parsemé ce tableau peu réjouissant.
      Mais lui avait-on réellement laissé le choix ?

      Apaisé, il laissa tomber sa tête sur la poitrine de Mihaïl et s'abandonna au doux son de son coeur. Il aurait voulu lui décrire ce vide qu'il avait ressenti depuis que la Vie avait laissé la Mort errer seule dans cet appartement. Mais à présent que les battements de son palpitant emplissaient de nouveau la pièce, il se laissait aller à une joie rare et communicative.
      Sa main abandonna le ventre de son protégé pour aller chercher sa semblable et mêler ses doigts aux siens. Son corps glacé le dégoûtait, et il était écoeuré d'être emprisonné dans un tel bloc de glace.
      Souvent, il savourait le souvenir de cet échange de corps qu'il n'était pas prêt d'oublier. Simplement pour avoir l'illusion de vivre encore...

      " Te rends-tu seulement compte de la chance que tu as d'être encore en vie ? J'aimerais tellement... L'éternité est bien triste parfois, tu sais. Et sans toi... elle ne rimait pas à grand chose. "

      Pardonne ma franchise... J'avais besoin de te le dire.
      Et puis... toi, tu n'es pas éternel.

      " Ne vieillis pas trop vite, surtout... "
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 11:23
      Ne plus être près de toi était difficile, pour moi. Malgré toute la souffrance dont j'étais la proie à tes côtés... J'aurais pu la surmonter, si j'avais été plus fort... Mais si j'étais resté, cela aurait peut-être tout gâché. Je ne regrette pas d'être parti. Tu n'étais plus à mes côtés physiquement, mais tu étais toujours là, dans mon être, et c'était ça le plus important pour moi. Je ne pouvais pas t'oublier... Si je n'étais pas revenu, j'aurais pensé à toi le restant de mes jours, malgré tout ce qui aurait pu se passer.


      Mes frères et moi avons quitté Novossibirsk. Nous voulions changer radicalement de vie, ne plus nous souvenir de tout ce que nous avons vécu. Devenir d'autres hommes et reconstruire ensemble l'unité qui a toujours permi aux Egonov de survivre. Seul Youri faisait tache dans le tableau à une certaine époque... Mais ça fait longtemps que je ne lui en veux plus. Avant, je ne comprenais pas qu'il puisse être si différent de nous... Mais finalement, nous suivons tous des chemins différents, et si mes autres frères et moi n'avons pas pu nous passer les uns des autres depuis tout ce temps, c'est qu'il manque une étape à notre évolution.
      Un lien étrange nous liait, et nous craignions qu'il se brise car il était la seule chose qui nous permettait de rester debout.

      Pardonnez-moi, mes frères, si je suis plus heureux ici. J'ai fini par franchir l'étape. Je vous aime, mais je sais que vous pouvez vous en sortir tous seuls. Je n'aurais pas pu rester éternellement, de toute manière. Vous vivrez bien mieux sans moi, je vous l'assure.

      Nous avons donc fui la ville pour nous réfugier dans un lieu reculé, presque démuni de civilisation, au coeur d'un discret village où les habitants ne se posaient pas de questions... et où la police n'aurait jamais l'idée de venir me chercher. Car bien entendu, j'étais toujours suspecté, et considéré comme dangereux.
      Mes frères menaient leur vie comme ils l'entendaient. Alexeï suivait de grandes études scientifiques, Vova travaillait comme apprenti dans un garage, et Mika était encore à l'école. Je devins discrètement l'homme à tout faire du village, j'aidais les paysans pour toutes sortes de petits boulots et j'étais, bien entendu, payé au noir. Si au début ils se méfièrent de moi, ces gens finirent par m'accepter et me considérèrent comme leur ami. Mes voisins étaient des gens bien, francs et sincères, et je pouvais leur faire confiance. Cette planque-là n'avait rien à voir avec celle que j'ai vécu à Paris il y a trois ans.

      Tout semblait parfait le jour. La nuit j'étais en proie à d'affreux cauchemars qui me rappellaient sans cesse d'où je m'étais enfui. J'osais les raconter à Mika qui m'entendait hurler en pleine nuit, et ces visions de meutres sanglants, ce que j'avais fini par considérer comme normal, le choquaient beaucoup. J'avais l'impression d'être devenu insensible à ce genre d'évènement, pour l'avoir bien trop souvent cotoyé... J'avais le sentiment d'être un monstre, parce qu'être mordu par un vampire me procurait du plaisir, et que je me souvenais en souriant de la rencontre violente entre Cathy, moi et deux caïnites dans une église pleine de cadavres en décomposition.

      A vrai dire... Je crois que j'étais complètement déconnecté de la réalité. A Vampire's Kingdom, la plupart de ceux qui survivent plus de quelques années finissent par devenir fous sans s'en rendre compte. Le retour dans le monde normal est brutal, comme une grande claque dans la figure, et on a du mal à s'en remettre. D'ailleurs... pendant tout ce temps où j'ai été un homme libre, je n'ai pas cessé d'être tourmenté par cette révélation. Mon âme a noirci et je trouvais presque ridicule la blancheur de celle de ma famille. L'innocence me dérangeait... Mais je savais que c'était moi qui avais un problème, et pas eux.

      Bref, passons à la suite, ou je vais encore broyer du noir.
      Un beau jour, il y a environ un mois maintenant, Mika a profité d'un jour de congé pour venir m'aider à effectuer quelques travaux de rénovation dans une ferme. Il est tombé d'une échelle et en voulant le rattraper je me suis blessé également. Mon frère a perdu connaissance, j'étais désespéré, et une douleur à l'épaule a fait en sorte que je me retrouve avec lui dans une ambulance, direction l'hôpital de la grande ville que je cherchais à éviter depuis des mois. Bien évidemment, les soupçons sont nés, et tandis que mon frère se rétablissait doucement dans un lit douillet... je me suis rétabli en prison.

      J'y ai passé quelques semaines en attendant mon procès. Inévitablement, on a parlé de moi à la télé locale, dans les journaux, Il y a eu un scandale énorme, tout ça parce que les flics étaient persuadés que j'avais tué un autre flic. Bon, ok, c'était vrai, mais pas ce flic-là ! Ce jour-là, c'était Youri. Après, le type d'Interpol en Angleterre, là oui, c'était moi... Bien évidemment, j'ai fermé ma gueule sur ce sujet, c'était pas la peine d'en rajouter...
      Bref voilà, c'était l'animation du moment à Novossibirsk, ce n'est pas passé inaperçu.

      Et heureusement ! Je bénis les vampires qui en ont entendu parler et m'ont fait évader sur le chemin qui me menait au tribunal, pour me ramener ici. Sans ça, je croupissais en taule pour une dizaine d'années au moins, au lieu de jouer à cache-cache dans le noir avec Edwin.
      Ils m'ont tabassé juste pour le plaisir, parce que bon, j'étais carrément d'accord pour les accompagner, ils n'avaient pas besoin de me forcer. Ils m'ont balancé dans le coffre d'une voiture... et me revoilà à VK.

      Pas de banderoles de bienvenue, pas de fanfare, mais ils étaient quand même sacrément contents de me revoir ! Au lieu des câlins, il pleuvait des coups, mais c'était une preuve d'affection tout de même. Ils ne pouvaient pas se passer de moi. Ils m'ont interrogé, menacé, et toutes sortes de choses, ils se demandaient comment j'avais pu m'évader, et si j'avais parlé de Vampire's Kingdom. Mais au fond, même si je l'avais fait, personne ne m'aurait cru...
      Ils étaient très perturbés de voir que j'étais très heureux de remettre les pieds dans cet enfer. S'ils m'ont laissé en vie et ne m'ont pas puni, c'est parce qu'Edwin a insisté sur le fait qu'il voulait me récupérer. Mon cher Edwin... Sans toi, j'aurais probablement été torturé à mort.

      Voilà ma grande aventure... Cela fait à présent une semaine que je suis là. Et je ne regrette absolument rien...
      Bien au contraire.


      Sourire. Que personne ne peut voir dans le noir, pas même toi. Qu'es-tu en train de faire ? J'entends un frottement... Ne me dis pas que tu rampes ! Oh non...
      Je me retiens de rire. Je ne me laisserai pas trouver si facilement. Dès que j'ai le malheur de glousser, je me déplace un peu.
      Quelques bruits indescriptibles, grognements... Je n'ose même pas imaginer. Ce que je donnerai pour voir cette scène ! Il doit être parfaitement ridicule, notre cher Edwin. Et je ne peux même pas en profiter...

      Tout à coup, un grand fracas me fait sursauter. Un bruit de ferraille, des objets qui roulent sur le sol. Je ne peux plus me retenir de rire, c'est nerveux. Aaah mon Dieu, j'en ai les larmes aux yeux. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ?
      En tout cas mon rire m'a trahi. Il attrape mon pantalon, je perds l'équilibre et m'étale sur la moquette. C'est bon, t'as gagné...


      Eh oui Edwin, je vais vieillir. Je t'avais prévenu...
      Ton oncle a figé la beauté de tes trente ans. Mais ce cadeau qui semble si beau est une malédiction...
      Je ne suis pas sûr de pouvoir accepter le même. Le rêve de la mort est mon refuge mais pas de cette manière... Je veux que ma mort soit une délivrance, et non l'éternité à endurer. Je voudrais pouvoir vieillir simplement, et perdre mes cheveux et mes dents, en échange d'avoir un coeur qui bat, de garder mes sensations humaines et de pouvoir m'empiffrer de gâteaux. Je voudrais toute ma vie pouvoir assister au coucher du soleil, ressentir le chaud, le froid et la douleur... Je voudrais profiter de tout, sans contrainte si ce n'est celle de la fragilité humaine.

      Mais si tu me le demandes, peut-être me ferai-je à l'idée de sacrifier tout cela... Pour toi. Devrons-nous partager l'éternité jusqu'à la mort de nos âmes, ou bien mettrons-nous ensemble un terme à notre présence charnelle ici-bas, à l'aube d'un dernier jour ?

      Je me redresse et mes mains quittent les siennes pour venir se poser sur ses joues. Je ne peux voir la lueur dans ses yeux mais je sais y lire ce que la cécité ne m'empêchera jamais de comprendre...
      Toi et moi, nous ne sommes qu'un. Tu es mon âme et je suis ton corps en vie. Quel est ce sentiment inexplicable qui m'envahit quand ton aura illumine l'obscurité, mon Reflet ?

      - Pour toi, je ne vieillirai pas.

      Ô doux rêve, naïve utopie de croire que nous pourrions figer le temps qui passe par notre seule volonté... A défaut de mettre ma vie en pause, je ne vieillirai pas dans l'âme car c'est la tienne qui la stabilise, et tant que tu te rieras de la Mort en la surpassant, malgré mon corps putréfié mes pas suivront les tiens à jamais.


      Et la lumière fut.
      Un mince filet de sang coule le long de son cou. Un léger sourire anime mon visage, presque tendre. Je le pousse, le renverse et le plaque au sol. Deux lionceaux qui s'amusent dans la jungle d'un appartement frappé par l'ouragan de l'immaturité...

      C'est pas tout, va falloir tout ranger, maintenant.

      Je me relève et lui tends la main pour qu'il en fasse de même. Me rappelant le parcours de la pièce dans le noir en souriant, j'achève de boutonner ma chemise et repousse chaque chaise à son emplacement initial.

      La nuit ne fait que commencer, et comme tous les soirs, je redoute qu'elle se termine. L'aurore a un arrière-goût amer.

      Peu de temps... c'est ce qu'il me reste.





    Edwin Vanelsin

      Je suis un tricheur.
      Je viens d'ôter le bandeau improvisé qui m'empêchait de te voir, de te contempler. Après ces mois passés loin de toi, je ne pouvais pas me permettre de nous dissimuler l'un de l'autre encore davantage.
      Ton pull, je l'envoie au hasard dans la pièce, après tout, cela n'a aucune importance.
      Rien n'est plus important que tous ces souvenirs que je sens bouillir en toi, et que je meurs d'envie de connaître à mon tour.
      Me les révèleras-tu un jour, ma Moitié ? Puisque je ne peux plus l'exiger, je me contenterai d'espérer.


      Un sourire tendre se dessina sur ses lèvres et, imobile, il apprécia la douce tiédeur déposée avec délicatesse sur ses joues.
      Pas d'électricité, aucune parole, un bazar phénoménal dont il était lui-même à l'origine, une Soif qu'il ferait mieux de satisfaire au plus vite, et bien d'autres choses encore. Mais ces détails paraissaient tellement insignifiants comparés à l'importance de ce bonheur émergent, aboutissement de sept jours de retrouvailles et de bonne humeur.
      Sans aucune question...

      Toi, toi, et rien que toi. Parce que tu n'as pas l'éternité devant toi, et que l'on a déjà passé bien trop de temps à se chamailler tels deux bambins inconscients et immatures.
      Toi & Moi... C'est pour toujours, n'est-ce pas ? Cela fait trop longtemps que nous nous éternisons en promesses inutiles, en paroles futiles, en émotions pitoyables. Nous avons été pitoyables, oui, je le reconnais ; tout cela était stupide. Ces pleurs, cette tentative de suicide, ces cris, ces disputes, cette immense tristese, cette dépression qui nous rongeait tous les deux...
      Je ne te promets pas qu'à présent, nous allons être heureux. Car c'est le meilleur moyen pour que nous le soyons pas.
      J'ai appris, tu sais. Beaucoup. Ton absence m'a servi... A présent je sais. Je sais ce qu'il est nécessaire de faire pour que nous nous aimions sans empiéter l'un sur l'autre.
      Veux-tu que je te le prouve ?


      A ses paroles, son sourire s'éteignit, et ce fut presque avec frustation qu'il accueillit de nouveau la lumière. Cette lueur artificielle qui lui brûlait les yeux paralysa ses muscles une seconde de trop, seconde suffisante à sa défaite cuisante à la fin de laquelle il se retrouva de nouveau sur le dos.
      Maudit soit celui qui avait assuré à sa communauté d'immortels que les humains étaient lents à la détente...

      Après un temps de réaction anormalement long, il rouvrit les paupières, contempla le visage de son protégé qu'il avait rarement vu aussi serein, pour finalement lui saisir vigoureusement la main et le laisser l'aider à le remettre sur pied.
      Avec regret, il l'observa s'éloigner, et c'était d'un oeil éteint qu'il assistait au rangement de la pièce. Il n'avait que faire du désordre... Il avait tant de choses à dire, tant de choses à faire, tant de choses à prouver. Face aux fruits ratatinés et aux miettes sur la moquette, il demeurait parfaitement indifférent.
      Se confier, c'était ce qu'il voulait. Mais il n'était pas certain de parvenir à tout avouer.
      Pourquoi ?

      - Je n'en suis pas si sûr que toi.

      Non, Mil', je ne suis pas un rabat-joie... Je suis réaliste.
      Tu vieilliras, et un jour, tu partiras. Et ce jour, je te suivrai. Car tel est notre destin.
      Fataliste ? Peut-être... Est-ce un mal ?
      Les promesses inutiles ne servent plus à rien. Il faut grandir à présent... et accepter la vérité.

      - Le temps finira par avoir raison de toi, tu le sais aussi bien que moi.

      Pourquoi cherches-tu à me faire espérer que cela est possible ? Jamais je ne ferai de toi un être immortel. Je ne veux pas que tu connaisses ça... Je ne veux pas que tu souffres comme je l'ai fait.
      Tu ne vivras pas longtemps, mais au cours des quelques dizaines d'années que tu auras passées sur Terre, tu auras eu la joie de posséder un coeur qui bat dans ta poitrine.
      Merveilleuse invention que la machine humaine...


      Un malaise non feint et qu'il peinait grandement à dissimuler s'empara de lui, et d'un geste évocateur qu'il appuya d'un regard posé, il incita son Alter Ego à stopper son activité de ménage. Il voulait se confier à lui, là, maintenant, tout de suite. Et il était hors de question de tourner autour du pot. Il n'était pas certain de parvenir à fournir des explications claires et précises sur ses agissements, mais il ne pouvait plus s'enfermer dans ce silence.
      Se taire, c'est dissimuler la vérité.
      Se taire... c'est mentir.
      Tel était son raisonnement qu'il n'estimait ni juste, ni erroné. C'était le sien, tout simplement.

      Lentement, d'une démarche lasse, alourdie par le poids de toutes ces révélations qu'il avait décidé de faire éclater au grand jour, il s'avança vers lui, le défiant d'un regard déterminé et mélancolique à la fois. Sa main échoua sur son épaule tiède et il se plongea un court instant dans ses prunelles, avide de savoir si son Alter Ego ne jugeait pas cette soirée de confessions un peu trop précipitée.
      De ce qu'il put en tirer, il en conclut que non.
      Mais dans le fond, qu'en savait-il ? Qu'en savait-il, au juste ?

      - Tu sais...

      La voix était basse, presque inaudible, si fine et si discrète que même les murs n'auraient pas pu percevoir ces secrets qu'il s'apprêtait à divulguer.

      - Pendant ton absence, je n'ai pas toujours bien agi.

      Et tel un enfant honteux face à une bêtise avouée, il baissa le museau, lâcha l'épaule de son protégé pour se tortiller nerveusement les doigts et finalement déclarer, après quelques secondes de réflexion.

      - Enfin, je ne sais pas vraiment si c'est mal, mais... c'est différent. Différent de la vie que j'avais avant, quand tu étais là. J'ai fait des choses... Que jamais je n'aurais pensé être capable de faire.

      Tu ne m'en voudras pas, n'est-ce pas ?


      Il n'avait pas été capable de rester aussi proche de lui plus longtemps.
      Une fois de plus, il avait échoué sur le rebord de la fenêtre, mais il ne perdait pas son temps à admirer les étoiles ni l'éclat de la lune. Il avait su retrouver le courage de rétablir cet échange de regards et de le maintenir.
      A quoi cela lui aurait-il donc servi d'être lâche ? A présent qu'il s'était décidé à aborder ce sujet si délicat, autant ne pas faire les choses à moitié.

      - A vrai dire... Je me suis adonné à des plaisirs qui m'auraient choqués il y a quelques mois de cela.

      Un rire clair résonna alors qu'il détournait la tête pour ne pas assister aux réactions de son Alter Ego.

      - Je ne sais pas pourquoi je te raconte ça, Mil'. Tu t'en moques sûrement... Mais te faire croire que tout a été facile serait mentir.

      Sans prévenir, presque brusquement, il se releva et se dirigea dans sa chambre, laissant la porte béante derrière lui.
      Tiroir de gauche, drogue dure ; tiroir de droite, drogue douce.
      Une boîte fut prélevée du côté gauche, et dès son retour dans le salon, il la lança à Mihaïl pour qu'il puisse lui-même juger de l'ampleur des dégâts, pendant que lui-même se réinstallait à son emplacement de conteur.

      - Au tout début, je suis allé habiter chez mon oncle. Tu me connais, je n'étais pas assez fort pour affronter cela tout seul. Il m'a aidé, oui... Il m'a écouté quand j'avais besoin de parler, et m'a respecté quand j'avais besoin de me taire. Mais... Ma présence accentuait ses crises de violence, et je mettais tout autant en danger la sécurité de son esclave que la mienne. Alors je suis revenu, ici, et je t'ai fait faire un violoncelle, parce que j'aurais été incapable de revivre dans cet appartement sans sa présence, à défaut d'obtenir la tienne.

      Il accorda un regard bref et tendre à l'instrument avant de désigner la boîte du regard.

      - Je n'en prends pas souvent, tu sais... Enfin, beaucoup moins maintenant. Mais au tout début, quand j'ai recommencé à vivre ici, j'ai tout fait pour t'oublier, tout. Et puisque je ne voulais pas toucher à l'alcool et que le tabac ne me suffisait pas... Je me suis tourné vers ça, et vers autre chose, aussi. Tu ne peux pas savoir combien d'hommes ont défilé ici, Mihaïl. Moi-même, je n'ose pas compter. J'en aurais presque honte si je n'avais pas été aussi désespéré durant cette période. Mais ça a fini par me passer...

      Mon histoire te plaît ? Profites-en... Ce ne sera pas tous les jours que je t'avouerai que je fume autre chose que du tabac, et que j'ai pris du plaisir à enchaîner les relations d'une nuit.


      Une once de joie éclaira son visage et mit fin à cette triste tragédie. Toute trace de honte disparue, il se releva une fois de plus pour contourner son jeune protégé, arriver dans son dos et l'enlacer par la taille. Sa tête s'échoua sur son épaule et il poursuivit d'une voix plus enjouée, soudainement apaisée.

      - Après cette période noire, je me suis fait une raison. Pas une seule fois je n'ai pensé à me suicider, je te le promets. Alors sais-tu ce que j'ai fait ? Je t'ai écrit ! Des centaines et des centaines de fois, mon ange. J'ai gardé certaines lettres, j'en ai brûlé la plupart. Et puis j'ai composé pour toi. Beaucoup. Pendant des nuits entières. Tout cela m'a aidé à tenir. Et tu vois... Ca m'a mené à quelque chose, puisque finalement, nous sommes de nouveau ensemble.

      Tu me pardonnes ? Tu vois, ça aurait pu être pire...
      Et je t'interdis de culpabiliser ! Ce n'est pas dans ce but que je t'ai avoué tout cela.

      Il le relâcha, lui fit face de nouveau pour lui subtiliser ce qu'il n'avait plus honte de lui dissimuler et le poser sur la table basse. Puis, aussi simplement que s'il venait de faire un résumé banal de sa journée, il s'installa dans le canapé et adressa un sourire rayonnant à son Alter Ego.

      - Dis-moi... Ton nouveau violoncelle te plaît ?

      J'ai préféré ne pas l'essayer avant toi, celui-là, je ne tenais pas à le briser.
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    Atticus

    Atticus

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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 11:32
      Je l'écoute me raconter ce qu'il a vécu en mon absence, gravant chacun de ses mots dans ma mémoire pour ne jamais les oublier, comme j'ai toujours fait à chaque fois qu'il me parle. Ce qu'il me dit est si précieux, si je devais emporter quelque chose dans la mort, ce serait le souvenir de sa voix et de tout ce qu'il m'aura dit durant ma courte vie, que ce soit en bien ou en mal...

      Ma courte vie... Je suis humain et pourtant je la considère éphémère et insignifiante, comme si je percevais le temps qui passe à la manière d'un immortel. Je pense déjà à ma future mort, en oubliant que je vis encore... c'est tout moi, ça.

      Dans ta mort, Ed, tu es bien plus vivant que moi... c'en est perturbant.

      Sans vraiment comprendre à quoi il fait allusion, je l'observe traverser la pièce pour se rendre dans sa chambre... et revenir avec une petite boîte, qu'il me lance. Tandis qu'il m'enlace, je demeure de glace, obnubilé par l'objet que je tiens entre les mains, et que je finis par ouvrir pour y découvrir ce secret immonde.
      Il s'éloigne avec sa précieuse boîte, que je ne quitte plus du regard, et prend ses aises.

      Mon violoncelle... oui, il me plaît, mais non, ce n'est pas le moment d'en parler.
      Tu me racontes ça avec un sourire, tu en ris même, comme si ce n'était rien... Tu penses franchement que je vais réagir avec un sourire aussi ?
      Tu as souvent su quoi faire pour nous protéger, je t'ai fait confiance, mais quand je vois ça je ne suis plus très sûr d'être d'accord avec toi... Comme tu m'as si souvent remis dans la bonne direction, je vais le faire à mon tour, parce que je tiens bien plus à toi qu'à tout l'or du monde, je ne peux pas rester indifférent à ça et me dire que tu as raison de le faire. C'est à toi de m'accorder ta confiance à présent.

      Même si je suis sur le point d'en piquer une, une crise de colère ne servirait à rien, et c'est bien trop important pour que je ne choisisse pas mes mots. Comment te faire comprendre que c'est pour ton bien ?
      Je saisis à nouveau la boîte dans mes mains et l'observe longuement, silencieusement... pour finalement prendre la parole, sans cesser de la fixer, l'air et le ton désolé.

      - Edwin...

      Remplacer une dépendance par une autre ne t'aidera pas, au contraire. Je suis conscient que ça n'a pas dû être facile, et j'ai dû être en quelque sorte ta drogue, comme tu as été la mienne... Tu m'as remplacé par autre chose, tu as fait comme tu as pu, mais au fond je ne peux pas t'en vouloir... Je ne peux que comprendre, car j'ai vécu cette même sensation de manque... Elle a tenté de me détruire et il m'arrivait d'en faire des cauchemars. Je l'aurais certainement mieux vécue si j'avais trouvé une compensation, du moins tenté d'en trouver une. Car rien ne te remplace, je le sais, et il ne m'est même pas venu à l'idée d'essayer de t'oublier. Je suis maso et je l'assume... Je ne voulais surtout pas que tous ces sentiments et souvenirs, les bons comme les mauvais, s'effacent de ma mémoire... Car mon coeur bat pour ton âme.

      J'ai été dépendant, et je le suis encore. Pas seulement de ta présence... De ces morsures auxquelles j'ai pris goût. Ma peau me démangeait et j'aurais pu être assez fou pour me mordre moi-même, mais le bien-être de mes frères passait avant tout, et je devais faire en sorte de ne pas les inquiéter davantage à mon sujet. Ils me savaient changé et l'acceptaient, mais s'ils m'avaient su fou et drogué, j'ignore comment ils auraient réagi.

      Quand je pensais à la morsure... pour oublier, je pensais à ma plus grande dépendance, Toi. A cette attirance semblable à celle d'une aiguille de boussole envers le Nord, qui me faisait oublier tout le reste. Et ce que je ressens pour toi n'a fait que grandir malgré la distance et les épreuves, jusqu'à atteindre cette présente nuit où je ne sais toujours pas comment le définir, et s'il existe un point culminant à ce sentiment.

      Je ne t'aime pas, Edwin... C'est bien plus que ça.

      Je m'approche de mon nouveau violoncelle... et glisse la boîte entre les cordes et le rebord du trou de la caisse, pour qu'elle s'échoue dans le fond, résonnant dans la cavité sombre. C'est là que sera sa place, désormais, et si tu tentes de la récupérer je le saurais. Je vais m'imprégner du son de cet instrument qui aura changé à cause de la présence de la boîte, et si un jour le son change à nouveau, cela voudra dire que nous aurons arrêté de nous faire confiance.
      Toutes ces drogues que tu as, tu vas me les donner, et je les mettrais là-dedans.

      Maintenant, je suis là, près de Toi, et l'un sera dépendant de l'autre jusqu'à notre mort, alors...

      - ... promets-moi de ne plus jamais toucher à ça.

      Mon regard se plonge dans le sien.

      Si ta principale dépendance te demande d'abandonner les autres, tu le feras, n'est-ce pas ?
      Si j'ai pu caser ces envies de morsure dans un coin de ma tête et les enchaîner le plus solidement possible, tu peux certainement en faire de même, car tu es bien plus fort que moi, je sais que tu peux y arriver. Je suis là, je peux t'aider, tu n'as plus besoin de me remplacer car je serais tout au long de notre vie présent à tes côtés, si toutefois comme tu me l'as promis nous achèverons le voyage ensemble.

      - Tu es immortel, ça ne peut pas détruire ton corps, mais tu pourrais perdre ton âme.

      ... et moi je veux un alter ego avec toutes ses cases...

      - Parce que te donner la preuve de ce que j'avance est la meilleure des leçons, je vais te montrer combien une dépendance peut faire du mal... Elle te change un homme en animal.

      Je me rapproche de lui et prends place sur le canapé, tout en déboutonnant le premier bouton de ma chemise pour plus de confort. Ma main se place sur sa gorge glacée et j'attire ses lèvres vers la mienne, que je ne lui ai jamais offerte.

      - Mords...

      Fais-le. Je t'y contrains, soit, mais j'ai une bonne raison.

      Mords-moi, et tu verras pourquoi j'en ai été aussi dépendant. Tu comprendras à quel point c'est dangereux et pas simplement parce que l'abus pourrait me tuer... Ca me plonge dans un espèce d'état second où je n'ai plus aucune volonté, ce qui m'amène à faire des choses qui ne me ressemblent pas et que je peux regretter... Si tu sens que je perds le contrôle de mon comportement, n'hésite pas à tout stopper... Je sais que je peux compter sur toi.

      Je ne fais pas ça parce que je crève d'envie que tu me mordes... Oui, j'en crève d'envie. Mais là c'est toi que j'essaye de sauver, mes envies ne rentrent pas en compte. Tu ne me mordras qu'une seule et unique fois, pour que tu comprennes à quel point cette saleté peut te rendre comme moi, et que je ne tiens pas à ce que tu le deviennes. Depuis la première morsure d'Oscar, cette dépendance m'a aigri, empêché de te donner toute ma confiance car quand tu me l'interdisais je te voyais parfois comme un ennemi. La paranoïa n'a fait que s'accentuer... la morsure n'en était pas l'unique responsable mais elle y a participé. Plus jamais je ne chercherai à ce qu'on me morde à nouveau, je fuirai cette envie destructrice, même si mon corps m'implore le contraire. S'il ne doit y avoir qu'un vainqueur dans cette joute, ce sera mon esprit, que je mettrai volontairement à l'épreuve cette nuit.

      Alors mords, Vanelsin, fais-moi confiance... et profite du spectacle.

      Ses crocs percent ma peau et un frisson se diffuse dans les moindres recoins de mon être. Ca me torture déjà de savoir que ce geste ne devra plus se répéter... C'est tellement bon ! Ca me transporte dans un autre monde et me procure un plaisir immense, tellement intense qu'il n'y a pas de mots pour le décrire vraiment.
      Ne t'arrêtes pas encore, Edwin...

      Sans que je ne puisse réellement me contrôler, ma main vient se poser sur son torse, se glisse sous sa chemise pour caresser l'un de ses flancs, l'incitant à se rapprocher. Je le maintiens contre moi et laisse ma joue se reposer contre son cou. Je sens un léger mouvement de recul de sa part et applique une pression sur sa nuque pour le forcer à rester. Non ! Pas maintenant !! Encoooore... par pitié, ne t'arrêtes pas ! Je t'en supplie...

      Plaisir et frustration se mélangent. Incohérence. Trouble.

      Je l'enjambe en douceur, ignorant la douleur que je provoque moi-même à ma gorge en remuant, et me retrouve sur ses cuisses, sans vraiment comprendre pourquoi je l'ai fait. Mon corps ne me répond plus vraiment, c'est lui qui décide à présent, et tout ce dont il a envie, c'est que ce contact ne prenne jamais fin.
      Je ne comprends plus mes gestes, je m'imagine peut-être qu'en lui caressant le torse de cette façon, ça l'incitera à continuer... Peut-être n'ai-je pas tort, après tout c'est ce qu'il souhaite.

      Plus il boit, plus la douleur se métamorphose en plaisir, et des râles d'un profond bien-être s'échappent de mes lèvres.
      Je suis possédé par le désir d'obtenir bien plus qu'une morsure. Mais cela ne me ressemble pas, voyons ! Moi, faire l'amour à un homme ? Non... Même à lui... Ce que je ressens pour lui n'est pas charnel, uniquement spirituel... mais cet échange me perturbe.

      Lueur d'absence.
      Ses crocs se sont détachés de ma gorge... mais j'ai glissé ma langue dans sa bouche. Mais qu'est-ce que je fais...?!
      Je m'interromps, l'air légèrement perturbé, libère ses lèvres froides que j'ai passionnément savourées, et l'observe avec un peu de recul. Sans m'en rendre compte, je suis venu à cheval sur lui, j'ai commencé à déboutonner sa chemise, bref à vouloir lui offrir un bon gros câlin pour avoir ma dose, comme un junkie désespéré.
      Je me sens si pathétique... Mais je me comprends.

      - Tu es conscient que ce n'était pas moi, ça... N'est-ce pas ?

      N'oublie pas celui que je suis réellement, avec mon fardeau et mes réticences, au profit de celui que tu voudrais que je sois... c'est à dire tien.

      Quelque peu gêné, mal à l'aise, je me relève et me redonne une contenance plus correcte, essuyant du bout des doigts la goutte de sang qui perle le long de ma gorge et se glisse sur ma clavicule. Je fais quelque pas, retrouvant une certaine distance qui me permet de me sentir bien, et de reprendre mes esprits. Je m'assieds sur le tabouret du piano, à l'autre bout de la pièce, glisse ma tête entre mes mains calleuses, et prends le temps de tout remettre en ordre dans mon esprit chaotique, bouleversé par des envies et des interdits qui se confrontent sans relâche, assailli par l'incompréhension de ces précédents gestes déplacés.

      Tu vois ce qu'une dépendance implique, maintenant ?

      Quelques secondes plus tard, mes lèvres s'écartent et laissent échapper un murmure.

      - Donne-moi tout... Si tu m'aimes, donne-moi tout.

      Et après si tu le veux bien, je souhaiterai écouter ce que tu as composé... T'accompagner au violoncelle... Nous nourrir du nouveau son de la parfaite union de deux âmes qui se complètent.






    Edwin Vanelsin

      Pourquoi ne me rends-tu pas mon sourire ?
      Penses-tu sincèrement que nous nous en sortirons sans faire preuve de légéreté ? Pourquoi crois-tu que ça ne marchait pas fort, entre nous, auparavant ? Nous nous posions trop de questions... Souris, souris-moi donc ! Et ne me sermonne pas, non, pas maintenant... Est-ce donc, une fois de plus, la récompense attribuée à ma franchise ?


      Un soupir inexistant qu'il pensa trop fort s'échappa de son imagination alors qu'il observait sans broncher son protégé revenir à la charge, la boîte maudite entre les mains. Pourquoi donc avait-il été suffisament fou pour la lui montrer ? La sincérité n'avait peut-être pas que du bon, après tout. Ce secret-là, il aurait voulu le garder pour lui et baigner dans sa propre honte sans jamais avouer quoi que ce soit.
      Etait-il faible au point de quémander l'aide d'un autre, lui qui s'était toujour estimé suffisament fort pour ne pas sombrer dans la déprime ni dans le ridicule ? Les temps avaient bien changé... Et à la réflexion, il n'était jamais arrivé à quoi que ce soit seul. Sans tuteur, il n'était rien, son existence passait inaperçue aux yeux de tous.
      Nouveau soupir imaginaire.

      - Qu'est-ce que tu fais ?!

      C'est comme ça que tu me remercies ! Mais rends-la moi, idiot ! Sais-tu seulement ce que cela implique ? Comment vais-je devoir remplacer cette dépendance, selon toi, hm ? Dis-moi !
      Mil', tu ne comprends pas, je ne fais plus ça pour mon plaisir, simplement pour t'épargner. Parce que je ne veux pas que tout redevienne comme avant...

      Mais il ne lui fallut pas plus d'un regard pour le persuader de changer d'avis, et l'inciter à promettre silencieusement que plus jamais il ne chercherait à se soigner de la sorte. Puisque tel était son désir... il obéirait aveuglément. Si c'était la meilleure solution, il n'en avait aucune idée, mais c'était celle qu'il avait choisie.
      Choisir... Ce mot lui avait semblé bien inconnu depuis ses premiers jours sur Terre, et il était hors de question que ces retrouvailles peu ordinaires ne soient l'étincelle qui achèverait de consumer cet espoir.

      Et ses mots... Ses mots emplis de sincérité avaient le pouvoir de ne pas le faire douter davantage. A quoi bon douter, alors que les limites de la simple confiance pouvaient être franchies ?
      Il hocha la tête, il avait compris, il n'en avait pas besoin davantage, ou presque. Dans un coin de son esprit, il se promettait déjà d'avoir recours à cette nouvelle méthode évasive s'ils venaient à rencontrer de nouveaux problèmes. Ce n'était peut-être pas honnête... Mais c'était ce qu'il penser posséder de mieux.

      Ses yeux suivaient son déplacement, l'interrogaient en silence, l'observaient déboutonner le haut de son vêtement... Pourquoi ? Tout cela n'avait aucun sens.
      Et puis... Quelle dépendance ? Ce lien qui nous unit l'un à l'autre n'en est-elle pas une, et ne nous transforme-t-elle pas, elle aussi ? Je n'ai jamais été aussi doux et sincère qu'avec toi.


      Envie & Etonnement. Douloureux paradoxe qui s'emparait de lui alors que son protégé l'incitait à l'impensable, qu'il avait pourtant si souvent envisagé. Que faire ? Le ton employé ne semblait pas laisser de choix, et pourtant... Etait-ce raisonnable ? Il ne pouvait que trop bien anticiper les conséquences d'un tel acte, mais il ne souhaitait pas que leur relation fusionnelle ne devienne semblable à l'une des trop nombreuses aventures d'une nuit qu'il avait vécues durant son absence. La manière dont ces hommes avaient réagi à ses morsures... n'était qu'un infime soupçon de ce dont Mihaïl était capable. Pour l'avoir vécu par le biais d'Oscar, il ne le savait que trop bien.

      Alors il résista... Cinq secondes.

      La surprise l'avait quitté et le désir avait pris le dessus sur tout le reste. Même l'avertissement de son Alter Ego avait été mis de côté, tout comme cette promesse de ne plus jamais le toucher. Même un simple frôlement devrait être proscrit, à présent...
      Il n'avait guère su s'y tenir bien longtemps. Mais ce n'était pas de sa faute... On l'avait tenté. Pauvre victime innocente qu'il était.


      Tu me manipules à merveille... Tu le sais ? Mais je ne sais pas si je serais capable de m'en plaindre.
      C'est ma punition, c'est ça ? J'en veux des comme ça tous les jours, dans ce cas. Et rien que pour cela, je serais capable de me droguer encore et encore pour avoir droit à ma délicieuse leçon de morale.
      Oh, mais quel mauvais garçon !


      Et ses pensées s'effilochèrent au fil des secondes pour finalement disparaître. Il n'y avait pas besoin de penser... Penser gâchait tout le plaisir. Et il voulait savourer ce moment qui ne se reproduirait sûrement plus jamais.
      Sans la moindre once d'hésitation, ses mains froides s'étaient glissées dans sa nuque, et sa peau morte aurait presque frémit à se caresses. Le désir le rongeait, toutes ces envies qu'il s'était interdites pendant des semaines entières ressurgissaient en masse et le torturaient. Il tenta de leur échapper, une seule fois, mais la main de son Alter Ego l'en empêcha.
      Mais pourquoi tant de souffrance ? Le plaisir n'est que torture... losqu'il ne peut être renouvelé.
      Peu importe... Il aurait volontiers donné tout l'or du monde pour disposer ne serait-ce que d'une minute d'un bonheur aussi parfait que celui-ci.

      Il ne calculait plus rien, seul subsistait ce désir presque bestial de le posséder tout entier, lui tout seul, rien que pour une nuit... Sa peau nue et chaude offerte dans son intégralité, juste pour cette fois... Il le ferait, n'est-ce pas ? Bien sûr qu'il accepterait, lui aussi n'attendait que cela, il le savait, il se sentait !
      Alors lorsqu'il prit place sur ses cuisses, il prit la décision de ne plus se retenir, jugeant ce moment exceptionnel et trop rare pour être ignoré. Ses mains se faufilèrent jusqu'à son dos et il le serra davantage contre lui, continuant de boire inlassablement son liquide de vie.
      La gourmandise et l'envie avaient depuis longtemps pris le dessus sur la raison, et s'il n'avait pas ressenti une infime faiblesse dans le corps de son protégé, sûrement aurait-il continué pendant une demi-éternité.

      Engourdi par une dangereuse excitation, il ôta ses canines de la peau de son protégé et n'eut même pas le temps de lui adresser le moindre regard envieux que déjà, ses désirs se voyaient de nouveau satisfaits sans même qu'il n'ait besoin de les formuler. Il céda à ses pulsions et gagna les cuisses du jeune homme qu'il orna de caresses. Il voulait plus, et il obtiendrait plus, il en était persuadé.
      Quelle ne fut pas sa déception lorsque son aimé cessa le baiser pour s'éloigner et échouer plus loin, beaucoup plus loin, beaucoup trop loin de lui...


      Conscient que ce n'était pas toi... ?
      Conscient, non, je ne l'étais pas, tu m'as bien emberlificoté.


      Une frustration spontanée s'empara de tout son être alors que cette dernière phrase se répétait inlassablement dans sa tête. Il n'avait pas estimé important de tenir compte de son précédent avertissement, avant que tout cela ne commence, et à présent il en payait le prix. Vexé, sa bouche se tordit en une grimace malveillante que la nouvelle demande de son protégé gomma instantanément.
      Tout... ? Maintenant, tout de suite ? C'était donc ça qu'il souhaitait...

      Lentement, il se redressa, contourna le canapé pour le rejoindre et s'asseoir à ses pieds.

      - Tu connais les conséquences d'une telle interdiction, n'est-ce pas ?

      Dit-il avec le sourire forcé de celui qui n'y croit qu'à moitié...
      Bien sûr que tu pourrais m'aider à passer outre, mais je doute que mon comportement envers toi ne reste convenable si tu me prives de mon remède. Je connais les raisons de ta demande, j'aurais sûrement agi de même, mais si je fais ça...

      - Je risquerai de devenir exécrable, colérique, vulnérable... Et je ne veux pas de cela, parce que cela signifierait que tout est redevenu comme avant, que rien n'a changé. Je... Je ne veux plus jamais hausser la voix sur toi, je ne veux plus jamais me montrer violent. Tout ça, c'est du passé, et moi, tout ce que je demande, c'est d'être heureux. Je suis heureux. Mais si c'était aussi simple que cela, ce serait bien trop beau. Si je continue à en prendre un peu alors que tu es revenu, c'est pour te protéger. Parce que je m'interdis de te toucher de nouveau, je n'y ai plus droit, cela a déjà causé trop de problèmes.

      Et pourtant, malgré ses paroles contradictoires, il obéit tel un enfant, disparut dans sa chambre et revint disposer ces drôles de remèdes tels des trésors qu'il étala sur la table basse avec des gestes de parfait maniaque, qui n'étaient autre qu'un déguisement à son tourment, dû à cette nouvelle idée qui s'était emparée de son cerveau.
      Une fois les boîtes classées par ordre de taille et soigneusement alignées, il se retrouva de nouveau aux côtés de son Alter Ego, s'installa de façon bancale sur le peu de place qu'il restait et reprit la parole.

      - Je t'ai tout ramené. Je n'ai gardé que le tabac ; à ce que je sache, tu ne t'y es jamais opposé. Enfin tu n'étais peut-être pas au courant, me diras-tu... Je peux continuer à fumer, ou tu veux aussi retourner toute ma chambre pour me priver de cigarettes ?

      Il laissa aussitôt tomber le léger désaccord qu'il avait laissé apparaître, malgré lui, dans sa voix. Son visage s'adoucit et il fut tenté de serrer sa Moitié dans ses bras, mais après ce qu'il venait de se passer, il était presque convaincu de ne pas savoir s'en contenter.

      - Et pourquoi se priverait-on tous les deux ?

      De nouveau relevé, il effectuait à présent les cent pas dans la pièce, tel un scientifique cherchant à prouver sa théorie de la meilleure façon qu'il soit. Il s'arrêtait là, pianotait sur le meuble, reprenait sa ronde infernale, se baissait pour ramasser un fruit égaré et finalement le laisser de nouveau s'échapper de ses mains... Jusqu'à finalement s'enraciner à quelques pas de Mihaïl, attendre de croiser son regard pour lui déclamer avec force cette idée qu'il avait laissé germée dans son esprit.

      - Pourquoi se torturer inutilement ? Tu ne te laisses plus mordre parce que je t'ai demandé de le faire, et moi je ne me droguerai plus pour la même raison. Mais... Si l'on faisait ce que l'on vient de faire plus souvent, alors ne serions-nous pas tous les deux satisfaits ?

      Et ne me fais pas croire que tu n'en as pas envie... Tu désirais tout autant que moi d'aller plus loin, je l'ai bien senti. Je peux t'apporter ce que tu désires... A condition que tu en fasses de même. Mais nous ne devrions pas avoir trop de souci à nous mettre d'accord sur ce point, j'imagine.

      Un haussement de sourcil appuya ses dires, deux pas en avant confirmèrent que cette idée n'était pas si anodine qu'elle aurait pu le paraître. Non, il n'y avait pas mûrement réfléchi, mais cette éventualité lui avait paru tellement logique qu'il n'avait pu s'empêcher de la formuler.

      - Tes morsures, mes caresses. Ta drogue et la mienne fusionnées en une seule. Nos promesses tiendront toujours, mais seulement à l'extérieur... Entre nous, on pourra se permettre de s'y adonner. Oh, bien sûr... Je t'accorde que cela n'est pas sans risque, certes. Mais...

      Mais quoi ? Je te supplie du regard d'accepter, alors que mon esprit rationnel s'y oppose : ce n'est pas raisonnable. Certes... Mais à quoi bon être raisonnable ? Tu es dans tes meilleures années, il serait tellement dommage de ne pas en profiter.
      Fais-moi profiter de la vie, Mil'... Fais-moi profiter d'être avec toi.
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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 11:37
      Un léger malaise s'empare de moi. Maintenant je me rends compte qu'il a beaucoup bu, involontairement sans doute. Pour ma part le temps et la quantité ne comptaient plus lors de cet échange, il aurait pu prendre toute ma vitae, je l'aurai laissé faire... J'aurai pu le laisser me tuer, car rien n'était plus important, plaisant et indispensable que cette morsure.
      Dépendance... tu ne m'atteindras plus. Une promesse silencieuse que ma volonté sera désormais inébranlable, en ce qui concerne ma sécurité... mais plus particulièrement celle d'Edwin.

      Je redresse la tête et pose mon menton au creux de mes paumes, les traits légèrement engourdis par la fatigue, observant Edwin dans les yeux. Je l'aurai pensé plus choqué par mon acte que je ne le suis moi-même, mais cela ne semble pas être le cas.
      Vivre cette expérience avec Oscar et quelques autres vampires ne me perturbait pas. Mais avec Lui, c'est bien différent... Après ce que nous avons vécu, et en me rappellant ce que nous sommes, je ne peux m'empêcher de trouver tout cela étrange... déstabilisant. Probablement parce qu'il est un homme... et que je l'aime.

      Bien sûr que je me rends compte de ce qu'implique ma demande. Une cure de désintox n'est pas sans risques. Mais Edwin... qui te dit que tout redeviendra comme avant ? Ce n'est pas possible.
      Je suis là pour toi, je peux t'aider. Si tu n'as pas la force de t'en détacher... J'aurai de la force pour deux. Je veillerai sur toi toute ma vie, je suis ton protégé tout comme tu es le mien. Je ne suis pas l'homme le plus courageux du monde, on l'aura compris... Mais s'il a une chose que j'ai apprise pendant notre séparation, c'est qu'assurer ses promesses est le meilleur moyen de ne plus se mentir et d'obtenir le résultat escompté. Tout ce que je te dirai, je le ferai, dussè-je il laisser ma vie, ou subir le mal que tu me feras...
      Car il n'y a que toi qui compte, et que je suis prêt à n'importe quoi pour toi.

      Toutes ces boîtes qu'il étale sur la table... Et dire que je ne me doutais de rien. C'est comme si je ne le connaissais plus aussi bien..
      Après quelques secondes, le temps de compter toutes les boîtes et avoir un pincement au coeur devant le résultat de l'addition, je lui réponds :

      - Non, les cigarettes, je m'en fiche...

      Si c'est tout ce qui doit te rester en guise de drogue, je t'accorderai celle-là.
      Comprends-moi, Ed, et ne m'en veux pas pour ça... Tu aurais sans doute fait la même chose pour moi, n'est-ce pas ?
      J'ai raison d'agir ainsi, je le sais.
      Je pense pouvoir te faire confiance, je sais que ce que tu as disposé là est tout ce que tu as.



      Je le suis du regard et l'écoute.
      La surprise de sa réaction retourne mon cerveau déjà embrouillé. J'ai bien entendu, là ? Non, c'est pas possible...

      - Mais quoi ?!

      Eclair de lucidité.
      Non, non, et non ! Ca va pas, la tête ?! Mais t'es barje !

      Je n'accepterai pas que tu te détruises... et que tu sois si facilement tenté de m'entrainer avec toi.
      L'illusion que tu aurais pu me faire confiance un jour vient de se briser en morceaux. A quoi bon avoir essayé... Je voulais choquer par mon comportement, il n'y a que moi que cela a choqué. Tu n'as pas compris la leçon. Tu ne veux pas m'écouter. A quoi bon essayer de te faire comprendre, Edwin, tu es drogué et borné ! Si tu n'avais pas de morale et si tu ne me prenais pas en compte un tant soit peu, ça fait longtemps que tu te serais jeté sur moi et que tu m'aurais manipulé avec des morsures pour obtenir ce que tu veux.
      Maintenant je le sais.

      Comment puis-je te faire confiance en découvrant ceci ? Tu ne m'écouteras pas. Tu voudras recommencer, et je douterais de toi, jusqu'à ce que le son de ce putain de violoncelle change, ce qui ne m'étonnera guère, en fin de compte.
      Tu ne penses qu'à toi, finalement... Être heureux n'est pas si simple, Edwin, loin de là... On ne l'est pas comme ça, en claquant des doigts. Je ne peux pas te promettre que tu le seras un jour, mais si j'ai fait ce que je viens de faire, c'est pour te venir en aide. Arrête de jouer les égoïstes, je sais que cela ne te ressemble pas, c'est cette merde qui te rend comme ça.
      Elle t'a déjà bien envahi.

      Pour que tu arrêtes de la prendre, je pourrais faire n'importe quoi, supporter tes rares excès de violence... J'ai changé, Edwin, peut-être ne l'as-tu pas encore remarqué. Je ne suis plus cette lavette qui croyait aveuglément au bien fondé de tes décisions. Là tu as tort sur toute la ligne, mon grand... Et je ne te suivrai pas, cette fois.

      - Te rends-tu compte de ce que tu me dis là ? Tu m'incites à me droguer pour satisfaire tes désirs... Au fond, ce que tu veux, c'est que je passe à la casserole, pour me jeter après comme ces inconnus qui sont tombés dans tes bras ? Tu me prends pour quoi, un gigolo ?

      Que fais-tu de Nous ? De ce lien surpuissant qui nous unit ?

      Tes propos me dégoûtent. Sérieusement, quand j'entends un truc pareil, j'ai envie de vomir.
      Mais tu n'y es pour rien, c'est la dépendance qui parle à ta place.

      - Tes morsures... J'en veux pas !

      Mon corps en veut. Mon âme les repousse, et il est hors de question que je baisse ma garde... j'en ai déjà trop souffert.
      Si je me laissais aller à mes envies, non seulement je pourrais en mourir, mais la situation tragique dans laquelle nous nous trouvions il n'y a pas si longtemps nous semblerait bien légère face à ce qui nous attend. Où sont donc passé ta volonté et ta raison ? Les as-tu oubliées en moi lorsque nous avons échangé nos corps ? Si c'est le cas... C'est moi qui me chargerai de ta sécurité. Autant et aussi longtemps qu'humainement possible.

      Je ne suis et ne serai jamais ton aventure d'une nuit. A moins que je me trompe sur ton compte... Te connaîtrais-je aussi mal ? Ton attitude me fait douter de toi, Edwin.
      Peut-être n'es-tu pas mon Alter Ego, finalement...

      Prouve-moi que j'ai tort de le penser... s'il te plait...

      Si te secouer comme un prunier pouvait te faire reprendre tes esprits, sois sûr que je m'en donnerais à coeur joie. Mais le résultat se verrait probablement inversé, tu me sauterais dessus. Ca te plairait, ça, hein ?
      Tu finirais comme François... A faire n'importe quoi pour obtenir ce que tu souhaites, et à ne même pas lutter pour ta survie.

      Je reboutonne mon col. Sait-on jamais, ça pourrait te donner des idées... Faudrait-il que je porte un voile pour me protéger de tes envies douteuses ?
      J'en viens à avoir peur que tu me sautes dessus... A avoir peur de toi. Une frontière froide nous sépare en cet instant-même... En doutant du bien fondé de ma réaction, tu perds ma confiance, Ed. Et il n'est pas simple de la récupérer.

      Je n'ai pas envie de ton corps, je ne veux rien d'autre que ton coeur. Nos drogues nous font réagir comme des animaux... ne comprends-tu pas que si j'ai eu envie de toi pendant un instant, cela n'avait rien de normal, de sincère ?

      Désires-tu gâcher cette relation que nous avons eu tant de mal à construire ? Pas moi.
      Je sauverai ton âme, Edwin, mais cela n'aura rien d'agréable... Pour aucun de nous deux.


      La réunion des Dépendants Affectifs Anonymes a commencé. Après la leçon numéro 1 carrément foirée, leçon numéro 2 : La culpabilisation.

      Je me lève, lui fais face, silencieux durant de longues secondes. Mon regard, triste, profondément blessé, se plonge dans le tien. Le bleu tente de percer le voile opaque qui lui cache le violet. La paume de ma main claque sur sa joue. Je n'ai pas frappé pour lui faire physiquement mal, mais pour lui faire comprendre combien son attitude me déçoit.
      Ma gorge s'arrache un mot glacé.

      - Profiteur !

      Plus personne ne se jouera de moi ! Pas même toi.

      - Tu veux des caresses ? Eh ben voilà... Quand on cherche à me manipuler, je caresse comme ça.

      A moins de me priver de ma liberté... tu ne me possèderas pas. Et si jamais tu suis l'exemple de François... je te priverai de mon coeur.
      Ne deviens pas comme lui, je t'en prie... Trouve la force de penser par toi-même ! Je sais que, là, au fond de toi, tu sais ce qui est mal, ce qui est bon. Ne perds pas le contrôle de ta propre personne... Suis-je donc la seule personne lucide dans cette pièce ?


      J'aimerai te prouver à quel point tu comptes pour moi... t'embrasser, te serrer contre moi, ce que j'aurai été incapable de faire il y a quelques mois... Mais tu en veux bien plus, alors je ne le ferai pas. Plus je te donne et plus tu en redemandes.

      Tu veux ma vie... un jour tu finiras par la prendre.




    Edwin Vanelsin

      Et toi, tu n'es qu'un menteur.
      Car tu n'as pas changé le moins du monde.
      Tu es resté celui que j'ai connu avant ton départ, celui auquel je me confrontais sans cesse, celui que je voulais détester. Ce n'est pas ce Mihaïl-là que j'aime. Mais celui-là, tu finiras par l'étouffer, à force de vouloir être dur comme la pierre et fort comme la roche.

      Pourquoi me caches-tu toujours ta sensibilité après tant de temps ? Cette fois, je ne viendrai pas te supplier à genoux, ce temps-là est bien loin derrière moi. Si tu restes aussi froid, je t'abandonnerai. Oui, tu as raison, je ne suis qu'un égoïste, un sale petit profiteur. Je ne prends que ce qui m'intéresse, et je rejette le reste.
      Lorsque tu n'étais pas là, j'en étais malade. Malade à un point que tu ne saurais imaginer. Mais en te voyant tel que tu es, là, je commence à me persuader que si tu avais pu choisir, tu serais sûrement resté là-bas.

      Pourquoi tant de dureté, si tu m'aimes ? Tu crois peut-être que ça va m'aider à quoi que ce soit ? Tu me fais mal... C'est tout ce que tu y gagnes. Tu me fais mal, exactement comme avant.


      Ses propos le blessaient, atteignaient son âme et sa fierté, et il les encaissait tant bien que mal, car il n'avait pas vraiment le choix. Et puis... c'était la seule possibilité qui s'offrait à lui. Quelques mois plus tôt, il aurait éclaté en sanglots, il l'aurait imploré de revoir son jugement, lui aurait prouvé par A + B que non, il n'était pas fait de cette façon-là.
      Mais aujourd'hui, non. Aujourd'hui, il demeurerait silencieux face à toutes ces accusations, même s'ils ne les acceptait pas. A quoi bon se lancer dans un combat perdu d'avance ?

      A sa gifle, il ne broncha pas, se contentant de baisser le museau tel un enfant qui aurait reconnu sa bêtise, sans pour autant disposer du courage nécessaire pour la reconnaître. La douleur était cuisante, mais contre toute attente, ses yeux ne se bordèrent pas de larmes.
      C'était un regard écoeuré qui remonta finalement et se planta dans celui de son Alter Ego. Anormalement calme, il laissa quelques secondes s'écouler, afin de reconstituer tel un puzzle toutes les phrases qu'il avait prononcées, de les observer dans leur ensemble, et d'en déduire que...
      Non. Il n'avait rien à déduire.

      - Je ne suis pas idiot au point de te la rendre. Je ne suis pas encore tombé si bas. Je suis sorti du gouffre, et je n'y replongerai pas, quoi que tu fasses, quoi que tu veuilles, quoi que tu puisses en penser.

      Le plus simplement du monde, il haussa les épaules et répondit d'un ton léger, comme si tout cela n'avait aucune importance.

      - C'était une idée comme ça, de toute façon.

      Et il s'éloigna.
      Hors de question de s'écraser, cette fois. Impensable d'avouer ses torts, il n'en avait pas. Qui donc avait tenté qui ? Qui avait manipulé qui ?

      - Tu n'as pas changé, pendant tout ce temps. Tu n'as que des mots durs et cruels à la bouche. Et tu remercies ma sincérité à coups de beignes dans la figure. Tu serais bien naïf de croire que je réagirais pareillement. Moi, j'ai changé, et j'ai su le faire sans toi. Alors ne me remets pas des bâtons dans les roues, Mihaïl. Ne me laisse pas croire que j'étais plus heureux sans toi.

      A quoi bon tenter de te faire réagir ? Tu es aussi têtu que moi.
      J'abandonne, j'en ai assez. Si c'est pour m'engueuler que tu es revenu, tu peux refaire ta valise.
      Bon Dieu, je veux être heureux, HEU-REUX ! Tu peux le comprendre, ça ?

      - Je ne veux pas qu'on se dispute... Pas pour ça. Je suis las de ces engueulades inutiles que nous provoquions parfois volontairement. Pense ce que tu veux de moi, je n'en ai rien à faire. Pervers profiteur et égoïste... C'est tout ce que t'as à me dire après des mois d'absence. Et tu oses encore prétendre me connaître ? Tu me fais bien rire...


      Il se voulait dur, imperturbable et impénétrable, mais sous cette carapace d'acier, il était plus qu'affecté par tout ce qu'il venait d'entendre. Il en aurait chialé pendant des heures, tel un gamin capricieux qui ne se résout pas à accepter son sort, mais il faisait comme si tout cela ne l'atteignait pas. Comme s'il était trop fier pour recevoir ces mots douloureux.
      Dédaigneux, il l'obervait de loin, contenant à merveille toute la colère et toutes les protestations qu'il mourrait pourtant d'envie de déverser.

      Pourquoi te contentes-tu de m'envoyer tout le négatif de notre relation en pleine face ? Tu ne connais donc pas les compliments ? Comment penses-tu que ça puisse marcher, si tu passes ton temps à critiquer mes agissement et à m'interdire de vivre comme je le souhaite !

      - Ca fait plus de cent ans qu'on m'en fait baver, et crois-moi, je ne laisserai plus jamais personne me torturer comme tu l'as fait, comme ils l'ont tous fait. Je me contrefiche de ce que tu peux penser de mon utopie, de ce désir d'accéder au bonheur ; mais moi, je m'y accroche. Je veux être heureux. Si tu me suis, tant mieux, si tu ne me suis pas... tant pis. Car ce sera avec ou sans toi. Bien évidemment qu'à choisir, je préférerais t'enfermer avec moi dans une bulle de joie, mais... puisque tu te méfies tant de moi, cela me paraît difficile. Mais ce n'est pas grave, tu sais... Je trouverai quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui m'appréciera pour ce que je suis, quelqu'un qui me prendra dans ses bras sans s'imaginer que je suis aussi impulsif qu'une bête et que je lui sauterai dessus, quelqu'un qui... me fera confiance.

      Mais tu me fais encore un peu confiance, n'est-ce pas ?
      Un tout petit peu...


      Il s'était déplacé jusqu'à la chaîne-hifi, le visage adouci, comme allégé depuis qu'il avait extériorisé ses pensées. Il ne lui en voulait pas vraiment pour ces mots durs, non... Il n'avait plus la force de lui en vouloir. Et puis à quoi bon ? La rancune avait depuis longtemps quitté ses pensées. A présent qu'il était revenu, tout ce qu'il souhaitait, c'était profiter de sa présence. Et les disputes faisaient perdre du temps.
      La chanson des Beach Boys emplit la pièce et un léger sourire éclaira son visage alors qu'il se tournait de nouveau vers son... protecteur.

      - C'était ce que tu chantais, il y a une heure de cela. Lorsque tu étais heureux...

      Je sais, ce que j'ai dit tout à l'heure t'a semblé grave... Mais fais comme si tu ne l'avais pas entendu.
      Si vraiment tu as changé, tu devrais en être capable.

      - Si c'est ça que tu veux entendre : Je suis désolé. Mais je n'ai pas à l'être. J'ai agi de façon impulsive, mais tu savais très bien que je réagirais de cette façon, cela m'étonne que tu ne l'aies pas anticipé. Tout ce que tu en as déduit, c'est que j'étais...

      Je n'oserai même pas le répéter. Ca me démollit de l'intérieur. Si j'avais su... Jamais je n'aurais abordé ce sujet si délicat. Je voulais t'en parler, je voulais me confier à toi, et c'est ça que j'ai récolté.
      Tu n'as pas besoin de culpabiliser, je sais que tu ne le feras pas. Tu es persuadé d'agir pour le mieux, à quoi bon... Nous sommes deux égoïstes.
      Et puis... Tu m'avais promis que tu ne me giflerais plus.
      California dreamin', on such a winters day... Ouais, voilà, c'est ça. Exactement.

      Une lueur d'espoir scintilla dans le fond de ses prunelles alors qu'il se pelotonnait sur le canapé.


      Arrête de me détruire... Moi aussi, je veux être libre. Tu m'enfermes tout autant que je le faisais avant. Je sais, tu veux mon bien. Je sais, toi aussi, tu veux profiter des années qu'il te reste à vivre. Mais ne le fais pas de cette manière-là, s'il te plaît...
      Faut-il donc que l'on se mente pour être heureux ? Que l'on se cache sans cesse la vérité ?

      Je n'ose même plus ouvrir la bouche. Qu'est-ce qu'il sortira de la tienne, si je prends la parole ? Tes remontrances m'agacent, je ne veux plus les entendre. Je n'ai pas le temps de les entendre, j'ai bien trop de choses à faire.

      California Dreamin', on such a winters day...
      Tu les comprenais au moins, ces paroles, ou c'était juste pour le plaisir de les chanter à tue-tête sous la douche ?

      - Un jour... j'en aimerai un autre.

      La petite marmotte est d'accord, elle me l'a dit.
      Elle m'a menti, n'est-ce pas ?
      Qui donc voudrait d'un... pervers-profiteur-égoïste-manipulateur ?

      Il lui jeta un discret coup d'oeil, puis se ravisa, de peur que ce simple regard soit une fois de plus mal interprété. Mais les mots lui échappèrent, malgré lui... Car lui ne savait pas mentir.
      Et se taire, c'est mentir.

      - J'ai froid.

      Froid de l'intérieur.
      Mais tes bras sont si chauds...
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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 11:41
      Je l'observe s'éloigner de moi... et dès cet instant, je me sens comme l'homme le plus seul du monde. Vide absolu.
      "Une idée"... une simple idée... En t'écoutant je ne suis plus sûr de rien, de toi... et encore moins de moi. Me serai-je trompé sur toute la ligne ? Comment ai-je pu...
      Comment ai-je pu prétendre te connaitre, effectivement... Toi aussi tu n'es plus le même.

      Comment ai-je pu me méfier de toi, penser que tu me manipulais ? A défaut de l'appel de la morsure, c'est la paranoïa qui m'a envahi. Une fois de plus.
      J'ai dû croire que tu étais comme moi... Que tu serais assez stupide pour te laisser entrainer là-dedans et t'en rendre compte bien tard.

      Illusion. Nous sommes loin de nous ressembler.

      Cette attitude sereine que tu affiches... je sais que c'est du bidon. Je ne te crois pas. Je t'ai fait mal, et je m'en rends toujours compte bien trop tard... Heureusement que je ne suis pas bien plus bavard, j'en ferais, des dégâts.
      Mes yeux rencontrent le sol. Mon corps est aux abonnés absents. Cette multitude de questions qui me suivra éternellement refait son apparition, tandis que chaque syllabe s'échappant des lèvres d'Edwin transperce mon coeur comme une aiguille.

      Autour de moi le vide prend de plus en plus de place, au fil des secondes. Cette gifle... Ce que je donnerais pour que tu me la rendes...

      Froid... T'as froid... Ben on est deux.


      La porte claque, étouffant le son de California Dreamin. Et là je me rends compte combien ma chambre est sombre. Combien mon âme est sombre. Me retrouver dans une autre pièce que lui, est-ce vraiment ce que j'ai trouvé de mieux à faire ? Pitoyable. Vraiment pitoyable. C'est probablement ce qu'il doit être en train de penser. Je pense que je lui fais pitié, parfois... et je comprends qu'il ai voulu m'oublier en me remplaçant.

      Marre d'être pitoyable. Je le deviens encore plus quand je me lamente sur mon sort.
      Tant qu'à vouloir te persuader que tu es un homme et que pour ça tu dois jouer les durs, sors donc de cette chambre, andouille, et assume !

      Ses mots me reviennent à l'esprit...
      Je le... torture.

      Un vent sibérien me glace le corps. La fenêtre est fermée. Une stupide larme gêle sur ma joue et se brise. J'ai arrêté de respirer.
      Je suis mort à 2h du matin aujourd'hui. Anéanti par ma stupidité, le brouillard, et la vérité.

      J'enfile un sweat, car le froid qui m'envahit est tant mental que physique.
      J'abaisse la poignée, pousse lentement la porte, et pose mon front contre l'encadrement, balayant d'un regard confus et honteux le salon dévasté. Toujours installé sur le canapé, me tournant le dos, mon Autre se meurt. Et mon coeur se déchire depuis si longtemps... Si je suis aussi sombre de l'intérieur, c'est probablement parce que je n'en ai plus. Oui, voilà la raison de tout. Voilà pourquoi je n'aime pas, voilà pourquoi je suis si dur avec Toi.
      N'avoir aucun coeur... Maintenant je saisis tout le sens de cet expression. Ca me saute aux yeux.

      Un monstre...

      - ...Je suis un monstre.

      Le murmure se fait à peine audible mais tu l'as entendu. Tu sais que ces mots ont été souvent hurlés par mon âme, autrefois... Non, je n'ai pas vraiment changé. Je me suis seulement aigri davantage. Rien de plus. Je suis toujours le même salaud... mais j'ai finalement appris à l'assumer.

      Je sors de ma chambre, fais un pas ou deux... et m'arrête encore. Un sanglot plutôt silencieux m'échappe et une boule acide ravage ma gorge, tandis que mes mains viennent cacher mon visage, comme pour préserver mon regard d'une vision plus que pathétique de mon être et de tout ce qui me rappelle moi-même.
      Larmes, vous ne servez à rien... Mais qui suis-je pour prétendre me passer de votre voile. Qui a dit que vous étiez proscrites ?

      Un imbécile. Je ne suis qu'un imbécile, c'est certain et certifié, daté, signé.

      Je ne parlerai pas car j'en ai déjà assez dit pour ce soir. Les mots n'ont plus besoin d'être, des excuses que tu penseras flottantes et sans fond sont à exclure. Et puis m'excuser de quoi, finalement ? D'être moi ? Evidemment, MOI, puisque visiblement je n'ai pas d'autre réponse à mes problèmes. Mais cette haine pour moi-même, cet égoïsme étrange, ces paradoxes, tu ne les connais déjà que trop bien. Nos plaies sont profondes et je n'y remuerai pas le couteau.

      Je contourne le canapé, présente à tes yeux ma grandiose déchéance en forme de silhouette humaine, les yeux rougis et humides, l'expression absente et limpide à la fois. Comme si le marbre de mes traits s'était carapaté avec toute représentation de mes sentiments. Je n'ai visiblement rien d'autre à t'offrir.
      A moins que...

      Je m'approche davantage, sans te regarder car j'ai honte de planter mon regard si dur dans tes prunelles si sensibles, je replie mes jambes sur le canapé, plus ou moins face à toi, et serre le plus soigneusement possible ton corps froid dans mes bras.

      ... oui, à moins d'oublier qui je suis. Simplement.
      Me remodeler à ton image. Oui, tu es mon modèle... Malgré tout, tu l'as toujours été. Je ne suis que ton reflet, pâle copie physique de l'original qui est le seul foyer de l'âme complètement perdue d'Edwin Vanelsin et de son petit con de protégé.
      Je suis ton ombre. Comment une ombre a-t-elle pu prétendre te juger, mon Tout ?

      Je t'en prie... N'en choisis pas un autre. Aime-moi. Je ne suis rien sans toi. L'égoïste de service ne s'en ira pas comme ça. Tu l'as adopté, va falloir le supporter. Je suis le seul, l'unique, que tu auras le droit d'adorer.

      En me détachant un peu de lui, je laisse glisser ma joue tiède contre la sienne froide, et vient enfin croiser son regard. Quelques secondes d'un infini silence... et puis je ferme les yeux, pour ensuit dévoiler des iris dont on aperçoit enfin le bleu profond car je les ai lavées de tout. Absolument tout. Un léger sourire, sincère, sans arrière-pensée - voire même sans pensée aucune - s'étire sur mes lèvres tandis que je prends son visage dans mes mains.

      Reset. Retour à la case départ. Bonsoir, je m'appelle Mihaïl, et toi ? Tu voudrais pas être mon alter ego ?

      Oui, c'est facile, de tout recommencer. Je le sais. Mais après tout... Nous n'avons pas encore essayé la facilité.
      Le pire dans tout ça... c'est que ce que je m'apprête à faire n'est finalement pas si difficile que ça, quand on ne pense pas aux éventuelles conséquences désastreuses, ni à tout ce qui a pu se passer avant.

      Je glisse mes doigts dans sa douce chevelure et lui offre le baiser le plus sincère et tendre que je n'ai jamais donné. Il durera le temps que tu voudras, il ne t'échappera pas. Ranime mon coeur mort, Edwin... quoi que tu en dises, il n'a jamais effectué le moindre battement. Ma vie n'est qu'une illusion, c'est un corps mort et vide qui savoure tes lèvres et te touche comme si demain était un autre jour... comme s'il profitait de l'instant présent sans se poser de questions.

      Carpe Diem.
      Moins je pense... et plus je t'aime.

      Peu importe ce qui se passera demain... Je ne veux pas le savoir. J'ai confiance en Toi.. foi en Toi... Punis-moi d'avoir osé douter.
      Ce geste n'est pas là pour me faire pardonner. Je veux que tu saches que je m'en remets à toi, et que je te suivrais toujours. Drogue-moi, mords-moi, fais ce que bon te semble, si cela te semble juste. Tout ce que je te demande... c'est de ne pas laisser une substance néfaste, autre que moi-même, altérer ton jugement et ta volonté.


      Profite de ma vie autant que possible, ô mon "pervers-profiteur-égoïste-manipulateur" préféré.
      Et serre ton bourreau contre toi, malheureux condamné...

      Même si tu sais qu'il finira par enflammer ton bûcher.





    Edwin Vanelsin

      Quel enfoiré.
      Edwin Vanelsin, tu n'es qu'un enfoiré. T'entends, t'enregistre ? Un en-foi-ré.
      Tu cries haut et fort, à qui veut l'entendre, que tu feras tout pour que la situation ne retombe pas dans le passé, et que tout soit différent. Mais entre tes promesses et tes actes, il y a un décalage énorme.
      Ouvre donc les yeux, pauvre andouille, et observe ce que tu viens de faire. Tu as eu des paroles dures qui ne l'ont pas laissé indifférent, et il s'est enfermé dans sa chambre pour aller pleurer. Ca ne te rappelle rien ?
      Oui, rien n'a changé, tout est comme avant. Bravo, ta perspicacité est étonnante. Tu m'épaterais presque... Si tu ne me faisais pas autant pitié.
      Oui, je m'écœure moi-même. Et notre "couple" m'écœure aussi. Nous sommes ridicules, j'en aurais presque honte... Je veux que tout cela cesse, je n'en peux plus.
      S'il revient, je le...


      Lorsque le bruit de la porte perturba son monologue intérieur, il figea la trajectoire de ses iris tout en décrispant sa mâchoire. La rage contre ce perpétuel recommencement qui avait déformée ses traits, l'espace de quelques secondes, s'évapora à son tour, laissant place à une curiosité ainsi qu'à une légère anxiété qui se faisait sûrement ressentir.
      Qu'allait-il recevoir, cette fois ? Des protestations, des cris, des gifles ? Car ça n'allait pas en rester là, n'est-ce pas ? Il y aurait forcément une riposte, un coup en retour du sien qui achèverait de l'assommer.
      Mais non... rien. Ou presque.

      Un monstre ? Mais qu'est-ce que tu es encore allé te fourrer dans la tête... Arrête ça, s'il te plaît. Arrête. Penses-tu que je me serais rendu malade au point de tout abandonner à cause de toi, si tu n'étais qu'un monstre ?
      Tu es vraiment stupide. Et je serais bien stupide de réagir à de telles paroles.
      Quand prendras-tu conscience que tu es plus que fabuleux ? Tu es modeste, c'est cela ? Je finirai bien par te le faire comprendre. Après tout, nous avons passé une année à nous cracher nos défauts à la figure. Il serait peut-être temps d'apprendre à apprécier tout le reste.
      N'es-tu pas d'accord ?


      Même les froissements de vêtements qu'il percevait dans son dos ne parvenaient pas à lui faire tourner la tête. Il restait droit, le regard planté dans le vide, comme paralysé par une peur qu'il n'aurait su définir. Jusqu'à ce que le corps de son Alter Ego ne s'impose à son champ de vision, telle une apparition dont l'on ne peut se défaire, et qu'enfin, il ne prenne le temps de le contempler avec un regard qu'il voulait neuf et différent.
      Les larmes avaient rongé son visage, et il ne faisait aucun doute que son âme ainsi que le peu de fierté qui lui restait avaient dû en prendre un sacré coup. Mais la culpabilité ne serait pas au rendez-vous, du moins pas de sa part, et même si cet anéantissement lui faisait peine à voir, il se faisait violence pour ne pas tomber dans le pathétique et éclater en sanglots en se fondant dans d'innombrables excuses tout aussi pitoyables.

      Avec difficulté, il empêcha une amorce de mouvement et se contenta de l'observer dans le blanc des yeux, attendant qu'il ne se décide à effectuer le premier pas.
      Rien ne sera plus comme avant... C'était son obsession, et il en devenait ridicule, à enfourner de force cette résolution dans son esprit et à se l'imposer en permanence. Toutes ces interdictions le dévoraient de l'intérieur, et il avait fallu qu'il reste seul ne serait-ce qu'une minute pour se remettre à penser et à s'empoisonner l'existence à coup de réflexions envenimées.

      Mais à quoi bon se faire tant de mal, alors qu'il serait si simple de tout oublier... Juste pour quelques secondes, quelques minutes tout au plus, quelques heures dans le meilleur des cas, l'éternité si besoin est.
      Non, pas l'éternité... Si tout était agréable, la vie n'aurait plus aucun sens. On ne peut savourer le rose uniquement s'il est étalé sur une couche toute de noire vêtue. Et qu'importe son épaisseur... Elle n'en fera que ressortir davantage ces petites taches claires et délicieuses.
      Et je pense encore... Ça ne cessera donc jamais ?

      Je sais que tu penses à la même chose que moi. Oui, toi aussi. Je le lis dans tes yeux.
      Allez, viens, viens donc. Tu vois, j'ai déjà oublié ces mots que tu m'as adressés, ces attitudes que tu as adoptées. Elles se sont envolées et elles ont éclaté telles des petites bulles de savon. Pouf ! Disparues. Je ne me souviens plus de rien. Seulement de toi et de ton visage si serein.


      Et alors que son Autre l'enlaçait, il ferma les yeux. Ses paupières balayèrent tout ce qu'il restait du monde réel pour plonger dans un univers de sensations tout autre, dans lequel la pensée serait proscrite, afin d'apprécier ce moment et de prendre le temps de se blottir contre lui, de se laisser rassurer par ses bras et de s'abandonner en toute confiance à cette étreinte.
      Car oui, il avait besoin d'être rassuré, de savoir que quelqu'un était là pour lui, à tout moment, à le soutenir, à l'épauler, à l'apprécier et à l'aimer. Et qu'importe les circonstances, qu'importe les problèmes rencontrés, puisque cette Union saurait faire face à tout et n'importe quoi.

      Lorsque j'ai prétendu être capable d'en aimer un autre... J'ai menti.
      Mais ça, j'imagine que tu n'en doute pas.
      Laisse donc ta joue contre la mienne, mon ange. C'est maintenant qu'il faut profiter, maintenant ou jamais. Car nous nous disputerons de nouveau, c'est certain. Et si ce n'était pas vrai, ce serait bien trop beau. Nous ne vivons pas dans un conte de fée, Mil'... Et nous ne sommes pas faits pour être en permanence sur la même longueur d'ondes.
      Mais pour le moment... Chut.

      Et il se plongea dans la profondeur infinie offerte par ses prunelles tendres et sincères qu'il admirait tant. Ce visage lui semblait nouveau, et celui-là, il n'avait pas l'intention de le perdre à nouveau. La façade de pierre était tombée, et il était le premier à s'en réjouir.
      Il lui rendit le reflet de son sourire et passa ses bras autour de son cou lorsqu'il le sentit s'approcher. Et il souriait comme un enfant lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes.
      Les instants où il était heureux sans penser à quoi que ce soit étaient rares... Trop rares pour ne pas être appréciés.
      Ce baiser-là, il le savourerait, et il le ferait durer le temps qu'il faudra, suffisamment pour lui montrer tout ce qu'il pouvait éprouver, ni trop afin de lui prouver que ce qu'il ressentait en ce moment-même était bien éloigné du simple désir physique.

      Il y avait quelque chose de magique... Quelque chose qu'il n'aurait su expliquer et qu'il s'interdisait de comprendre. Quelque chose qui l'incitait à ne plus avoir peur de quoi que ce soit, et à ne plus jamais douter de son protégé ni de lui-même. A ne plus jamais douter d'Eux et de cette relation complexe et merveilleuse qui les unissait.

      Ses lèvres finirent par glisser sur sa joue, et il s'écarta légèrement pour contempler son visage, ses mains posées sur sa nuque.

      - Tu es magnifique.

      Ton visage est magnifique. Il respire la gaieté et exalte la sincérité.
      C'est ainsi que je t'aime, Mihaïl.
      Comment oses-tu douter de toi et de traiter de cette manière ? Un monstre... Mais un monstre magnifique, Mil', ça n'existe pas.

      - Si tu te compares encore une seule fois à quelque chose d'atroce, je jure de te faire avaler ta langue. Tu n'es pas immonde, tu n'es pas monstrueux, Mihaïl... Tu es extraordinaire. Te le répéter ne servirait sûrement à rien. Non, tu n'es pas parfait. Non, tu n'es ni l'être le plus courageux de ce monde, ni le plus joyeux, ni le plus franc. Mais cela ne m'empêche d'être amoureux de ce que tu es.

      Sans le quitter des yeux, il posa sa main sur son cœur de vivant et poursuivit d'une voix douce.

      - Si je te dis que je t'aime, cela te fera rire, n'est-ce pas ? Et puis, dans le fond, ce n'est même pas vrai. C'est bien plus que cela. Aimer est un verbe bien trop banal pour toi. A tout être extraordinaire mérite sentiment extraordinaire. Et ce que je ressens pour celui qui se trouve en face de moi dépasse l'entendement, et n'a rien de comparable avec tout ce que l'on peut nommer. D'ailleurs, ça ne s'explique pas, ça se savoure, et puis c'est tout.


      Une de ses mains caressa sa joue frémissante, tandis que l'autre alla chercher sa semblable pour l'étreindre avec amour et tendresse. Il aurait préféré se taire, mais depuis des mois déjà, il avait pris conscience de ne pas en être capable bien longtemps.

      - Je te promets de ne plus toucher à quoi que ce soit de mauvais. Puisque c'est de tes lèvres que ça sort, alors ça ne peut qu'être bon pour moi. Elles s'ouvrent peut-être trop peu à mon goût, mais elles ne le font jamais dans le vide, et tout ce qui en sort ne peut être insensé. Mil', avec tes mots, tu pourrais me faire croire que le ciel est rose, que la Mort n'existe pas, que le monde est un refuge de paix et de sérénité, et à bien d'autres choses encore. Il suffit que ce soit toi qui le prononce pour que cela prenne un sens...


      Ses lèvres s'étirèrent en un nouveau sourire resplendissant, et il l'embrassa brièvement sur le front avant de le serrer contre lui, de passer à son tour ses bras autour de ses épaules pour l'envelopper dans une étreinte emplie de douceur et de vérité et pour sentir son cœur tambouriner contre sa poitrine morte. Ses battements se répercutaient à l'intérieur de sa cage thoracique et rebondissaient contre ses parois, créant ainsi un mouvement semblable à celui qui animait le sang de son Alter Ego. Il savourait ce souffle chaud qui se dispersait dans son cou et le faisait frémir de jalousie.
      Il aurait tant voulu posséder le même... Mais s'il en était l'heureux propriétaire, sûrement ne l'apprécierait-il pas de la même façon.
      C'était mieux ainsi... Que lui soit mort et son Autre vivant. Puisque c'était ainsi que la Nature en avait décidé, alors il ne pouvait en être autrement.


      Mais tu sais, Mil'... Je ne serai jamais ce père qui t'a adoré. Je ne serai jamais ce frère qui te comprenait. Je ne serai jamais cet ami qui t'aime à sa manière à lui et dont tu ne me parleras jamais.
      Je ne suis QUE ton Alter Ego. Rien de plus, rien de moins.
      Ne me considère pas comme le seul et unique élément nécessaire à ta survie.
      Mil'... J'ai tant à te dire, mais c'est toi qui as raison, il y a des moments où il vaut mieux se taire. Une fois de plus, j'ai gâché le silence de par mes paroles. Certaines choses ne peuvent être changées, je le crains.

      Après, je te montrerai ce que j'ai composé pour toi, j'en meurs d'envie, mais pas tout de suite. Pour l'instant, je veux profiter d'être contre toi et de pouvoir te serrer dans mes bras. Puisque pour le moment, tu m'y autorises, alors je me le permettrai. Et dès que tu t'en lasseras, j'arrêterai. Tout simplement.


      Impuissant face à cette tendresse, il se laissa tomber en arrière, le dos contre le cuir, tout muscle détendu, paupières closes, serrant simplement la main de Mihaïl dans la sienne. Il caressait son dos de son pouce, découvrait ses os et chaque parcelle de sa peau du bout des doigts.
      Mais il avait beau être suffisamment fort pour parvenir à stopper ce flot de pensées, la parole n'était pas décidée à le quitter de sitôt.

      - Empêche-moi de parler. Prends-y toi de la manière dont tu voudras, mais fais-moi taire.

      Couds-moi donc les lèvres, si besoin est... Mais empêche-moi de tout gâcher.
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    Atticus

    Atticus

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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 11:45
      J'ai le sentiment de ne plus être moi-même... Au fond, je crois que je n'ai jamais vraiment su qui j'étais. J'ai souvent vécu en fonction des autres... Je ne suis qu'un reflet.
      Tandis que je t'embrasse, je ne peux m'empêcher de penser. C'est plus fort que moi. Pour refouler cette vieille pulsion de recul, je m'éjecte à l'extérieur de mon corps et nous observe en spectateur silencieux, qui ne peut plus agir sur nous deux.

      Le contact est désormais instinctif... et tellement facile. Je nous regarde de loin, et j'envie ce type blafard, là, que tu regardes avec amour, que tu enlaces avec tant de tendresse. Il a bien de la chance. Tout en me tournant les pouces dans mon coin, la tête basse, je me dis que tout serait bien plus simple si ce corps humain était habité par une toute autre personne que moi.

      J'erre comme un fantôme dans le salon en tenant la chandelle, en vous regardant vous bécoter, l'air heureux. Tout n'est qu'illusion... Vous n'êtes pas heureux.
      Mais à deux, vous avez envie d'y croire, et c'est pour ça que j'en suis jaloux. Tout seul, je ne suis rien. Absolument rien.
      Je suis invisible mais pourtant présent, je suis votre bête noire, cette petite chose qui vous tracasse. Je suis l'incompréhension, le trouble, les questions, la peur. Vous m'avez oublié durant un instant, vous m'avez ignoré. Mais sachez que je ne serai jamais loin... Je suis le doute.
      Vous pensez pouvoir me chasser... Que vous êtes naïfs ! Petit couple ridicule, paumé et pathétique... Vous me faites pitié.
      Edwin & Mihaïl sans le doute ? Non non, ça n'existe pas.
      Ca ne rime à rien...

      MAIS TA GUEULE !! Tu sers à rien.
      Non, Toi, tu sers à rien. T'existes pas plus que moi.
      Fou... Je suis fou.
      Dans le Mil'...

      ...

      Ce baiser était... sublime. Il m'a transporté dans un autre monde, il m'a fait tout oublier... Mais pour l'apprécier il doit rester rare, à défaut d'être unique. Il était totalement différent du premier de ce soir... Il avait largement plus de goût.
      Edwin... tu me rendras dingue. Il y a tellement de choses qui se bousculent dans ma tête, à propos de toi, de moi, de nous. Je me noie dans le doute, j'en perds ma raison... Je voudrais à la fois te fuir et faire partie de toi.

      Ton regard me hante et j'ai l'impression d'y lire ce que je suis, ce que tu vois de moi. En effet, je ne suis rien de plus qu'un simple reflet... du moins à mes yeux.


      Magnifique... magnifiquement paumé, oui...
      Je ne rierai jamais de ce que tu me dis. Mais il y a des choses que tu n'arriveras jamais à me faire croire. Je suis loin d'être magnifique, et rien ne pourra me persuader du contraire, pas même toi. Si je devais ressembler à ce que je suis à l'intérieur, tu me trouverais si laid que ça te ferait mal aux yeux. Que sais-tu de moi, finalement ? Peu de choses. Ou bien quelques aspects négatifs, ceux que j'ai fini par te montrer.

      Des qualités, j'en ai peut-être, mais je ne les prends pas en compte, tu ne les connais donc pas. Qui pourrait dire que je suis gentil, sympa, intelligent ? Personne. Pas même moi. Surtout pas moi. En revanche, mes défauts, c'est ce qui me caractérise. Youri m'en a envoyé des containers complets pendant des années, tu m'as souvent fait des reproches également. J'ai fini par les accepter et les intégrer pleinement, sans chercher à m'en défaire.

      Je finis par croire tout ce qu'on me dit. Et si pendant un temps je me suis senti bien avec François, c'est parce qu'il ne me jugeait pas, et qu'il m'incitait à devenir meilleur, à croire en moi. Le hic c'est que je ne peux plus croire en de telles choses quand on me trahit.
      Voilà pourquoi je me méfie de tout, même parfois de toi... J'ai du mal à croire en une telle description de moi.

      Je suis le monstre que l'on pense que je suis... et je ne pense pas devenir "magnifique" un jour.
      Tu ne t'en es pas forcément rendu compte... mais au milieu de toutes ces critiques, je crois que tes derniers mots ont été les seules bonnes choses qu'on ai dites à mon sujet depuis la mort de François.
      J'ai besoin de les entendre... J'ai sérieusement besoin d'y croire.

      Que tu me dises que tu m'aimes... Si tu savais à quel point ça me touche... Même si j'ai du mal à le concevoir. Non, cela ne me fera pas rire... En revanche, je vais te sourire. L'un de ces vrais sourires que j'arrive à arracher des griffes de mon fatalisme perpétuel.

      Comment ai-je pu douter de toi à ce point ?
      Tu es... merveilleux... Je suis partagé entre l'envie de me terrer dans un trou pour disparaître avec ma honte démesurée, et l'envie de te serrer dans mes bras pour l'éternité... Ne plus te lâcher. Ne plus jamais te perdre. Si je devais me retrouver loin de Toi à nouveau, j'en crèverais...

      Il m'attire contre lui et je me laisse faire. Ce qui devrait être contre ma nature me semble le plus beau geste du monde. Je me sens tellement bien... Je me sens libre... Détendu, heureux. Et peu à peu le vide se remplit d'une lumière intense.

      - Si tu ne veux plus parler... alors je le ferai.

      Et oui, j'ai une langue, contrairement à ce que l'ont peut penser parfois.
      Tu as peut-être envie de te taire à présent, mais moi, j'ai deux ou trois choses à dire, finalement. Là maintenant, je me sens bien, je me sens libre, alors je vais en profiter, avant que la carapace de se referme, ce qui ne saurait tarder. Comme je ne suis pas très doué pour décrire ce que je ressens, surtout quand je l'ignore, je vais plutôt te laisser l'imaginer, et te parler d'autres choses qui me tiennent à coeur. Trop parler de nous pourrait nous nuire...

      Un léger sourire anime mon visage et je me sens transporté en Sibérie, auprès de ces frères que je chéris tant, dont je ne t'ai jamais parlé. Tu aimerais certainement les rencontrer... Ce sont des gosses formidables. Oui, des gosses, car je les considérerais toujours comme mes propres enfants, la prunelle de mes yeux. Je pourrais crever pour qu'ils soient heureux... Ca on l'aura compris. Merci pour les sermons, Youri.

      Une inspiration et je commence à laisser mes précieux souvenirs dépasser le barrage de mes lèvres. Je lui raconte ce que j'ai vécu pendant notre séparation, et la façon dont il m'a manqué. Je parle de chacun de mes frères et même de Youri, de mes parents... Je lui parle beaucoup de Mika, mon précieux gosse de quinze ans, dont l'esprit éveillé m'a émerveillé chaque jour pendant des mois. Ce gamin et moi... c'est quelque chose... Tout comme Toi, il est mon reflet. Il est la lumière dans mes ténèbres, et quand je me sens mal son souvenir m'illumine. J'aimerai trouver le moyen de lui envoyer mes lettres, et recevoir les siennes, sans que les autorités de Vampire's Kingdom et du reste du monde ne s'en mêlent.

      Je lui parle de tout et de rien. Depuis François, c'est la première fois que je me sens libre de le faire. Même cette conversation inoubliable avec Elizabeth ne m'avait pas autant permi de me libérer.

      Arrête-moi si je parle trop, quand je commence je ne m'arrête plus. Les rires, les grognements, la rancoeur, la tristesse, le bonheur, tout y passe, par ma voix et mon visage enfin relâché, envahi d'expressions que je ne me connaissais pas.
      Je lui raconte beaucoup de choses en vrac, mais pas tout, non... Il ne doit pas tout savoir. Tout le monde a besoin d'un jardin secret, surtout un type comme moi...

      J'aimerai que tu me connaisses autrement... histoire que tu puisses davantage me comprendre. J'aimerai que tu saches ce que je puisse penser, sans que je n'aie à parler... Tu sais très bien qu'un tel monologue aura beaucoup de mal à se reproduire.

      Les bonnes choses ont une fin et ma voix s'efface pour laisser à nouveau place au silence. Ca m'a fait un bien immense...
      Tu ne veux plus parler, mais j'ai besoin d'en savoir plus... Il y a tant de façons de s'exprimer. Je suis sensible à la musique, si tu me parles avec elle je comprendrai tout. Si j'ai parlé ce soir c'est parce qu'il est tout de même bon d'utiliser les mots, parfois, mais ils ne sont pas notre seule manière de nous comprendre.

      Joue, mon Autre... et je lirai en toi comme dans un livre ouvert... La musique est ce qui nous a toujours unis, et cette fusion devient parfaite comme la justesse d'un diapason quand l'harmonie des notes nous submerge. Elle se crée d'elle-même sans efforts.
      Je me lève et l'invite à me suivre, l'incite à prendre place au piano. Je m'installe sur une chaise à côté de lui, un léger sourire aux lèvres, et l'observe longuement, me perdant dans le mauve de ses yeux.
      Fais-moi rêver, rire, pleurer... Apprends-moi ce qui s'est passé.

      Ah, et puis au fait... une dernière chose, avant que je l'oublie :

      - Ed... Je t'aime.





    Edwin Vanelsin

      [Baudelaire, extraits de Les Fleurs du Mal]


      Parle, mon Tout, parle donc. Je te respecte bien trop pour oser t'interrompre.
      Tu le fais tellement peu... Mais lorsque tu prends la parole, tu sais, il pourrait bien se passer n'importe quoi que jamais je ne cesserais de t'écouter. Ce masque de pierre que tu t'imposes, je le déteste, il m'empêche d'accéder à tes émotions, à tes souvenirs... A ton Amour.
      Je suis tout ouïe. Ça, au moins, je sais bien le faire...

      Inlassablement, il l'écoutait, se nourrissait de tout ce qu'il lui offrait sans se risquer à l'interrompre. Parfois, il se risquait même à clore les paupières, au risque de paraître désintéressé, afin de savourer ses souvenirs qu'il acceptait de partager avec lui. Par le biais de son récit, il avait la possibilité de connaître une famille, de posséder une famille, d'en découvrir les joies et les peines, d'aimer et de haïr de la même façon que son Alter Ego l'avait fait, mais surtout... d'apprendre à le connaître de la manière la plus sereine possible. Non pas en s'affrontant, en se crachant des reproches et des mots durs à la figure, mais simplement au cours d'une séance de banales confidences.
      Il appréciait cette simplicité, il savourait le moindre de ses mots, le conservait en lui telle une bouffée d'oxygène et l'associait à ses semblables afin de former ce chemin imaginaire qui lui permettait de marcher sur les pas de celui qu'il aimait.
      Encore, encore, encore... Non, tu ne me gênes pas, tu ne m'ennuies pas, je t'en fais la promesse.

      Sa main se resserrait tendrement sur la sienne, la pressant lorsqu'elle ressentait la moindre difficulté dans ses propos. A l'évocation de Mika, il rouvrit les yeux et les plongea de nouveau dans les siens, se délectant de cette éloge dont il aurait voulu bénéficier, lui aussi, par un éventuel grand frère qu'il n'avait jamais possédé.
      Malgré les périodes sombres, malgré la haine et les désaccords, malgré les difficultés financières et tout le reste, il l'enviait. Il possédait ce qu'il ne pouvait guère prétendre avoir possédé un jour, ou peut-être simplement le quart, et une jalousie douce s'emparait de lui, jalousie qui se serait révélée dévastatrice s'il avait été question de quelqu'un d'autre.

      - J'aurais aimé les connaître...

      Ce murmure pour lui-même lui avait échappé, et il se renfrogna aussitôt, décidé à ne plus ouvrir la bouche jusqu'à la fin de son récit. Il se redressa simplement, laissa sa tête échouer sur le dossier du canapé et s'accrocha de nouveau à ses lèvres. Jusqu'à ce que l'épuisement ne le surprenne, il l'écouterait, qu'à cela ne tienne.
      Des promesses, il en avait déjà quelques unes en tête. Et il aurait été prêt à les étaler directement sur table si son Alter Ego ne l'avait pas incité à le suivre jusqu'au piano.

      Oh, et après tout, maintenant ou tout à l'heure, quelle importance... Je me confierai tout d'abord à toi, puisque je te le dois, et ensuite, on parlera de ces lettres qui te tiennent à cœur. Si elles sont de moi, elles passeront. N'ai-je pas écrit à Anouchavan ?
      A défaut d'avoir moi-même une famille... Si je peux au moins te permettre de retrouver la tienne, alors... Et puis, sans ces hommes qui t'ont ramené, tu serais encore là-bas. Et je ne peux m'empêcher de penser que quelque part, c'est un peu ma faute.
      Enfin, qu'importe...


      Ses mains avaient quitté ses genoux, et ses doigts prenaient déjà place sur les touches, presque par instinct, lorsque cette Phrase, ces Mots, cette Magie... ne l'interrompit. Le visage interdit, il détourna la tête de l'instrument et fut pris d'un doute destructeur qui s'abattit sur lui tel un fléau. Une hésitation dévastatrice le rongeait, et ce simple aveu, ce simple fait de poser des mots ordinaires, ou presque, sur des pensées, chamboulait ses prévisions musicales.
      Ses doigts quittèrent le clavier.

      - Je ne peux pas...

      L'aveu s'était échappé avec douleur et difficulté, et son regard était tout droit allé se planter dans le pied d'un meuble aux alentours, bien décidé à s'y enraciner afin d'éviter la réaction du bleu profond qu'il idolâtrait et redoutait à la fois. Sa langue fourchait, cherchait les mots les plus appropriés, mais aucune ne ses pensées ne semblait vouloir coopérer et cristalliser afin de lui permettre de donner naissance à une quelconque explication. Ses mains aux doigts honteux se crispaient, se tordaient sans jamais se lasser, et les seuls mots qui franchirent finalement la barrière de ses lèvres formulèrent un nouvel aveu dont il n'était pas fier.

      - Je ne veux pas que tu cesses de m'aimer... après cela.

      A ce tabouret maudit, il restait cloué, alors que son esprit s'accrochait de toutes ses maigres forces aux rideaux eux-mêmes accrochés de part et d'autre de la fenêtre, de l'autre côté de la pièce, pour tenter d'entraîner son corps à la suite et de l'aider à s'échapper de ce terrible dilemme. Il se devait de tout lui dire. Il devait tout lui dire. C'était ancré dans ses principes, à présent qu'il avait commencé, il était obligé d'aller jusqu'au bout.
      Tout... ou rien. Mais rien à moitié.
      C'était peut-être pour cela qu'ils avaient eu tant de mal à s'entendre. Peut-être pour la même raison qu'il avait émis l'hypothèse qu'un jour, il lui faudrait trouver quelqu'un d'autre. Pour que sa gourmandise soit contentée et qu'il puisse "posséder", plus ou moins, une âme à part entière, ainsi que le corps qui l'enveloppe.
      Son exigence l'écœurait, mais il ne savait faire sans. A croire que la centaine d'années qui lui pesait sur les épaules exerçait une telle pression qu'il ne pouvait se contenter d'apprécier les choses à moitié.


      Si je joue, tu sauras tout. Mais comment pourrais-tu continuer à m'aimer lorsque tu sauras que...
      Je n'ose le penser. Ce serait déjà de trop.
      Si toi tu es un monstre, alors moi, je ne devrais même pas exister. Tu n'as pas idée de ce que j'ai pu faire, de ce que j'ai pu croire, de ce que j'ai désiré durant ton absence. Je n'étais pas le même, j'étais... quelqu'un d'autre. Ou étais-je simplement celui que j'aurais toujours dû être ? Cet être qui n'écoute que ses propres pulsions, égoïste, profiteur, manipulateur... pervers ? Dans le fond... tu n'avais pas entièrement tort.
      Cesse donc de m'admirer. Celui qui t'a manqué pendant ces mois est mort. Finalement, peut-être que tu étais parvenu à me tuer avant de partir. Dès les premières secondes, j'ai changé.

      - C'est moi le monstre, Mihaïl. Si tu m'avais vu, pendant ces derniers mois... Tu ne m'aurais pas reconnu. Tu m'aurais haï, tu m'aurais craché à la figure, tu m'aurais ignoré ou rejeté. Je ne suis pas quelqu'un de bon... Ou du moins, si j'ai pu l'être, disons que je ne le suis plus. Est-ce que ce que tu ressens pour moi... va changer, si je te prouve que je ne suis pas si merveilleux qu'il n'y paraît ?


      Et mon regard douloureux affronte le tien. Tu voulais tout savoir ? A ta guise. Tu sauras tout. Tout, je te dévoilerai, je t'en fais la promesse.
      Aime donc la carcasse immonde que je suis. Ce squelette ambulant, dépourvu de souffle, qui se traîne, s'accrochant désespérément aux fils de vie qui glissent par chance entre ses mains.
      Et le mot terrible m'échappe... malgré moi.

      - Pourrais-tu aimer un mort ?

      Car c'est ce que je suis, Mihaïl, ne l'oublie pas. Je ne suis rien d'autre qu'un mort.
      A la réflexion... ça ne m'étonne guère que mon corps te rebute. Mon pauvre corps si froid, si terne, si grisonnant... Il faudrait être fou pour l'aimer, il faudrait être fou pour le désirer.
      Mais toi... Tu n'es pas fou.


      Les mains regagnèrent le clavier, et la mélodie parfaitement improvisée emplit la pièce. Choquante, inharmonieuse, ou peut-être simplement originale. Horrible et étonnante à la fois. Comme un arrière-goût de nouveauté que l'on se refuse à avaler, et qui nous reste en travers de la gorge.
      Parce que peut-être qu'avant, ce n'était pas si mal...

      Le début est affreusement vide. Ton absence, les toutes premières minutes, ce vide qui s'est creusé en moi, qui m'a rongé de l'intérieur, m'a dévoré les entrailles, m'a écrasé la cage thoracique. Les notes sont presque silencieuses, les sons étouffés, et se promènent, de-ci de-là, comme s'ils n'étaient pas vraiment liés entre eux.
      Et puis, la sentence tombe. Raide, franche, indiscutable, tranchante. Mes mains s'abattent avec une violence inouïe, plaque des accords mineurs tout le long du clavier : ma décision est prise, je t'oublierai. Je t'oublierai dans les bras d'un autre. Et cet autre... ce sera mon oncle. Parce que j'en ai envie, parce que je l'ai décidé.
      Parce que je ne suis qu'une pourriture, et que j'ai profité de tout ce qu'il pouvait m'offrir. Et Dieu sait ô combien j'ai répété cette expérience avec d'autres, après l'avoir fui une nouvelle fois.


      Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
      Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
      Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
      Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.



      A paroles funestes mérite musique funeste.
      Mon Angoisse, je te la retranscrirai mieux que quiconque. Tout comme cette haine que j'ai pu éprouver envers moi-même, et qui ne me rebutait pourtant pas à agir comme je l'ai fait.
      Toutes ces mains, tous ces corps, toutes ces saletés que j'ai ingurgitées... J'en aurais presque honte, si seulement je n'étais pas si lâche.

      Et mes avant-bras écrasent sans répit, mes coudes se plaquent à leur tour, une hystérie maladive s'empare de moi alors que je t'expose cette noirceur qui sommeille au fond de mon âme. Cette passion débordante que j'ai éprouvé pour lui, cette façon dont je me suis servi de lui pour t'oublier, ces actes que j'ai osé entreprendre pour y parvenir et pour soit disant le rendre heureux.
      Mensonge. Mensonge ! Pervers-profiteur-égoïste-manipulateur, pervers-profiteur-égoïste-manipulateur, pervers-profiteur-égoïste-manipulateur...

      La folie me possède alors que j'exorcise hors de moi cette pourriture qui m'a envahie et qui a fini par triompher de moi. Sans toi, je n'avais plus la volonté nécessaire à ma survie, et je me suis laissé mourir. Au rythme endiablé de ces notes funestes et de cette absence totale d'harmonie, je ferme les yeux, n'oppose plus aucune résistance à cette maladie fatale : la Mort. La mélodie contemporaine t'envahit, toi aussi, et t'entraîne avec moi dans ce défilé de pensées funèbres.
      Et sans prévenir, je t'attrape. Je t'emprisonne dans une étreinte diabolique et me saisis de tes mains avec force. Je les empoigne, les tords en de drôles d'angles, et je sens tes os craquer avec les miens. Ça ne te fera pas vraiment mal... ça t'effrayera juste. Et avec toi, je poursuis ma mélodie. Je t'oblige à enfoncer les mêmes touches que moi avec cette même énergie folle, jusqu'à ce que le contact de tes mains n'aie finalement raison de moi.

      Nos retrouvailles.

      Et tout simplement, je m'apaise. Une musique délicieuse et agréable, claire et cristalline, nous envahit tous les deux, et je me saisis à nouveau de tes mains pour poser les derniers accords de cette demi-cadence que je laisse dans un état de suspension à l'aide d'un magnifique point d'orgue. Ainsi, le morceau ne semble pas achevé, et pourtant nos doigts quittent ensemble cet instrument béni.

      - Il faudra tout de même que je le change... Le son n'est plus aussi bon qu'avant.

      Il avait parlé tout naturellement, presque indifférent face à cette Angoisse qu'il avait revécue et qui l'avait saisie aux tripes. De la manière la plus banale qu'il soit, il se releva, fit quelques pas dans une direction aléatoire. A vrai dire, sa destination n'avait pas d'importance, il souhaitait simplement s'éloigner... S'éloigner de Lui, s'éloigner d'Elle, de cette mélodie affreuse à laquelle il avait donné naissance.
      Simple reflet de cette pourriture intérieure que je dissimule aux yeux de tous.

      - L'amour d'un cadavre ne t'écœure-t-il pas ?

      J'ai besoin de savoir... Cet état de non-vie complique tellement de choses. Tellement de choses... Sauras-tu le surmonter, sauras-tu y faire face ? Saurons-nous y faire face, ensemble ?
      Est-ce qu'un jour, nous serons confrontés à la même mort, Toi & Moi ? Pour Toi, je peux bien mourir une troisième fois...


      Nous aurons des lits plein d'odeurs légères,
      Des divans profonds comme des tombeaux,
      Et d'étranges fleurs sur des étagères,
      Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

      Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
      Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
      Qui réfléchiront leurs doubles lumières,
      Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

      Un soir fait de rose et de bleu mystique,
      Nous échangerons un éclair unique,
      Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

      Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
      Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
      Les miroirs ternis et les flammes mortes.




      Je ne te demande qu'une seule et unique chose. Une simple promesse...

      " A la Vie, à la Mort ? "
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    Atticus

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    MessageSujet: Re: 23 - Edwin & Mihaïl, acte II.   23 - Edwin & Mihaïl, acte II. EmptyJeu 5 Avr - 15:13
      Ses doigts se tortillent. Son visage hurle ce que sa bouche refuse de laisser sortir. Mais que se passe-t-il, voyons ? Inquiet, je m'apprête à poser ma main sur son avant-bras lorsqu'il se met enfin à parler. Je l'observe en silence. Que veux-tu dire ? Qu'as-tu de si lourd sur le coeur à m'avouer ?
      Un mort... Est-ce que je pourrais aimer un mort... Bonne question.
      Evidemment ! Edwin, tu es tellement vivant à l'intérieur, et bien plus que moi... C'est toi qui devrait être dégoûté d'un cadavre ambulant comme moi. Ne dis pas n'importe quoi...

      Une étrange musique née de sa douleur émerge des profondeurs de notre passé. J'y reconnais certains de mes propres sentiments. Troublante, dérangeante, en quelques accords elle m'écrase le coeur comme dans un étau. Avec elle, le masque de pierre n'est jamais de rigueur, il s'effrite à la moindre nuance, et ma souffrance est telle qu'elle a figé mes traits dans une expression insupportable... Le désespoir, le noir, le vide. Je revis mes premiers jours en Russie, sans Lui, à travers la mélodie de sa propre histoire.

      Edwin... Si je t'avais vu pendant ces derniers mois... Rien de tout cela ne se serait produit. Cette pensée que je suis l'unique responsable de ce qui t'es arrivé ne me quitte pas. Si j'avais été là, tout ça ne se serait pas produit... Nous serions peut-être morts de désespoir, mais comment le savoir, après tout ? Je sais juste que je ne t'aurais pas haï.

      Comment te haïr, Toi, mon alter ego ? Je t'aurais certainement compris...

      Soudain ta folie s'empare de nous deux et je gémis en sentant mes doigts qui craquent. Plus de peur que de mal mais tu les écrases d'une telle force que mon rythme cardiaque accélère de plus belle à chaque nouvel accord bruyant. Effrayé, je tente désespérément de me débattre, de fuir ton emprise. Un réflexe incontrôlable, et pourtant je sais que tu ne veux pas me faire mal. Mais j'ai tellement peur pour mes doigts, c'en est maladif... Une phobie comme une autre, au milieu de toutes celles que je possède déjà.

      Nos retrouvailles.

      Le dernier accord est si apaisant... Quel bonheur de t'avoir retrouvé, mon Autre. Malgré tout ce que nous avons vécu, malgré tout ce que nous endurerons encore.
      Tu t'éloignes de moi, perdu dans tes pensées... Je demeure toujours silencieux, tentant de me remettre de cette histoire terrifiante que tu viens de me raconter. Les battements de mon coeur retrouvent un rythme plus ou moins normal.

      Edwin... Ne deviens pas comme moi, je t'en prie.
      Je ne connais que trop bien ce sentiment de moisir de l'intérieur, ça te ronge, ça te détruit, sans que tu ne puisses t'en débarrasser. Tu n'es pas un cadavre.
      Ne te persuade pas que tu es pourri, car c'est faux... AUjourd'hui tu es resplendissant, loin d'être mort, plein de vie, comme un tournesol qui relève à l'aube son coeur face au soleil. On s'en balance, de ce que tu as pu faire, dire ou penser hier, tout ce qui importe c'est l'instant présent. Tu viens de me jouer l'agréable mélodie de nos retrouvailles, et en l'écoutant, son macabre début a perdu de son importance... Je ressens cette ancienne souffrance qui s'est emparée de toi, j'en ai encore mal dans les doigts, mais l'unique chose qui doit avoir une valeur à nos yeux... c'est le fait d'en guérir.

      Edwin... Ce que tu as pu faire de mal en mon absence, j'en ai plus rien à faire. Tout ce qui m'importe c'est que tu sois heureux maintenant. Rien d'autre ne compte. Pas même le futur. Je ne peux pas te promettre que tu seras heureux demain. Tout ce que je désire c'est profiter de l'instant présent avec toi.
      En revanche je peux te promettre une chose : c'est que, quoi qu'il arrive, je ne te laisserai jamais tomber. Peu importe la situation, la distance, et tout ce qui se passera, tu auras toujours ta place dans mon coeur. C'est grâce à toi qu'il bat, tu es mon Tout, et ça ne changera jamais.

      - Je m'en fiche que ton coeur ne batte plus, ta mort physique n'est qu'un détail, Edwin... C'est pas ça qui compte pour moi.

      Je m'installe à nouveau sur le canapé, repliant mes jambes contre moi et les enserrant de mes bras. J'observe Edwin, longuement. Puis un sourire vient finalement creuser mes fossettes.
      Le passé n'a vraiment plus aucune importance. Eh oui, c'est moi qui dis ça... J'ai toujours vécu en fonction de lui, aujourd'hui j'en ai assez. Si on veut pouvoir profiter de la vie, il faut oublier... Tout oublier, pour tout reconstruire.

      Je fixe le violoncelle en face de moi. Finalement, c'est pas plus mal qu'il soit neuf, et qu'il ne soit pas de moi. Celui-là n'est pas né de mes douleurs, et si j'ai des reproches à lui faire je ne me sens pas coupable, car je n'en suis pas responsable. Sans prendre en compte la petite boîte que j'ai balancée au fond, il a un son sensiblement différent de mon ancien instrument, mais pas déplaisant.
      Après tout je ne vois pas pourquoi je serais incapable de l'apprécier. Il est différent, il faut juste que je réapprenne à le connaître... L'aimer comme il est, sans chercher à le changer. Le voir évoluer, suivre mon propre chemin tout en ne quittant pas ses pas du regard. Le protéger, me surpasser jour après jour pour le combler, parce qu'il est tout ce que j'ai... et que j'ai toujours chéri ce que je posssédais. Je jure sur mon existence de veiller sur ce que j'ai de plus cher... car il ne peut en être autrement.

      Edwin... Nous nous sommes fait tellement de mal...

      Je me relève, m'approche de lui pour lui prendre la main. Je l'entraine sur un fauteuil, prends place naturellement sur ses genoux, et lui adresse un nouveau sourire. Tendre. Sincère.

      - A la vie à la mort, je te le jure... Tu es l'homme de ma vie, je t'aime plus que tout.

      D'étranges sensations m'envahissent, inexplicables... Quelque chose que je n'avais jamais ressenti pour lui auparavant. Moi qui pensais il y a un instant que jamais je ne serais attiré par son corps, voilà que je change d'avis, subitement. Mes envies me jouent des tours, tout ça me perturbe beaucoup... Mais après tout, pourquoi ne pas me laisser guider par ce que je désire, simplement ? En oubliant tout ce qui m'est arrivé, en effaçant François de ma mémoire, je crois que oui, je pourrais désirer mon Alter Ego.

      J'achève de déboutonner sa chemise, ce que j'avais commencé à faire tout à l'heure sous l'emprise de la morsure. Je le détaille sous toutes les coutures, et ne pense plus à rien. Oui, c'est cela la clé... Ne plus penser... Se laisser porter.
      Ma main vient lentement se glisser sur la peau douce de son torse, remonte sur sa gorge et se glisse dans sa nuque. Je croise un instant son regard, puis m'approche de son visage, un peu hésitant. Finalement, je me penche davantage, doucement, et viens déposer mes lèvres sur son cou.

      C'est ce que tu désires, n'est-ce pas ?
      Pour Toi, je crois que je suis prêt à tout...

      Ta musique m'a tout dévoilé, j'en suis tellement touché, ému...

      - Je crois que... J'ai envie de toi, Edwin...


      ARRÊT SUR IMAGE.
      Ca... c'est ce qui se serait passé si je m'étais menti à moi-même. Eh oui, c'était un piège, et vous êtes tombés dans le panneau.
      Sérieusement, vous m'avez pris pour qui ? Vous y avez réellement cru ? Ah j'vous jure... N'importe quoi... Je suis sûr que ça vous a même pas surpris, bandes de nuls ! Vous ne me connaissez pas, depuis le temps ?

      Ziiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip ! Rembobinage de la cassette (ouais ouais, j'en suis encore aux cassettes).
      Revenons quelques lignes plus haut je vous prie.

      Edwin... Ne deviens pas comme moi, je t'en prie...

      Non non, plus bas.


      Edwin... Nous nous sommes fait tellement de mal...

      A la Vie à la Mort... Oui, très certainement. Mais je ne contrôle pas l'avenir.. Qui sait de quoi demain sera fait. Je peux te le dire, oui, et je peux croire en cette promesse de toutes mes forces, mais tout ne dépend pas de Nous.
      Cette promesse, je ne peux pas te la faire. Je ne veux pas te mentir... Je ne peux donc pas répondre. A la vie à la mort, oui, mais pas comme ça. Ne me demande pas de te promettre le paradis, ce serait l'enfer à obtenir.

      Rien ne sera jamais simple entre nous. On se complique la vie et la mort... Mais c'est bien parce qu'on le veut, au fond. Si tout était facile, ce serait ennuyeux, n'est-ce pas ? Mais nous finirons par nous lasser de toutes ces questions, ces promesses, cette vaine recherche du bonheur.
      Le bonheur, ça se choisit, ici, ailleurs, maintenant ou plus tard. On ne doit pas être heureux en fonction des autres. Si tu veux l'être, oblige-toi à l'être, trahis-toi, manipule-toi. Ne compte pas sur moi pour te l'offrir, car j'aurais beau essayer, tu ne seras jamais satisfait. Jamais.
      Mon affection pour toi ne te suffit pas. Tu veux plus, toujours plus, tu voudrais qu'on décroche la lune tous les deux... Mais j'ai de plus en plus de mal à y croire.

      Je me sens si vide... Parce que je ne pense qu'à toi. Moi, je ne serai jamais heureux, car je ne pense qu'à ton bonheur à toi. Je me rends soudainement compte que je suis en train de me forcer à devenir ce que tu attends de moi. Je t'aime, mais pas à ce point-là...

      Pour une fois, je n'en suis même pas désolé.
      Parce qu'à travers le reflet... J'aimerai exister...

      Mais ça, comment te le faire comprendre... Non, tu ne comprendrais pas. Je te blesserai, tu me repousseras, tu me haïras, du coup je me haïrai, je retournerai voir mon toit préféré, Lane viendra encore me sauver, et tout recommencera, tu verras, tu verras... Ton regard accusateur, ta déception, je les sens déjà sur moi. A peine te seras-tu demandé pourquoi je n'ai pas répondu, je me sentirai déjà coupable de n'avoir pas menti. Je sais comment tu vas réagir... Je sais que je suis en train de te blesser par mon présent silence. Mais que veux-tu que je te dise ?

      Tu préfèrerais le mensonge, peut-être ?

      La bonne humeur s'est évacuée. J'ai plus envie de jouer, même plus envie de parler. Mon sourire s'efface.
      Tu prendras ça pour une saute d'humeur habituelle, et c'est tant mieux comme ça. Je repousse mon violoncelle, car je n'ai pas envie de nous mentir en jouant quelque chose de gai. J'en ai pas le coeur. Excuse-moi... de ne pas être ce que tu cherches...

      J'aurais jamais dû t'embrasser. Oui, je le regrette.

      Un jour, tu en aimeras un autre... Et finalement, je te laisserai faire. Tu tomberas sur un type bien, moins compliqué, plus affectueux... plus franc, qui lui osera te dire ce qu'il pense.
      Et moi, dans tout ça ? Oh, moi j'en sais rien... Je vais laisser faire le destin... Si ça se trouve, un jour, j'aurai une femme, des gosses, un chien... une vie... qui sait...

      Quand le miroir se brise, le reflet s'efface.
      J'ai pas envie de disparaître comme ça...
      Edwin & Mihaïl... ça m'efface.

      Mais je ne saurais m'en passer.

      Je me relève et décroche ma veste du porte-manteau.
      Je me retourne vers Toi, peignant dans mes yeux cette tristesse éternelle et ce vide immense.

      - Faut vraiment que je prenne l'air, je ne me sens pas bien... Tu m'accompagnes ?

      Malgré tout, et quoi qu'il advienne, que tes pas se mêlent aux miens, mon Alter Ego... A la vie à la mort, oui, j'ai envie d'y croire, mais je suis loin de pouvoir te le promettre.

      Toutefois, peu importe le sentiment partagé... Edwin & Mihaïl, ça marche par deux.



      Ce monde, ce théâtre et d'orgueil et d'erreur, est plein d'infortunés qui parlent de bonheur. Voltaire.
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